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Après le fatigue
peinture Marc Chagall Tu crois ou tu espères que la fatigue sera le préambule à un repos bien mérité. Mais tu te trompes encore une fois de plus. Entre cette fatigue et le sommeil il y a encore des strates à traverser. Et dans lesquelles le corps et l'esprit se dissolvent dans des rêves insaisissables. Cependant tu peux mesurer un léger progrès en observant ton renoncement à vouloir les saisir. Quant à savoir vers quoi tu progresses ainsi, nulle nécessité d'y penser.|couper{180}
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rire chamanique
La vieillesse, la gravité, le sérieux, la tristesse, la mélancolie, la peur, ce sont des mots qui voudraient désigner des émotions. Mais ce sont surtout des fréquences. Il te suffit de trouver le bouton puis de changer de station. de fréquence. Zapper. Et te retrouver alors dans la joie, le bonheur, le plaisir, l'espoir, la jeunesse. Puis quelques instant après te rendre compte que cette nouvelle fréquence est comme le reflet inversé de la précédente. Tu parviens désormais si vite à t'en saouler. Et c'est à cet instant que surgit le rire chamanique. La perception de toutes ces fréquences simultanément qui fait exploser ta poitrine. On dirait bien un rire. Pas trop le moment d'y penser. Car déjà le vent se lève et te voici emporté par le rire au delà de toutes les stations habituelles de ce calvaire. Vers un Ici ou un ailleurs. Quelque chose ou quelqu'un, peut-être un vieillard ou un enfant, et qui frappe coeur battant un tambour imaginaire.|couper{180}
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Transfigurer
hier lecture à voix haute des trois premiers chapitres de 20000 lieues sous les mers à l'intention des petits enfants. J'avais peur qu'ils n'éprouvent cette fascination vécue au même âge lorsque je découvrais l'œuvre de Jules Verne. Notamment en raison de ce premier chapitre extrêmement documenté dont je ne me souvenais plus de l'aridité. Mais non, ils ont apprécié. ils m'en redemandent même pour aujourd'hui. En fait il m'aura fallu relire seul ces trois premiers chapitres plusieurs fois seul et à voix haute dans l'atelier avant de leur lire Un exercice de décorticage pour ne pas butter sur les mots, trouver le rythme de ces textes. Ce matin j'ai lu la préface de l'ouvrage écrite par Gilbert Sigaux. Je ne l'avais jamais lue, ou pas de souvenir de l'avoir lue. Ce qui me pousse à effectuer une recherche internet sur le bonhomme. Et là sacrée surprise. Ce type a écrit sur tant d'auteurs, c'est vertigineux. Il faudrait trouver un recueil de tous ses textes. Pas connaissance de l'existence d'une telle compilation pour l'instant. Si un lecteur peut me mettre sur une édition éventuelle ... Ce qu'il écrit sur Jules Vernes rejoint mes pensées du jour à propos de la notion de transfiguration. Une documentation solide avant tout. ce qui rejoint tout ce travail effectué ces derniers mois sur le fait de partir du réel. j'ai commencé à réunir 40 textes sur le ridicule, écrits sur mon blog. Pour l'instant simple copier coller sur un document word. Je ne relis pas. supprime tous les paragraphes pour constituer des textes blocs, l'ensemble est justifié et je me contente de mettre en forme seulement, en prenant soin d'indiquer les titres pour une table des matières à venir. Mais pour un recueil sur le ridicule, difficile de ne pas prendre conscience du ridicule de l'opération. Une fatigue de tous ces je surtout. Et déjà l'ennui possible est prévisible. Mais comme on le dit qui ne risque rien n'a rien. Et probable que la moindre difficulté n'est trouvée que comme prétexte à renoncement. Enfin tout travail trouve sans doute une utilité même si on ne la découvre pas pendant que l'on travaille. Le fait de travailler pour travailler uniquement et non pour un but pose un problème de logique.. Si on s'attache à la logique évidemment. On peut aussi se donner le prétexte du but, ça ne change pas grand-chose. une transfiguration peut arriver par plusieurs chemins.|couper{180}
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utiliser l’algorithme
Pour composer un recueil de textes. À la fin de chaque article lu relever les autres proposés par l'algorithme et ainsi les coller dans un document Word dans l'ordre où ils apparaîtront. J'observe ce mécanisme à propos du mot "ridicule". J'ignorais que j'avais écrit autant de textes à propos de ce mot. Puis pour aller plus loin, ouvrir le tableau de bord du blog et filtrer tous les articles avec l'outil recherche. Surprise de constater l'abondance, pas moins de 10 pages contenant 20 textes chacune, soit au total environ 200 textes. Évidemment que tout sera à relire, à nettoyer, beaucoup de mots pour ne pas dire grand chose, ôter ce qui est trop intime, ou abscons. Mais si j'en retire ne serait-ce que 20 % c''est 20 textes tout de même. Potentiellement un petit recueil.|couper{180}
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âme use ment.
Cornichon sur fond de gueule... peut-être le début d'un blason. photo trouvée sur le net. explorer les contraintes, observer comment les atomes en chute libre possèdent ce sursaut, peut-être l'élan vital, qui les poussent à soudain dévier de la verticale, à entrer ainsi en collision pour créer une réalité. l'anagramme par exemple paraît de prime abord un jeu d'enfant. Mais ce que l'adulte conserve de ces souvenirs n'est pas sérieux. C'est à dire dévalué la plupart du temps au profit d'un sérieux proche du ridicule. s'amuser avec son nom. bacati loch kabila poch tin Lakabil Pochtin Lakobal Pichon labocal Pichon Lakabol Pichon Lankabol Pichon Lankarbol Pichon lankarbol Pochin Lobrakan Nichpin bachanti nopin poilan trichon biplan berrichon boitan ranikop kaplan borichon cornichon kaplan à prononcer avec gravité comme une formule magique. Un petit faible pour Cornichon Kaplan.|couper{180}
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L’entre deux
smartcapture L'observation attentive du réel, ce que tu considères réel, ne parvient pas à de débarrasser du doute concernant ta propre existence. Même la douleur si réelle soit-elle. Tu as avalé tous ces petits cailloux jour après jour afin de t'habituer à cette douleur. Et désormais elle n'est qu'une donnée au même titre que tant d'autres. A égalité. Ainsi en est-il, des événements qui te traversent. Ce serait faux de dire que ça ne te fait plus rien. La sensation en est plutôt amortie, ou étouffée, elle semble te parvenir avec une latence, un décalage. Seule la conscience reste en éveil pour refabriquer cette réalité à chaque instant. A part elle, il semble que tout le reste soit mort. Et, aussi, que cette conscience peut tout autant créer un paradis ou un enfer selon son propre choix, dans une sorte d'autonomie à laquelle, toi, tu ne sembles plus du tout participer. Tu ne peux qu'observer et tenter de l'écrire ou de le peindre. Ainsi ce serait évident, ça collerait, comme la dernière pièce du puzzle. Quel soulagement. Te voici mort mais accompagné de cette conscience bizarre. Elle participe à un mécanisme d'anéantissement lent et progressif, une décomposition. Car cette conscience non seulement semble tourner en rond mais de plus elle déconstruit tout ce qu'autrefois tu croyais être ta vie. Elle s'empare de chaque bribe pour l'observer sous plusieurs angles comme un chercheur d'or au milieu de sa rivière, son tamis à la main. Et l'or qu'elle cherche , c'est l'absence d'or justement. C'est à dire une certitude en creux de tous les doutes qu'elle épuise. L'or qu'elle cherche mais qu'elle ne trouve pas encore. Ce qui crée comme un entre-deux.|couper{180}
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Ce que l’on déteste
Huile sur toile, travail d'élève Dans les romances la règle des deux refus fait partie des usages. Deux non avant un oui, puis on suppose que la suite ira bien. Ira comme il se doit. Désespérément vers l'ordinaire. Comme si l'acquiescement possédait, par convention, la vertu de remettre justement l'ordinaire en bonne et due place. Ainsi donc, on refuserait pour laisser la victoire au fil des jours, au quotidien qui, le pressent-on dès l'origine, sera toujours vainqueur. La suite des romances n'est généralement pas décrite. Ça n'intéresse personne. Où ça ne surprendra personne de la lire. La détestation qui s'affiche en préambule est même devenue un indice de la passion qui s'y dissimule pour le lecteur averti. Cependant, même si le canevas est devenu classique et donc banal, on continue à lire ces romances. sans doute pour s'assurer qu'une idée de la médiocrité est ce qui nous réunit le mieux de manière efficace. Et peut-être que l'acceptation de cette médiocrité première , finalement ouvre la porte à d'autres, toutes plus étonnantes les unes que les autres.|couper{180}
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Cliché mystique
La boite à outils du prêt à penser contient aussi un compartiment pour tout ce qui concerne l'extraordinaire, le mysticisme notamment. Petit coffret rempli de pacotille, et dont la présence de toute évidence est destinée à flatter le narcissisme, ou comme on le dit désormais l'ego. Rien de nouveau sous le soleil. La Fontaine l'a déjà dit qui le tenait d'Esope : cette propension bizarre à vouloir devenir bœuf et qui atteint la grenouille surtout lorsqu'elle est désœuvrée, oisive. Ensuite on peut aussi essayer de prendre un peu de recul avec la notion de cliché car elle devient aussi un leitmotiv à l'intérieur de ce système déjà cité. On peut tout à fait trouver une utilité au cliché comme au lieu commun. Pas nécessaire de toujours s'en offusquer, de les pointer du doigt à seule fin de se construire une posture. Car au bout du bout cette posture finit, elle aussi, par devenir un lieu commun un cliché n'est-ce pas. Donc le cliché mystique se répand désormais comme une belle tache d'huile, pas étonnant que les dérapages soient nombreux. Et si je rapporte cette notion à l'écriture ou à la peinture je peux mieux compter aussi mes propres difficultés ou raisons d'avoir sombré dans cette sorte d'égarement quasi mystique.. N'étant au bout du compte qu'un individu ordinaire parmi tous les autres, comment aurais-je pu imaginer moi-même y échapper sinon et fortuitement en revenant vers un peu plus de modestie ce que je considère pour le coup comme une grâce authentique. C'est à dire en vivant de la façon la plus ordinaire, voire parfois même selon les circonstances tirant vers le drastique et l'ascétisme non par choix mais surtout obligé par l'absence ou le manque de ressources. Etre en prise directe avec ce que tout le monde s'accorde à nommer une réalité et que l'on désigne par toute une collection de noms d'oiseaux. Comme s'il fallait absolument que l'or provienne de la boue, que la grâce naisse de la chienlit. Toujours la dialectique, la friction des opposés pour faire jaillir l'étincelle d'un briquet. Nous sommes bien loin de la magie première, l'image de la foudre tombant sur la terre illuminant l'obscurité. Epoque de briquet jetables. Le prêt à penser mystique n'est pas différent du prêt à penser en général. C'est juste un étiquette que l'on colle dessus qui semble créer la différence. Mais c'est juste une affaire de segmentation pour mieux cibler les call to action. Tout ce que l'on est prêt à croire lorsqu'on se croit désespéré est le rouage principale de la machination ubuesque dans laquelle nous vivons. Mais que savons nous vraiment de ce désespoir, de quoi est-il réellement constitué ... de clichés la plupart du temps. On peut se sentir désespéré parce qu'il convient de l'être lorsque certaines circonstances sont réunies. tout à fait comme une suite d'opérateurs logiques dans un code informatique. Premièrement tu es seul. Deuxièmement tu n'es pas comme ces images d'hommes ou de femmes dans les magazines. Troisièmement il est normal que tu sois frustré puisque tu es seul et moche. Si en plus tu n'as pas de boulot que tu es au chômage et en fin de droit en prime, tu atteins enfin au but : Te voici enfin désespéré comme il faut. Connerie relayée de plus en boucle par tous les médias. Effroyable mayonnaise. Mais ce programme qui en déclare la validité ? Peut-être qu'on pourrait modifier le code, l'interpréter complètement différemment. Tu es seul, donc tu n'es importuné ou n'importunes personne. Tu peux organiser ta vie comme bon te semble. Tu n'as pas d'attache, tu peux donc être mobile, prendre un avion pour te rendre à l'autre bout du monde et aller en plein hiver siroter un martini dry à San Pedro ou ailleurs. Secundo tu as une tête différente de celles des magazines. C'est plutôt une chance, tu peux te promener partout incognito. Tu te trouves moche ? encore mieux postule vite comme acteur et tu pourras avec un peu de chance ou de culot décrocher un second rôle d' assassin ou de méchant. Etc. Je veux dire que l'on n'est pas obligé de suivre le premier programme qui traine sur les écrans de télévision. On peut faire preuve d'un peu de créativité. Et même ne pas posséder de télévision du tout. On peut aussi se ficher totalement de toutes ces choses. Et par opération alchimique du hasard avoir soudain perdu toute illusion, tout désir qui ne nous appartienne pas en propre. Donc se trouver tout à coup serein, simplement heureux de vivre au contact de la réalité de tous les jours. Sans avoir même besoin d'en demander plus. Etre simplement content de ce que l'on a. S'émerveiller d'une couleur, d'une lumière, d'un visage inconnu, et tout cela sans même éprouver le besoin de le dire, de l'écrire. En le vivant dans une immanence perpétuelle sans même y penser. Je crois que le véritable extraordinaire, la vie la plus authentiquement mystique qui soit , se cache dans ce genre d'existence que nous jugeons à priori banale voire insignifiante tellement nous sommes dans une erreur d'appréciation entre ce que nous nommons beaucoup trop par paresse ou habitude : réalité et imaginaire. Encore qu'il ne faille pas l'ébruiter de trop car même cela finirait tôt ou tard par devenir un autre mot d'ordre, un nouveau slogan. Une nouvelle nappe d'huile.|couper{180}
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Ecrire sous la contrainte
Admettons deux hommes en présence. Un bourreau et sa victime. Admettons aussi une pièce de taille modeste, sorte de lieu propice aux interrogatoires. Admettons que l'éclairage ne provienne que d'une simple ampoule au plafond. Admettons que la première question du bourreau à sa victime soit : — Parlez-moi de ce que vous savez de l'Antarctique. C'est à dire précisément ce dont j'aurais le moins envie de parler. Ce dont je ne dois absolument pas parler. Que se passe t'il alors. Sachant que nous savons tous les deux que je sais quelque chose sur l'Antarctique évidemment. Que cette première question n'est posée que pour conférer le cadre de l' interrogatoire comme son but. Et ce d'une façon claire et directe. A savoir parler d'une chose dont je ne désire absolument pas parler surtout ici et en ce moment. Dont il vaudrait beaucoup mieux que je ne parle pas. Dont il m'est impossible de parler surtout dans les circonstances actuelles. C'est à dire en raison de l'actualité brûlante et l'apparition de certains signes, indiquant d'une manière indubitable que le changement est sur le point de devenir visible autant qu'inexplicable. Inexplicable dans les conditions habituelles où l'on a l'habitude de tout expliquer. C'est à dire par des constructions mensongères destinées à brouiller les pistes. Sous couvert de la science. Et ainsi de maintenir en place tout un système tirant sa puissance du secret. Ce secret permettant ainsi de matérialiser une frontière entre ceux qui connaissent ce secret et ceux qui de toute importance doivent l'ignorer pour que le statu quo se maintienne. —Parlez-moi de l'Antarctique. La répétition de la question fait partie du jeu évidemment. Pour ne pas me laisser le temps de trop réfléchir, d'élaborer de stratégie, pour essayer de tuer dans l'œuf toute velléité de résistance. Que cette résistance soit liée à des raisons toutes aussi réelles qu'imaginaires pour mon interlocuteur aussi bien que pour moi ligoté sur cette chaise fait probablement aussi partie des règles de ce jeu. C'est à dire qu'on examine à cet instant précisément les cartes que l'on a en main pour jouer. Et l'on se rendra compte à cet instant d'un ensemble de valeurs personnelles importantes sans lesquelles je perdrais à la fois mon intégrité et donc la vie. Ma première réaction est donc de toiser mon questionneur en d'adoptant la mine de quelqu'un qui ne comprend rien à la question. Ce qui bien sur déclenche aussitôt sourire et agacement sur son visage. Comme s'il avait prévu ma réaction. Celle- reflexe- qui est comme d'habitude de ne jamais refuser frontalement quoique ce soit mais plutôt de mimer l'idiotie- non sans talent- pour essayer de prendre la mesure des contours de la certitude d'autrui. voire si possible instiller en celui-ci le doute que je sache véritablement quoi que ce soit sur le sujet. — Parlez-moi de l'Antarctique. La question revient sans que le ton de mon interlocuteur ne change. Comme un mécanisme implacable qui semble être programmé pour déjouer nombre de ruses toutes aussi humaines qu'ordinaires. Pour le moment je ne souffre pas vraiment. Je me dis que je peux encore conserver le silence. C'est à dire tant que je pourrais trouver refuge dans ce silence, la résistance gagnera du temps et ainsi peut-être aurons-nous une chance, si mince soit-elle, de faire voler le système en éclat. De dévoiler en tous cas son mensonge au plus grand nombre. Est-ce que je suis vraiment prêt à donner ma vie pour cela, probablement. La vérité est à ce prix. Et puis qu'est-ce qu'une vie à l'intérieur du mensonge, peu de chose, seulement un ersatz de vie. —Parlez-moi de l'Antarctique. La question revient encore et encore. Sa raison d'être est de vouloir m'interdire toute pensée destinée uniquement à biaiser, gagner du temps et donc ne pas répondre. un cercle vicieux. Et puis l'autre s'approche. Il a une seringue à la main, probable qu'elle soit rempli de sérum de vérité. Ce que je trouve déplorable. Il n'est plus nécessaire de serrer les dents, d'endurer des souffrances physiques comme autrefois les héros de la résistance. Une simple injection désormais et on racontera tout dans le menu évidemment. C'est sans doute ma dernière seconde de lucidité, l'ultime instant où je peux encore me considérer comme moi-même avant de devenir un moulin à paroles au service de ces monstres qui nous gouvernent. Oui possible que je dise tout ce que je sais et sans doute bien plus encore sur l'Antarctique. J'en demande pardon d'avance à la cause. —Papier, crayon, écrivez tout ce que vous savez sur l'Antarctique à présent. Une dernière tentative pour faire l'idiot, mais déjà les mots surgissent, se pressent les uns les autres, un flot vertigineux, un tsunami. Toute la profondeur de l'Antarctique est là, au bout de la pointe de ce crayon que mon bourreau me tend|couper{180}
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Description partielle.
La tasse par exemple. Celle qui est posée sur le bureau de verre à quelques centimètres, (environ 5) , au-dessus du coin gauche du clavier. Je dis une tasse mais ce n'est pas le bon mot. C'est un mug de couleur gris-beige dont la partie gauche cylindrique s'enfonce dans l'ombre. En haut une ellipse plutôt ouverte ce qui indique un point de vue de l'observateur en hauteur par rapport à l'objet. La partie droite du cylindre est éclairée par la fenêtre à ma droite. Sur le rebord quelques reflets sans doute dus à l'éclairage de l'écran de l'ordinateur. Le mug est peut-être vide. De mon point de vue je ne peux pas dire s'il reste encore du café au fond de celui-ci. Le manche de ce que j'estime être logiquement une cuillère trace une oblique depuis le bord inférieur gauche de l'écran vers une partie plus obscure, le fond de l'objet. Cela m'a tout l'air d'être une cuillère tout à fait ordinaire. L'une de ces cuillères que j'ai toujours connues depuis mon enfance. Peut-être d'ailleurs fit-elle partie de ce lot de vaisselle et de couverts que nous nous partageâmes mon frère et moi. Ce devait être au printemps 2014 lorsque nous avons débarrassé la maison de notre père ; celui-ci décédé en mars de cette même année. Presque 10 ans désormais. Je me rends compte soudain que je peux compter un peu mieux les années qu'autrefois, grâce à ce petit garçon qui m'appelle Pidou et qui est né le jour même de l'enterrement. Derrière le mug je distingue une gomme de la marque Staedler (modèle Mars plastic) . Je la prends dans la main et constate qu'elle est encore dans son emballage. En la tournant de chaque coté je constate que celle-ci provient d'Allemagne, qu'elle a été fabriquée à Hambourg ce dont je n'avais pris la précaution de vérifier auparavant. Quel étonnement. Un peu plus à gauche un carter vide dans lequel on peut installer un disque dur type SATA. J'ai sur une étagère derrière moi une pile de ces disques étiquetés " Images, textes, Documents importants, Vidéos, Podcasts". Je prends conscience que je les utilise de plus en plus rarement. C'est ainsi que me vient à l'esprit cette intuition bizarre. la présence de ce carter vide près de ce mug dont je ne sais plus s'il est vide ou encore un peu rempli de café tissent comme une relation inédite. Une relation qui pour l'instant m'échappe. Ce qui me fait aussitôt songer qu'un tas de relations du même genre se déroulent ici même sur cette table et dont j'ignore à peu près tout du comment et du pourquoi. Ce qui m'interroge également sur les raisons qui me poussent à laisser ainsi les objets acquérir une sorte d'autonomie, à envahir certains espaces sans que je ne m'y oppose vraiment. Peut-être une sorte d'entrainement qui aurait commencé il y a de cela des années. Un entrainement à se laisser déborder par les objets plutôt que de m'astreindre à leur assigner une place, un ordre, qui serait beaucoup plus, selon moi, un genre d'évitement, une facilité, quelque chose de faussement rassurant et qui souvent m'agace.|couper{180}
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Les choses
nature morte au fusain, travail d'élève. Tu dis les choses car elles sont désormais innommables. Ce n'est pas par paresse c'est plus une forme d'abdication. Autrefois tu voulais que chaque chose soit à sa place pour ensuite pouvoir créer du désordre. Par jeu ou par ennui. Autrefois tu croyais et tu ne croyais pas au nom des choses. Toujours le doute qu'elles soient seulement le nom qu'on leur attribue. Tu avais aussi peur que tu désirais qu'elles fussent autres choses. Un pied dans le groupe un autre dans le mystère, position intenable. Inventer une langue pour désigner les choses ne vaudrait rien s'il n'y avait que toi qui parvienne à la déchiffrer. Mais dans ce cas pourquoi encore s'en soucier ? Et la solution serait-elle alors de t'écarter vraiment, de laisser la langue aller son propre chemin, ou alors de rejoindre la fosse commune. Dans les deux cas, l'anonymat serait un facteur commun. Et peut-être qu'alors la chose sera vraiment ce qu'elle est. Ce qu'elle a toujours été, ce qu'elle continuera d'être après toi. l'invincible puissance du nom des choses contre quoi nul ne peut lutter impunément. Mais le sachant cela peut-il y changer quelque chose ? Si tu dis pot, table ou bouteille ne se passe t'il pas quelque chose de nouveau désormais ? Et observe comment cette étrangeté d'autrefois se sera transformée dans l'intime d'aujourd'hui.|couper{180}
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Le voyage des loups
voyage des loups acrylique sur toile 250x150 2018 Dans la nuit, ils viennent l'enfant écoute leur pas crisser sur la neige Dans la montagne peu de bruit. sauf le silence des loups qui attendent dans l'ombre Puis dans la nuit quelqu'un hurle signal de la course à perdre l'homme et tous s'en retournent Au plus profond des soleils noirs. Texte écrit en décembre 2018. Période de fêtes. L'impossibilité de participer à l'allégresse est toujours la même aujourd'hui. Quelque chose résiste, s'oppose à l'euphorie générale. Une méfiance chronique qui provient de la perception de la violence dissimulée derrière cette allégresse. Et peu importe que cette perception soit pour les autres imaginaire. Et plus ces autres tentent de vouloir me convaincre du contraire, plus je résiste, m'accroche à cette perception. Nous sommes navrés de ne pas pouvoir nous rejoindre dans la joie comme dans la violence. D'embrasser les deux de façon frénétique par ce prétexte de la fête. Une sorte d'autorisation annuelle à laquelle il faudrait obéir pour être reconnu ou accepté dans la meute. Et ensuite commette en chœur tous les ravages en s'en remettant à un mot d'ordre, Noël car c'est Noël, les magasins sont ouverts en nocturne, chauffent les cartes bleues, s'accroissent les facilités de caisse, les crédits à la consommation. Pourquoi refuse-tu de t'aveugler de présents de cadeaux comme de tant de gentillesses avant que le cours normal de la vie reprenne. Le cours normal des choses et sa violence ordinaire. Tu es beaucoup trop sensible mon petit vieux, et tu vois beaucoup trop les choses en noir. Pour un peintre c'est mauvais signe. Mais justement leur dirais-je si cela pouvait les éclairer : ce ne sont pas les couleurs l'important mais les valeurs, et le contraste que celles-ci créent pour fournir l'illusion de surface et de profondeur. Face à une telle sauvagerie un réflexe de se rendre alors à la source de celle-ci les yeux grands ouverts. De rester éveillé dans un monde de somnambules. D'embrasser de tout cœur et corps cette solitude louve, de disparaître dans la lucidité la plus noire, d'y aller jusqu'au bout. Et enfin voir ce rien qui fait si peur, la lumière ce mystère. Rêve ou cauchemar d'enfant. Désormais tu en souris. Cela ne te fait plus rien, cela t'es égal. Tu participes à la décoration du sapin, tu as fait les paquets cadeaux, allumé les guirlandes électriques conservées dans le même carton que tu es allé chercher au grenier. Tu serais presque content si parfois tu ne jetais pas un coup d'œil par la fenêtre pour apercevoir la rue noire et l'ombre des passants que tu y devines. Et comme chaque soir, fête ou pas, tu appuies sur le bouton de l'interrupteur pour descendre le rideau qui masquera l'extérieur.|couper{180}