import
import
Résistance
"Il y a plusieurs sortes de résistances mais aujourd'hui je me concentrerai seulement sur deux que je suis parvenu à identifier" Je me retins de ne pas pouffer de rire tout de suite parce que je savais qu'on allait encore avoir à faire à une espèce de cours magistral dont il avait le secret. "La première et non la moindre est ce que l'on pourrait appeler une résistance inconsciente. Ce sont toutes ces petites choses qui surgissent comme par inadvertance et qui semblent se mettre en travers de nos intentions. Cela peut aller de la simple étourderie à la bévue magistrale et on ne s'en rend compte qu'une fois que l'on tente d'effectuer le bilan d'un cheminement, la plupart du temps pour voir ce qui ne s'est pas passé comme on le désirait." En regardant ses chaussures je vis que l'un de ses lacets était défait comme à l'ordinaire. On pouvait le rencontrer en toutes circonstances, au marché, à la messe, au bistrot, c'était toujours ainsi : il ne semblait pas pouvoir supporter les nœuds. Une sorte de manie à l'envers si on veut... "Dans ce domaine je crois que je mérite souvent le pompon reprit il. Mais avec le temps ce que j'en retire comme enseignement c'est de m'interroger encore plus sur la fameuse intention de départ, tout cet imaginaire qui chez moi accompagne presque toujours toute intention. C'est arriver avant d'être parti en quelque sorte. On tire des plans sur la comète, on se demande ce que l'on va faire avec tout le gain obtenu avec le petit pot au lait qu'on trimballe vers le marché et puis là patatras ! on bute sur une pierre et on se vautre, le pot au lait se brise, circuler il n'y a plus rien à voir. J'imagine que l'inconscient parvient à décoder formidablement bien la nature véritable de nos intentions et que s'il nous propose des embuches c'est la plupart du temps pour atteindre à ce but qu'on ne s'avoue pas clairement. En ce qui me concerne il m'est arrivé de nombreuses fois de me tromper d'intention. C'est à dire de rester sur une couche superficielle de celle-ci. Comme par exemple vouloir être reconnu pour mon art, c'est à dire vouloir être accepté ou aimé suivant les diverses nuances que l'on peut accorder à ces termes." J'ai retenu ma respiration car à un moment j'ai bien cru qu'il allait se vautrer en marchant sur le lacet défait, mais par un rétablissement étrange il écarta l'autre jambe et trouva un équilibre nouveau. "Mais si je réfléchis à toutes les embuches que je me serai placées tout seul pour rater ce but c'est qu'au fond il y avait bel et bien quelque chose de confus dans l'intention. L'incident, l'accident, l'étourderie et la bévue ne sont que des outils qu'une part de soi utilise pour renseigner l'autre, c'est à dire cette infime partie qu'on appelle conscience. Au bout du compte comment savoir si une intention est juste sans passer par tout ce parcours de jeu de l'oie ? On peut tenter de réfléchir en amont, prévoir, élaborer une stratégie, planifier tout une série de tâches, et suivre au pied de la lettre chaque todo liste que l'on punaise sur son mur, ça ne change pas vraiment grand chose. Sans doute parce tout ce que l'on imagine même au plus près de ce que nous appelons la réalité, en est toujours extrêmement éloigné." Il va au tableau, le lacet traine, l'atteindra t'il ? mais oui encore un jeu de jambe, il s'empare de la craie et note TODO sur le tableau noir. "Et que les embuches finalement ne servent qu'à comprendre à quel point nous sommes souvent trop compliqués dans notre interprétation de cette réalité. Pour parvenir à la simplicité, voir à l'efficacité, à la clarté il ne faut pas compter sur tout ce que l'on pense mais plus sur ce que l'on fait véritablement. Or j'ai remarqué que nous en faisons souvent bien moins qu'on l'imagine. C'est à dire qu'on n'arrive pas à trier par la pensée l'enroulement le plus simple des actions à effectuer et qui doivent être parfaitement en accord avec l'intention de départ. On pense trop et mal. Parce qu'on ne voit souvent que l'aspect négatif de tel ou tel choix. En imaginant que si on avait fait un autre choix cela aurait été mieux. En fait peu importe le choix que l'on effectue il n'y a pas de chemin sans embuche. Mais on peut avoir un point de vue différent que celui qui nous entraine dans la plainte, l'accablement à chaque fois que l'on trébuche sur un caillou. Dans l'intention d'être accepté ou aimé qui est certainement la première de toutes les intentions de tout à chacun, on élabore des stratégies sur des on-dit. C'est à dire que l'on copie ce que nous pensons bénéfique à partir de canevas, de modèles. Sans nous rendre vraiment compte qu'il s'agit bien plus de diplomatie, de politesse, que d'affection authentique. Par exemple le fait de ne pas savoir dire non. Cela a toujours été un problème pour moi, la plupart du temps plutôt qu'avoir à expliquer mon refus j'ai dit oui sans vraiment réfléchir à toutes les conséquences de ce hochement de tête affirmatif. Si vous voulez de l'âge de 10 ans jusqu'à la cinquantaine j'aurais trouvé ma place parfaite sur le haillon arrière d'un véhicule à l'instar de ces petits chiens qui hochent la tête toute la sainte journée. Je disais oui puis j'oubliais, tout ça pour ne pas entrer en conflit, pour me faire accepter, pour me rendre aimable. Ce ne m'a apporté que des déboires en pagaille. Et j'ai été le plus misérable des hommes en me rasant le matin devant ma glace devant l'énorme tas de trahisons que j'imaginais avoir ainsi entassées par le seul fait d'avoir dit oui à la légère. Lorsqu'à la cinquantaine m'est venue l'idée fameuse du non, étant novice en la matière il ne m'aura fallu pas moins de 10 années encore pour comprendre que je faisais exactement la même chose qu'avec le oui. Je disais non pour me débarrasser des gêneurs de la même manière. N'est ce pas ironique ? Et tout ça à cause d'une intention mal placée. Une intention d'être aimable, ou bien une intention de ne plus prendre d'engagements foireux qui me desserviraient aux yeux des autres. Et si on soulève encore le tapis plus loin, l'intention qui se dissimule derrière tout cela, ce n'est pas d'être accepté par les autres, pas d'être aimé non plus, mais juste acquérir un peu de confiance en qui je suis véritablement. Pouvoir compter sur soi ce n'est pas compter uniquement sur l'intelligence, sur l'habileté, c'est aussi accepter toutes ces choses que l'on commet inconsciemment, que l'on appelle des bétises, des bévues, de l'étourderie, et qui si l'on prend le temps de décortiquer tout cela sont d'un enseignement incroyable sur ce que j'appelle la justesse, la clarté, l'impeccabilité. Avec un humour de potache l'inconscient se moque magistralement, à l'aide de la maladresse, pour que l'on saisisse peu à peu la douceur d'un sourire sous la violence d'un rire. Quelque soit l'habileté que j'ai pu penser à un moment ou un autre posséder dans un domaine, il y a toujours eu un moment où l'inconscient a surgit comme un diable d'une boite pour tout flanquer par terre et me dire : Alors mon petit pote tu te crois plus fort que qui déjà ? Ce qui force l'humilité à force s'il nous reste un peu de jugeotte. L'autre type de résistance serait consciente logiquement. C'est à dire que l'on s'opposerait volontairement à quelque chose. On peut manifester, descendre dans la rue pour brandir des pancartes contre telle ou telle réforme, tel ou tel scandale. On fait acte de résistance. C'est ce que l'on imagine facilement. Quelle intention se cache derrière la résistance du militantisme ? Pourquoi s'insurge t'on, se révolte t'on vraiment ? à quoi cela nous sert 'il sinon à déclarer que nous ne sommes pas d'accord avec ceci ou cela, en imaginant que nous possédons une importance quelconque pour changer quoi que ce soit. Je crois même qu'il peut y avoir une mode qui revient régulièrement de résister pour résister tout simplement. Comme une mode pour dire non après s'être trop longtemps fatigué à dire oui. Mais que l'on résiste ou pas à quelque chose je me demande si au final ça change profondément les choses. Sans doute que ça peut les retarder un moment sans plus. Les résistants auxquels j'ai pensé le plus furent des personnes comme Jean Moulin par exemple qui ne voulait pas que la France devienne l'Allemagne. Bien sur il y a eu cette victoire mais lorsqu'on regarde les choses attentivement désormais c'est bel et bien l'Allemagne qui donne le la à l'Europe toute entière, et nous français sommes tellement engagés dans ces relations franco allemandes qu'on ne remarque même pas l'ironie provoquée par une sorte d'inconscience européenne qui tirerait toutes les ficelles d'une Europe à venir qui probablement une fois réglées toutes les difficultés sera un grand pays." Un peu de plus et il va nous passer la cassette habituelle l'enregistrement de la voix de Malraux lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon ... JEEEANN MOUUUUULIN .... "Voir plus loin que le bout de son nez cela nécessite avant tout de comprendre où il s'interrompt pour laisser place au monde comme à la réalité. S'il faut résister à quelque chose en final c'est bel et bien à notre ignorance congénitale, surtout lorsqu'elle se pare des vêtements doctes du savoir. C'est cette résistance là qui m'intéresse le plus désormais en peinture comme dans tous les domaines de la vie. Continuer à résister contre toute velléité de possession en matière de savoir. Et vois tu, depuis que j'ai pris les armes, que j'ai sauté derrière la barricade je ne m'en porte pas plus mal, cela me fait voir le monde différemment, ça me change et probablement qu'au bout du compte ça finira par le changer lui aussi, à force de résister. Blanchon arrêtez de faire le pitre je vous prie vous ne faites rire que vous même !" Mais j'ai rien dit m'sieur, m'sieur attention vous avez votre lacet défait ! Autoportrait en jeune homme Huile sur toile 50x50 Collection privée. Patrick Blanchon Pour suivre mes travaux de peinture : cliquez sur les liens Mon compte instagram Mon site web|couper{180}
import
La satisfaction.
Je crois qu'il existait autrefois un terme pour désigner la fatuité, on disait d'une telle ou d'un tel qu'il arborait un "air satisfait". Ca ne s'utilise plus qu'en littérature et encore, un "air con" fonctionne sans doute beaucoup mieux désormais. Le terme de con étant tellement générique dans la langue que l'on pourrait considérer qu'il frôle le surnaturel. Suivant l'intonation avec laquelle il sera prononcé il sert de synonyme à une kyrielle de termes plus ou moins oubliés. Il y avait aussi le terme de "ravi" qui me faisait sourire à propos de Michel Rocard notamment. Ou encore un "air béat" comme celui qu'adoptait ma voisine Michelle lorsque soudain elle constatait que je n'étais pas le gentil garçon qu'elle avait dédaigné par ennui. Sans doute est-ce en partie la raison pour laquelle je me suis toujours méfié de la satisfaction ? Que sitôt celle-ci atteinte je m'empressais de passer à autre chose pour ne pas rester englué dedans. Et comme ce n'était pas normal j'ai eu de nombreuses fois l'idée de consulter. Mais à la pensée de régler ce petit soucis, d'être satisfait de comprendre pourquoi je n'étais jamais entièrement satisfait, évidemment j'ai botté en touche. En ce qui concerne l'idée de la réussite c'est exactement la même chose. Il suffit que l'on me dise : Tu es à deux doigts d'y arriver pour que le trouble le malaise naissent. D'ailleurs il m'arrive de m'effrayer régulièrement tout seul à cette pensée, je n'ai pas vraiment besoin de quiconque. Et si soudain je réussissais, et si soudain j'étais satisfait … quelle catastrophe ! J'en plaisante bien sur car je ne vois pas vraiment que faire d'autre que d'en sourire. La vérité est que tout bien pesé, tout bien considéré, la satisfaction comme la réussite ne m'ont jamais vraiment appartenu. Ce ne sont rien d'autre que des opinions extérieures que j'ai du faire miennes à un moment ou à un autre lorsque j'atteignais un résultat dans une suite d'opérations. Cette suite d'opérations n'avait pas pour but la réussite ou la satisfaction , c'était bien plus généralement l'envie de préciser une définition, d'explorer une théorie personnelle, de tenter quelque chose dont je n'avais pas vraiment la netteté mais que je devinais au delà de la confusion. Or le sentiment de satisfaction ou de réussite m'auront toujours entravé, me barrant la route, me frappant en plein vol tel un col vert buté par un chasseur. Il me semble que c'est vers le soleil, la lumière, la clarté que je fais route maintenant après avoir traversé toute la noirceur de la nuit, ses chimères, et ses désirs troubles. Comme si au final un choix tout de même s'était opéré entre l'ombre et la lumière. C'est ce choix qui est important, sans doute le plus important de tous les choix ! Et il serait vraiment dommage de le perdre de vue désormais en accordant un crédit exagéré à toute idée de satisfaction, comme de réussite. Il n'y pas d'oasis, pas de halte qui tienne, comme il n'y a pas de vieillesse, pas de fatigue. Il n'y a que des vues de l'esprit. Cet esprit qui se réfugie parfois dans la paresse par peur d'être aveuglé par la lumière de se dissoudre totalement en elle. Silhouettes en bleu huile sur toile 24x30 cm Patrick Blanchon 2021|couper{180}
import
La publicité
Encore un voyage vers Lyon et j'allume le poste de radio pour tomber sur une émission de France Culture. Une interview de Mercedes Erra. Présidente exécutive de Havas Worldwide, spécialisée dans la gestion des grands comptes. Elle fonde en 1995 avec Rémi Babinet et Eric Tong Cuong l’agence BETC Euro RSCG spécialisée dans la communication et la publicité. Elle est aussi notamment : · membre actif du Comité français de Human Rights Watch · un des membres fondateurs du Women’s Forum for the Economy and Society · membre permanent de la Commission sur l’image des femmes dans les médias · présidente du conseil d’administration du musée national de l’Histoire de l’immigration Bon ça va parler de publicité ce qui n'est d'emblée pas ma tasse de thé et je m'apprête à changer de station lorsque après quelques phrases prononcées par la dame je ne trouve pas bête ce qu'elle dit. Je n'aime pas le mot marketing je préfère parler de communication une entreprise qui ne communique pas ne va pas bien On peut faire de quelque chose de petit à priori quelque chose de bien plus grand Les anglo saxons étaient partout je me suis battue pour imposer une autre vision ... Du coup tiens où en suis je avec mes difficultés personnelles en matière de communication ? Suivent quelques anecdote notamment sur la promotion de la Peugeot 106 qui à priori était considérée par les hommes comme une voiture de femme d'une façon péjorative, ce qui du coup donne une piste de campagne surprenante et qui fonctionnera au delà des attentes. Montrer tout à coup que même les hommes sont prêt à tout pour utiliser cette voiture , placer des sentiments comme l'envie, la jalousie attribués généralement aux femmes comme motivation masculine c'était évidemment très fort. Voilà bien la fonction de la créativité. Celle de résoudre un problème avant tout autre chose. Sur quelques signaux faibles imaginer un autre monde qui pourrait advenir comme un changement de mentalité par exemple. On évoquera également la campagne pour Air France ""FAIRE DU CIEL LE PLUS BEL ENDROIT DE LA TERRE ? Et la dame ajoute imaginez une hôtesse de l'air qui tend une assiette à un passager, avec un tel slogan, avec les valeurs que ce slogan induit, c'est autre chose que d'être seulement dans un avion à servir la soupe. Bon. Je ne sais pas si les hôtesses ont apprécié tant que ça, si cela a véritablement changé leurs vies. Ce qui est certain c'est que la direction d'Air France a été séduite et c'est évidemment tout ce qui compte puisque un client satisfait c'est un client qui revient. Par contre sur la méritocratie que madame Erra prône je suis mi figue mi raisin. Sans doute parce que je n'ai jamais marché dans cette combine là depuis l'école. Sans doute parce que mériter quelque chose par la production d'efforts a surtout entrainé l'effet inverse chez moi, des trempes quand j'avais de mauvaises notes. Et sans doute que tout mon masochisme aura pris sa source dans ce constat que j'étais plus doué pour rater les choses que pour les réussir d'après les dires de mes parents, très à cheval sur cette notion d'effort et de réussite, à s'en gangréner la santé d'une façon exagérée. Sans doute aussi parce que plus tard j'ai voulu rattraper le temps perdu et que j'ai mis les bouchées quadruples en travaillant comme un dératé, ce qui n'amène rien de bon justement à part la jalousie la méfiance chez les collègues comme chez les supérieurs. Pourtant gamin j'avais senti rapidement que faire des efforts pour réussir appartenait à une époque révolue, que ma génération allait devoir payer les pots cassés de cette facilité avec laquelle la génération de mes grands parents, de mes parents s'en allaient à la guerre avec des étoiles dans les yeux. Cet arsenal d'outils afin de cultiver en soi le belliqueux, le rageur, on dirait aujourd'hui le mind set du winner était gardé par des lieutenants inflexibles : la discipline et la volonté. Tout ce qui me faisait cruellement défaut même en ayant essayé de m'y employer de tout mon cœur de toute ma ferveur enfantine pour faire "plaisir" à papa et maman. ça ne me faisait pas plaisir du tout voilà la vérité. Ca m'emmerdait même absolument de faire des efforts. Je n'en faisais donc que le moins possible afin de conserver mon intégrité. A côté de ça je développais autre chose surement sans que je n'en prenne véritablement conscience. Hasard et nécessité, j'ai depuis longtemps fait la paix avec tous ces troubles. C'est grâce à cette résistance à l'effort finalement que je me suis tant intéressé à ce qu'il était vraiment, ses motivations profondes , et aussi la notion de résultat- cette fameuse réussite- que l'on se passe comme un témoin sans jamais remettre en question la forme. Des générations de somnambules qui pour réussir seront passées à coté de leurs vies. Il y a quelque chose d'ingrat tout de même à écrire ces choses. J'ai bénéficié dans ce mouvement vers l'Eldorado d'avoir été logé, nourri, blanchit, privilèges que d'autres n'ont pas eu. Ce qui en outre aura provoqué ce sentiment de culpabilité, de trahison d'un membre qui rejette son groupe sa caste, qui ne fait rien pour continuer à porter le flambeau. Quelle publicité pourrais je faire sur moi-même qui ne me ferait pas vomir dans la foulée ? Quel slogan inventer pour reconstruire toute une histoire mal lue sans doute ? Je n'ai plus l'âge, voilà ce que je me dis, il est trop tard, c'est fichu. Voilà ce que dit une voix probablement paternelle. Tandis qu'une autre féminine lui répond : tu te trompes, tu y a mis le temps mais te voilà enfin prêt. La conviction voilà également un mot clef important pour réaliser une campagne publicitaire. Il faut un alignement authentique incontestable, être convaincu que l'histoire à vendre tient debout. Et le miracle c'est qu'une fois que l'on s'en convainc, elle devient la seule histoire, celle qui balaie toutes les autres. J'ai éteint le poste de radio sans écouter la suite, je me suis dit qu'il y avait là déjà suffisamment de matière à réflexion pour la journée. Dans ma coquille Techniques mixtes Patrick Blanchon 2013|couper{180}
import
Le format
La chose est assez simple à comprendre, tellement simple que tout le monde s'en fout. C'est comme si c'était entendu depuis le départ comme pas mal de choses que l'on fait ainsi, sans y penser. Et pourtant j'ai beau le répéter, ça rentre par une oreille et ça ressort intact de l'autre. Pas un pli, pas une striure, propre comme un sou neuf, l'information est comme une assiette d'amoureux transi, C'est juste un peu plus froid à l'arrivée. Et à chaque fois je rencontre des yeux ronds et une bouche bée. Tu es sur ? Tu nous l'avais vraiment dit ? Oh ben je l'ai dit déjà 1000 fois au moins comme tout un tas d'autres choses, il se peut même que sur ces 1000 fois tu m'aies écouté pratiquement tout le temps. Le problème c'est que l'information n'a pas du passer par le cerveau. Si tu as un truc à dire pense au format dans lequel tu vas le dire. ça ne sert pas à grand chose de peindre une tasse à café sur un tableau de 1 m sur 2. Encore que désormais on nous ferait croire que tout est possible, et même pire. Si tu veux provoquer oui tu peux. Tu peux faire une fresque sur le mur Est de la mairie en ne peignant que des poils de cul vus au microscope si ça te chante. On vit une période où il faut surprendre coute que coute et sur tout, alors vas-y te gène pas. Par contre moi je reste sur ma position, par respect envers tous ceux qui ont réfléchi un tant soit peu à cette question. Le format est important je n'en démords pas. Et puis il y a une histoire, on ne peut pas balayer l'histoire d'un revers de manche à sa guise nom de Dieu ! Imagine un peu le Sacre de Napoléon sur un timbre poste pour prendre les choses à l'envers... Comment ? ce serait rigolo ? RIGOLO ???? Et les Nymphéas en pin's pardi, hilarant ! Mais bon je ne dois plus vraiment être dans le vent t'as raison, après tout aujourd'hui tout est comme ça On parle de tout et de rien n'importe comment, n'importe où, tout est sans dessus dessous. Comment ? je parle comme un vieux réac ? mais c'est quoi pour toi un réac ? Juste quelqu'un qui te rappelle qu'il existe quelques règles de base dans la vie... voilà tout Le réac comme tu dis c'est le dernier bastion avant la foire d'empoigne totale, avant la boucherie générale : le libéralisme 3.0 Le format est une résistance au chaos depuis que l'on trouve des troisièmes voies partout pour tout embrouiller. Et à dessein ! D'ailleurs il n'y a qu'à regarder ce que propose cette troisième voie en général : c'est le chaos et pas grand chose d'autre. Les Tony Blair, les Macron et tous ces petits malins profitant de la confusion généralisée entre fond et forme en politique comme dans l'art contemporain, tu vois où ça nous mène ? Au bordel ! ce qui ne sert plus à grand chose vu qu'on a fermé les maisons closes. Ah ça te fait rire ? T'as raison esclaffe toi, rira bien qui rira le dernier ! https://youtu.be/PdaAHMztNVE|couper{180}
import
Celui qui ne voulait pas être pris pour un idiot.
Hier au soir en rentrant de mes cours je tombe sur un panneau m'indiquant que l'autoroute est fermée pour cause de travaux. Je dois donc emprunter une autre route, plus longue pour revenir chez moi. C'est l'occasion d'écouter quelque chose pour passer le temps et je choisi la rediffusion d'une interview de Zemmour par Ruth Elkrief sur Youtube puisqu'elle surgit en premier dans le fil d'actualité. Que penser de tout cela ? Et dans quelle mesure est ce que cette interview éveille t'elle mon intérêt ? Il y a évidemment quelque chose de louche, un peu de voyeurisme sans doute et aussi certainement une fascination sans doute trop exagérée de ma part face à toute manifestation de rhétorique. Mais bon, quoique honteux, je persévère. C'est important d'aller au bout de la honte comme de tout le reste. Comment un journaliste peut il provoquer autant de tapage aujourd'hui dans la sphère médiatique et politique ? c'est pour moi une énigme en même temps qu'un signe de la médiocrité générale dans laquelle médiatiquement comme politiquement nous baignons. J'écoute. Et finalement c'est intéressant. Car à de nombreuses reprises Zemmour reprend sa consœur en lui disant "je ne suis pas un idiot" Il faudrait donc entendre : je suis intelligent. Les kilomètres défilent, à la sortie de Givors un lapin en plein milieu de la route ébloui par les phares. Je ne roule pas vite j'ai le temps de freiner et de m'arrêter face à lui. Face à face avec le lapin qui finalement s'avère être un lièvre. tout cela sur un fond de discussion radiophonique. Mais je ne suis pas un idiot Ruth Elkrief ! Le lièvre rejoint le talus et je redémarre doucement Soudain me revient un paragraphe lu dans un traité de métallurgie chinoise où on trempait les lames des épées dans du sang de lièvre pour leur conférer force et invulnérabilité. Je ne suis pas un idiot une fois encore. Quand la journaliste évoque la pensée de Zemmour sur Pétain celui-ci pète un plomb. vous allez pas remettre ça encore une fois j'en ai marre bla bla bla encore pour en arriver à cette antienne une fois de plus Mais vous croyez que je suis un idiot ? Bon. Quelqu'un qui s'efforce de préciser à tout bout de champs qu'il n'est pas un idiot, à mon avis doit avoir une sacrée trouille d'en être un. Peut-être même un désir inconscient d'être enfin démasqué une bonne fois pour toutes afin de retrouver une certaine sérénité. Tellement la trouille qu'une majorité de ses pensées doit être orientée vers ce but principal. Autrement dit rien de bien dangereux ni de nouveau. Les voix des deux protagonistes s'amenuisent, j'ai ouvert la vitre et l'air frais entre dans l'habitacle. j'appuie finalement sur pause. Je suis content de rouler doucement j'aurais pu écrabouiller un lièvre autrement , ça m'aurait fait de la peine. Puis de fil en aiguille mon esprit saute sur le souvenir d'un lièvre d'Albrecht Dürer et je me mets à songer à la renaissance nordique puis évidemment à Jérôme Bosch et à son jardin des délices. Et puis maintenant que je pense à tout ça et que l'écris pour le comprendre je me demande si ça me ferait quelque chose encore d'être pris pour un idiot ? La vérité est que je m'en fiche totalement dans le fond et ça c'est une sacrée victoire, je trouve, après tant d'énergie dépensée là dedans à vouloir prouver ceci ou cela finalement qu'à moi-même. Du coup je suis passé à Lacrimosa de Mozart je n'ai plus pensé à rien d'autre qu'à regarder la route qui s'enfonçait dans la nuit face à moi. https://youtu.be/k1-TrAvp_xs|couper{180}
import
Le désœuvrement
Si l'oisiveté est la mère de tous les vices, le désœuvrement se retrouve en miroir père de toutes les vertus. De là à en inventer un, magistral situé dans les cieux, on peut comprendre le cheminement. A condition que vices et vertus aient encore un sens désormais. Si, comme dans ce dessin animé de Tex Avery le grand méchant loup ne continue pas à courir après un pivert au dessus d'un précipice tant il est tenu par l'envie de dévoration. Et quelle différence inventer désormais entre l'oisiveté et le désœuvrement et qui ne mettrait pas en scène la morale à l'aide de ce binôme parental ? L'oisiveté pointerait l'ennui tandis que le désœuvrement mettrait en exergue une absence, un manque. L'ennui et le manque démasqués. L'ennui et le manque révélés, si on les dévêt des panoplies tissées par la tradition, s'il ne sont plus des personnages appartenant à une tradition familiale, des marionnettes manipulées par les archétypes du père ou de la mère, si on cessait un instant de les reléguer sur la touche afin qu'un foyer, un monde puisse filer droit ou tourner rond. Une sorte d'apocalypse si on veut. Car selon ma propre expérience l'ennui mène à la grâce et le désœuvrement à l'œuvre. C'est à dire tout l'inverse de ce que j'aurais appris enfant. Tout l'inverse de ce que toute ma génération aura du apprendre pour un jour s'en défaire avec plus ou moins de bonheur. Pas étonnant que l'idée de la fin du monde soit si répandue aujourd'hui. Et que l'attente d'une apocalypse, d'une révélation qui va de pair en fasse languir beaucoup. C'est de tout temps ce pourquoi les nonnes et les moines s'enferment. C'est de tout temps ce que pensent devoir traverser comme un désert les artistes dans l'imagination populaire. Et, comme on le dit aussi : il n'y a pas de fumée sans feu ! Ennui et désœuvrement, le vice et la vertu qu'il faudra traverser pour accueillir dans la coupe vide ainsi façonnée : la grâce et l'inspiration. A la fin on les voit se superposer, ce ne sont que des synonymes, la fameuse corne d'abondance, l'élixir d'immortalité ou de jouvence, toutes les métaphores, les images s'effondrant soudain l'une sur l'autre. S'effondrant comme une ville soufflée par un deus ex machina, tremblement de terre, explosion nucléaire, déluge océanique balayant les immeubles comme des cartes à jouer. Et nous verront à notre guise, l'action de la fatalité, du destin, d'une colère divine, ou de l'absurdité du monde, de la vie. Ce qui dans le fond importe assez peu puisque le résultat sera la même, se retrouver nez à nez avec la ruine, avec la désespérance, avec la colère qui souvent en résulte avant de laisser place au deuil puis à la résignation. On ne parle que rarement de ce qui se trouve au delà de la résignation. On ne parle pas du vide bizarre que celle ci laisse en l'être face à ses frontières, à la peur et au risque de les enjamber afin d'explorer plus loin. Sans doute parce qu'on se méfie du vide, parce que cette part de nature qui réside obstinément dans le tréfond de notre humanité refuse toujours ce vide. La nature a horreur du vide a dit quelqu'un en apercevant le désert qui s'étend au delà de la résignation, puis il est revenu sur ses pas, a relever les manches et s'est mis à tout reconstruire à peu près comme avant. C'est que ne font pas les ermites, ni les artistes. C'est dans le désert qu'Isis retrouve chaque morceau d'Osiris démembré, pour qu'il devienne autre chose de différent qu'avant. C'est dans le Désert que Moise est interpellé par un buisson ardent et qu'il ne pourra du coup plus jamais mourir. Car peut on mourir une fois que l'on est monté au ciel comme Isaie ? C'est dans le désert que la mort et l'immortalité perdent aussi leur différence, que la dualité tombe. Le désert alchimique lieu de la fusion et de toutes les métamorphoses Pour indiquer qu'on peut tirer partie du destin, de la fatalité, et que tout antagoniste est nécessaire dans la grande histoire du monde, de la vie, de nos vies individuelles qui paraissent si dérisoires. Mais rien n'est dérisoire et rien n'est important vraiment et c'est par cette traversée double et trouble de l'ennui et du désœuvrement que ces deux mots sont décalaminés de leur gangue de poncifs. Qu'au final ce ne sont plus que des mots dans un livre que l'on regarde presque avec nostalgie en feuilletant les pages. On pourrait en venir à espérer l'autodafé si cette nostalgie nous emportait. Si on n'y mettait pas un oh là ! Cet élan en arrière quand on touche sa propre âme à présent. Ce cadeau spontané ne serait il pas Grec ? On se méfie encore par réflexe alors qu'il faut se jeter à corps perdu dans la grace, dans l'inspiration , dans l'oeuvre. Le désœuvrement ce n'est peut être que cela : de la méfiance. Cette méfiance qu'une partie de nous utilise pour ne pas disparaitre totalement dans ce qu'elle croit être une fin définitive, irrémédiable. Elle dirait alors tant que je méfie je suis en vie alors que la grâce et l'inspiration proposent tout le contraire : la mort c'est la vie. Mais quelqu'un s'obstine encore à poser des si par ci par là.... Si je meurs je renais comme on tente de contrôler le hasard avec une martingale... C'est parce qu'ils n'ont pas encore oser franchir la frontière de la résignation, ils négocient avec le douanier, ils soupèsent et supputent encore. Le douanier quant à lui connait bien toutes les ficelles. Il les regarde et il se tait, ils peuvent bien gesticuler murmurer hurler chanter même s'ils le veulent. Cela ne changera rien. Et puis un jour cela se termine, la douane s'évapore, le douanier aussi, la résignation, le désert, bref tout ce sur quoi on s'appuie sans relâche pour ne rien changer complètement, pour ne pas s égarer se perdre, disparaitre, tout cela on ne s'en souvient même plus. Il n'y a plus que le moment présent qui se vit lui-même en tant que grâce ou œuvre. Mais ce ne sont encore que des mots. Et ce ne sont pas les mots qui libèrent , "sauvent" de l'ennui et du désœuvrement. D'ailleurs tant que l'on pense à se libérer à se sauver c'est qu'on pense encore trop être enfermé. Et oui on a besoin de penser enfermement pour parler de liberté Comme on besoin d'évoquer le désœuvrement comme pour se préparer à l'œuvre à venir.|couper{180}
import
Ecrire un texte de présentation pour une exposition
Nous l'avions évoqué et je l'avais mise de côté soigneusement, cette idée de texte de présentation à proposer au catalogue en même temps que la liste des œuvres avec leurs prix. Cette gène d'expliquer la peinture à l'écrit comme à l'oral aussi étonnante que soudaine me cueille. Cet écueil dans la navigation pas si tranquille vers l'exposition, sans doute en suis je l'inventeur, pour ne pas dire le responsable. Il me faut des écueils régulièrement pour échapper aux langueurs monotones de l'automne. En été aussi, en toute saison. Sans l'écueil, pas de sensation de danger ni de naufrage, autant dire pas d'aventure. Sans écueil par de créativité non plus. Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai écris ce texte. j'ai cru à une tendance masochiste durant ma jeunesse . Mais je crois c'est plus poétique que ça, c'est dans un lieu situé avant toute psychologie. Et je vois bien qu'un préambule est nécessaire au préambule encore, pour retarder l'instant. L'instant d'évoquer ce voyage intérieur. Une série de leviers que je mets en place souvent inconsciemment pour finalement être prêt dans l'instant à soulever un monde qui ne serait qu'empêchement, ajournements, ennui, gravité ou pesanteur. Sans y penser à cet instant, c'est à dire sans barrière. L'essence ne suffit pas, il faut atteindre sans y penser à la quintessence. Celle qui n'appartient à personne et que tout à chacun retrouve dans l'intime. Parfois, justement lorsque j'y pense, je me dis quelle exigence ! et plus encore lorsque j'y pense : Quelle prétention, quelle vanité. Voilà la pensée qui ne pense qu'au risque et au danger et surtout invente mille façons toujours de s'en prémunir. Ca ne sert à rien d'aller contre non plus, de s'opposer. Il faut prendre cette pensée comme elle vient. La sagesse de la peur vaut bien la sagesse du risque, de l'audace au bout du compte. Ce qui est important c'est de ne pas perdre de vue l'unité. A quoi sert de voyager ? sans doute à la même chose que peindre, écrire, danser, rêver, et j'ai beau scruter l'horizon dans toutes les directions, je ne vois pas plus de raison que de destination précise. J'irais plus loin encore, A quoi sert de voyager ? puisqu'à chaque fois que l'on pense atteindre quelque chose, un pays comme un tableau on n'en finit pas avec l'envie d'aller plus loin. A quoi sert de voyager alors ? peut-être à observer le cheminement du désir, apprendre à le connaitre, faire un avec lui comme avec soi-même. Mon grand-père maternel était Estonien et il s'est rendu à Saint Pétersbourg pour apprendre la peinture, parce qu'à l'époque il n'y avait rien d'aussi prestigieux en Estonie pour étudier l'art. Ce voyage intérieur commence ainsi, avec le départ d'un jeune homme que je n'ai jamais connu depuis son village vers une grand ville étrangère dans laquelle il se sent étranger. Cette sensation d'être étranger je me suis toujours demandé pourquoi je l'éprouvais autant étant né en France ? Je n'avais aucune raison valable de l'éprouver de manière si aigue. Avant même de toucher un pinceau d'imaginer devenir peintre moi-même j'avais dans le sang ce leg de l'étrangeté d'être au monde comme un petit provincial découvre une capitale qui le subjugue. Cette étrangeté ma mère m'en parlait , elle était peintre aussi. Elle avait les yeux gris bleus comme mon grand père, comme moi même, ce lien du regard en silence nous unit encore tous au delà des séparations, des disparitions , un gris bleuté comme un ciel que j'imagine très bien au dessus des villages d'Estonie. Un gris bleuté de la baltique avec ça et là quelques lueurs d' orangers issues des profondeurs échappées de l'ambre. L'orange et le bleu que j'utilise souvent dans mes tableaux. L'héritage c'est cette histoire constituée de bribes que l'on passe un temps infini à mettre bout à bout, des bribes souvent éparses, rien de vraiment ordonné, c'est une navigation aussi pour s'orienter à travers tout cela, pour s'orienter dans quelle direction ? il y en a tant qu'on serait bien en peine d'en choisir une qui ne s'évanouisse pas soudain remplacée par une autre tout à coup. Il y a autant de destinations possibles que l'imagination voudra bien en fournir. Peut on faire confiance à l'imagination ? Parfois oui parfois non. Parfois elle nous trahit aussi. Mais faut il lui en vouloir pour autant ? Cette trahison elle même ne fait elle pas partie intégrante de ce voyage de cette navigation ? Les plus célèbres navigateurs partaient autrefois en quête de destinations comme l'Inde et tombaient sur les Amériques. J'ai toujours conservé en mémoire ce genre d'anecdote. Que le but était un moteur de l'action mais qu'il était rarement sa véritable finalité, en tous cas pas de façon droite directe mathématique. Il fallait étudier la courbe, l'enseignement inscrit dans son cheminement sinusoïdale, ses méandres, j'allais dire sa féminité. Il fallait aussi étudier l'art de traverser les labyrinthes en lâchant les traités les conseils et faire sa propre expérience de l'égarement. Intuitivement je crois que j'ai toujours su qu' il se cachait un savoir perdu dans l'expression passer du coq à l'âne aussi bien que dans le jeu de l'Oie. Deux cases en avant quatre en arrière. Comme si cette expression comme ce jeu attirait parfois l'attention sur la notion d'espace et de temps d'une façon bizarre. En tous cas bizarre pour moi . Lorsque j'étais frappé par cette curiosité je m'en ouvrais à mes parents, à mes camarades et j'avais en retour des réflexions qui portait sur le temps que je perdais à penser à ce genre de choses plutôt que de faire mes devoirs ou participer à des jeux collectifs. Passer du coq à l'âne je n'ai jamais cessé de le faire toute ma vie par curiosité, par obstination, par dépit, et aussi pour voir comme on dit au poker. Il y a quelque chose de désagréable pour un esprit façonné par la langue française, c'est ce que le Français nomme la sensiblerie. Et qui représente une exagération du sentiment, souvent considérée comme de la fausseté. Cette soi disant sensiblerie pour avoir voyagé de par le monde aussi je l'ai retrouvée à l'état brut intacte dans de nombreux pays, cette gentillesse, cette absence de crainte à manifester l'émotion, le sentiment et souvent dans des pays que nous considérons comme violents, dangereux pour ne citer que l'Iran ou l'Afghanistan, le Pakistan, violents ou barbares... alors que si l'on connait un tant soi peu l'histoire ils furent à la pointe durant longtemps de l'intelligence humaine, en matière de science, de technique, de littérature, d'art. Ce voyage intérieur évoque donc toutes ces pensées, tous ces rêves, toutes ces interrogations traversées dans l'instant de la peinture dans le mouvement de la peinture, dans le dialogue entre le tableau et le peintre, ce sont à chaque fois des conversations silencieuses, c'est à dire qui ne s'appuient ni sur les mots ni sur les pensées pour échanger. Non pas que mes tableaux relatent quoi que ce soit, je crois que c'est l'ensemble de tous ces tableaux qui montrerait l'unité vraiment de mon propos quant à ce voyage intérieur. Ce travail continuera à s'affiner dans sa proposition certainement à la fois quant à la notion d'espace dans lequel le faire exister et aussi quant à la sélection des œuvres. Le but étant de m'approcher au plus près de la clarté que je perçois à travers lui. Je suis aussi de mon époque, celle où l'attention ne dure qu'un déjeuner de soleil, où l'attention par un phénomène de zapping est attirée de tous cotés. Mon travail évoque ceci également non pas en pointant du doigt ce phénomène comme néfaste mais en essayant d'en tirer des leçons des enseignements. Si l'attention devient vulnérable à ce point c'est peut-être qu'elle n'est plus si utile qu'on l'avait imaginée utile jusque là. C'est qu'il faut faire appel à autre chose pour s'orienter dans le monde. Le danger est toujours présent et le sera sans doute toujours en ce qui concerne le détournement d'attention vers un profit. Sans doute parce que la notion de profit et d'attention sont directement reliées. En tant que peintre mon but ne peut être que le partage de mon travail de peintre et si je dois parler de profit et d'attention c'est pour vous attirer vers quelque chose d'intime que nous partageons tous, quelque chose de simple qui serait le plaisir de voyager de découvrir, le plaisir de vivre, sans trop de tapage, disons le une célébration. La peinture c'est mon pays pour reprendre la phrase de Gilles Vigneault, ce voyage c'est aussi un voyage dans la peinture par elle-même si je peux dire étant donné la nécessité d'absence et d'oubli que j'ai peu à peu découverte afin de disparaitre pour la laisser s'exprimer. huile sur toile 100x100 Patrick Blanchon|couper{180}
import
Tirer parti des catastrophes.
Je crois que le travail de réflexion a commencé à partir du mois de juin 2020, la réflexion sur cette exposition, « Voyage intérieur ». C'est-à-dire le murissement de cette idée, l’accumulation de données, le tri, les sélections, bref tout ce qui est nécessaire pour mener à bien une exposition qui, dans mon esprit, devait ressembler un peu à une rétrospective de mon travail sur 3 ou 4 années autour de ce thème. Dans mon esprit j’avais la surface, l’espace pour déployer ce travail puisque le Centre Culturel possède un vaste hall et plusieurs salles de réunions utilisées pour l’exposition annuelle « Vues d’artistes » que j’ai eu l’honneur de conduire à la fin du mois d’aout de cette même année. Dans mon esprit et tacitement je pensais pouvoir bénéficier de tout cet espace. Mais voilà finalement ce n’est pas du tout le cas. En arrivant hier matin avec ma voiture pleine, quelle déception d’apprendre que je ne pourrais pas utiliser les salles de réunion, celles-ci étant fermées au public en dehors de l’évènement « vues d’artistes ». Catastrophe ! Tout mon plan d’exposition tombe à l’eau. La première réaction bien sur est la panique, puis la colère, la déception. Comment refaire tout le plan de l’exposition en supprimant tellement de toiles en quelques heures à peine ? Pour les grands formats c’est assez simple, mais pour les formats moyens, les plus petits nécessaires à la compréhension de ce Voyage, il faudra les laisser emballés dans les sacs. De plus, difficulté supplémentaire, les cimaises que l’on me prête sont en nombre réduites et ne possèdent qu’un seul crochet, il n’y a pas de rabe. Je réfléchis à toute vitesse mais j’avoue que j’ai plutôt l’impression de mouliner à vide. C’est l’impasse. Heureusement Éric, membre de l’équipe du Centre Culturel m’accompagne pour accrocher les grands formats, il est le seul habilité à pouvoir manœuvrer la très grande échelle pour atteindre les hauteurs et régler les éclairage. Une histoire d’assurance. Nous commençons donc tout de suite car il ne peut m’allouer que quelques heures, débordé par d’autres tâches à mener à bien parallèlement. En cette rentrée si particulière, le centre est en effervescence. Mon idée est d’aérer, de laisser de l’espace entre les tableaux pour qu’ils ne s’écrasent pas les uns les autres. Les grands formats sont accrochés à 12h et le résultat est satisfaisant. Même si je ne peux pas respecter mon plan ça fonctionne tout de même. Il ne me reste qu’un couloir pour accrocher le reste de ma sélection. Pas de spots juste un plafonnier. Pas beaucoup de recul donc pour regarder les tableaux. Ce sera donc des moyens et petits formats. Soumis à la contrainte de ne pouvoir installer qu’une seule œuvre par cimaise, je renonce aux 20x20 dont j’avais préparé tout un sac et qui correspondait à une partie importante expliquant mon cheminement dans les gammes de couleurs. Le format le plus petit possible sera donc du 40x40 et le plus grand du 60x80 Je me mets au travail un peu comme un somnambule tant mon esprit est encore attaché à l’idée que je suis en train de vivre une catastrophe. J’en fais part aux différents interlocuteurs que je croise dans le vaste hall en allant fumer de tant à autres pour me calmer… Notamment Véronique la directrice adjointe puis Noël, le directeur à qui j’expose mes doléances. Puis je m’aperçois que c’est ridicule finalement, les choses étant ainsi et ne pouvant être changées, je ne peux donc m’en prendre qu’ à moi-même. Pourquoi ai-je considéré comme acquis que j’avais tout cet espace imaginé, pourquoi est ce que je n’ai pas pris le soin de demander plus de précisions lorsqu’on m’a proposé cette exposition personnelle… Je passe encore ainsi une dizaine de minutes à bien m’auto flageller. Mais évidemment ça ne sert à rien et l’heure tourne il faut livrer cette exposition aujourd’hui. Il faut que je me calme ! Finalement c’est une sélection plus resserrée à opérer dans l’immédiat . Quels tableaux sont les plus importants pour moi , non par la taille, par leur esthétique, par leur sujet, mais par rapport à ce parcours. Enfin j’ai trouvé un fil sur lequel tirer. Du coup il suffit de choisir ce tableau particulier qui est souvent logé en tête ou en fin dans une série. Je déballe mes sacs et sélectionne ainsi un seul tableau par série puis remballe le reste encore avec un peu de tristesse et d’amertume. Je devrais plutôt être content car cette expérience je le sais déjà est enrichissante. Avec l’expérience on finit par sortir plus vite de l’imaginaire morbide que distille la catastrophe de prime abord. N’est-ce pas encore une occasion de valider ce que je dis à mes élèves, ce que je me dis depuis toujours en peinture : tirer partie des accidents, des maladresses, des catastrophes. Alors quoi ? Et bien je ne l’ai pas volé, on me propose là tout de suite d’appliquer. Et voyez-voyez vous c’est là, exactement que la paix se trouve et que la bonne humeur revient. Peu importe que cette exposition soit réussie ou pas dans le fond ce que je viens de vérifier sur la vie et moi-même a déjà en quelque sorte toutes les apparences d’un bon point, d’une récompense. Et puis à bien y réfléchir n’avais je pas encore beaucoup trop de tableaux dans le coffre de mon véhicule ? Et cette profusion ne noyait -elle pas quelque chose ? Le voyage intérieur continue donc jusque là et c’est tout en même temps une leçon de peinture qu’une leçon de vie. Installation exposition|couper{180}
import
Unusta Thule
Huile sur toile 100x100|couper{180}
import
õitsemine
Diptyque 80x80cm x2 huile sur toile|couper{180}
import
L’admiration perdue
Arrive un moment où je surprends mon reflet dans la glace et ne me reconnais pas. Cette inadvertance effrayante puis salutaire. Un soulagement comme lorsqu'on se réveille d'un rêve absurde, un soulagement qui dure quelques secondes avant de replonger dans un autre rêve tout aussi absurde. Mais ce court laps de temps est amplement suffisant, une fois son étrangeté dissipée, pour laisser place à une paix incongrue. Une paix qui, elle aussi, surgit par inadvertance. C'est dans cet entre deux que je me suis souvenu du livre du rire et de l'oubli de Kundera. C'est drôle parce que ça a l'air de tomber comme un cheveu dans la soupe. Mais je ne suis plus à une incongruité de plus. Et tout de suite après j'ai repensé à toutes mes admirations anciennes et je me suis demandé ce que j'avais bien pu en faire, où donc elles étaient passées ? C'est comme ces histoires d'amour achevées. Lorsqu'on les vit on n'imagine pas qu'elles s'achèvent, qu'on puisse les oublier, que l'on puisse oublier jusqu' au prénom de l'être aimé, n'est-ce pas effrayant cela aussi ? et apaisant tout en même temps. Admirer et oublier, ainsi vont les choses tranquillement. Et je ne vois aucune raison désormais pour s'en plaindre vraiment, aucune récrimination particulière, il ne reste au bout du compte que la solitude et cette étrange paix une fois le sas de la peur traversé. C'est que finalement cette peur est la dernière cartouche que l'on tente d'amorcer pour se rassembler dans une solidité, dans une volonté qui, soudain démasquées, ne recèlent ni plus ni moins de mystère, de signification qu'un réflexe animal. Sans doute est-ce pour cette raison que je n'arrive pas à me rendormir. Il faut absolument que je me lève, que j'aille à la cuisine pour lancer un café, tout en tournant en rond comme une toupie en attendant l'écoulement complet. Une transe pour sortir du sommeil, pour prolonger la sensation d'étrangeté, pour observer aussi cette peur et cette paix entremêlées. C'est comme un fil sur lequel je tire ainsi et qui me dévoile des pans tout entier d'une réalité que je ne vois pas durant la veille ordinaire. A cet instant et à condition que je n'éprouve aucune douleur articulaire, je ne suis rien d'autre qu'une conscience se rendant compte de son rôle d'estafette. Le gros de la troupe est dans les limbes, dans une inconscience magistrale dont la suite infinie des opérations traitées est proprement pharamineuse. Je n'ai qu'à coller mon oreille contre les murs pour entendre tout le cliquetis, une usine qui jamais ne dort. Ce qui à mon sens nécessite ce morceau de sucre dont je ne peux me passer, ce demi sucre nécessaire pour atténuer toutes les amertumes et donner un léger coup de fouet chimique aux synapses comme aux neurones. Enfin, la première gorgée avalée la question revient comme un refrain : qu'est ce que j'ai fichu de toutes ces admirations d'autrefois ? Où sont elles passées ? et avec cela cette tristesse soudaine qui ressurgit comme un caniche qui saute mécaniquement pour saluer son maitre. La tristesse et la peur voici ce qui enferme dans une identité, voici à quoi on ne cesse jamais de faire appel comme pour accumuler des preuves à charge dans un procès qui ne s'achève pas vraiment non plus. Mais je suis moi, j'ai peur, je suis triste donc je suis ! J'adorais lire aussi Panaït Israti. Sans plus savoir dans mon souvenir dans quel lieu s'effectue la lecture. Je ne me souviens que de l'horizontalité du corps, je devais donc être dans un lit, étendu dans une chambre ou bien sur l'herbe d'une pelouse quelque part mais je ne me souviens plus non plus où et quand. Je ne me souviens presque plus déjà des titres, des rebondissements de l'histoire, de la trame toute entière... il n'y a plus que ces deux mots Kyra Kyralina et puis quelque chose de diffus tout autour, une atmosphère, une ambiance. L'odeur de tabac froid et du café qui coule encore quelque part. Et encore de la peur et encore de la tristesse qui réunit toutes ces bribes dans une familiarité devenue suspecte. Je peux citer pourtant tous ces écrivains, sans réfléchir beaucoup. Comme si tout ce que j'ai lu d'eux était depuis lors comme engrammé dans leur nom seulement. Toutes ces atmosphères toutes ces ambiances de lecture et les synesthésies s'y associant mystérieusement mais de façon anarchique, sans logique véritable. Borges et son Aleph, ce voyageur en quête du pays des immortels, et sa déception surtout en l'atteignant. En découvrant l'ineptie apparente dans laquelle un ennui formidable plonge ses habitants. Il est là aussi question d'un renoncement à toute forme d'admiration entrainant une chute interminable dans cet ennui. Mais ce n'est encore que moi qui ait compris cela qui l'ait interprété. Peut-être n'est ce même pas de l'ennui. C'est un oubli permanent et une absence totale de question. Ceci expliquant cela. Jeune je ne pouvais me passer un seul instant d'admirer quelque chose. Admirer me rassemblait durant un temps avant qu'irrémédiablement je ne me dissolve. Ce n'était pas le sujet d'admiration le plus important comprenez vous ? C'était l'admiration en tant que remède à une sorte d'oubli quasi congénital. Je n'arrive plus à me rendormir je crois que j'y ai renoncé progressivement en soupesant le pour et le contre. Grace à l'insomnie comprenez vous j'ai l'impression de résister à l'érosion tout en sachant que c'est peine perdue d'avance. J'écris en ne cessant de me souvenir que dans 1000 ans tout le monde aura oublié Cervantes, Homère, Dante et moi-même. Ce qui une fois l'appréhension toute entière traversée, comme une nuit, apporte aussi un sacré, un mystérieux soulagement. Samsara acrylique et feutre format 30x30 cm Patrick Blanchon 2020|couper{180}
import
Le fragile et le fort
Tu dis c'est fort ou c'est fragile sans connaitre. Tu le dis par reflexe, par habitude, poussé par les on-dit. Tu devrais te taire. Et vivre le silence fracassant qui suit à son début. Qui brise toutes les murailles par sa fréquence assourdissante. Et te laisse là éventré, ébloui, tout en même temps. Enfin prêt à rebattre toutes les cartes et les redistribuer La dernière étape est de repousser la pensée pour laisser le souffle aller. Sans même y penser. Huile sur toile Patrick Blanchon|couper{180}