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Equilibre

recherche d'équilibre entre l'ocre et le bleu huile sur toile 20x20 cm Dans la peinture la notion d'équilibre est importante, mais de quoi parle t'on vraiment lorsqu'on imagine l'équilibre ? Souvent on se réfère au symbole de la balance, à une idée d' égalité entre les deux plateaux de celle-ci. Cet équilibre là est lié à une symétrie. Autant de poids de part et d'autre. Il s'agit d'une sorte de compensation. C'est sans doute une création purement humaine car dans la nature je ne vois pas que les choses s'organisent ainsi. L'échange ne semble pas juste pas plus qu'équitable au sens où nous l'entendons généralement. Je crois que j'ai toujours été agacé par cette notion de comparaison, d'échange, d'équilibre qui dans le fond n'existe nulle part ailleurs que dans notre vision humaine. Car rien n'est véritablement égal, et tout l'est en même temps. C'est sur ce paradoxe que l'on finit par tomber lorsqu'on se penche sur le problème de l'équilibre. Je veux dire qu'une métamorphose incessante ne cesse d'être à l'œuvre rebattant sans relâche tous les concepts, les préjugés, et les théories que l'on peut fonder sur cette notion d'équilibre. La vie comme la nature, comme un artiste digne de ce nom ne cessent jamais d'inventer de nouvelles notions d'équilibre. Sans doute parce que cette dynamique est un moteur universel. Parce que s'il s'agissait de répéter de simples formules, des recettes, tout finirait pas s'appauvrir, par mourir. Au cours de notre histoire la notion de l'équilibre n'a jamais cessé de changer et si on peut observer les œuvres réalisées depuis que l'homme existe on voit que les préoccupations concernant cette notion ne sont pas basées sur les mêmes critères Parfois j'ai l'impression que certains artistes ont même utilisé ce qu'on nomme le déséquilibre aujourd'hui pour parvenir à leurs fins. Ce qui signifie que cet équilibre qu'ils recherchaient n'était pas fondé sur une notion d'égalité. Au contraire ils recherchaient plus une hiérarchie d'importance tout en questionnant l'importance en temps que concept. Cette importance n'est pas la même lorsqu'il s'agit des choses quotidiennes, et des choses sacrées, lorsqu'ils veulent évoquer le profane ou le sacré. Dans cette division entre profane et sacré l'équilibre, l'importance ne sont plus au même niveau que ce nous contemporains pouvons penser de ces deux termes. Sans doute parce que la notion de sacré n'est plus au centre de nos préoccupations modernes. Cependant qu'en reléguant celle ci sur la marge c'est toute la question du sens, de l'orientation, de la composition et bien sur de l'équilibre qu'il faut alors rebâtir. Je fais sans doute partie de ces peintres qui tournent en rond autour de cette question de l'équilibre. Cela déborde le cadre d'un tableau. Depuis que la mort de Dieu nous est parvenu à l'oreille, l'art s'en ressent. La notion de sens et d'équilibre également. Mais rien ne se perd vraiment non plus comme on le sait tout se transforme. Ce que l'on appelait Dieu, ou le sacré est toujours présent, bien plus qu'on l'imagine dans nos vies. Simplement ce sont les mots qui changent sans que l'on fasse attention à ce que ces changements entrainent comme conception du sens sur notre monde. Ainsi le silence, ainsi le vide sont ils devenus ambigus tant que l'on ne les associe pas à cette notion ancienne de sacré. Sans le sacré le silence est hostile tout comme le vide est affreux. Encore faut il s'entendre sur ce que l'on connait vraiment du sacré. Peut-être faut il le dépoussiérer, le débarrasser de son aura de bondieuseries, en revenir à l'être tout simplement qu'on ne voit plus tant l'avoir est une gangue têtue. Etre sacré n'est sans doute qu'un pléonasme comme la quête d'une équilibre parfait un faux problème.|couper{180}

Equilibre

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La joie ou la sérénité ?

C'est un peu comme cette histoire de lampe magique. On buterait dessus par inadvertance, on ramasserait l'objet en le frottant pour le nettoyer et paf ! un génie s'étirerait soudain au dessus de notre tête et il soupirerait en lâchant la formule : tu as le droit à deux vœux seulement cette fois ci parce que je suis fatigué d'être un génie, mieux encore, je te demande de choisir entre la joie ou la sérénité ! entre ces deux choses seulement, à toi de jouer et s'il te plait dépêche toi ! Evidemment vu sous cet angle de l'urgence on se demanderait, on tenterait de peser le pour et le contre, on ne sait guère faire autre chose que ça. J'imagine une vie joyeuse, c'est à dire une vie où n'importe quoi pourrait arriver sans entamer le moins du monde la joie. Immédiatement j'ai une image de roue qui tourne à vide, pour rien, quelque chose de foncièrement autonome, indépendant de tout, sans aucune intersection avec quoique ce soit d'autre que la joie. Ramenant tout à la joie. De prime abord cela pourrait paraitre séduisant tant qu'on n'aperçoit pas l'entonnoir posé sur sa propre tête. Puis j'imagine une vie de sérénité totale. Quoiqu'il puisse advenir de bon ou de mauvais je reste zen en parfaite équanimité de sentiment, de sensation, observant seulement tout cela passer comme des nuages dans le ciel. Quel ennui ! Je dis quel ennui parce que dans le fond je ne comprends rien ni à la joie ni à la sérénité je crois. Ce sont des mots, des concepts qui viennent de l'extérieur. Il se peut qu'à certain moment de ma vie j'ai éprouvé un sentiment proche de ce que l'on appelle la joie ou la sérénité. Ils ne durent jamais très longtemps et je crois que cette brièveté en fait pour moi toute leur importance, toute leur valeur. Ne vivre que dans la joie ou la sérénité, et même dans les deux mêlés toute la sainte journée me flanquerait le bourdon. J'aurais l'impression d'une solitude encore bien plus épaisse que toutes celles que je n'ai jamais rencontrées. Je me demande aussi pourquoi tant de personnes considèrent la joie et la sérénité comme des buts à atteindre puisque qu'ils se caractérisent surtout par leur fugacité. Ce qui est utile c'est d'accepter la diversité, le chatoiement de toutes ces émotions quelles qu'elles soient. Les accepter comme elles viennent sans s'y accrocher de trop. Les émotions, les sentiments, sont comme les pensées finalement, ce ne sont que des émanations d'un vide que l'on ne comprend pas, auquel la plupart du temps on ne s'intéresse pas parce qu'on l'ignore. Les rares fois où on le ressent ce vide c'est souvent lors d'un coup dur, l'annonce d'une maladie incurable, la mort d'un proche, on s'en trouve chamboulé, ébranlé et à ces moments là aucune pensée, aucune émotion, aucun sentiment ne sont assez forts pour combler ce vide. On reste bras ballants et bouche bée. Sonné totalement. Puis la vie reprends son cours, et on se remet à rire, à pleurer, à fumer, à boire, avec de temps à autre un petit moment de joie que l'on peut savourer ou un moment de paix pour se reposer et c'est à peu près tout de ce qu'il faut retenir de tout cela. La vie reprend toujours son cours, et on ne sait pas qui elle est, d'où elle vient et où elle va. Elle est comme un fleuve qui jamais ne se tarit et qui charrie en même temps les beaux poissons d'argent et les déchets des abattoirs. On peut avoir un avis sur la vie, ça ne veut pas dire pour autant que cet avis est juste ou faux, c'est un avis pour en dire quelque chose rien de plus. Sinine riik/ le pays bleu Huile sur toile format 40x40 cm Patrick Blanchon 2021|couper{180}

La joie ou la sérénité ?

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Le retour

"C'est le sort qui lance les dés" disait t'il. Et une fois cette affirmation posée, il se taisait durant quelques instants avant de porter le verre à ses lèvres et d'avaler cul sec le contenu. Je ne me souviens plus dans quel boulot nous nous étions rencontrés. Un travail sans qualification, mal payé et qui suçait notre substance de l'aube au crépuscule, un travail qui nous aspirait vers le bas, vers le degré zéro de la pensée, et nous tentions de nous échapper parfois de cette fatalité en allant au bar du coin. On faisait un loto, ou un tiercé chaque semaine et on restait là accoudés au comptoir, la plupart du temps silencieux, anesthésiés, sursautant de temps en temps lorsque la jeune femme, une nouvelle serveuse, échappait un plateau. Le bris de verre tout à coup nous extrayait de quelque chose, de notre lassitude sans doute ; oh pas longtemps, je dirais à peine 1/4 de seconde, ce qui était suffisant pour saisir l'existence de mondes parallèles auxquels l'accès nous échappait. Lucien appelait cet empêchement chronique, selon l'humeur le sort, le destin, ou la fatalité. Il venait de quelque part en Afrique. Du Cameroun je crois, encore que je ne sois pas très sur. Des types comme lui j'en ai rencontrés pas mal dans tous ces jobs. A la fin peu importait les noms des pays. Je ne m'encombrais plus la mémoire. D'ailleurs eux non plus je crois. Ils ne parlaient guère des départs et encore moins des retours. C'est en prenant le train à la gare de l'Est un soir avec lui que je vis qu'il n'avait pas d'abonnement. Il achetait ses tickets à l'unité. Possible que la boite ne lui remboursa pas la carte 5 zones qui coutait un bras. Il achetait au coup par coup de temps en temps mais m'avoua t'il la plupart du temps il fraudait. Aux heures de pointes il n'y a presque jamais de contrôle ajoutait t'il. Je notais l'info car elle devait résonner avec quelque chose d'important. A cette époque pour ne pas me noyer totalement j'avais comme bouée de petits carnets sur lesquels je notais je ne sais plus trop quoi et dans quel but. Mais j'ai fini par comprendre que c'était pour respirer. Ecrire m'a toujours semblé être lié à la respiration, respirer autrement comme ces personnes qui font du jogging à petites foulées le long du fleuve. Ce qui est drôle c'est que je n'ai pu conservé aucun de ces carnets . Je les ai égaré dans mes multiples déménagements, j'en ai aussi brulés certains pour tenter de rentrer dans le rang à une période de ma vie, mais je me souviens de quasiment tout ce que j'y avais noté. Du moins l'essentiel. D'ailleurs je m'étais plus ou moins dit ça comme si j'avais moi-même organisé inconsciemment toutes ces pertes : On verra bien ce qui restera quand le temps aura passé, ce que j'appelle l'essentiel. Encore qu'aujourd'hui je ne suis pas aussi sur des définitions. J'ai souvent l'idée de me recoller au travail afin d'en réinventer de nouvelles, qui collent un peu mieux à la réalité que je connais désormais. Si je me souviens de ce type dont j'ai quasiment tout oublié c'est seulement à cause de cette rengaine qu'il ne cessait de dire à tout bout de champs. "C'est le sort qui lance les dés" Jamais je n'ai entretenu de liens avec toutes ces personnes croisées durant quelques jours, quelques mois, parfois quelques années. Je crois qu'elles incarnent de temps à autre une voix qui nous dépasse tous, une voix hors champs qui s'exprime ainsi pour dire ce que l'on considère comme du bavardage sans importance. Ce bavardage j'ai toujours pris grand soin à le recueillir pour pouvoir l'étudier tranquillement, tenter d'en extraire l'essentiel. Mais cet essentiel n'était pas facile à trouver. Je crois même que c'est le jour où j'ai renoncé à écrire toutes ces choses, que j'ai renoncé à trouver l'essentiel, que peu à peu je l'ai rencontré de plus en plus souvent. Dans le silence surtout et dans la solitude cette voix est comme le vent qui tantôt hurle tantôt murmure, tantôt chante ou pleure. Ce qui compte ce ne sont pas tant les manifestations d'humeur que j'attribue à cette voix, c'est juste sa présence. Il y a là quelque chose de l'ordre du retour. Un retour que j'ai toujours jugé impossible, sans prendre vraiment le temps de me demander pourquoi. Sans doute parce que le retour est comme cette voix qu'il faut suivre dans la nuit, elle charrie tant de choses dont il nous faut nous détacher pour parvenir enfin à l'entendre dans sa pureté. Toutes ces émotions ces pensées qui ne cessent de tourner en boucle nous empêchent de l'entendre. Alors on peut imaginer mille ersatz, mille excuses, mille raisons, pour s'éloigner d'elle comme du pays natal. Mais ce ne sont jamais que des raisons personnelles que l'on se transmet comme des relais le long d'une course. On se dit tout bas que le retour est impossible car ce que l'on souhaite de toute son âme c'est un retour aussi puissant que l'amour, et nous savons, nous pensons, nous croyons, que notre poitrine éclaterait, qu'elle ne serait pas capable de respirer l'air de cet événement là. Nous nous faisons surement trop d'illusions sur cette idée de retour ce qui fait sourire l'automne avec tous ses froufrous de jaune et d'orange, de rouille et de brun que de petits tourbillons soulèvent du sol pour les emporter je ne sais où. Acrylique sur papier format 24x30 cm Collection privée Patrick Blanchon 2021|couper{180}

Le retour

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Légèreté

Une nécessité de légèreté s’impose après avoir traversé l’épaisseur, et il ne faut pas s’y opposer mais au contraire y aller tout entier. De même qu’après le discours s’impose un silence semblable à une fréquence sur laquelle flâner sans ciller. Cette nuit je reviens à un principe fondamental en peinture. Le « je ne sais rien » J’enfourche donc ce vieux cheval de bataille pour partir à l’assaut des moulins à vent, la plus intelligente des occupations quoiqu’on en dise ou pense. Je dépose une noisette de bleu de jaune et de rouge sur la palette et je dilue les teintes tout en les mélangeant pour créer des orangers des verts et des violets. Puis je laisse aller la main qui tient le pinceau pour déposer les couleurs sur une feuille de papier. Je ne pense à rien je n’ai pas d’idée je cherche juste à observer ce qui est en train d’arriver. C’est un exercice que je réalise régulièrement lorsque j’observe que je suis pris dans un désir d’aller plus loin en peinture. Quand je me dis tu peux faire encore plus juste, plus fort, plus ceci ou cela. Bref je cherche la Dulcinée de Tobosco. Je sais très bien qu’elle est à cet instant sous mon nez et simultanément ailleurs, partout et nulle part. C’est à dire lorsque malgré la sensation d’une réussite un malaise arrive simultanément. Comme si cette réussite finalement n’était qu’un coup de chance parmi tant d’échecs passés. Comme si je me méfiais toujours de l’enthousiasme que produit chez moi toute idée de réussite. Le malaise provient de cette rupture soudaine d’équilibre. Alors je redeviens comme l’enfant que je suis toujours malgré toutes les années. Je prends plaisir à barbouiller comme au début en explorant les mille et une façons de diluer les pigments de les mélanger et de les déposer sur une feuille. Je laisse ainsi couler la vie au hasard comme elle veut et je suis émerveillé de constater à quel point à ce moment là je ne sais plus rien. Mais c’est de ce lieu, du rien, que surgissent les principes des œuvres à venir. C’est tout à fait semblable aussi à une offrande que l’on dépose à l’entrée de la fête pour que celle ci se passe bien. Il ne faut rien offenser par une quelconque lourdeur et ainsi se défaire de la naturelle pesanteur. Atteindre enfin à la légèreté assez proche tout à coup d’un envol, d’une liberté. L’exercice de la légèreté acrylique sur papier 2021 Patrick Blanchon|couper{180}

Légèreté

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L’imposture, un modèle social.

Toute société a les imposteurs qu'elle mérite et pas étonnant que celle dans laquelle nous vivons les produise en batterie. On est arrivé à un tel degré d'ineptie désormais en créant des processus, des normes, que ce qui faisait autrefois "l'humain" est devenu quasi inexistant. Je pense que si n'importe quel pauvre type de l'antiquité ou du Moyen âge pouvait observer ce que sont devenues nos sociétés dites modernes il se dépêcherait de s'immoler pour retourner d'où il vient. C'est à dire que petit à petit la zombifaction du monde progresse à grands pas d'une façon exponentielle. On ne nous demande plus du tout de penser, mais d'appliquer et surtout de la boucler. Du coup et de là à ce que de plus en plus de petits malins comprennent parfaitement les nouvelles règles du jeu et en profitent à outrance il n'y a pas des kilomètres. Le maitre mot est donc de s'adapter parfaitement au désir de l'autre. Et donc de le comprendre parfaitement spontanément avant même que cet autre ouvre la bouche, pour que de celle-ci d'ailleurs ne sorte pas grand chose d'autre que des clichés, des poncifs. Comprendre que désormais chacun est directement abreuvé à la pensée unique, rien de plus facile pour les Tartuffes de tout acabit que de montrer une dévotion envers celle ci afin d'obtenir par la bande tout ce qu'ils voudront de pas bien clair. Je pourrais citer des noms évidemment, donner des références, et avoir l'air savant ou crédible dans ce que j'avance. Participer moi aussi à la grande simagrée de l'assemblée des singes savants. Mais non, peu importe les détails, ce qui compte c'est l'essence de l'imposture dont il faut absolument parler : c'est l'absence de réflexion, l'absence de pensée, l'ignorance dans laquelle on barricade les moutons et les porcs en prévision de l'abattoir. On dira que Guy Debord est un peu le Nostradamus ou le Nicolas Flamel de notre époque, que la société du spectacle est un terme amusant, exagéré sans doute... bref des billevesées ... et pourtant il n'y a plus que ça partout aujourd'hui , en politique, en économie, en entreprise, et même dans les boudoirs, dans les paddocks ... rien que du spectacle et plus grand chose d'autre. Il n'y a peut-être plus que l'art qui peut être une sorte de refuge, une arche de Noé pour affronter le cataclysme ultime et surnager au dessus de tous ces miasmes. Le seul endroit où sans doute on peut encore être humain sans se faire sauter dessus, puisque c'est bien connu l'art ne sert à rien pour la plupart des gens à par décorer les murs et spéculer. un reste d'humanité 60x80 cm Huile sur toile Patrick Blanchon|couper{180}

L'imposture, un modèle social.

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Compulsion

Le moteur est un moteur à combustion tout à fait normal et la voiture, bien qu'ancienne continue à rouler cahin-caha par tous les temps. Il n'y a Dieu merci, pas trop d'électronique, et les vitres se baissent et se relèvent manuellement. Mais j'en fais des kilomètres, je ne lésine pas sur les distances. Alors si un jour, il y a de cela très longtemps j'ai éprouvé un peu d'angoisse à conduire cette machine, c'était du à mon manque d'expérience uniquement ! Je venais tout juste de dégotter mon permis dans une obscure caserne et je venais de le faire valider en préfecture. Alors pas étonnant que la première fois que j'ai emprunté le périphérique je crois que j'ai du faire un bon litre d'huile avec le grain de chènevis que je m'étais placé mentalement entre les fesses. Mais l'habitude, la régularité, le fait d'avoir à gagner sa vie, peu à peu ont transformé cette angoisse en indifférence. Aujourd'hui je peux tout à fait me rendre d'un point à un autre en faisant tout un tas de choses comme allumer une clope, écouter la radio, me gratter le nez et rêvasser. Parfois j'ai l'impression que je ne sais même pas comment j'ai effectué le trajet. J'arrive soudain à ma destination un peu éberlué, ça me dure 10 secondes le temps de reprendre le cours de mes activités. Donc non plus d'angoisse vraiment à utiliser la voiture pas plus qu'à peindre, pas plus qu'à écrire chaque jour mes billevesées. Autant dire que je ne me reconnais pas du tout dans ce personnage baroque, compulsif que l'on m'attribue parfois. Si j'enchaine les trajets comme j'enchaine les tableaux et les textes, c'est parce que je suis mon propre rythme et voilà tout. Je suis encore doté d'une formidable énergie à plus de 60 ans passés et j'en profite. J'en profite mille fois mieux qu'à 20 ans, qu'à 30 ou même à 50... Périodes où je m'entravais tout seul avec tout un tas de questions, avec un fatras d'élucubrations sur la vie, les femmes, le boulot, et les calculs compliqués pour décrocher le gros lot au tiercé ou au loto. Non désormais, rien de tout ça ne me préoccupe outre mesure, à part lorsque je me rends au café du coin, pour participer de temps à autre à une conversation. Mais ce n'est pas la même chose le café du coin et ce qui se passe dans ma tête lorsque je conduis, lorsque j'enseigne, lorsque je peins. Si vous voulez le fond de ma pensée, je ne pense plus vraiment à rien, je ne prépare plus rien, j'arrive et je fais avec ce que me propose l'instant et c'est à peu près tout. J'improvise perpétuellement. J'en ai résolument fini avec la compulsion de la même façon qu'avec le syndrome de l'imposteur. Je ne cherche pas à m'adapter au désir des gens, ni même aux miens, je colle à l'instant et ça va très bien comme ça. Et voyez vous ce qui est très étrange c'est qu'en collant à cet instant le plus étroitement que je suis en mesure de coller, d'adhérer, je finis par disparaitre dans celui-ci, ce qui signifie en gros que je crève et renais à chaque instant. Autant dire que toute idée farfelue sur ma propre importance apparait dérisoire. Qu'espérer de mieux que d'être aussi mortel durant toute une éternité ? Et bien je ne vous le demande pas ça ne servirait pas à grand chose. Vous chercheriez des réponses pour éluder la question. Mais non pas d'angoisse, pas de compulsion, j'en ai bien peur hélas. autoportrait Patrick Blanchon 2021|couper{180}

Compulsion

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Terrasser le dragon

Armé jusqu'aux dents avec ça. Presque arrogant. Non, disons le carrément tout à fait arrogant ! Une sorte de conquistador de la peinture qui s'imagine décrocher la timbale d'or, puis nimbé de gloire, gravir les marches d'un hypothétique podium. Et à la première place je vous prie, quel culot. Vous voulez un nom j'imagine, vous voulez en savoir plus évidemment, mais je ne vous lâcherai aucun nom. Parce qu'il est encore jeune, parce que je suis vieux, et bienveillant par dessus le marché, et que je sais déjà pertinemment que le jour viendra où toute cette outrecuidance, cherchez dans le dictionnaire si vous ne savez pas, oui cette outrecuidance le fera probablement rougir des orteils aux oreilles et connaitre enfin la nature du rubicond. Non je ne parle pas du fleuve, mais j'aurais pu. J'aurais pu dire aussi "alea jacta est" pour prouver mon érudition, mais moi mes petites dames, mes petits messieurs je m'en tamponne joyeusement le coquillard de toute cette comédie, je ne cherche plus depuis belle lurette à terrasser les dragons. Car il s'agit bien de ça. D'un fait d'arme ni plus ni moins, comme quoi la guerre est dans le sang. Que ce soit sur un champs de bataille, dans un plumard, au bureau, à l'usine, et même sur ces stupides vélos d'appartement...il faut toujours dépasser quelque chose voyez vous, aller plus loin, vaincre je ne sais quoi ... Et parvenir ainsi à planter le javelot, le pic, la flèche, l'épée ou la saillie dans cette manifestation du mal, insupportable à tous ceux qui ne regardent ce monde que par le petit bout de la lorgnette, par la lentille extrêmement polie, quoique déformante à souhait, du bien. Le pinceau entre les dents, la toile comme bouclier vas y que je te chevauche par mont et par vaux en poussant des cris d'orfraie. Non mais quel grotesque ! Et voyez vous, cela m'énervait déjà lorsque j'ai commencé ma carrière mais je ne disais mot, je la bouclais. Je ne voyais pas pourquoi j'allais moi, remettre en question l'ambition, moi qui n'en ai jamais eu, cela aurait été du toupet n'est-ce pas. J'étais même totalement marri de ne pas en avoir du tout de l'ambition. Je ne voyais pas à quoi cela pouvait servir pour peindre. Je peignais, j'enseignais, je la bouclais, c'était ma vie. Mais on vieillit, et on sent bien que le tableau ne serait pas tout à fait complet sans quelques éclats de colère bien appliqués et aux bons endroits ! De toute ma vie j'ai vu beaucoup de personnes s'en aller ainsi la fleur au fusil ou au pinceau pour tuer ce qu'ils nomment des dragons et se gargariser ensuite de l'avoir fait en se reposant sur leurs lauriers. En ce qui me concerne j'ai toujours dans la poche un sachet de graines, et du gros sel pour les jeunes enfants. Lorsqu'ils me demandent comment tuer le dragon je leur dis : avant de pouvoir le tuer il faut l'apprivoiser , prend donc ces graines et ce gros sel pour en déposer quelques grains sur sa queue quand tu le verras. Un seul durant ma longue carrière, un seul m'a posé la question, et voyez vous c'est à cause de lui probablement que j'ai continué sans me lasser Mais si on l'apprivoise comment est ce qu'on peut avoir envie de le tuer ensuite ? Tout est là mes petites dames, mes petits messieurs, tout est dans cette question enfantine à laquelle d'ailleurs je n'ai jamais daigné répondre, car je déteste les réponses, elles n'ont jamais fait que des idiots imbus d'eux mêmes les réponses. Les mêmes exactement, armés jusqu'aux dents avec ça, des arrogants. horizon incertain huile sur toile 2017 100x100 cm Patrick Blanchon|couper{180}

Terrasser le dragon

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Les nouvelles dictatures

Plus insidieuses que tout ce que nous avons déjà subi, les nouvelles dictatures surgissent comme des boutons sur le front des ados attardés. Regardez ceci est une belle personne et celui là une mauvaise. Et puis il faut aimer, aimer en se mirant à tout bout de champs dans chaque reflet. On y perd son bon sens, et c'est tout à fait voulu. Comme si dans les jardins ne poussaient que des roses. Comme si le jour ne venait pas de la nuit. Mon Dieu si tu existes, qu'ils sont lassants à force tous ces poncifs. Rejoue nous un Déluge, balance donc un cheveu dans la soupe, réveille nous par un séisme majeur... Il faut être ceci ou cela et ne pas faire ainsi faites plutôt comme ça. Des conseils comme des averses de mars en giboulées même en octobre, surement toute l'année. Mémé disait les conseilleurs sont pas les payeurs, et c'est bel et bien toujours d'actualité. Les bruits de bottes dans la tête, la peur que l'on attise comme un foyer, tout ça va encore certainement nous attirer des bricoles. tout ça pourquoi au final ? pour tout reprendre depuis le début, recommencer à zéro comme il se doit C'est toujours ainsi perpétuellement à la pendule des étoiles. Et nous le nez dans la vase on pense on pense qu'un jour tout ça va s'arranger dans l'ordre désiré. sans savoir que l'ordre désiré est le plus haut niveau de ce mal qui aboie tout au fond de notre nuit à la lune A l'infini Comme un petit être mal sevré. huile sur toile Patrick Blanchon|couper{180}

Les nouvelles dictatures

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Secret, silence, solitude.

Une tentative de définition ratée d'avance. Cela fait maintenant quelques années que je tourne autour d'une définition possible, compréhensible de l'art brut. Une définition personnelle tout d'abord qui me permettrait de l'enfermer dans quelque chose, semblable à un paragraphe proche de ceux que l'on trouve dans un dictionnaire. Mais quelque soit la façon dont je veux m'y prendre je sens bien qu'une résistance m'en empêche. C'est comme vouloir enfermer un oiseau en cage. Aujourd'hui je vais remettre l'ouvrage sur le métier, encore une fois essayer de comprendre à la fois ce qui résiste à cette tentative de définition. Et pour cela j'ai choisi trois mots, le secret, le silence, la solitude puisque le plaisir que j'imagine rechercher tiendrait à pouvoir dire en trois mots ce qu'est l'art brut. S'il est possible de définir la source de l'art Brut en trois mots j'aimerais probablement que ce soient ces mots là. Le terme d'art brut est attribué à Jean Dubuffet. Encore que l'art brut ça ne veuille plus dire grand chose désormais. Encore que je sache qu'il faille rater encore une fois de plus. On ne peut pas le cantonner l'art brut à un art des fous, à un art de la marge uniquement. L'art brut finalement est une appellation générique commode pour le marché de l'art destinée à identifier tout ce qui n'est pas l'art classique, académique, et qui n'est pas non plus abstrait. Le but étant dans la logique marchande de nommer un produit pour le placer en tête de gondole ou bien dans les multiples rayons de son magasin. L'art brut est avant tout un art d'autodidacte, d'ailleurs on ne parle pas d'œuvres on parle de créations lorsque Jean Dubuffet est le premier à utiliser le terme ( en 1945) Dubuffet s'intéresse cependant à ce type d'art bien avant cette date. Dès 1922 il connait déjà les travaux d'un médecin allemand, Hans Prinzhorn qui s'est constitué une sorte de musée d'art pathologique à Heidelberg. Dubuffet connait également les travaux du Suisse Walter Morgenthaler, médecin chef à la clinique de Waldau près de Berne. Ce dernier s'intéresse particulièrement aux créations d'un patient :Adolf Wölfli Et si Adolf Wölfli n'était qu'un caricaturiste de notre propre monde ? L'écrivain d'origine suisse, Blaise Cendrars a eut l'occasion de se rendre à Waldau et sans doute de rencontrer le travail d'Adolf Wölfli, et l'on peut bien sur penser qu'il s'en inspirera pour créer son criminel fou dans le roman Moravagine. Ce qui caractérise l'ensemble de l'œuvre d'Adolf Wölfli c'est la profusion. Durant 30 ans il va réaliser 1300 dessins, 44 cahiers, et sa biographie imaginaire compte plus de 25000 pages. Il invente son propre univers, avec ses mythes et un langage. tout un univers qu'il semble maitriser parfaitement, et sur lequel il est intarissable un peu à la façon d'un encyclopédiste de l'époque de Diderot. Ce qui à mon sens est un pied de nez plus ou moins conscient à l'idée d'encyclopédie, et à la prétendue richesse que le savoir semble proposer à ses détenteurs en général. C'est sans doute logique que lorsqu'on pense à l'art brut on imagine qu'il provient en premier lieu d'hôpitaux psychiatriques, qu'il est un art des fous. Mais ce serait à mon avis une erreur de réduire l'art brut au produit d'un dérèglement mental, ou tout du moins à une inaptitude de ses créateurs à vivre de façon dite "normale" en société. s'il doit être le fruit de la folie ce serait celle dont parle Michel Foucault , c'est à dire celle nécessaire, imposée par la raison qui désire coute que coute se maintenir et régner. L'Art Brut un enjeu politique autant que mercantile. Il y aurait donc en deçà de la définition de ce qu'est l'art brut, un enjeu politique et mercantile. Car dans ces deux zones on cherche à identifier ce qu'il est, ou plutôt ce qu'il doit être selon les buts recherchés qui n'ont pas de véritable affinité avec sa raison d'être principale, je veux parler d'un art du secret, du silence, de la solitude. Le fait que cet art soit un art d'autodidacte la plupart du temps en opposition avec d'autres formes d'art issues d'un héritage, d'un patrimoine, d'un enseignement académique ou autre signifie également que le créateur est tout à fait capable de s'inventer ses propres règles, son propre univers. Il n'a besoin de personne pour l'aider ni pour décider du beau et du laid en celui-ci. Le créateur d'art brut est en premier lieu son propre spectacle comme son propre spectateur. Il n'a besoin d'aucun public. Sauf peut-être afin de le considérer comme l'Autre hostile, pour le vilipender et ainsi renforcer plus encore, réénergiser si l'on veut les trois sources de son travail. La notion de secret récurrente dans l'art brut. Le secret : Il n'y a que l'auteur qui peut savoir ce dont il s'agit et personne d'autre. La notion de secret est le ferment d'une codification dont l'auteur seul connait la règle, le chiffrement. Hier par exemple je suis tombé sur une vidéo de Youtube relatant le mystère d'un manuscrit remontant au 15 -ème ou 16 -ème siècle attribué certainement à tort à Roger Bacon ( 1214-1294) ( mais aussi à Léonard de Vinci, et Athanasius Kircher plus contemporains de la nature du velin sur lequel il est rédigé. Bref il s'agit d'un ouvrage de 234 pages écrit dans une langue inconnue à ce jour et sur lequel on été dessinés d'étranges esquisses traitant de la flore, de la faune et aussi de figures à l'apparence mythique. On peut imaginer qu'il s'agit de l'œuvre d'un soi disant fou, qu'il s'agit au même titre que l'œuvre de Wölfli d'une pièce d'art brut. Mais comme elle ne se situe pas dans le même contexte, qu'on imagine une pièce archéologique, et que celle ci doit receler un secret important, on l'étudie depuis des années, en vain. A ce jour personne n'a réussi à déchiffrer cet ouvrage. Si on le considérait comme l'œuvre d'un fou on ne perdrait pas autant de temps certainement et cet ouvrage trouverait sa place au musée d'art brut de Lausanne. Il y a évidemment quelque chose de fascinant à considérer un univers étranger au notre et c'est humain d'imaginer qu'il possède des règles, des codes au même titre que le notre. Le fait est que les créateurs dits fous ou marginaux ne créent pas sans raison de tels univers, mais ce peut être aussi temps perdu que de vouloir y trouver les mêmes lois, les mêmes principes que dans le notre. Et même si tel était le cas , je crois que ce serait effrayant de constater à quel point notre univers dit normal est tout aussi vertigineux de déraison justement pondue par la raison que l'univers d'un Wölfli. Ce qu'il ne faut pas non plus oublier je crois c'est que c'est seulement celui qui observe la création d'art brut qui lui attribue la notion de "secret" sans doute tout autant que son créateur. Il n'y aurait donc pas un seul secret, mais au moins deux et qui s'attireraient ou se repousseraient comme des forces électromagnétiques suivant les circonstances. Pas de musique sans silence. Le Silence, c'est le monde tout autour qui devenu incompréhensible, le monde réduit à la taille du brouhaha et donc le créateur est obligé de s'éloigner pour trouver sa propre qualité de silence comme sa petite mélodie personnelle. Et évidemment la solitude, encore que celle-ci soit peuplée d'autre chose que ce dont on la peuple ordinairement. Cette solitude peut par exemple renforcer la connexion avec des êtres surnaturels, et là aussi il n'est pas rare de voir toute une mythologie personnelle s'inventer dans cette solitude. Dans le fond les artistes de l'art brut, ces marginaux, ces soi disant fous ne sont pas si éloignés de chacun de nous. Ils ne sont la plupart du temps qu'une version exagérée de qui nous sommes mais que nous avons oublié car nous avons peur de quitter la norme après l'avoir remise en question. Est-ce que ce blog finalement n'est pas une sorte de création d'art brut ? Si l'art brut me fascine autant et depuis des années il y a sans doute un certain nombre de raisons à cela et que j'ignorais encore jusqu'à ces derniers jours. Car il n'y a a pas beaucoup de différences entre le travail effectué par Wölfli par exemple, ou celui de mon ami Thierry Lambert qui se revendique plutôt de la Neuve invention c'est à dire d'un art "pas tout à fait brut" et cette profusion de textes rédigés sur ce blog. Tous les ingrédients finalement s'y retrouvent et notamment les trois mots dont je parle dans cet article. Le secret car souvent je me sers de références personnelles et dont je ne cite pas vraiment les sources. Le silence car c'est souvent en m'extrayant du brouhaha de la pensée, comme du quotidien, au creux de la nuit que j'écris ces articles, ces récits, ces poèmes. Et la solitude essentielle enfin celle que j'ai fini par accepter totalement et amicalement en renonçant à l'idée de groupe, de chapelle, d'église, souvent cristallisés autour d'une raison, d'une idée, d'une pensée unique. Il n'y a pas non plus de volonté de reconnaissance qui me pousse à écrire ces textes. C'est bien plus une élaboration lente, patiente d'un univers personnel je crois avec ses tentatives de définitions, son vocabulaire presque semblable à celui du dictionnaire. Presque semblable c'est à dire un tantinet monstrueux, évidemment, ou fabuleux, comme on le voudra. Technique mixte sur toile format 50x60 cm Collection privée.|couper{180}

Secret, silence, solitude.

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Que dire des départs ?

A chaque fois c'est la même chose, à chaque fois que j'apprends la nouvelle d'un décès, je tombe dans le mutisme. Je veux dire que je ne dis absolument rien, aucune condoléance, aucun message de soutien, pas le moindre geste, pas le moindre signe, aussi sec je rentre dans ma coquille, je calfeutre porte et fenêtres et je mets des boules Quies ! j'attends que ça se passe. Que l'on parle d'autre chose surtout. Je ne supporte pas les témoignages d'affection, les embrassades, les étreintes. C'est un peu comme un Noël à l'envers, chaque veillée funèbre, chaque enterrement, cela n'a vraiment rien d'un cadeau. Je ne crois pas être un monstre pour autant. Simplement le tragique m'horripile au plus au point et je trouve qu'il vire généralement à la comédie à ces moments là, une comédie avec des fous rires qui tombent toujours au mauvais moment. Il n'en a pas toujours été ainsi. Je me souviens de tellement de poignées de mains, d'embrassades, de phrases que l'on dit à ces moments là pour prouver je ne sais quoi à je ne sais qui. Je me souviens de toutes les larmes qui roulaient et que je pouvais pas retenir. Et puis un jour je crois que c'est suite à la disparition brutale de mon père, je n'ai plus voulu entendre parler des départs. Je suis resté sur la touche à chaque fois que l'on m'annonçait ce genre de nouvelle. C'était plus fort que moi. Incompréhensible. Un blocage total. J'ai perdu des tas d'amis ainsi. Parce qu'allez donc vous expliquer, vous excuser d'un tel manquement à l'ordre général des vivants et des morts... La mort, toute mort me laisse muet et bras ballants. d'ailleurs je ne dis pas la mort, je dis les départs. Et en même temps quelque chose au fond de moi ne cesse de protester contre la mise en scène de la mort. Je suis contre tout ça , résistant encore une fois de plus. La mort c'est la vie je me dis vraiment. ça fait partie des choses quotidiennes naturelles. Pas de quoi en faire tout un pataques. Pour le mort quelle importance je me dis aussi, il est mort il est tranquille, il a accompli ce qui devait s'accomplir. Est ce qu'on va pleurer pour chaque brin d'herbe, chaque feuille , chaque escargot qu'on écrabouille chaque pâquerette qui se fane et disparait ? Au delà de ma très petite personne, et des turpitudes humaines, de ces tragédies et comédies de notre nature humaine, la mort est quelque chose de commun et en même temps paisible dans mon fort intérieur. Aucun besoin, pas la plus petite nécessité de prouver que je suis là pour participer désormais à la moindre clownerie funèbre. Sans doute parce que les morts chez moi ne meurent jamais. Ils sont toujours là et nous nous entretenons souvent à propos de choses insignifiantes, parce que l'on rit et que l'on pleure ensemble à chaque instant de la vie. Alors que dire de ces départs puisque il n'y a pas vraiment de départ véritable. Je crois surtout qu'il y a beaucoup de peur et méchanceté dans toutes ces affaires funestes. Il faut enterrer quelque chose soudain de toute urgence comme pour s'en débarrasser, et aussi pour savoir où il git à tout jamais pour qu'on n'y pense plus et qu'aucun fantôme ne surgisse soudain au pied du lit. Madame Valentine, ma mémé Varenne. Collection privée.|couper{180}

Que dire des départs ?

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Abondance et prolixité.

Juin couvre de fleurs les sommets, Et dit partout les mêmes choses ; Mais est-ce qu'on se plaint jamais De la prolixité des roses ? (Hugo,Chans. rues et bois, ). Trouver l'équilibre entre l'abondance et la prolixité n'est pas une mince affaire, en peinture comme dans le reste. L'abondance émerveille tandis que la prolixité agace, c'est le revers de toute médaille. On pourrait aussi dire plus simplement aller du tout au rien, et aussi tout ou rien comme s'il s'agissait de bornes à ne pas dépasser, à ne pas franchir, une sorte de cadre. C'est aussi une façon d'exprimer l'emploi que nous faisons de l'Energie. Sans canalisation, elle s'éparpille dans les champs et s'enfonce rapidement sous la terre pour rejoindre la nappe phréatique. Parfois elle n'a même pas le temps d'atteindre à la bonne profondeur, le jour se lève, avec lui la chaleur, et l'évaporation. Pourquoi cette bêtise d'ôter les haies, les arbres, les bocages si ce n'est pour courir vers la prolixité des moissons, et le profit. L'ignorance est souvent prolixe car ne sachant rien elle ne cesse de tâtonner dans toutes les directions sans jamais pouvoir se satisfaire d'un lieu, d'un temps où se poser. S'en rendre compte et crier Eureka ne règle qu'une petite partie du problème. On peut comprendre tellement de choses avant de les connaitre. L'abondance est souvent représentée par une corne en spirale large à la sortie, mince à son début. C'est exactement ce que disait mon bon maître Eckhart : Il faut qu’un homme devienne véritablement pauvre et aussi libre à l’égard de sa propre volonté de créature qu’il l’était lors de la naissance. Et je vous le dis, par la vérité éternelle, aussi longtemps que vous désirerez accomplir la volonté de Dieu, et que vous soupirerez après l’éternité et après Dieu, -tant qu’il en sera ainsi, vous ne serez pas véritablement pauvres. Celui-là seul a la véritable pauvreté spirituelle, qui ne veut rien, ne sait rien, ne désire rien. Mince à son début la corne d'abondance s'élargit en effectuant une spirale pour s'achever en une ouverture large. C'est en empruntant cette spirale, semblable à celle utilisée pour le jeu de l'Oie que la prolixité s'affaiblit peu à peu pour se métamorphoser en silence, en vide. C'est ainsi surement que naît la poésie, ce mot moderne de la Grâce. A cet instant il suffirait de presque rien pour qu'un big bang explose et que tout recommence, encore et encore. https://youtu.be/kKsxiwgKShA|couper{180}

peinture
Abondance et prolixité.

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On ne sait jamais

Mais on peut le prévoir vous savez, on peut se préparer à cet instant, en évitant de se faire à l'avance la plus petite idée. Etre vide pour accueillir ce qui vient, pour accueillir ce maelstrom qui nous cueille et nous emporte. On ne sait jamais, c'est une locution ancienne à dire, à murmurer, à chuchoter assis sur un banc devant les petits tourbillons de feuilles qui s'élèvent soudain du sol. On ne sait jamais. S'il faut se préparer c'est seulement à cela, à être vide et c'est exactement ainsi qu'on peut observer ensuite comment tout se remplit comme si la coupe n'avait pas de bord à l'infini. J'avais préparé tout un tas de choses car il faut occuper l'esprit, lui faire croire. Puis en poussant la porte je me suis dit, merci maintenant chacun pour soi. Et ce fut ainsi exactement, tous arrivèrent sous la pluie, tous avaient fait le chemin. Chacun de son coté pour se retrouver là ce soir à partager le grand vide que je rapportais de ce voyage. tous avaient les yeux grands ouverts j'ai bien pris le temps de voir. Au moment du discours, j'avais déjà prévu que ça se passerait comme ça. J'avais oublié, et j'ai du improviser avec l'instant. Ce fut léger et bref. Un crépitement d'applaudissements s'est engouffré à l'infini Puis nous avons bu plusieurs coups il faut bien ça. C'était chouette je me suis retrouvé en les retrouvant. vous voyez bien, on ne sait jamais. https://youtu.be/wCwpU2CtYgk|couper{180}

On ne sait jamais