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une porte

une porte qui grince , une porte qui baille et gémit, une porte là tout en bas de l'escalier qui mène à la cave, une porte qui fait peur, une inquiétante porte, une triste porte une agaçante porte, une terrible porte, et vas-y qu'elle continue encore à gémir, à bailler, à grincer, cette porte de la cave que tu as brisée un jour alors que l'on t'avait enfermé dans cette cave, derrière cette porte fermée à double tour dans une presque complète obscurité, ça sentait la terre, l'humide, le salpêtre, le moisi, la carotte l'oignon, la pomme de terre et l'essence, et de tout rapetissé que tu fus alors dans ton coin, la colère t'a pris dans ses bras, la colère est ainsi, elle n'est pas une sœur, pas une mère, pas une amie mais tout ensemble et encore bien pire, la colère ne supporte aucune porte qui lui résiste et rien ne lui résiste, surtout pas cette vieille porte de rien du tout, la porte de la cave, la colère t'a pris dans ses bras et ses baisers étaient si osés, si licencieux, si obscènes et si délicieux, des baisers brûlants qui t'ont redonné force et courage, une force si puissante que d'un coup de pied tu brisas cette porte et maintenant elle grince, elle baille, elle gémit la porte, tu peux encore l'entendre quand tout autour de toi désormais se tait, que les fantômes passent sans un mot, que le silence lui forme un beau cornet, un pavillon de gramophone, la porte est la de nouveau, un grincement en 78 tours que les grands vents de la mémoire te représentent parfois quand l'idée d'une porte, comme par hasard, te revient.|couper{180}

une porte

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Nature

descendre l'escalier de pierre en observant l'horizon qui monte là bas les collines douces comme de grands corps allongés immobiles mais changeant par lumière et saisons, les connaître siennes avant soi et bien après déjà enfant, remonter une marche pour en revoir la douceur, redescendre une marche pour la conserver si possible en mémoire , avant de se rendre tout en bas au niveau des sols dans la rudesse horizontale qui oblige à tenir la perpendiculaire pour ne pas choir, sauf pour rire pour s'amuser à se rouler dans la terre et les cailloux dans l'herbe et la paille, avec le désir confus de s'enfoncer sous terre, de disparaître, de devenir invisible en surface, d'être taupe à grosses pattes, animal aveugle creusant d'infinies galeries jusqu'au centre de la terre et plus loin encore , en Chine, en tous cas le désir fou d'être avalé par quelque chose , d'être englouti tout entier, de se fondre complètement, de rejoindre ainsi la douceur des collines, devenir colline, devenir attente sans attente, nature.|couper{180}

Nature

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une envie

se réveiller avec une envie d'endive, puis se rendormir aussitôt car on méprise ce genre d'envie, on la trouve peu glorieuse voire insignifiante, mais c'est déjà un premier pas d'en prendre conscience. On pourrait même s'en féliciter un peu, avoir une envie c'est déjà pas mal. Ce pourrait être comme une petite graine que l'on plante dans son propre sol , aujourd'hui une endive et demain qui sait, peut-être une envie de dire bonjour à quelqu'un, d'aller à Kiev, sur la lune, se porter volontaire pour une cryogénisation express , partir en fusée dans un voyage au long cours vers les étoiles , sans espoir de retour, rencontrer des civilisations inconnues, être plus ou moins bien accueilli, se faire offrir l'hospitalité, un lit douillet, s'endormir et rêver - et ce aussi loin que l'on soit - de retrouver dans ce rêve le goût de l'endive, ce souvenir qui aura traversé tout l'espace- temps avec nous, qui aura survécu à tous les oublis, les renoncements et cette émotion alors que ce serait c'est sûr et si ça marche pour une bête endive - encore que rien de la bêtise d'un légume ne soit au moment où tu écris ces lignes prouvé scientifiquement encore- que dire du reste.|couper{180}

une envie

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silex

très attiré par le silex et quelle chance d'en trouver un surgit des profondeurs éprouvées déjà inouïes de la terre, était-elle grasse, ou bien crayeuse la terre du jardin, comment du gras peut naître une pierre si dure, et même du crayeux - on ne sait rien, sauf le miracle de voir, mi opaque mi transparent, naître soudain -et c'est si fort encore au souvenir - ce silencieux silex sur le sol du jardin- à moins que ce ne fut celui de la cour, cette cour en u qui comme un fer à cheval chaussait la maison sabot, cette grande bâtisse impossible à concevoir sans sa cour plantée de prunus, de pommiers, et son jardin où pousse l'oseille, la laitue, la salsepareille, l'hellebore la mandragore, le mousseron mignon et suave, la fraise acide ou juteuse, sans oublier quelques mauvaises herbes comme l'ortie - dont le goût est si proche de la citronnelle par temps clair sans orage et dont on se faisait peu de fierté de fabriquer des soupes, avec quelques bonnes vieilles pommes de terre, de ces patates que l'on allait ramasser de préférence dans un champs voisin, en cachette ou presque , au chant des grillons les soirs de promenade, que l'air était si doux et l'ennui si épais, on aimait tant les voir elles aussi ces pommes de la terre enfantées des sols -étaient ils gras ou crayeux , acides ou autre , on n'y songeait pas en ce temps là, on ne savait que se baisser, voire s'agenouiller, se plier en quatre pour s'approcher des sols, épousseter de sa gangue de terre, de poussière, les petits bonhommes bistres que recrachait la terre en surface et qui très certainement était la nouvelle enveloppe , éphémère, des morts tombés ici, tombés un peu partout - car notre joli coin n'aura pas été épargné du tout et les silex, l'oseille, la patate qu'on y trouve, c'est constitué de drame de tragédie autant que de comédie, les jours horribles et les jours sans soucis c'est ainsi que tout ça vient , naturellement, et à la fin on mange les morts du jardin et leurs os sont durs , ils sont silex et si l'on tape avec un silex sur un autre silex, je viens tout juste de l'apprendre , pas plus tard qu'hier, ça produit une drôle d'odeur, une odeur de guerre, une odeur de feu et bien sûr ça donne envie d'en faire du feu là, assis le cul par terre, sur le sol de la cour, sur le sol du jardin, sur le sol de la terre qui est vaste, tellement vaste pour de si petites fesses que parfois on pourrait se sentir comme un intrus, en tous cas guère plus important qu'une patate ou qu'un brin d'oseille, un brin d'ortie, un silex, pas plus important, mais pas moins non plus, et si par l'imagination on prend un silex en main et que l'on remonte les routes du temps pour parvenir bien avant encore le préhistorique, on comprend que celui-ci naît sous la mer, sous l'eau et peu importe que ce soit une eau douce ou salée, l'important c'est la boue que toute cette eau laisse en se retirant, en laissant derrière elle des pleins et des vides car c'est dans un trou que se forme le silex par un procédé magique, la dialyse, on le prend dans la main le silex, on en respire l'odeur et on voyage ainsi durant un temps qu'on ne saurait dire, est-ce une minute, une heure, des millions d'années , impossible à dire, et même parfois si l'on passe le doigt sur l'une de ses arêtes tranchantes on peut se blesser plus ou moins volontairement, on peut passer un pacte, devenir frère de sang avec la pierre sédimentaire, une amitié en nait, de feu et de dureté minérale qui n'a rien à voir avec les amitiés humaines.|couper{180}

silex

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chassé du pays des bisounours.

bousculade de mots à la rabelaisienne , de tout hait et qui ne se mange que si l'on est affamé et peu regardant quant à la fraîcheur des mets. Autrement dit amusement pour je qui s'essaie tout en s'ebanoie , d'être autre que ce qu'il est, sinon mirifique et par lequel l'ennui tient rôle du geôlier. Plus que je ne desservi envers eux, beau crédit me donnaient, d'un monsieur j'avais l'air et il ne se gênaient pas de m'en fournir les paroles ; tant sucrées qu'elles petzaient la langue au palais et causaient ainsi grand soif. Ce qui au bout d'un temps bref, mal vivant me rendit, voire sournois. Dond allais-je de par cette sente glissante ? ne le savais encore guère, tout entier emporté par la force cinétique des clameurs , le vertige des applaudissements, le genre d'iceux formés , pour le principal, de bravos et de hourras , et qui agissent comme maladie sur l'entendement normal sans même parler du mien. Donnant, je, un terme à la mystification, tout en freinant des deux pieds incontinent, avouant ceci cela et même inventant, les aperçus marris, contristés , et assurément victimes de rancune à s'en donner mutuellement force coups de coude, puis me conspuèrent correctement, se rendant sur le champs si malheureux d'une telle illusion démasquée de ma personne. Et pour clore l'affaire cent coups de bâton je reçus de la main d'un bourreau qu'ils nommèrent en urgence car, dans ce beau pays, n'existait si peu voire pas du tout le délit de mensonge qu'aucun châtiment n'avait, jusqu'à moi. été prévu pour y apporter fin. Enfin, on forma un grand cortège de tous les mécontents, on me conduisit à la porte de la ville et d'un dernier coup de pied dans le fondement on m'en expulsa sans plus d'explication.|couper{180}

chassé du pays des bisounours.

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Double Voyage, l’impossible retour

le double voyage c'est un premier texte qui prend sa source dans des impressions de voyage, le souvenir, et un autre qui tente de fournir l'illusion d'être vrai, mais qui ne l'est pas. Il s'agit du 3eme exercice de ce cycle d'atelier d'écriture Afghanistan 1986 1. ...C'est une hépatite qui m'empêcha définitivement de retourner à Kandahar le vrai but de cet énième périple photographique ; terrassé par de terribles maux d'estomac, les fièvres, les vomissements alors que nous parvenions enfin au sud de Kaboul notre première étape, et ce après plusieurs nuits de marche et de journées de désœuvrement, , je dû tirer un trait sur l'aventure, revenir vers le Pakistan , et bien sûr j'y revins ; médecin du monde confirma le diagnostic posé par J. médecin hindou au dispensaire de Peshawar, une fois que le groupe m'y eut déposé après la passe de Khyber. Enfin un pickup m'emporta et c'est crevé et penaud que l'on me déposa à New Quetta devant les bâtiments de l'organisation médicale internationale ; on m'ausculta encore ; magnifique ictère ! je devais revenir en France de toute urgence pour me faire soigner. Mais je ne retournai plus jamais dans ce pays que j'avais cru connaître avant de partir. Ce que les événements avaient produit comme impact sur la réalité dans laquelle je vivais, quelques mois à peine auparavant, l'avaient balayée et je me retrouvais soudain étranger dans mon pays natal. La contingence seule, avec sa tête de Janus, me tomba sur le paletot presque sitôt que l'avion atterrit à Roissy . Aucune idée de ce que j'allais bien pouvoir faire désormais. Mécaniquement je pris les transports en commun en direction d'Aubervilliers. J'étais comme un de ces rats blancs qui cherche désespérément une sortie dans le labyrinthe où je m'étais fourré de toute évidence tout seul ; il n'y avait pas d'issue, j'allais devoir reprendre ma vie d'avant mais cette fois fois dépourvu de tout espoir. C'était comme d'avoir à rechausser des chaussures usées jusqu'à la corde, enfiler des vêtements devenus trop étroits. En ouvrant la boîte à lettres un torrent de factures, de lettres de relances, d'avis recommandés me tomba sur les pieds. Puis, une fois parvenu sur le seuil de l'appartement, j'introduisis le clef dans la serrure, poussai la porte puis tentai vainement d'allumer la lumière car on m'avait coupé l'électricité. En effectuant mentalement le tour des personnes que j'aurais pu appeler, leur demander un peu d'aide, une puissance hostile me l'interdît aussitôt, non seulement la ligne téléphonique était coupée elle aussi mais surtout je su que je me retrouverais désormais, pour une durée indéterminée, ligoté à mes propres responsabilités. Kandahar s'évanouit alors pour de bon comme ont coutume de s'évanouir les mirages, et la réalité resserra un peu plus son étau : le retour vers cette forme d'invulnérabilité à la naïveté propres à la jeunesse, même en rêve, s'avérèrent impossible. 2. ... En aveugle, les mains en avant je fis plusieurs fois le tour de la cellule dans laquelle je m'étais enfermé quelques mois plus tôt. Bien sûr il ne s'agissait pas d'une cellule véritable, d'une cellule vulgaire, celle-ci je l'avais construite patiemment et de toutes pièces, une cellule uniquement constituée de rêves, d'espoirs, de buts à atteindre au bout de quoi se trouverait la gloire sinon rien. Devenir un grand photographe était ce but lointain que je m'étais fixé sans trop y croire, parce que tout simplement il faut bien un but. J'avais ainsi suivi les méandres d'une route étrange, une route parallèle à toute réalité, espérant qu'à un moment où l'autre la loi géométrique mentirait, que ces deux routes se rejoindraient. Mais c'est par cette cellule qu'elles passent ces routes sans même se toucher sans jamais se toucher, on peut les voir distinctement tout à coup du plus profond de l'obscurité mais ce n'est plus possible de poser un pied sur l'une comme sur l'autre, et ce malgré l'exiguïté des lieux. Étrange moment que celui de voir un but que l'on s'est inventé, auquel on n'a jamais cru vraiment, disparaître. J'imagine que cela fait partie de ces moments importants d'une vie à marquer d'une pierre blanche. Alors, comme toute issue vers l'extérieur était devenu dérisoire, et je crois bien que ce fut là un réel soulagement, je tentais d'autres types d'évasions, tous aussi périlleux qu'insignifiants, et, à bien y réfléchir il semble que ce sentiment d'insignifiance soit lié à la puissance que l'on s'obstine à entretenir avec le désir de s'évader, à cette tension que produit sur les neurones tout l'imaginaire d'un ailleurs comme au refus catégorique d'être ici bien sagement et de réunir assez de courage pour y demeurer.|couper{180}

Double Voyage, l'impossible retour

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L’éclat

Qu'est-ce qui a disparu, est-ce l'éclat du monde ou bien l'illusion qu'il ne se fut jamais un seul jour présenté à moi sans être cet éclat L'éclat qui n'a jamais existé peut-il réellement disparaître . Une question qui va encore me prendre un temps fou, peut-être même tout le temps qu'il me reste.|couper{180}

L'éclat

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Pollution

Selon le budget c'est lui qui ,chez nous, commande toujours plus que le désir, on acheta la maison dans ce village entouré d'usines, au beau milieu du couloir de la chimie. A Peage de Roussillon. La municipalité nous offrit comme cadeau de bienvenue plusieurs boites de pastilles d'iode, la centrale de Saint-Alban du Rhône n'est qu'à quelques kilomètres de chez nous. Parfois, suivant la direction des vents, des odeurs nauséabondes nous obligent à refermer les fenêtres pour qu'elles n'envahissent pas notre salon, notre vie. Peut-on dire que nous avons choisi de venir vivre ici, nous aimons parfois à le penser mais à la vérité ce fut surtout une histoire de fric, à la mort de mon père nous héritâmes d'un viatique insuffisant pour demeurer aux abords de Lyon, à Oullins où nous étions locataires. J'avais démissionné d'un job qui me tuait à petit feu, suite à un burn out, je n'avais plus de ressources, sinon par l'entremise de quelques missions d'intérim , nous tirions le diable par la queue sitôt le 10 de chaque mois franchit, une fois que toutes les charges nous étaient passées dessus. Nos comptes bancaires étaient dans le rouge d'une façon chronique, on se faisait des allers retours tant bien que mal mon épouse et moi, comme des naufragés tentent d'écoper l'eau noire qui monte dans une chaloupe. La mort de mon père nous soulagea, c'est triste à dire. Bien que l'effet ne fut pas immédiat car la machinerie mise en place par la législation, la société, suite à un décès, est d'une lourdeur, d'une lenteur qui broie les nerfs. A moins que ce ne fut notre situation quasi désespérée, notre impatience à vouloir en sortir qui l'a rendit encore plus lourde qu'elle ne l'est habituellement. Il y eut des retards, nous dûmes attendre plus d'un an avant de vendre enfin la maison de Limeil et encore elle fut bradée bien au dessous du prix que nous avions escompté.Toute une année encore à patienter, à jouer des coudes pour ne pas sombrer. J'avais ouvert un cours de peinture dans le garage et je n'avais guère pu réunir qu'une petite poignée d'élèves. Enfin le bouche à oreille fonctionna et le nombre passa assez vite au dessus de 10, puis 15 et enfin n'ayant plus assez de place nous décidâmes de louer un local ; ce furent des charges supplémentaires pour le rendre convenable et le loyer bien qu'important passa dans les charges de l'activité libérale car j'avais fait le nécessaire pour me déclarer comme professeur de dessin et peinture indépendant. Peu sur de moi, je ne demandais que 50 euros par mois aux élèves qui pouvaient alors venir à la carte dans ces nouveaux locaux, je fis un peu de publicité en distribuant avec mon épouse des publicités que nous placions dans toutes les boites à lettres de la ville, et bientôt , ce ne fut pas l'opulence, mais je parvins à me dégager un salaire approchant le minimum. A l'atelier nous travaillions essentiellement à l'huile, j'avais acheté tout un stock de tubes de couleurs à un magasin en faillite, et aussi un lot de toiles, pas loin de cent, j'avais de quoi voir venir. En y re songeant , cette année passa assez vite car je me rendais chaque jour à pied à mon atelier et y travaillais du matin au soir sans voir les journées passer vraiment, enseigner me plaisait, j'éprouvais cette sensation si agréable quand on ne l'a plus éprouvée depuis longtemps, celle de se rendre utile. Le problème de l'évacuation des produits utilisés pour la peinture à l'huile s'imposa assez vite. Je récupérais tous les fonds de whyte spirit, d'huile sales dans un bidon qui contenait autrefois du pétrole pour alimenter un poêle d'appoint et, une fois par semaine j'allais le porter à la déchèterie de la ville. Il n'était pas pensable d'évacuer tous ces produits hautement toxiques dans les toilettes du local -encore que je connais bien des personnes peu scrupuleuses qui ne s'en soucient toujours pas aujourd'hui. Je veux dire qu'une prise de conscience est encore certainement nécessaire quant à la responsabilité de chacun en matière de pollution. De plus, je ne le savais pas alors et je l'appris plus tard, ces produits peuvent être recyclés si on prend le temps d'attendre que les dépôts tombent au fond du bidon, si on les filtres correctement. Écologie et économie peuvent donc aller de paire. Je récapitule tous ces événements ce matin et surtout ces six dernières années où j'ai écrit comme un dératé sur ce blog. Le mot pollution me vient soudain à l'esprit aussi avec le constat du jour. Quelle responsabilité aurais-je oubliée en me laissant aller ainsi à polluer le monde avec tous ces textes. Et aussitôt l'image du naufrage, de la chaloupe reviennent ; on a beau essayer d'écoper d'un côté, de l'autre on se laisse déborder c'est inexorable. Et dans le fond je ne suis guère mieux qu'une de ces usines qui peuplent la vallée et polluent l'air ambiant. Et surtout le sachant désormais, qu'en faire ? Certainement retrouver ce vieux bidon, fourrer tout ça dedans, patienter le temps que ça décante, filtrer, Dieu sait comment, et recycler ensuite avec un peu de chance.|couper{180}

Pollution

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le retour du vieux françois

huile sur toile (en cours de réalisation 100x80) 2023 je ne serais pas si étonné qu'on en revienne tôt ou tard à une syntaxe proche de celle du vieux français dans l'ordre bousculé des mots qui nous rend cette langue à la fois si familière et si lointaine aujourd'hui. en lisant un poème de la revue catastrophe j'ai aussi pensé à Christophe Tarkos, à Mallarmé, à un bon nombre d'autres dont le but fut souvent celui de désordonner un ordre entendu ou imposé plus que de raconter des histoires. Des histoires on ne peut jamais vraiment en sortir, en revanche d'un ordre, d'une syntaxe certainement, mais encore faut-il savoir à quel prix. Pas une large audience pas de consensus. Ce qu'on en à faire, pas grand chose. Mais pour ceux qui aiment la langue pour ce qu'elle est, vivante, jamais aussi émouvante que dans son re agencement imprévu et qui fourbit de nouveaux sens, une autre parole que l'habituelle, voici une petite joie matinale. Ensuite si je rapproche cette façon de poser un ordre des mots différent de l'ordinaire avec la touche de couleur, par épaisseur ou au contraire fluide posée de façon aléatoire, contre justement une marche à suivre classique j'en arrive à peu près à la même chose que l'apparence moderne est une remise à jour, un update. Il faut voir aujourd'hui les grands maîtres de l'art figuratif chinois contemporain manier le pinceau éventail. On a l'impression qu'ils suivent les vents d'une navigation intérieure, leurs choix sont au début incompréhensibles mais une fois que l'on commence à voir où l'apparent hasard conduit leur pinceau, on est bluffé. Ils sont parvenu à créer une passerelle entre deux époques très éloignée, celle des vieux lettrés patients et la nôtre manipulée par toutes les urgences, il en résulte une émotion troublante, très forte lorsque soudain on tombe sur un mot que l'on croit connaître et que tout à coup cette pseudo connaissance s'évanouit pour laisser place à une intimité fabuleuse, quasi surnaturelle.|couper{180}

le retour du vieux françois

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caricature

Elle surgit et s'exclame, bonjour moi c'est S. elle nous tend un bout de papier sur lequel elle veut notre griffe, c'est le flyer de l'exposition, pas beaucoup de place pour s'étendre. j'hésite entre un coucou S. c'est super d'être venu, ou un sobre amicalement, moi-même point. Sa voix doit au moins faire un décibel de plus que toutes les autres ici. Ça rentre dans l'oreille de force. Impossible de l'oublier, de s'extraire. De plus la foule n'est que très minimale, quatre ou cinq personnes y compris nous mêmes, autant dire que tout l'espace lui appartient. Elle vient à chaque exposition, normalement en vélo ou à pied mais ce soir elle a pris sa voiture, il fait trop froid. On essaie mollement d'en placer une, au moins abonder un peu dans son sens , dire oh oui il caille, mais pas le temps elle est déjà partie sur un autre sujet, pas de silence surtout , il faut qu'elle meuble. On fait semblant de ne plus l'écouter, mais ça ne la gêne pas le moins du monde. Ces personnes, comme S. je me demande si elles n'ont pas besoin d'un public que dans l'unique but de redoubler du monologue, le projeter sur les autres comme autrefois du haut des remparts, des créneaux, lors des invasions barbares, on jetait de pleins tombereaux d'huile bouillante.|couper{180}

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Pouvoir et contre-pouvoir de l’imaginaire.

Quelques notes à partir d'une conversation avec G. hier soir à Ambérieu. Il me dit avoir écrit un recueil d'une vingtaine de nouvelles qu'il ne parvient pas à faire publier chez son éditeur de poésie ; que chacun de ces textes de 1500 mots chacun ne comporte que trois phrases en moyenne ; on en vient à parler de Claude Simon. Cette histoire de longueur de phrase me semble à la mode en ce moment. Moi-même y participe car je m'aperçois que j'écris de longues phrases de plus en plus souvent. La notion du point, considérée comme un obstacle presque une hantise au déversement du flot. Aucune idée de savoir si c'est une bonne ou mauvaise chose, c'est juste un fait. Ensuite d'en comprendre la raison, l'origine, sans doute certaines lectures récentes, mais dans ce cas cela ne serait pas naturel or lorsque j'écris je ne pense pas à ces auteurs du tout, je ne cherche pas à les copier, c'est peut-être quelque chose qui appartient à l'air du temps et qui nous contamine pour on ne sait quelle raison, et ce qu'on le veuille ou non. Peut-être la recherche inconsciente d'une ampleur d'une amplitude qui chercherait à contrebalancer une sensation d'insignifiance, de rapidité extrême des événements que nous subissons. On allongerait la phrase ainsi pour tenter de freiner de ralentir une présence que l'on ressent inexorable et qui nous pousse vers l'abîme. N'est-ce pas aussi une manière de révolte contre le lecteur qu'on imagine pressé de la même façon qu'on pourrait l'être en n'usant que de phrases courtes. Une révolte qui lui intimerait dans une longueur à prendre le temps de lire ou de relire chacune de ces phrases, d'en peser chaque proposition, chaque mot, chaque virgule pour parvenir, ensemble soudain à un point final moins douloureux ; ou qui nous réapprendrait plus simplement à respirer, à effectuer une vraie pause. Évidemment tout cela appartient à l'imaginaire, et justement G. me parle d'un petit livre qu'il vient de finir, une histoire de vieux nègre qui reçoit une médaille au temps des colonies - il a oublié l'auteur et le titre- la vision africaine de la colonisation, un texte issu d'une imagination différente de la nôtre si dominante Je m'étais déjà fait cette réflexion à la lecture de Chamoiseau, le mélange du créole et du français, et aussi avec plusieurs écrivains sud-américains, Garcia Marquez surtout dans cent ans de solitude, Cortazar bien sur, tout Cortázar, et même Amado, plus populaire à une certaine époque ; tout un imaginaire si différent finalement de notre imaginaire européen ou occidental, désormais américain si on devait prendre un triste raccourci. Cette hégémonie de l'imaginaire US d'une pauvreté désespérante quand on voit à quel point il aura envahit non seulement la télévision, le cinéma mais aussi désormais toutes les plateformes de streaming. Insupportable. Il y a peu j'en avais tellement éprouvé de dégoût que je suis allé voir du côté des sud- coréens, des séries de science-fiction pour la plupart mais je m'en fichais, un vrai bol d'air, notamment quand on observe les personnages féminins, cette impertinence quasi permanente que j'y découvre pour mon plus grand bonheur. Les films mongols aussi dont les plans fixes s'étendent comme les steppes à l'infini, le cinéma russe voire le chinois, autant d'imaginaires si différents, et de même que du rapport au temps. Récemment. deux acquisitions, toutes les œuvres de Borges dans l'édition de la Pléiade, deux tomes que je ne possédais pas encore ainsi que deux tomes constituant les œuvres complètes de Paul Valéry, dont je n'ai conservé de mes déménagements que quelques fragments épars, quelque part au fond de la bibliothèque. Ça ne veut pas dire que je vais me jeter dessus pour les lire avidement, je les ai voilà tout, je peux les feuilleter, peut-être en lire un extrait de temps en temps. Cela me fait penser qu'il doit exister aussi un imaginaire pour chacun quant à la façon de lire, comment lit-on les livres... personnellement j'avais pris l'habitude de lire de la première à la dernière page, une lecture linéaire. Et puis un jour je ne sais ni pourquoi ni comment, j'ai arrêté de lire ainsi, même les romans, surtout sans doute les romans. N'est-ce pas là déjà la tentative de contrer un imaginaire installé depuis les bancs de l'école et qui, l'imaginons nous longtemps, nous oblige à une obéissance, une servilité à lire tout livre du début à la fin, et qui au bout du compte détruit l'imagination et en tous cas le discernement. J'ai toujours été étonné du rapport que j'entretiens avec les livres, mais je mettais ça sur le compte de ma dinguerie habituelle. Que je rentre dans une librairie, une bibliothèque, je n'ai qu'à en apercevoir un, son format, sa couleur, son titre pour savoir presque aussitôt ce qu'il contient. De plus tout au long de ma vie il me semble que je suis tombé sur des livres qui arrivaient vers moi au bon moment à de très rares exceptions, et qui finalement ne furent là que pour confirmer ou renforcer la règle. Disons pour tenter de ne plus me faire douter de ce pouvoir bizarre. Mais bien sûr c'est encore et toujours une imagination au travail, pour contrer le fait entendu que le hasard ne veut strictement rien dire. On peut se complaire dans cette ignorance dans laquelle la raison, l'école souvent nous auront enfermé à triple tour. Il doit en être de même pour la construction de mon site sous Spip, mais je n'ai pas suffisamment encore de révolte, d'indignation face à l'imaginaire que charrie la construction de sites internet et qui doit répondre à tout un tas de critères SEO pour être aimables à Google. Donc, là encore, deux imaginaires en présence, le classique, faire tout bien dans les règles comme il faut, ou l'autre celui de l'outlaw. Mais pour contrer quoique ce soit il ne suffit pas d'être contre, il faut en comprendre les intentions, les rouages, la mécanique dans le détail, donc encore du travail à faire car je n'en suis qu'au debut avec Spip. Hier matin une grande toile commencée destinée à l'expo de Sainte-Cecile des Vignes, encore un visage peint d'imagination pour contrer probablement le fait que s'appuyer sur un modèle puisse être la seule façon de peindre comme il faut ce genre de sujet. huile sur toile 100x80 2023|couper{180}

Pouvoir et contre-pouvoir de l'imaginaire.

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le dieu pognon

Avec le temps, l'odeur de certaines villes, hélas celles qui s'offrent le plus facilement le long de la route du voyageur, avec le temps leur odeur est décelable à des kilomètres en amont d'y parvenir. Un mélange d'effluves épouvantables composée par les dépôts des ordures, le parfum bon marché, et les miasmes d'excréments qui sourdent des égouts, mal entretenus la plupart du temps dans ces cités abominables. C'est aux abords de l'une ces villes que je devais être parvenu. De celles où l'on honore le dieu Pognon, représenté par un angelot bouffi tenant une corne d'abondance. Une chose étonnante que j'ai pu observer afin de me divertir des répétitions c'est que la plupart de ses adorateurs sont composés de femmes. Elles le révèrent avec une telle ferveur que les hommes qui les accompagnent de plus ou moins bon grès en sont souvent gênés. J'ai connu des hommes rougissant des propos ou comportement de leurs épouses dans le monde entier, mais le rubicond de leur teint était rarement obtenu aussi sûrement que dans les villes adorant le dieu Pognon. Vestales le jour, prostitués la nuit, les adoratrices de Pognon sont difficiles à cerner pour un homme ordinaire. Et d'ailleurs ne font-elles pas tout, justement, pour demeurer incernables en s'efforçant de renvoyer tout homme autant qu'elles le peuvent à l'ordinaire.. c'est à dire à une définition très précise qu'elles ont fabriqué de l'ordinaire ; c'est à dire plus précisément qu'un homme doit rapporter comme un chien rapporte une balle qu'on lui jette, et en remuant la queue de joie , de plaisir si possible. Ce soir là j'avais voyagé dans une pestilence depuis tant de jours que lorsque j'aperçus enfin les remparts de cette ville je sus que je n'y pénétrerai pas. J'étendis ma couverture bien en aval de la ville abominable, dans un lieu où ne me parvint plus que l'odeur encore brûlante du sable et des pierres et je m'enfonçais dans mes rêves familiers ceux notamment où les femmes entretiennent par leurs chants et leurs regards de velours une ville innocente, et qui, pour cette simple raison, est extraordinaire.|couper{180}

le dieu pognon