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La vacuité
Toujours sur la route je tombe sur cette émission de la chaine de Damien Maya sur la vacuité, notion qui m'intéresse depuis belle lurette mais pour des raisons différentes tout au long de ma vie. Car que sait on de la vacuité à 15 ans, à 30 ans, à 60 ans ou encore à 75 ans ? c'est une évidence qu'on interprètera ce mot chaque fois suivant notre propre expérience de la vie à chacune de ces étapes. J'ai lu beaucoup de livres sur le bouddhisme zen à l'âge de 20 ans car j'avais la sensation d'y découvrir des clefs importantes pour me sentir bien. J'avais l'impression qu'ils n'avaient été écrits que pour moi tant je pouvais m'y retrouver. Vers la quarantaine, j'ai renoncé à toute littérature philosophique ou religieuse. J'avais compris confusément que je ne cherchais qu'à me rassurer perpétuellement sur ma propre finitude. Et me rassurer me paraissait vain à cette époque, j'avais le sentiment d'une faiblesse qui ne provenait que de mon égoïsme forcené. J'ai donc navigué entre 40 ans et aujourd'hui en subissant la vie de plein fouet si je puis dire, c'est à dire sans placébo, sans filet, sans filtre. Il n'y avait plus rien qui pouvait vraiment me rassurer, me réconforter, m'émerveiller ou me navrer que chaque instant que je traversais alors avec les moyens du bord. Je voulais juste être honnête avec qui j'étais vraiment, ce qui ne m'empêchait nullement de mentir, de tricher avec les autres car je comprenais leur nécessité de croire en quelque chose, que ce soit l'amour, Dieu, les extraterrestres j'en passe et des meilleurs. Je m'imaginais encore comme une sorte de guerrier, un survivant de nombreuses guerres qui avait traversé un bon nombre d'illusions. Quelque part j'étais encore mué par l'orgueil de vouloir savoir plus ou mieux que quiconque quelque chose d'important, on peut appeler ça la vie. Oui je voulais devenir une sorte de sage qui connaissait la vie. N'est ce pas totalement absurde ? Et pourtant à bien regarder tout cela désormais c'était bien cela mon but. J'avais une très haute importance de moi-même et je ne m'en rendais pas compte et cette importance exagérée faussait ma vision sans relâche quoique je puisse penser ou faire. C'est en travaillant sur cette idée d'importance que j'ai retrouvé la notion de vacuité. Aussi n'est ce pas étonnant qu'elle m'accompagne sur le chemin qui me mène à mes ateliers de peinture. J'ai écouté Tich Nhat Hanh et en l'écoutant une grande partie de mes anciennes croyances, de mes vieilles illusions se sont mises à défiler comme les champs de chaque coté de mon véhicule, comme les bourgs que je traversais. Je ne sais toujours pas ce qu'est la vacuité à la fin de la vidéo. Je ne le sais toujours pas volontairement je veux dire. Parce que quelle que soit la définition que je voudrais lui donner je sais d'avance qu'elle sera erronée, que ce ne sera que ma propre interprétation de ce mot encore une fois crée par une idée d'importance. Perdre de l'importance et se concentrer sur ce que j'ai simplement à faire, c'est à dire être heureux d'être en vie et de pouvoir partager ma passion pour la peinture et le dessin avec de jeunes enfants, ou des adultes n'est ce pas tout ce que j'ai à faire véritablement ? Même le fait de peindre seul, de réaliser des tableaux, de me dire "je suis artiste" me parait vain à coté de cet échange. La vacuité c'est peut-être une piste est liée à la prise de conscience de l'interdépendance. Il s'agit alors de trouver ce que l'on peut partager de mieux avec les autres, se concentrer là dessus et oublier tout le reste. Presque rien Huile sur toile collection privée Patrick Blanchon|couper{180}
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Aquarelles 5x5 cm
Réaliser de tous petits formats à l'aquarelle c'est amusant et puis on ne va pas penser à tout cet argent que ça va rapporter bien sur, on est à des années lumières du marché, on ne fait ça que pour le plaisir n'allez pas chercher midi à 14 h. Aller c'est parti, on commence doucement par des lavis légers légers et comme on a le temps on ne se presse pas, on respire, on inspire en prenant le pigment sur le pinceau et on expire en le déposant sur le papier. Ensuite on peut utiliser des masques, des formes que l'on va placer sur le papier pour "réserver" soit des blancs soit une part de ces premiers lavis, et on repasse une fois le papier sec au toucher avec une couleur un peu plus dense ( mais pas trop) Je vous ai préparé un masque pour faire douze petits tableaux d'un seul coup c'est tout bête : une plaque de carton de la même taille que la feuille que vous recouvrez de scotch d'emballage pour pouvoir le nettoyer et le réutiliser à l'infini. Vous découpez au cutter vos carrés ou vos rectangle, et même des ronds si vous voulez et hop une feuille dessous tenue avec un peu de collant et c'est parti ! Aquarelles 5x5 cm Travaux d'élèves|couper{180}
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Visages à l’encre de chine
Ce soir nous allons réaliser des visages à l'encre de chine à l'aide d'un outil que vous n'avez pas l'habitude d'utiliser. Il s'agit de coins de tableau en bois, ce sont des objets triangulaires qui servent à tendre la toile et que l'on installe au dos de celle-ci sur le châssis. Pourquoi ne pas utiliser un pinceau, un porte plume ? je sais que vous vous le demander n'est-ce pas, et bien c'est que pour ne soyez pas trop habiles à réaliser ces travaux. ....? Bon je vous explique. C'est vrai, vous êtes venus pour apprendre à "bien" dessiner comme on dit, c'est à dire à apprendre puis à respecter un certains nombre de règles que les dessinateurs s'échangent depuis belle lurette et qui ont pour but de produire un travail agréable à l'œil. Il est possible que ces règles vous rassurent plus qu'autre chose parce que vous n'osez tout simplement pas dessiner comme vous le désireriez vraiment. Je veux dire comme lorsque vous étiez enfants et vous n'aviez pas encore ces notions de beau et de moche comme aujourd'hui et qui vous entravent. Je sais que dire ce genre de choses n'est pas très habituel pour un professeur de dessin, c'est un peu comme si je me tirais une balle dans le pied. Comme si dans le fond je ne servais à rien et vous auriez parfaitement raison de le penser. Je ne vous apprendrai pas à "bien" dessiner, par contre je peux vous aider à dessiner quelque chose qui vient de vous vraiment. C'est à dire vous amener à retrouver cette source où l'amusement, le plaisir primaient sur toute autre obligation. Cette obligation que ça soit beau que ça soit joli, plaisant, montrable pour vous faire admettre dans la grande famille des dessinateurs de tout acabit dignes de ce nom. Pour que vous parveniez enfin à vous dire ouf ça y est je sais bien dessiner j'appartiens à cette famille me voici totalement rassuré sur mon compte. Et bien non. Je suis plus exigeant que cela, vous n'êtes pas bien tombés, pas coulant pour deux ronds comme prof. Donc je vous montre rapidement ce que je veux dire par dessiner un visage, je vais vous le faire de façon "classique" en vous montrant toutes les règles, toutes les astuces, les proportions, comme ça vous serez rassurés sur le fait que je ne suis pas un guignol , je sais dessiner un visage comme tous ces dessinateurs dont le seul but est l'habileté, la performance. vous commencez pas placer un axe, attention il faut l'incliner légèrement si vous ne voulez pas obtenir un photomaton. Puis vous placez la ligne des yeux à la moitié de votre trait ( léger le trait vous pouvez prendre un crayon) Ensuite patati patata, ne fermez pas vos formes, ne me dessinez pas par exemple tout le contour de l'œil ou de la bouche, suggérez, pensez que le spectateur sera heureux d'avoir un peu quelque chose à faire avec ce qu'il a entre les deux oreilles. voilà vous voyez c'est facile de dessiner un "beau visage" voilà justement ce que je ne veux pas que vous fassiez. Maintenant voyons voir cet outil, le coin de tableau. Il est pointu donc vous pouvez l'utiliser comme un crayon en l'imbibant d'un peu d'eau et d'encre, comme un pinceau, et comme un pinceau ou crayon vous pouvez exercer une pression sur celui ci pour la finesse ou l'épaisseur des traits. Et ce n'est pas tout ! Si vous le prenez sur le coté et que vous l'imbibez d'un gris léger regardez ces magnifiques gris que vous obtenez en le frottant sur le papier Donc voilà vous avez de quoi faire. Dernière consigne et vous serez libre totalement : la présentation , c'est à dire l'installation de ces dessins peinture, car il s'agit évidemment aussi de peintures... Vous me faites trois vignettes en bas de la feuille pour vous exercer et au dessus de celles ci un carré pour agrandir le visage qui vous inspira le plus parmi ceux que vous aurez réalisés, voilà je crois que je vous ai à peu près tout dit, vous avez deux heures, ne réfléchissez pas, amusez vous !|couper{180}
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Comètes
Ishtar Huile sur toile 60x80 cm 2019 La solitude des comètes qui traversent l'infini. Elles vont et viennent attachées à leurs trajectoires cycliques, la prochaine sera visible aux environs de juillet-aout 2126 en France et a été baptisée 109P/Swift-Tuttle. Les comètes sont constituées de glace parait-t 'il. Peut-être que toute l'eau de notre planète provient d'une collision avec l'une de ces voyageuses au long cours qui un jour aura décidé de nous heurter pour terminer son voyage en beauté. Il y a de cela quelques mois j'avais éprouvé une nécessité de géométrie. Je m'étais mis à peindre de façon appliquée de petites formes que j'avais auparavant soigneusement dessinées. Je cherche la relation de ce fait, ce besoin soudain de géométrie qui s'était relié à la Civilisation Chaldéenne et notamment à la déesse Ishtar et cette histoire de comète. Le lien est probablement la structure de l'eau, les formes que peuvent emprunter ses molécules suivant les territoires qu'elles traversent. Je n'allais pas très bien à l'époque où j'ai réalisée cette série de toiles géométriques, et il me semblait qu'elles m'aideraient à me sentir mieux, ne me demandez pas pourquoi ni comment. D'après des études scientifiques il est possible de structurer les molécules d'eau. Elles peuvent ainsi devenir des magnifiques formes géométriques si on se trouve dans un état de gratitude, un sentiment d'amour, si on met du Mozart où des chants Grégoriens dans leur environnement. A l'inverse elles deviennent difformes lorsqu'elles sont en présence de la douleur, de la fausseté, de la violence et de la musique Métal. Sans doute la nature profonde des comètes se modifie t'elle également suivant les galaxies qu'elles traversent, les peuples qui les habitent. Du reste ne sont elles pas considérées soit comme des signes néfastes ou bénéfiques dans les archives de l'humanité ? Sans doute qu'une observation attentive des situations géopolitiques et leurs relations avec la structure des molécules d'eau nous permettrait de faire un grand pas vers l'harmonie possible de la planète. Sans doute pourrait on même commencer par faire attention à ce que l'on pense éprouve et dit devant un simple verre d'eau dont le contenu rejoindra nos propres cellules et les impactera. On commence tout juste à comprendre une toute partie de la réalité constituée d'ondes, de fréquences, de vibrations. Et évidemment même dans ce domaine nouveau le risque de complot qui a désormais tout envahi est grand. D'après certaines sources plus ou moins fiables sur internet il y aurait même une censure concernant certaines œuvres musicales car elles auraient le pouvoir d'harmoniser trop bien les humeurs. Notamment un cantique dédié à Saint Jean le Baptiste, qui on s'en souviendra est connu pour baptiser par l'eau. L'eau est un élément étrange, c'est le seul qui peut passer par trois états différents : liquide, gazeux et solide. Et tout modernes que nous pensions être nous n'en savons pas beaucoup la concernant. Cela devrait forcer notre modestie. Un sage a dit que l'on commençait à devenir sage lorsqu'on découvrait l'étendue de notre propre ignorance, je ne peux qu'être d'accord avec cette réflexion. C'est à partir du constat de cette ignorance que l'on peut vraiment se mettre à étudier vraiment et non pas répéter bêtement ce que l'on croit savoir pour l'avoir lu ou entendu, c'est en l'expérimentant pour soi-même surtout. La seule certitude que je peux avoir c'est que je ne sais rien. Je crois que cela m'est venu progressivement, comme des voiles qui se déchirent. Alors bien sur je peux parfois paraitre un peu bizarre pour un certain nombre de personnes qui elles semblent savoir ce qui est vrai et faux, des personnes "normales". Mais je préfère de mon coté rester accroché à mon constat d'ignorance et ce aussi bien dans ma vie de tous les jours qu'en peinture par exemple. Une ignorance fondamentale si je peux dire. Sitôt que l'on croit savoir quelque chose, une porte se referme dans notre esprit et ça commence à sentir le renfermé. Le mieux que j'ai trouvé c'est de laisser toutes les portes ouvertes pour aérer continuellement la pièce. Du coup oui je crois que les comètes ont un rôle important à jouer dans l'équilibre de l'univers, je crois qu'il serait bon que je me remette à écouter des chants grégoriens, et à éprouver de la gratitude lorsque j'ouvre le robinet pour boire un simple verre d'eau. Je crois aussi à la possibilité de penser tout le contraire demain et ce n'est pas bien grave. Je ne peux rien commander d'avance, je ne peux qu'autoriser l'instant à être ce qu'il est et m'enlever le plus souvent du chemin car c'est souvent moi l'obstacle.|couper{180}
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Au plus près
Il y a maintes façons de considérer l'écriture et je voudrais en y pensant revenir à la notion de cadre, de format. Car c'est sans doute la première difficulté que j'ai rencontrée, avant même celle du pourquoi. Au début j'avais cette idée d'écrire des romans, des nouvelles parce que j'avais été séduit par des écrivains comme Henri Miller, Hemingway, Dos Passos, Fitzgerald, beaucoup d'auteurs américains notamment. Je crois que le personnage d'écrivain- américain de surcroit- m'attirait plus parfois que leurs œuvres. C'est à dire qu'en tant que jeune homme je cherchais probablement à m'extraire de la dépendance d'une image paternelle qui ne me convenait pas. J'en cherchais d'autres qui m'apparaissaient plus reluisantes. Ecrire était donc une sorte de cheminement à emprunter pour les rejoindre et je crois que ce qui m'intéressait surtout c'était que cela soit difficile. Il fallait que ce le soit pour obtenir ce que j'imaginais être cette rencontre du père et du fils. J'avais lu tellement de conneries sur l'héroïsme et les héros, sur ce modèle que je ne pouvais qu'entrer dans ce moule sans même me rendre compte. J'ai écrit tout un tas de choses, toutes plus saugrenues les unes que les autres, avec une candeur, une maladresse qui s'associait en filigrane à la déception que m'infligeait depuis toujours mes mauvaises notes en Français. C'est à dire une révolte dont je n'avais pas mesuré l'ampleur lorsqu'elle s'était produite. Une blessure narcissique si on veut. Pourquoi ai je été tellement blessé par mes résultats scolaires dans cette matière ? Parce que très tôt la lecture était pour moi une véritable passion. Je dévorais tout ce qui passait à ma portée d'une façon anarchique et gloutonne. Le but alors était de m'évader et pas grand chose d'autre. Je m'évadais dans les contes et légendes puis plus tard dans la Comédie Humaine où Les Rougon Macquart sans vraiment me soucier de l'écriture en elle-même. Ce qui m'intéressait c'était de m'identifier à tel ou tel personnage, de vivre par procuration le plus de possibilités d'une vie à venir. L'avenir m'effrayait toujours au plus haut point car je ne parvenais jamais à me décider pour tel ou tel but. Cette difficulté à prendre une décision sur ce que je voulais devenir "plus tard" s'accroissait lorsque je me trouvais confronté à des camarades dont le destin semblait tout tracé. Certains allaient devenir médecin, notaire, professeur, agriculteur, ils n'avaient pas de doute sur leur avenir ce qui augmentait mon malaise d'autant plus que j'en étais criblé. Cette difficulté d'écrire des nouvelles des romans est liée je crois aux mêmes doutes quant aux objectifs qu'il faut poser nécessairement avant de pouvoir les atteindre . Je me cognais la tête contre les murs en me traitant de tous les noms car j'étais incapable de me projeter comme j'étais incapable de projeter le moindre personnage vers un destin, vers un avenir. Quel que soit le canevas que je pouvais dessiner, il me semblait faux. Il me semblait être doté d'un discernement effrayant , une sorte de lucidité exacerbée qui me faisait ramasser tôt ou tard mon paquet de feuilles noircies et le jeter à la corbeille. C'était ontologique, inscrit dans l'être, la vie ne se déroulait pas ainsi de façon linéaire et même si l'on créait des péripéties, des rebondissements sur le chemin que suivrait tout protagoniste vers son but, il y avait bien plus de chances que tout cela ne se transforme en cliché qu'en une histoire qui tienne véritablement debout, je veux dire aussi déroutante, surprenante, aussi déroutante et surprenante que la vie elle-même. C'est ainsi que j'ai commencé d'écrire sur des petits carnets en raison du format que leur taille me proposait. En général une page par jour sur laquelle se mêlait réflexions et chroniques et des embryons de récits. Ca me donnait l'impression d'avancer tout en n'étant pas totalement dupe. La vérité est que j'avais une trouille bleue de me jeter dans le véritable travail que représente l'écriture. D'abord en raison de mes résultats scolaires médiocres, mais aussi par une sorte de modestie qui me renvoyait perpétuellement à mon ignorance en contrepoint de mon orgueil. Car il faut tout de même un orgueil, une vanité, une prétention considérables pour s'imaginer écrire un roman jusqu'au bout à 20 ans. Qu'avais je donc à dire qui n'avait jamais été dit ? Et quand bien même aurais-je eu une idée mille fois exploitée qu'est ce qui aurait pu me faire penser que je pouvais alors la présenter autrement, et bien sur mieux qu'elle ne l'avait jamais été ? Confusément je sentais bien que la notion d'originalité était à la fois un aiguillon et une entrave. Et pourtant j'ai persisté, je voulais aller jusqu'au bout pour déposer tout ce que j'avais de baroque sur le papier. Maintenant que j'y pense c'était bien plus pour m'en débarrasser que pour réellement écrire un roman. Car on imagine malgré tout quoiqu'on en pense, et si rebelle soit on, une norme à rejoindre. La norme des grands écrivains par exemple est de bousiller leur vie, de boire comme des trous, de subir des séparations irrémédiables, puis enfin au bout d'un calvaire qu'il devront traverser avec persévérance, en serrant ce qu'il leur restera de dents, publier enfin leur premier bouquin. La difficulté d'écrire je crois qu'elle commence par une prise de conscience de notre imagination en matière d'écriture. La difficulté d'écrire demande à comprendre que ce n'est pas seulement une ambiance dans lequel le personnage d'écrivain que l'on s'invente se meut. J'ai posé mon stylo vers la quarantaine. J'étais éreinté par mes rêves et n'avais plus qu'une envie après avoir exploré tout l'enfermement c'était de vivre une vie normale . C'est sans doute là où le roman devrait commencer sur ce que l'on imagine être une vie normale. C'est aussi là je crois que l'on comprend que l'on n'a pas besoin d'écrire pour être écrivain. On est écrivain de toutes façons à partir du moment où on observe tout ce qui se passe à l'extérieur de soi et en soi. J'ai tout rangé dans des cartons que j'ai trimballés comme des boulets dans de multiples déménagements. De temps à autre je me complaisais à me souvenir que j'avais essayé d'écrire, cette nostalgie me faisait du bien dans les moments difficiles. Je me souvenais que j'avais été écrivain comme je me souvenais d'avoir été photographe au temps de l'argentique, que j'avais voyagé et exploré des pays en guerre avec mon vieux Leica. Cela pouvait arriver n'importe quand mais surtout dans les moments les plus ordinaires, ces moments tellement ordinaires que l'on souhaiterait s'enfoncer dans l'ordinaire comme sous terre et à jamais afin de ne plus se souvenir justement. Il y avait une telle dichotomie entre la vie rêvée que j'avais vécue et la vie ordinaire que j'en étais secoué de nausées à répétition. Ces petits carnets je les ai brulés un jour ordinaire pour certainement devenir encore plus ordinaire, pour me fondre le plus possible dans l'ordinaire. En vain. 20 ans plus tard me voici au même point exactement. j'ai parfois l'impression que rien n'a changé, je débite des phrases au kilomètre, je m'amuse toujours à jouer les écrivains finalement. Ce genre d'écrivain qui ne publie jamais rien parce qu'il veut rester un écrivain. Parce que les rêves sont plus précieux que la réalité se dit-on. Pourtant avec le temps j'arrive à discerner malgré tout un but si débile, si illusoire soit-il. Je voudrais parvenir à être au plus près de ce que je suis vraiment sans chichi sans périphrases. N'est ce pas finalement ma meilleure fiction ? Possible, ce serait drôle à condition qu'on n'en crève pas soudain de honte. Conquistador Huile sur toile 100x100 collection privée Patrick Blanchon 2018|couper{180}
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Petite étude de la déception en peinture.
A cheval sur un boulet de canon le baron de Münchhausen fend les airs en agrippant son couvre-chef. C'est cette image qui me revient tout à coup en lisant un commentaire sur un réseau social à propos des buts et intentions en peinture. C'est à dire que sans but, sans intention, le peintre qui ne se fierait qu'au hasard se retrouverait je cite "gros Jean comme devant". Et que pour donner ensuite un titre à son œuvre il devrait se creuser les méninges après coup d'une façon pathétique. Un joli coup d'épée dans l'eau selon les avis compétents en la matière. J'ai aussi cru à cela. Je veux dire à cette histoire de préméditation, de but, d'intention en peinture. Et c'est bien normal d'y croire n'est ce pas quand on vous l'assène depuis les bancs de l'école. Il ferait beau que l'on se mette à peindre pour rien, et pourquoi pas avec un bandeau sur les yeux pendant que nous y sommes ? Oui d'accord je veux bien écouter tous les arguments en la faveur de l'esquisse, de l'ébauche, du but et du labeur pour atteindre à cette récompense, mais tout de même, beaucoup se cassent la figure en route, doit-on alors établir encore la même sempiternelle hiérarchie entre ceux qui doués d'habileté y parviennent tandis que les autres échouent ? Ne serait ce que cela la peinture ? une sorte de marathon avec des médailles à l'arrivée ? Dans une grande partie oui d'après mes dernières observations. C'est pourquoi il existe des salons, et des prix sans oublier les accessits. C'est sans doute aussi pour perpétrer une idée d'excellence qui flattera la vanité de certains tandis qu'elle excitera la jalousie des autres ou leur admiration. Autant dire que tout tourne en rond autour de l'égo comme toujours. Il faut des maitres comme il faut des cancres. Entre les deux l'immense cohorte de ceux qui voudraient bien mais ne peuvent point. Ce qui m'amène tout droit à la raison de cet article : la déception en peinture. En ce qui me concerne la déception aura été pour moi l'une de mes plus fascinantes maitresses. Elle m'a rabattu le caquet tant de fois que je n'ai pas assez de doigts aux mains et aux pieds pour les compter. Ce n'est pas que je sois masochiste non, mais j'ai été jeune longtemps et du caquet je n'en ai pas manqué, à un point tel qu'il devait finir par m'encombrer. Sans la déception je crois que je continuerais encore à pérorer de façon fatigante tout en m'exerçant comme un artiste de cirque à répéter en vue d'un spectacle, d'une performance. Heureusement que l'entropie n'est pas faite pour les cochons. L'entropie et la déception m'auront rendu poli à la fin. Tous mes espoirs se seront érodés par la force des choses, car bien sur ils étaient vains. Ils étaient vains dés l'origine, dès que j'ai suivi tous les "on dit" sur l'art et la peinture en particulier. Mais comment faire autrement ? On croit qu'il suffit d'avoir une idée et ensuite de prendre un pinceau pour la concrétiser et puis on s'engage dans le travail avec une foi que l'on ne remet pas en question jusqu'au premier accident qui nous réveille. Ainsi toutes ces heures à dessiner du modèle vivant, à extirper des corps depuis le blanc du papier ou l'ocre du craft en vue d'une belle peinture de nu qui satisfera cette ambition d'excellence puis qui nous laissera au bout du compte un je ne sais quoi de bizarre à l'âme. Le tableau est là magnifique comme il se doit, les lignes sont parfaites, la composition équilibrée, les couleurs et les valeurs se répondent comme au concert et pourtant quelque chose manque et on ne parvient pas à poser le doigt dessus. On se perd alors en supputations, on se questionne, on doute. Finalement on découvre que l'œuvre n'est pas originale, qu'elle n'ajoute rien à la multitude existante de tous les nus déjà vus, bref on se retrouve face à quelque chose de l'ordre du banal, du cliché, même si c'est très bien exécuté. Et le choc est d'autant plus brutal que c'est très bien exécuté. Comment réagir alors à cette déception sinon d'une façon banale également ? C'est à dire par la tristesse, la colère, l'anéantissement. Parfois on s'en prend même au tableau en le déchirant et en le flanquant à la poubelle. Pour la plupart des spectateurs hypothétiques c'est incompréhensible. C'est porter l'exigence à un point trop élevé, exagéré, c'est extrêmement orgueilleux. Comment quelqu'un doué d'un tel talent dans l'art de la représentation peut il s'égarer à ce point de vouloir encore et en plus péter plus haut que son cul ? C'est que le public, sauf mon respect, n'y connait pas grand chose en peinture à de très rares exceptions rencontrées. Le public est vite ébloui et contenté, d'une façon superficielle. Il n'est touché que par une surface proche de celle des miroirs et sur laquelle tant qu'il se reconnait tout va. Tant qu'il reconnait aussi le cliché que représente l'art tel qu'on lui a présenté depuis belle lurette. Un artiste qui ne se soucierait que de l'avis du public pour s'orienter dans son travail ne se concentrerait que sur son besoin de reconnaissance mais pas ce qui le motive en profondeur, je veux dire trouver et améliorer sa propre expression. Et en cela un artiste qui "réussirait" devrait donc se méfier encore plus de ce que l'on appelle communément la réussite sous peine de n'avoir plus qu'à se répéter inlassablement pour entretenir celle ci. Ce qui d'ailleurs au bout du compte est un faux calcul car la répétition lasse tôt ou tard, car les gouts du public fluctuent comme les modes, avec les modes. Ce dont il est question ici c'est d'un art d'encaisser les déceptions d'où qu'elles viennent, de l'échec comme de la réussite. Ce dont il est question c'est d'envisager la déception comme un moteur dont l'énergie ne coute qu'un peu de sincérité envers soi-même. Etre à l'écoute de nos déceptions pour comprendre la vanité de nos espérances. Et ainsi faire le tri entre le bon grain et l'ivraie. J'évoquais hier ou avant hier l'importance de l'envie, celle de la sincérité est tout aussi importante. Encore qu'il faille prendre ce mot avec des pincettes désormais car il est utilisé à toutes les sauces. Etre sincère, authentique est devenu un slogan. Ce n'est évidemment pas d'une sincérité qui se brandit se fanfaronne dont je veux parler. C'est cette petite voix au fond de chacun de nous qui nous murmure à chaque fois oui ou non et que nous perdons tant le fatras du jugement, des prétentions de toutes sortes font du bruit. Ce oui ou ce non ne sont pas de l'ordre du jugement ils témoignent plus d'une distance à laquelle je me trouve par rapport à la note juste. Ce oui ou ce non ne s'appuient pas non plus sur l'espoir de parvenir à quoi que ce soit et lorsque je les écoute je dois sauter par dessus toutes les déceptions faciles, les déceptions premières que m'offre sans relâche mon jugement. Car le jugement pour avoir tant de fois tenté de m'en débarrasser ne s'évanouit jamais totalement. Il faut apprendre à faire avec. Il faut apprendre à faire avec la déception mais aussi avec tous les espoirs qui proviennent de cette même et unique source. Sans brutalité, comme on s'adresse à des enfants tout en les écoutant attentivement. Et là on parvient à écouter ce oui et ce non comme une musique posée sur le silence et dont on peut saisir chaque note et tout l'ensemble en même temps. Cette déception quant à l'intention et aux milles buts en peinture m'a entrainé vers le hasard, dans le sens où ce dernier ne propose aucune idée d'avance mais d'apprendre à pénétrer tout entier dans l'instant de peindre. Cette déception m'a appris combien la pensée peut être difficile à dépasser, comme les jugements mais que la liberté pouvait se situer au delà de toutes ces difficultés. Encore un mot dont il faut aussi se méfier que ce terme de liberté. Ce n'est pas tant d'une liberté personnelle qu'il faut parler que de ne pas opposer d'entrave au flux de la peinture qui se dépose sur la toile. C'est juste de cette liberté de la peinture mal comprise si elle ne représente qu'elle même dont je voulais parler. Ce n'est pas une liberté qui a pour vocation d'élever le peintre, de le faire léviter. Tout au contraire c'est une liberté qui l'aide à disparaitre en tant que singleton. Et en disparaissant en tant que simple point dans l'univers, il finit par s'y confondre tout entier, et c'est de cette totalité que la peinture peut jaillir libre et s'exprimer. huile sur toile 100x80 cm Patrick Blanchon 2020|couper{180}
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L’ambiance
Lorsqu'elle su qu'il allait venir dans la soirée l'émotion la submergea. Elle décida alors de se faire du thé pour résister à ce qu'elle considérait comme un mélange de panique et de désagrégation. Puis elle s'assit sur le bord du canapé, recroquevillée sur elle-même en avalant par petites gorgées prudentes le breuvage brûlant. C'était la fin d'une agréable journée d'automne. Par la baie vitrée elle apercevait la rangée de troènes qui barraient la vue de la grande terrasse aux habitants des tours voisines. De temps à autre un chat traversait l'espace et l'ensemble conférait à l'instant une quiétude qui contrastait avec ce qu'elle éprouvait depuis qu'elle avait appris la nouvelle. Elle imaginait déjà le bruit de l'ascenseur qui s'arrêterait à l'étage, son pas dans le couloir, sa silhouette derrière la lourde porte blindée, puis enfin le son de la sonnette qui retentirait. Elle se souvint de cette histoire de trompette qui pouvait détruire les murailles d'une ville fortifiée. Quelque chose de biblique se dit-t 'elle qui faisait surgir tout en même temps un peu de culpabilité, une sorte de crainte métaphysique, et bien sur du désir. A quarante ans passés elle avait la sensation étourdissante que leur rencontre lui avait attribué une nouvelle peau, un nouveau corps, et réveillé aussi un antagonisme ancien entre le désir et les sentiments. Son petit coté fleur bleue en prenait un coup. Lorsqu'elle parvint à ce point de sa réflexion elle reposa la tasse sur le plateau de la table basse et se leva d'un bond. Il faut que tout soit parfait se dit t'elle. Elle passa l'aspirateur dans tout l'appartement puis s'attaqua à la poussière et enfin aux vitres. Et elle se félicita à la fin car l'ensemble de ces tâches, grâce à un peu de jugeotte et d'organisation ne lui prit que très peu de temps par rapport à ce que son inertie chronique, envolée désormais, occasionnait autrefois. Autrefois c'était il y a un peine quelques semaines se souvint t'elle non sans éprouver un léger vertige. Lorsque le jour commença à tomber elle tapota encore tous les coussins du salon, puis s'assura que le couvre lit dans la chambre ne faisait aucun pli. Enfin elle ouvrit un tiroir et sorti un paquet de bougies qu'elle arrangea consciencieusement sur chaque bougeoir, déplaçant ces derniers de quelques centimètres, plusieurs fois de suite, tout en prenant du recul de temps à autre pour regarder l'ensemble. Tout était comme elle l'avait imaginé quelques instants plus tôt, comme elle n'avait jamais cessé de l'imaginer tant de fois. Enfin pour compléter le tout elle aspergea de parfum quelques ampoules cachées derrières leurs chapeaux et alluma les lampes pour créer l'ambiance qu'elle avait toujours souhaitée. Elle aurait pu battre des mains comme une petite fille mais à ce moment là elle surprit le bruit de l'ascenseur dans l'immeuble et la panique l'envahit de nouveau. Déjà se dit t'elle ? Elle se rendit à la cuisine et poussa un oh en constatant qu'elle n'avait rien préparé pour le repas. Elle se mit alors à rire au beau milieu de la pièce... dire que j'allais oublier le principal... mais au lieu de faire la tambouille elle se rendit dans la chambre, chercha dans le dressing quelques instants puis s'empara de cette magnifique robe rouge au décolleté plongeant qu'elle avait achetée pour une occasion comme celle ci quelques jours auparavant. S'il m'aime se dit elle il se nourrira de moi et voilà tout. A 20 heures tapantes la sonnette retentit, elle se releva mollement du canapé pour aller ouvrir la porte, l'homme qui se tenait là avait tout à coup l'air d'un étranger. Elle bredouilla une excuse en disant qu'elle ne se sentait pas bien et qu'elle ne pouvait pas l'accueillir, qu'elle en était désolée. Enfin une fois la porte refermée, les pas s'éloignèrent, le bruit de l'ascenseur reprit sa course vers le rez de chaussée, elle souffla. Elle souffla sur chacune des bougies. Une odeur de cendres envahit l'appartement tout entier, elle se traita copieusement de tous les noms, puis fatiguée elle alla se coucher. Duo Techniques mixtes 60x80 cm Patrick Blanchon 2015|couper{180}
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Un rien parmi d’autres.
Si je me perd au beau milieu de ce désert c'est que je le veux. quelque chose en moi le veut. Quelque chose qui veut se reconnaitre et qui n'a pas grand chose à voir avec moi. Mais même de ça je m'en fous. nul n'a de pouvoir sur le rien. Si je me perd au beau milieu de ce désert je n'ai qu'à tout oublier pour trouver l'eau. Et tout le sable qui remplit ma bouche Et tout mon silence n'y changera rien. Huile sur toile 60x80 cm Patrick Blanchon 2020|couper{180}
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Le choix
Choisir c'est renoncer comme on le sait. C'est à dire qu'il faut faire un effort considérable pour balbutier un oui ou un non. Aussi certains prennent le parti de dire toujours oui, d'autres toujours non, comme s'ils avaient choisi ou renoncé une bonne fois pour toutes à quelque chose. J'étais plutôt oui parce que ça m'empêchait soi disant de me prendre la tête. Ce qui est totalement erroné. Puis j'ai décidé de me lancer dans le non pour rattraper tout ce temps perdu. Mais je n'ai pas vu énormément de changement. Ce n'est pas linéaire, ni stable, cela n'offre pas une sécurité. C'est sans doute ce mot l'entrave, la sécurité, mais on pourrait aussi ajouter la confiance. La confiance dans la vie, la confiance en soi, la confiance tout court. Enfin j'ai usé d'abracadabras parce que je ne voyais pas d'issue. Dire oui ou non au petit bonheur la chance c'est quelque chose, je veux dire que ce n'est pas rien comme on pourrait l'imaginer. Cela déclenche un tas de chemins qui s'ouvrent sous les pieds. Ensuite on peut se dire : suis je sur le bon, le mauvais chemin, c'est une autre histoire. En choisissant le hasard on tente de se débarrasser progressivement du but, car c'est aussi cela choisir, aller vers un but. Je choisis ce chemin parce que je ne sais pas où il mène, offre une chance de reconsidérer tous les buts. Ensuite évidemment pour tenter de rentrer dans le rang on peut se plaindre, s'autoflageller, se dire qu'on est totalement idiot ou débile, ou je ne sais quoi, mais tout ça n'est qu'une couche superficielle à laquelle on tente encore de s'accrocher pour préserver je ne sais quelle identité. Le malheur, le regret, le remords voilà ce qui nous permet de décider d'une continuité de nous-mêmes, tout comme le bonheur, la joie. C'est encore une sorte de oui ou de non déguisé. Mais ce qu'il peut y avoir en dessous de la couverture, on ne prend pas suffisamment le temps de la soulever pour le voir. Dans le fond oui et non c'est comme ni oui ni non c'est ambiguë à souhait et ça agace une bonne partie des gens qui eux pour être tranquilles veulent un oui ou un non. Enfin ils veulent savoir sur quel pied danser. Et une fois qu'ils le savent dansent t'ils pour autant ? Comme d'autres veulent savoir quel est le bon pinceau, la bonne couleur et je ne sais quoi encore avant de se lancer. S'ils se lancent jamais d'ailleurs. Il faudrait reconnaitre en dessous et au dessus du oui et du non, l'immanence. Pas facile de suite je vous préviens Etre tout à la fois baleine, requin et petit poisson nageant dans l'immanence. Un coup je te mange un coup je suis mangé, et tout ça sans le plus petit espoir ni regret, en s'ajustant au c'est comme ça vaille que vaille. Et votre humanité là dedans me demanda t'elle soudain Et là je me suis tu, je n'arrivais toujours pas à me décider si je devais me relever pour marcher sur mes deux jambes ou continuer à quatre pattes. Vous ne regardez pas par la bonne lorgnette ajouta t'elle, soyez plus léger bon sang et vous verrez comme tout finalement baigne joyeusement dans l'éther. J'allais opiner du chef bêtement mais je me suis repris. C'était encore une de ces optimistes militantes qui allait me bourrer le mou avec une armée de poncifs à la noix, alors j'ai pris mes jambes à mon cou ce qui n'est pas rien à mon âge et demande encore une capacité de souplesse appréciable. Technique mixte Patrick Blanchon 2021 50x50 cm|couper{180}
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Venus aux pieds palmés
Sur les portails des églises on rencontre régulièrement un personnage étonnant sculpté par des anonymes. Il s'agit d'une femme aux pieds palmés. On parle de patte d'oie la plupart du temps et je n'ai pas grand chose à redire à cela. Ca pourrait être une oie ou autre chose que ça ne changerait pas grand chose à la vitesse à laquelle le monde s'en va tranquillement vers sa fin. Il y a peu je suis tombé sur une chaine Youtube que j'écoute durant mes trajets en voiture, ( le lien est sur le mot Youtube) Assez régulièrement j'éprouve un engouement pour les choses à priori farfelues. Je ne saurais dire pourquoi sinon comme Audiard qu'il me faille une dose de connerie régulière afin de décontracter un peu ma cervelle d'un excès d'intelligence ou plutôt de lucidité pour rester modeste. Donc j'avale les kilomètres ainsi en même temps que je me laisse porter par la voix suave de cette femme qui me narre tout un tas de contes et de légendes qui aiguisent mon insatiable curiosité. Après l'Atlantide, la théorie de la terre creuse et les milles et une raisons qui provoquent régulièrement le déluge, après avoir parcouru la Mahabaratta avec l' aimable compagnie de cette voix où l'on comprend soudain que les dieux de l'Inde Antique sont en fait de vils extraterrestres tout aussi mesquins que nous autres terriens, se pose la question brulante de savoir d'où nous venons. Et la réponse évidemment serait le fruit d'un traficotage génétique entre une dame de là haut et d' un singe d'en bas. Ce qui du reste est tout aussi plausible lorsqu'on y réfléchit bien que de croire aux théories de Darwin. Voir plus. Car c'est vrai que d'une façon spectaculaire nous sommes passés du singe au crétin absolu en moins de temps qu'il le faut pour le dire. Selon la théorie les extraterrestres étaient plutôt cossards. Et plutôt que d'aller chercher de l'or par eux mêmes afin d'ioniser leur atmosphère- celle de la planète Nibiru pour ne pas la citer qui revient à notre hauteur tous les 3200 ans approximativement d'après des études très sérieuses, ils ont eu cette idée brillante quoique banale de faire faire le boulot par des esclaves. C'est à dire nous autres inventés pour l'occasion. Ce qui est fort de café c'est que le matériel génétique pour nous fabriquer proviendrait de leur propre reine, une sorte de Vénus aux pieds palmés je vous prie. Bon au début mon premier reflexe fut de rire sous cape évidemment. vous savez ce que c'est, on est tellement accroché au bon sens qu'on n'arrive à ne plus voir du tout qu'il n'est qu'un bateau qui vogue sur l'incohérence globale. Mais soudain le doute nait. Est ce que finalement ce ne serait pas une loufoquerie encore plus gigantesque que toutes celles que l'on nous a déjà fait avaler qui se cacherait derrière toutes les cosmogonies qu'on nous assène depuis des lustres ? Tout ça pour quoi ? pour diviser encore le monde entre ceux qui savent et ceux qui sont ignares. Bref pour tirer partie évidemment de l'imbécilité la mieux partagée au monde et que l'on nomme désormais la raison. Ce ne serait pas étonnant. De là à croire tout ce que l'on nous raconte, que ce soit avec bon sens ou fiction, à tout mélanger sans discernement il n'y a pas des kilomètres. Surtout lorsqu'on sait que la plaie la plus rapprochée du soleil, c'est cette fameuse lucidité, ce discernement obsessionnel. Femme en rouge Collection privée Patrick Blanchon 2015|couper{180}
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Au supermarché
Cette femme hystérique plantée devant les caisses. Des hurlements, des cris, des sanglots, panique totale. La caissière qui reprend sa respiration pour tapoter le micro et d'une voix qu'elle veux assurée : On demande le petit Kevin à l'accueil. Tout le monde piétine en râlant. Certains en profitent pour déballer leurs paniers, leurs caddies en poussant légèrement les marchandises en amont l'air de rien, avoir un tout petit peu plus de place pour s'étaler comme but. Elle devrait se rouler par terre dit la vieille devant moi en clignant d'un œil. Je ne peux retenir un fou rire. ça fait du bien de rire n'est ce pas quand on voit tout ce cirque elle ajoute en extirpant un saucisson à cuir de son panier. Je hoche la tête sans rien dire en attrapant le panneau séparateur pour marquer mon territoire de chaland sur le tapis roulant. Des chips, du chorizo et un paquet de croquettes pour la chatte, le strict nécessaire pour la journée, remplir des caddies me dégoute en ce moment. Kevin mon chéri crie la femme. Le vigile s'approche d'elle et tente de l'apaiser. Un noir immense et je la vois se recroqueviller. Puis elle se reprend tout de suite et s'adresse à la caissière, vous pouvez refaire l'annonce encore s'il vous plait. La caissière lève la main sans la regarder pour lui dire d'attendre qu'elle termine avec la vieille dame devant moi. C'est enfin mon tour, je me fends d'un petit signe de main à la dame au saucisson à cuir qui semble tout à fait enchantée de sa visite au supermarché et qui se hâte de franchir les portes coulissantes. Une vélocité soudaine que je n'aurais pu soupçonner. 10, 50 vous avez la carte de fidélité enchaine la caissière en reposant le micro. Non pas de carte de fidélité et ça sera par carte j'ajoute, sans fil. Petit bip et re petit bip retirez votre carte. Avant de franchir les portes je me retourne pour voir le tableau encore une dernière fois. Le vigile a pris la femme dans ses bras elle chiale sur son épaule, intarissable. Puis au bout de l'allée centrale je reconnais la bouchère qui s'amène avec un gamin qu'elle tient par la main. La mère aussi a du repérer l'évènement, elle repousse le vigile et s'avance vers la cordelette qui interdit l'entrée du magasin entre les caisses. Kévin mon amour viens voir maman j'ai des images saugrenues du film Titanic qui surgissent soudain. Puis la nausée d'un coup et je m'élance vers le parking. Il fait frais, un petit vent s'engouffre sous les vêtements pour piquer la peau. En avançant vers mon véhicule je me demande comment j'aurais pu appeler mon gamin si un jour j'avais eu l'idée d'en avoir un. Surement pas Kevin je me dis oh non surement pas. huile sur toile 20x20 cm Patrick Blanchon 2021|couper{180}
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L’excellence comme habitude
L'excellence en peinture Selon le philosophe Aristote le bonheur serait un horizon vers lequel nous pourrions nous diriger par l'habitude d'utiliser la raison dans tous nos faits et gestes. Le bonheur serait d'installer l'excellence comme habitude. Mais peut-être que ce terme d'excellence n'a pas la même définition pour Aristote que pour nous modernes. Lorsque on pense à ce terme on l'associe souvent à un but alors qu'il n'était probablement dans le discours du philosophe qu'un vecteur, une direction à suivre vers cet horizon qu'il nomme le bonheur. Si je transpose cette idée dans la peinture l'excellence ne peut être sérieusement considérée par l'entremise du chef d'oeuvre. Ce n'est pas la réalisation de chef d'œuvre qui me rendra heureux mais plutôt la dynamique, l'habitude de peindre tout en réfléchissant à ce que peut-être la peinture comme chemin. C'est surtout d'ailleurs en découvrant progressivement ce qu'elle n'est pas que je puis me détacher du superflu, des entraves et des obstacles que poserait une vision superficielle de celle-ci. Parmi le superflu, le superficiel je considère l'argent, la gloire, et un excès d'attachement à la reconnaissance. Tout bien considéré ce n'est pas vendre un tableau ni de découvrir mon nom à l'affiche pas plus que les louanges qui me rendent heureux . Ces sensations sont de l'ordre du plaisir, et bien qu'elles me procure parfois d'agréables sensations elles ne peuvent être le matériaux à partir duquel trouver le bonheur de peindre. Et je crois que l'honnêteté, la sincérité doit être recherchée constamment, lorsque le plaisir se présente ainsi afin de le prendre simplement pour ce qu'il est. C'est à dire ne pas s'en contenter comme d'un but qui enfin serait atteint. Il existe également un égarement dans lequel je suis tombé bien des fois durant ma carrière de peintre c'est de trop s'attacher à l'insatisfaction comme si celle-ci était un moteur obligé, incontournable afin de pouvoir poursuivre le travail. c'est à dire que quelque soit le tableau réalisé se hâter de s'en défaire par le "ce n'est pas assez "et le "je peux faire encore mieux" Et ainsi en quête de ce "mieux" qui ne sera ontologiquement jamais assez mieux, poussé par un orgueil, une vanité, opérer à la fois une maltraitance envers soi comme envers la peinture puisqu'à ce moment je ne la considérerais que comme un médium, un outil que je tenterais de soumettre dans un but vain. Sans doute l'âge joue t'il un rôle important pour atteindre ce détachement. L'énergie que l'on possède en excès à l'origine et que l'on dépense sans raison véritable à courir après les lièvres et les châteaux en Espagne s'amenuise et on commence à l'économiser. Pour ma part il aura fallu que j'attende patiemment la soixantaine pour me débarrasser de nombreuses chimères et pénétrer enfin dans une vision plus claire de la peinture. Ce que représente la notion d'excellence n'est pas un savoir faire mais une attitude que je m'efforce de conserver constante sitôt que je me trouve confronté à l'acte de peindre. Et ce que ce soit dans la solitude de l'atelier comme dans les ateliers que je dispense à des enfants ou à des adultes. Ce que je tente de faire passer c'est que la peinture n'est rien d'autre qu'elle même ce qui est loin d'être une évidence pour le plus grand nombre tant elle est nimbée d'illusions, de poncifs, de clichés. Plutôt que de s'arrêter trop longtemps sur cette idée d'excellence polluée par toute velléité de but y compris la volonté de ne pas atteindre un but qui serait l'ultime étape à franchir, sans doute faut il se concentrer sur l'habitude, l'habitude de peindre. L'habitude de peindre. Il y a de multiples façons d'aborder la notion d'habitude par le biais du plaisir, du devoir, ou même de sa caricature, l'addiction. On peut parler de bonnes ou de mauvaises habitudes suivant le résultat occasionné par la mise en place de celles-ci. Il y a donc malgré tout un socle moral sur lequel la vertu aurait un rôle à jouer. Cette vertu pour autant est bien plus liée à la raison qu'à un faisceau plus ou moins flou de croyances, de superstitions, en un mot à la magie et à l'irrationnel qui l'accompagne. Etre vertueux c'est donc en grande partie être raisonnable, agir selon la raison et ainsi ne pas se laisser emporter par la poussée d'irrationnel, de magie, qui accompagne souvent un certain nombre de clichés sur le personnage du peintre. On ne tient pas la distance en s'appuyant sur la magie, c'est ce que je veux dire. Et encore autrement : s'appuyer sur la magie c'est jouer avec le feu et on y laisse beaucoup de souffrance pour rien. Pour rien c'est à dire que l'on rate le but d'être tout simplement et d'être heureux accessoirement. La magie, ce que l'on appelle communément l'inspiration est une fausse piste car elle fait briguer un résultat qui est de l'ordre de l'avoir et non de l'être. C'est en forgeant que l'on devient forgeron dit l'adage populaire, et c'est en peignant que l'on devient peintre. Cependant que constamment je crois il faut réexaminer son pourquoi. Et tant que celui ci est orienté vers l'obtention de quelque chose qui n'est pas la connaissance de la peinture il faut avoir le courage de s'en détacher. L'exigence du simple. La seule exigence c'est celle qui est utile à maintenir actif en soi le cheminement vers la simplicité. Nous sommes tellement compliqués la plupart du temps par paresse. Et on dit alors c'est plus fort que moi, je ne sais pas où je vais parce qu'on imagine toujours une multitude de possibles comme une multitude de plaisirs à venir. En fin de compte il y a bien plus d'illusions que de réalité dans cette course folle qui voudrait élucider tous les mystères. On appelle souvent ce qui est compliqué un mystère parce que cela nous dédouane de se donner la peine d'examiner la raison de notre attirance vers le compliqué. Nous avons de nous mêmes une telle idée d'importance que celle ci pour se dilater plus encore s'appuie sur la notion de mystère. Grâce à ce mystère nous pensons avoir trouvé l'embarcation qui nous poussera enfin vers l'infini. Cet infini qui évidemment répondra à toutes nos questions. C'est l'infini le problème, c'est notre attirance vers celui-ci pour fuir le présent le problème. Mais si l'on se tient à l'instant il n'y a plus de problème. Il suffit de prendre une feuille, une toile, de la couleur, un pinceau et de peindre dans l'instant ce que nous sommes dans cet instant. N'est ce pas simple ? La paresse vient de ce que produit le confort en tant qu'illusion. La complication a besoin de confort pour se reposer d'elle même. Le simple, principe actif n'a pas besoin de se reposer il est toujours en action jusque dans notre sommeil. Parvenir à observer ces deux forces, le compliqué et le simple comme des vecteurs qui crée une dialectique, une conversation qui au bout du compte laisse place au silence, demande du temps. Souvent une vie. L'exigence du simple est donc en grande partie lié aussi à l'oreille, à la justesse du silence que l'on finit peu à peu par reconnaitre comme sien et comme notre et dont atteste par simple réfection la peinture. S'éloigner du spectacle Il faut faire un effort considérable afin de se lever et faire quelques pas pour s'éloigner du tableau. Prendre du recul pour s'éloigner du spectacle. On peut le faire par fatigue, par dégout, par amertume, on peut tenter de se lever et de s'éloigner ainsi de nombreuses fois et à chaque fois le regard que l'on portera sur le tableau, sur la peinture sera teinté par ces efforts. Mais pour voir vraiment le tableau au delà du spectacle c'est évidemment autre chose. C'est la notion de valeur qu'il faut étudier à la fois sur la toile et en soi-même. Il s’agit d’une valeur qui n’a rien à voir avec l’idée de marchandise. Il n’est pas simple de s’éloigner du spectacle tant celui-ci a tout envahi, qu’il est est devenu une modalité de relation aux autres et envers soi. Mais si on revient à ce qu’est la peinture pour de vrai ….ce n’est rien d’autre que des pigments mélangés avec de l’eau ou d’autres médium et que l’on dépose sur du papier de la toile ou des murs. Le spectacle est tout ce que l’on ajoute à cela la plupart du temps. S’éloigner du spectacle est donc en premier lieu une prise de conscience du spectacle, puis s’orienter ensuite vers cet horizon du simple et du bonheur de peindre comme d’être. C’est s’orienter comme l’aiguille d’une boussole vers le pôle d’une excellence qui n’est constituée que par l’instant et le recommencement de la peinture dans cet instant. C’est découvrir peu à peu une excellence de l’habitude, puis une excellence comme habitude. Huile sur papier 13x18cm Patrick Blanchon 2021|couper{180}