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La peur du vide

La toile est vide et il faut la remplir de quelque chose. C'est sans doute ce que je me dis lorsque j'entreprends de peindre à mes débuts. C'est à dire à partir du moment où je me mets à penser, où la conscience devient le capitaine du bateau qui répudie les rêves, les fantasmes, la naïveté à fond de cale. Cette conscience capitaine se dit à elle-même qu'elle aura besoin pour exister de tellement de serviteurs et d'outils, de détracteurs comme d'admirateurs... Il lui faut remplir quelque chose afin de dissimuler ce qu'elle estime être le manque. Il lui faut comparer, rivaliser, construire des échelles de tout acabit pour se positionner ainsi sur tel ou tel barreau de celles-ci ... se mettre en quête d'une idée d'excellence sans même prendre le temps d'étudier ce qu'est véritablement l'excellence. Une conscience qui pour grandir s'appuie sur des rumeurs, des "on dit". C'est une conscience qui n'existe que parce qu'elle se reflète dans l'extérieur, elle ne peut être sans miroir. Et en même temps entravée à tout bout de champs par les émotions, les sensations, les sentiments, tout ce maelstrom émotionnel dont elle ne sait que faire. La conscience est tout à fait consciente surtout qu'un jour elle s'éteindra avec le corps. Que la mort balaiera tout. Elle devra fixer le vide en face avant de se laisser engloutir par celui-ci. Il s'agit de trouver la bonne embarcation pour effectuer ce voyage, dans l'espoir d'abolir la peur. J'ai essayé un tas de choses. La musique, les filles, l'écriture, la peinture, la marche, l'alcool, l'apnée, la danse de Saint-Guy, l'étude du Talmud et de la Cabale, l'alchimie, les rituels chamaniques, j'en passe et des meilleurs... Je vous livre ça dans un joli désordre. Auparavant je ne parlais jamais de ces choses. Elles me faisaient honte, elles me renvoyait à mon incohérence crasse. J'avais cette conscience aigue ( toujours elle) que toutes ces choses n'étaient que des pertes de temps. A chaque fois cette défaite, cette sensation de s'être fourvoyé. Alors je me suis demandé ce qu'était le temps. comment pouvait-t 'on perdre ce que l'on ignorait posséder ? Car sans le savoir j''étais éternel vous savez, j'avais à la fois trop et pas assez de temps. Je ne savais pas employer le temps, comment peut-on employer une absence ? C'est grâce à l'ennui que je suis revenu au rythme, à la musicalité et donc au temps. Au début ça avait l'air ludique de taper sur des gamelles puis assez vite pas vraiment. Se lever à l'aube pour se rendre à l'école, à la fac, à l'usine, au bureau, sur les chantiers, à Pôle-emploi, en formation, au supermarché, à la gare, au cimetière, à la maternité... Il fallait bien compter sur le temps. Il fallait accepter que ce soit quelque chose d'entendu par la collectivité. Il faut passer par le temps pour rejoindre les autres, sans doute aussi traverser cette fameuse peur du vide, de la mort, pour parvenir à faire de soi un accueil serein. Sans pour autant quitter l'humain. Pouvoir toujours s'énerver, se mettre en colère, avoir cette sensation de peur qui persiste encore malgré tout. Respecter si je peux dire cette enveloppe que nous projetons dans l'apparence. Parce que l'apparence compte sans doute autant que ce qu'elle dissimule. Continuer d'avoir peur est donc important sans toutefois se laisser prendre à son chant d'incohérence. C'est à cela sans doute que sert la peinture pour moi. Tout comme l'écriture. A être cette sorte de mat auquel s'accrocher pour s'approcher au plus près de l'incohérence, de la peur, et observer ainsi la naissance du langage. Reste à savoir que faire de ce langage désormais. Bien sur il y a les tableaux il y a les textes, le tout dans un chaos effrayant certainement pour qui viendrait s'y pencher pour chercher du sens. Effrayant pour qui aurait une idée toute faite de l'ordre, de la clarté et du sens. Justement ce que je n'ai pas. Sans doute ce que je ne désire pas tout au fond de moi. Je ne veux pas que tout ça ait un sens étriqué. Et j'appelle étriqué tout ce qui entre désormais dans la catégorie de l'information, du mot d'ordre. Je voudrais que de ce chaos chacun puisse puiser un sens qui lui soit personnel. Comme la vie donne à chacun le pouvoir de l'interpréter, de la glorifier ou de la défigurer à sa guise. La peur du vide m'a mené vers une idée de liberté surtout, vers une forme de générosité qui ne soit pas attachée à l'orgueil ni à une fausse humilité. La peur de la mort a provoqué une révolte , puis une grande révolution, une grande agitation pour s'atténuer peu à peu avec l'acceptation du temps tel qu'il est vraiment : un présent continue dans lequel tout s'éteint et ressurgit sans relâche. fonte des glaces huile sur toile 80x80 cm|couper{180}

La peur du vide

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Exposition "Voyage intérieur" notes.

Comme je le disais dans un texte précédent j'ai trouvé un titre générique à ce travail que je vais présenter fin septembre au centre culturel "Le Sémaphore" à Irigny. D'ailleurs j'en profite pour vous inviter au vernissage qui aura lieu le lundi 4 octobre à 18h30, si vous êtes dans les parages bien sur. Pour les autres je vais tout mettre en œuvre pour vous faire visiter l'exposition malgré tout. Sans doute avec des vidéos, des photographies et quelques textes qui me démangeront surement au fur et à mesure que cet événement se rapprochera, durant sa durée, et une fois terminé. Pour l'instant j'explore, je fouille, de redécouvre une masse de tableaux réalisés entre 2018 et 2021. Il doit y en avoir pas loin d'une centaine de divers formats. Evidemment je ne vais pas tout accrocher, la profusion ne fonctionne pas pour l'avoir déjà testé plusieurs fois dans d'autres expositions. Cependant j'ai découvert sur Wordpress une fonction intéressante que j'ignorais : le portfolio. J'ai donc créer un projet intitulé "voyage intérieur" que vous pourrez désormais découvrir dans le menu du blog. Pour le moment je me suis contenté de télécharger une quantité importante de photographies relatives à ce thème, " voyage intérieur" Elles ne sont pas classées, elles sont un peu comme dans la réalité de mon atelier. Empilées par format sur des étagères. Ce portfolio me sert de base de travail en quelque sorte pour effectuer des choix des tris et il évoluera au fur et à mesure de ce travail d'assemblage, vous pourrez le suivre. Mon intention n'est pas de seulement présenter une "belle exposition" pour séduire le public. Il faut à mon avis qu'elle exprime ce cheminement que je tente d'effectuer pour m'extraire des clichés. Mes propres clichés surtout concernant tout ce que j'ai pu penser sur la peinture. Il pourrait ainsi y avoir une sorte de parcours menant de la séduction facile vers une âpreté, une austérité qui représenterait (pour moi) ce que m'apporte ce voyage intérieur. L'abandon de la séduction. L'abandon d'une quête de reconnaissance. L'abandon d'une illusion aussi sur ce que j'ai pu penser être l'art ou un artiste. Une fois passé ce dernier cap, cette aridité l'exposition s'ouvrirait sur un champ nouveau : le langage de la couleur, de la simplicité des formes, car c'est cette voie vers laquelle je me dirige désormais. A suivre ...|couper{180}

Exposition "Voyage intérieur" notes.

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Enseigner la peinture.

C'est vraiment la rentrée. La reprise des cours, des ateliers, les longs trajets en voiture pour atteindre les différents lieux, la pluie sur le pare-brise, les embouteillages, les jeunes cons qui jouent la nuit avec les lignes blanches, une certaine forme de solitude également. Ce genre de solitude en groupe. Comme je n'aime pas me répéter, proposer la même chose d'année en année j'essaie de me voir comme je regarde mes tableaux, à distance, en effectuant quelques pas hors de moi et en plissant les yeux. Je cherche ces moments où le confort de l'habitude de l'expérience est traitre. Ces sortes de pseudo certitudes qui nous autorisent à penser la même chose invariablement. Comme par exemple je sais et eux non. Ou j'ai le droit de penser que je sais alors qu'ils ne sont encore qu'au stade de l'intuition. N'est ce pas déjà un tout petit peu mieux ? Mais tout de même il y a encore du boulot à faire de mon côté. J'ai tellement eu de mal avec toute forme d'autorité que je ne peux pas me leurrer lorsque je me vois ainsi empruntant une figure de professeur autrefois tant détestée. Comme quoi la notion de modèle, de mimétisme va se loger loin dans les tréfonds. Et puis on se rend aussi compte que c'est louche d'avoir tant détesté. Un peu comme avoir aimé par excès, adoré, s'être agenouillé ou prosterné. Du coup je tente de rectifier, d'être plus abordable. De descendre d'un piédestal purement fictif de toutes parts que ce soit la leur que la mienne. Presque amical, alors que bienveillant suffirait. Mais ça ne fonctionne pas non plus. Les sentiments n'ont pas grand chose à voir là dedans. A partir du moment où il y a une rétribution, un salaire, il faut faire le job, il faut faire ce pour quoi on est payer avant tout. Enseigner la peinture. Se retenir d'assener je ne sais plus quelle vérité sur la peinture, sur l'art surtout. Se méfier de cette facilité avec laquelle les phrases issues des pensées ressassées s'échappent. Soudain s'apercevoir d'une lueur dans le "je ne sais pas". Un je ne sais pas dépourvu de crainte, d'angoisse, d'inquiétude, de menace, de ce faisceau d'idées préconçues elles aussi, d'idées refuge. Un je ne sais pas comme on lève l'ancre au petit matin ou au crépuscule. Quelque chose qu'impulse l'espoir en même temps que la résignation tient la barre. Que viennent chercher les élèves ? On finit par se dire toutes les années la même chose sans vraiment revenir là dessus. Il viennent pour apprendre à dessiner apprendre à peindre voilà tout. Marcher à coté de soi pour se frotter le dos. Se le répéter : ils viennent ici parce qu'ils imaginent ne pas savoir. Et ils l'imaginent tellement que pour eux cela devient cette réalité. Trouver le bon point d'intersection entre ta réalité et la leur. Expliquer sans un mot que pour voler ce ne sont pas les ailes qui comptent mais le talon. Et puis soudain voir le groupe. Le groupe est une entité invisible durant longtemps tellement on se pense seul à enseigner. Mais le groupe dépasse tout ce que le professeur peut apporter. Ces synergies invisibles qui peu à peu se mettent en place. Faire confiance au groupe voilà une trouvaille. Quelque chose de véritablement inédit. Se retenir alors d'en dire trop. Se retenir de parler, comme d'arpenter l'espace. Observer le groupe s'enseigner à lui-même. Voir une nouvelle réalité peu à peu se créer ainsi. Et puis à un moment la question on ne sait plus vraiment qui se la pose... Est ce l'élève ? le professeur ? le groupe ? Cette question interroge toutes les parties simultanément. Et le mieux c'est faire la même chose qu'un bijoutier face à une belle pierre. Sertir la question dans un silence. Attendre encore un peu et voir jaillir de ce dernier un Simorgh qui s'élève jusqu'au plafond de la classe. De retour dans la nuit je me souviens Sohrawardi décrit ainsi le Simorg dans ‘‘le chant du Simorg’’ : « Le Simôrgh vole sans bouger et sans ailes…Il est incolore. Son nid est à l’Est et l’Ouest n’en est pas dépourvu…Sa nourriture est le feu… Et les amoureux des secrets du cœur lui confient leurs secrets intimes. » Razavi 1997, 73). Espaces Akashiques Huile sur toile Patrick Blanchon 2018|couper{180}

Enseigner la peinture.

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Partir de zéro, les liens avec l’Art Brut.

C'est à l'occasion de l'élaboration d'un programme de stage pour une association dans laquelle j'interviens que me vient l'idée de ce texte. Je propose d'étudier l'art brut selon la conception première de Dubuffet. Qu'est ce que l'art brut ? A l'origine C'est avant tout la création d'un univers personnel, réalisée en toute liberté, c'est à dire en se fichant du regard de l'autre. La plupart du temps l'artiste est rangé dans la catégorie des marginaux, des fous, des autodidactes, son art est incompréhensible à monsieur tout le monde. Seuls une minorité peut s'éblouir du résultat. En fait l'art brut existe bien avant que Dubuffet invente sa définition. On peut même dire qu'il existe avant toute autre forme d'art institutionnalisée. On pourrait dire qu'un enfant qui n'a pas atteint l'âge de raison fait de l'art brut sans le savoir tout comme Monsieur Jourdain fait de la prose. Désormais le champ de l'art brut est devenu confus d'autant que notre réceptivité vis à vis de lui a changé. L'art brut nous intéresse d'autant en raison d'une certaine prise de conscience vis à vis des clichés qui nous entourent. La publicité aura beaucoup contribué en creux si je puis dire à nous faire prendre conscience de ce carcan culturel dans lequel la plupart du monde occidental est enfermé depuis la fin de la Renaissance. L'art brut est récupéré de toutes parts par les institutions, les Musées, les galeries, les salons et autres biennales. Une confusion l'accompagne désormais, on crée des sous familles de celui ci, comme la neuve invention, l'art singulier par exemple. Peu importe en fait cette confusion. Ce qu'il faut retenir c'est que l'art brut, cette impulsion est un formidable vivier de créativité. Aujourd'hui on parle même d'art Brut contemporain... Pendant que tous les experts du marché de l'art tergiversent, classent, découpent, attirent ou expulsent ainsi les différents artistes nés de cette mouvance qu'est l'art brut, d'autres mouvement progressent en parallèle. Je pourrais citer par exemple la peinture intuitive, une certaine partie également de l'abstraction, une peinture plus gestuelle qui se déclencherait à partir d'un point 0 en deçà de la pensée. Ces deux vecteurs de l'art d'aujourd'hui rejettent en dehors de leur périphérie à la fois le mental comme le savoir en tant que capital, et aussi en tant qu'histoire , continuité ou héritage. Finalement nous parvenons aujourd'hui à ce qui avait déclenché la Renaissance, la naissance de l'individu et en même temps celle de l'artiste. A la fois à son apogée comme à sa chûte. L'artiste appartient désormais soit à une élite, reconnu par un marché de l'art très sélectif et cette reconnaissance fait office presque aussitôt d'institutionnalisation. Cependant, en même temps l'accès aux œuvres n'a jamais été aussi facile qu'aujourd'hui pour le grand public. Grace à internet des plateformes de vente en ligne se sont crées, tout à chacun peut promouvoir son art en créant un site ou en créant un compte sur un des nombreux réseaux sociaux. Une profusion d'œuvres, d'artistes, que l'on pourrait dire non catégorisés a envahit le marché. Cela peut rappeler la ruée vers l'or d'une certaine manière car grâce au buzz, à la promotion payante, à des stratégies habiles n'importe qui peut toucher le pactole désormais, vivre de son art sans avoir besoin de ce fameux marché de l'art. Est ce que vendre des œuvres sur internet fait de soi un artiste ? En observant beaucoup les réseaux sociaux je vois que l'on peut encore ranger les publications par famille, par catégorie. Il y a les artistes qui font toujours la même chose en le déclinant de mille manières différentes et qui ainsi par un phénomène de répétition proche des spots publicitaires finissent par devenir indentifiables. Dans cette catégorie il y a les locomotives et puis tous les wagons qui suivent. A partir du moment où on pense qu'une stratégie fonctionne celle qui est copiée, répliquée sur des milliers de comptes ce qui donne le tournis car on a l'impression de voir la même peinture finalement réalisée par des milliers de personnes différentes. Il y a les artistes amateurs qui ont finalement désormais autant de chances que les professionnels de vendre. Parmi ceux ci il y a les organisés et les désorganisés. Des familles je pourrais évidemment en citer encore d'autres. Ce que je veux dire c'est qu'avec internet il est devenu extrêmement rare de voir un orphelin. C'est à dire quelqu'un qui sort totalement du lot, dont le travail ne ressemble à nul autre. Un artiste d'art brut authentique. Qu'on le range dans l'art brut ou l'abstraction peu importe. Ce que je crois, peut-être ce à quoi moi-même je m'identifie, c'est que sans cette intuition de la présence de ce point 0, sans la volonté de l'approcher, de s'y laisser absorber totalement l'artiste d'aujourd'hui se condamne sans le savoir à un phénomène de réplication. Soit en répliquant lui-même sans même en être conscient ce qu'il a aperçu déjà et qu'il pense s'approprier comme auteur. S'élancer vers ce point 0, vers l'absence totale de références comme de pensée, d'auto jugement tout en maintenant cette indifférence nécessaire au regard des autres est loin d'être une sinécure si l'on n'est pas fou, ou complètement abruti comme autrefois le grand public imaginait les artistes de l'art brut. Mais au bout du compte c'est à partir de tout cela, de ce point 0 comme de cette confusion dans laquelle est engagé l'art brut, qu'une nouvelle renaissance est arrivée, elle est certainement même déjà là sans même que nul ne s'en rende véritablement compte. Jean Dubuffet Pianiste 1944|couper{180}

Partir de zéro, les liens avec l'Art Brut.

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Peindre et se taire.

J’ai beaucoup écris sur la peinture. Sans doute beaucoup trop. En fait je cherchais à me rassurer de quelque chose tout en espérant que le partager m’aiderait à me libérer de cette angoisse primordiale. Souvent j’ai regretté d’en avoir trop dit comme si j’enfreignais une règle tacite, une sans doute des plus importantes de l’art, celle imposée par la qualité de silence dont se revêt l’œuvre une fois au jour. Cette recherche de limite finalement enfantine pour faire réagir le mystère. Pour que le mystère m’épingle me crucifie sur une croix quelconque. Me ramène au quelconque en guise de punition. Car toute punition provenant du mystère non seulement le prouve, mais aussi le renforce à la façon d’un clou pénétrant l’épaisseur d’une tête de bois. Le résultat est que durant presque une année je n’ai cessé d’osciller entre peindre et écrire. Peut-être pour en arriver au final à peindre et se taire. Ou écrire et ne plus peindre. Il faudra désormais que j’escalade encore la pente d’un versant comme de l’autre pour améliorer la qualité du silence. Duo peinture à l’huile sur toile 100x80 cm Patrick Blanchon 2018|couper{180}

Peindre et se taire.

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Auguste

Il ne faudrait pas plus que quelques phrases et un tableau pour que l'envie soudaine de changer de prénom me tanne. Sans doute vers 6 ou 7 ans. Je ne retrouve pas la date exacte. Juste cette atmosphère d'automne, le tapis de feuilles jaunies sur lequel je progresse mon cartable au bout du bras. Ces quelques phrases sont issues d'un poème du grand Victor Hugo « … Dans les terres de nuit baignées, Je contemple ému les haillons D’un vieillard qui jette à poignées La moisson future aux sillons. Sa haute silhouette noire Domine les profonds labours. On sent à quel point il doit croire A la fuite utile des jours. Il marche dans la plaine immense, Va, vient, lance la graine au loin, Rouvre sa main, et recommence, Et je médite, obscur témoin, … L’ombre, où se mêle une rumeur, Semble élargir jusqu’aux étoiles Le geste auguste du semeur. » Et le tableau est réalisé par un peintre qui s'appelle Jean-François Millet dont mon arrière grand père possède une copie accrochée au mur de sa chambre. Le Semeur Jean-François Millet. Deux événements qui se télescopent, se chevauchent et finissent par se confondre dans ce prénom d'Auguste. J'aurais adoré que l'on m'appelle ainsi. 62 ans après voilà comment je revois ces choses. Des années plus tard tout à fait fortuitement je travaille sur le scénario d'un film dont le sujet principal est la complicité et l'apparente opposition entre Monsieur Loyal et le clown Auguste. Bizarre vous avez dit Bizarre comme c'est bizarre. Des journées entières à explorer des fonds documentaires dans les bibliothèques de la ville. Auguste peu à peu prend forme et devient un personnage de plus en plus étrange, de plus en plus fascinant. Je remonte loin dans le temps, chez les chamans Tibétains chez les esquimaux et découvre que le rire, la clownerie est utilisée sans modération pour extirper les mauvais esprits des corps et des cervelles dérangées. Pourquoi je ne m'appelle pas Auguste bon sang je connais toutes ces choses, elles sont inscrites profondément en moi depuis des cycles innombrables. Faire rire pour toutes les situations n'est-ce pas ce que je fais depuis toujours ? Ce n'est pas gentil comme on pourrait le penser parfois. Ce n'est pas méchant non plus. C'est juste déstabilisant. C'est juste pour aider à faire un pas de coté. changer de point de vue. quelqu'un se tord de douleur devant toi et se plaint, tu te jettes au sol et tu te roules le plus furieusement dans tous les sens devant lui en exagérant bien comme il faut, et le voilà qui se met malgré lui à rire. A moitié Grock A moitié Milton Erickson Cela a toujours été mon truc. Par le biais de la caricature, du grotesque, de la clownerie. La seule chose qui a changé c'est la conscience de ce mécanisme. J'en ai été parfaitement inconscient jusqu'à mes 60 ans. Juste parfois une petite intuition de rien du tout. Un éclair dans la nuit et encore dans les lointains. Ce faisant bien sur j'ai semé un tas de truc comme le type de ce fameux tableau. En regardant en arrière parfois je me suis dit ah la la j'ai semé une de ces merdes dans la vie d'un tel d'une telle et je me sentais pas bien fier. Je ne suis pas fier de tout ça non plus je n'exagèrerais pas. J'ai juste été un instrument apparemment burlesque dans un cirque sans spectateur. Et aujourd'hui que les voiles se déchirent, que je commence à percevoir tout là haut les étoiles comme s'il s'agissait des feux de la rampe, j'ai envie de peindre en rouge une demie balle de ping-pong. De bien prendre le temps de me confectionner mon nez rouge une bonne fois pour toutes. Puis de sortir enfin au grand jour dans la rue et de dire Bonjour les petits n'enfants, c'est Auguste je m'appelle Auguste et toaaaa Comment que tu t'appelles ? En plus je sais sourire désormais le but ultime semble atteint, tout va donc très bien.|couper{180}

Auguste

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Les contes de fées.

Parfois il m'arrive de regretter cette perméabilité à la magie dont nous bénéficions tous à la naissance. A ces moments là je me secoue dans tous les sens, pratiquant une danse de saint Guy à ma sauce. Par ce truchement assez médiocre il faut bien l'avouer je tente ainsi de rejeter au loin ce regret là en particulier. Plus deux trois choses du même acabit, appelons cela des espérances déçues, comme les histoires d'amour à l'eau de rose, l'idée de devenir un jour un peintre célèbre, et également l'amnistie générale levant d'un coup ma collection de pévés accumulée depuis des années. Mais c'est en vain. Systématiquement non pas que je boive comme dans la chanson "j'suis snob", mais je m'obstine à rester sur une fréquence mentale assez saugrenue d'éveil que j'appelle "lucidité". Cette soi disant lucidité ne m'offre à proprement parler aucun avantage à bien y réfléchir. Tout au contraire elle m'handicape copieusement, m'entrave sans relâche. Je ne peux pas croiser un seul de mes contemporains sans presque aussitôt flairer l'hypothétique vacherie qu'il se prépare à commettre. Mais ce n'est pas tout. Parfois j'arrive à lire en lui avec une telle acuité que je pourrais tout à fait m'équiper d'un gourbi genre caravane et m'installer comme voyante, ou diseuse de bonne aventure. Car la plus belle faiblesse je la connais. C'est de se croire particulier. Le tout étant ensuite de toucher ceci en chacun sans se fatiguer avec quelques ingrédients de base. Une boule de cristal et un jeu de tarot sont le minimum syndical. Mais si en prime vous savez racontez des histoires, particulièrement des contes de fées, jamais plus de votre vie durant vous n'aurez faim. Car dans les contes le fait est que pour chaque problème il existe une solution. Et s'il n'y en a pas de rationnelle, aussi sec une magique arrive à la rescousse ! Prenons le problème numéro 1 en tête de gondole : la pauvreté, forçons même un peu plus le trait en évoquant la misère. Il était une fois un homme très pauvre qui avait quatre fils affamés et qu'il ne pouvait nourrir qu'en récoltant de vieilles godasses de porte en porte. Partir de l'invraisemblable et donner quelques détails réalistes. Ici la description de la vieille godasse qui baille lamentablement, le sourire de la brave dame qui pense faire une bonne action en cédant la paire au brave homme, Puis la porte se referme, une porte en pvc blanc fraichement posée, le silicone du joint du seuil est encore presque propre. Mais pas trop de détails réalistes non plus. C'est tout l'art des sauces que de savoir doser les épices et les condiments. La concentration du lecteur n'étant pas pas infinie, il est bon aussi de lui faire visiter des paysages variés. Après cet exploit d'avoir récupéré une paire de pompes magiques, notre brave homme sort de la ville pour se retrouver face à une plaine qu'il devra traverser pour arriver à une montagne qu'il devra traverser encore afin de rentrer chez lui. Durant la platitude du relief faire gaffe surtout que ce ne soit celle du récit, et donc en profiter pour faire voler un ou deux oiseaux de mauvaise augure. Installer une sorte de menace qui plane tiendra le lecteur en haleine quelques minutes de plus. Et là paf ! intervention magique. Un des oiseaux se pose devant le misérable et dit : "C'est une attaque de diligence sans diligence. Refile le magot !" Mais bon sang de bonsoir dit le loquedu pour un voleur t'es un brin couillon j'ai qu'une paire de godillots usagés. L'oiseau noir, est ce une pie, un corbeau, ou une corneille ? l'histoire ne le dit pas, penche la tête de coté pour voir si le gars blague ou est sérieux. Comment ? Mais tu ne le sais même pas ? Tu viens de récupérer la paire de godillots du mage Elihasard qui ont le fabuleux pouvoir d'aider celui qui les chausse à atteindre la lune, puis les planètes, et encore à sauter par dessus le soleil et même avec un petit entrainement à parvenir jusqu'à la Grande Ourse ! Oh ben zut non je savais pas dit le bougre en souriant sous cape. Car l'information que lui donne le piaf est capitale et change totalement la donne. Et donc tu veux récupérer mes godillots magiques c'est ça ? s'enquit t'il pour se laisser un temps de réflexion. Bouilli ou à la broche amstragram pic et pic et colégram songe t'il en aparté. C'est vrai que c'est agaçant un oiseau qui pérore non ? Et se remplir la panse ne serait pas de trop après toutes ces journées de diète. Et là vlan d'un coup la paire de godasses s'abat sur le crâne du malfaiteur ailé trop bavard. Le quasi rachitique le flanque dans son cabas et continue son chemin. Comme quoi on peut traverser quelque chose d'ennuyeux à priori comme une morne plaine et trouver quelques occupations pour passer le temps. Et si j'essayais cette paire de grolles se dit le brave homme, je pourrais peut-être sauter haut pour cueillir quelques fruits sur un arbre magique d'une planète lointaine, devenir riche, me rendre au supermarché en enfin vite arriver chez moi, et me remplir enfin la panse comme celles de mes marmots ? Il ôte ses sabots aussi rapidement qu'un mécanicien change de pneu sur un prototype rutilant qui redémarre en trombe, et le voilà chaussé des écrase merde dont le bout baille. Tentons un petit saut pour voir se dit il. Rien ne se passe, la pesanteur n'est toujours pas vaincue. Autre essai, même constat... Tout ça ne sont que des conneries se dit l'anéanti. Et il reprend sa route avec son sac sur le dos. au moins un bon tiens valant mieux que deux tu l'auras il n'y aura qu'à mettre à bouillir les semelles pour les attendrir un peu. J'aurais encore fait pour ce jour mon travail de père, pas plus pas moins. Et le brave homme de reprendre son chemin en sifflotant pour alléger sa peine et se donner du cœur au ventre. Oui des fois je regrette vraiment cette perméabilité à la magie dont nous bénéficions tous à la naissance. Et puis ensuite je passe à autre chose évidemment parce que les poulets ne tombent pas rôtis du ciel, ça se saurait. Saltimbanques ( détails ) Collection privée. Patrick Blanchon 2004|couper{180}

Les contes de fées.

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Se retenir d’être génial

La plupart des cons « comme vous comme moi « dixit Georges Brassens , après moult réflexions et circonvolutions, ne le sommes qu’en raison d’un frein invisible sur lequel nous appuyons pour ne pas abuser de notre génie. Sans doute à cause de cette histoire de lampe magique. Trois souhaits seulement ça fait réfléchir…parfois durant des années, parfois toute une vie, et malheureusement en vain. Force est de constater qu’à la fin on se retrouve avec un billet de loto gagnant mais qu’il y a hélas prescription. Le génie sort alors de la lampe sans qu’on ne lui ai rien demandé. Et là il dit simplement « pour un con tu te poses là » et pfffuittt il s’évanouit en volutes serpentines dans le néant dans lequel assurément nous finirons par lui emboîter le pas tôt ou tard. Plutôt tard. Comment faire alors … faut il souhaiter en premier lieu pouvoir souhaiter autant de choses qu’on le désirerait tout au long de la vie ou bien souhaiter s’affranchir une bonne fois pour toute du souhait en général ? Les deux se valent probablement mais tout cela évidemment ne fonctionne que si on ne loupe pas la première marche : croire en son propre génie ! Génie dans un tourbillon …dessin sur tablette Patrick Blanchon 2021.|couper{180}

Se retenir d'être génial

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La maison XII vide.

Une fois un astrologue m’a dressé le topo. Il a relevé le nez de mon thème astral et s’est exclamé : flûte tu n’as rien du tout en maison 12. J’ai fini le petit verre de Payse avec lui en silence, parce que visiblement cela paraissait tragique. C’est en reposant son verre vide qu’il a poursuivit : tu n’auras aucun ami il faut t’y faire dès à présent. J’ai accusé le coup comme d’habitude en hochant la tête, après tout que pouvais je bien faire d’autre ? Puis un peu plus tard les lumières de l’automne m’ont semblé consolatrices de cette blessure congénitale qu’il me paraissaient tout à coup évidente. Et puis je suis rentré dans un bar. J’ai oublié tout ça comme on oublie ses dettes et ses trahisons. Je n’y avais plus pensé durant toutes ces années. Mais aujourd’hui qu’arrive la cohorte sempiternelle des bilans je m’interroge… ai je eut le moindre ami véritable en cette vie ? Et tout d’abord qu’est ce que je comprends de ce mot … Oui bien sûr le fait est que j’ai utilisé ce terme « je dîne avec des amis » « j’ai rendez vous avec un ami » presque tous se seront dissous dans la distance que la vie a posé entre nous. La vie, le quotidien et peut être aussi une certaine forme de désillusion. Au bout du compte je suis bien obligé de reconnaître que la prophétie était on ne peut plus juste. A une différence près et qui n’est pas la moindre. Je suis devenu mon propre ami désormais. Tout ce que j’ai autrefois rêvé de vivre , de partager en amitié je ne le vis qu’avec moi même. Et partant d’où je suis parti je dois admettre que c’est un fameux progrès. Huile sur toile collection privée. Patrick Blanchon 2020|couper{180}

La maison XII vide.

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La langue des oiseaux en peinture

Je fais toujours du rangement et pour autant ne cesse de vivre dans un désordre qui me rassure. J’ai fini par accepter ces deux vecteurs qui semblent contraire seulement en apparence. Une petite toile m’attend tout en bas d’une pile rangée dans mon grand buffet ici dans ma remise. Je la prends dans les mains et l’emporte dans l’atelier pour l’examiner en buvant mon café du matin. Il y a quelque chose, un je ne sais quoi. Des gris agréables à l’œil mais ça manque de quelque chose. C’est plat. Je trouve comme par magie ma boite de pastel à l’huile et verse un fond de whyte dans un gobelet…et comme une chance arrive rarement seule je tombe tout de suite sur le petit pinceau qui va bien. Une demie heure plus tard voici la petite toile posée sur l’étagère et moi 5 pas en arrière. Quelque chose de l’ordre d’une mise à jour informatique. Et le plus beau je m’étais fait un joli tour de dos en accrochant des tableaux lourds la semaine passée et j’ai grogné durant tout le week-end voici que soudain je ne sens plus rien du tout ! Élever la fréquence en usant de l’ordre et du désordre, laisser l’intuition faire le job, puis tirer la langue sur le côté en se pliant à l’air ambiant et en y allant de bon cœur n’est plus un secret. Je ne cesse de le répéter. Pour sans doute m’en convaincre encore tout seul. Et puis voilà quelque chose re fonctionne soudain c’est un reboot comme nous en traversons des milliers sans meme nous en rendre compte. Se rendre compte voilà une clef qui n’a pas l’air. Une clef comme on commence une portée pour inscrire la petite mélodie dictée par les oiseaux.|couper{180}

La langue des oiseaux en peinture

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Parler la langue de la lumière

Nous avons une langue commune et qui traverse les règnes pour rejoindre les étoiles. C’est la langue de la lumière que nous avons oubliée mais qui reste néanmoins présente dans notre sang dans notre ADN. Peut-être que la peinture me permet de m’exprimer dans cette langue en ânonnant maladroitement car je suis tout à fait autodidacte. Tout ce que j’ai pu apprendre transitant par le mental n’a pas grand chose à voir avec cette langue. Peut-être même que j’utilise la peinture pour cela uniquement pour tenter de me souvenir de cette langue inconnue et en même temps tellement familière. Le frottement d’ailes du grillon, le croassement des corbeaux, le chant des cigales, le miaulement d’un chat les hennissements des chevaux et le vent dans les arbres et la palpitation des étoiles et l’herbe tendre et tant d’autres choses encore… Le babillage le barbouillage autant de tentatives pour tenter de la parler. Puis viennent les informations toute une richesse multi millénaire encodée dans un geste un signe un regard… Comment la pratiquer si maladroitement croit on autrement qu’en tournant en rond longtemps sur soi-même dans le silence en ajoutant par ci par là une voyelle une consonne un tambourinement une percussion… Il ne sert à rien d’être un expert pour se sentir bien de la balbutier. C’est l’erreur que l’on commet de trop vouloir la posséder poussé par des intentions vulgaires. Cette langue n’est pas faite pour calculer ni compter ni posséder mais pour offrir et donner. Partager comme le grain se multiplie après qu’il meurt. Collection esprit végétal Patrick Blanchon 2018 2019|couper{180}

Parler la langue de la lumière

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Exposition « vues d’artistes »

Voici le lien vers une petite vidéo de l’expo ! Encore merci à tous les participants ! https://youtu.be/kw4wyVPmywU|couper{180}

Exposition « vues d'artistes »