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Ordre et désordre, bien et mal, dormir et rêver.

Le dernier trimestre de l'année s'achève et je fais le bilan concernant le thème que j'ai développé dans mes différents ateliers. J'ai proposé que l'on parte du désordre pour parvenir à en faire quelque chose, un dessin, une peinture que tout à chacun soit content de regarder à la fin. N'est-ce pas une sorte de métaphore ? Mais je ne vais pas trop en dire à ce sujet. Prenons donc la peinture comme prétexte comme d'habitude. Ce que j'observe c'est qu'il est difficile pour la plupart des élèves, sauf sans doute les enfants qui eux restent volontaires à tout ce que le "maître" propose, de ne pas savoir à l'avance où ils vont. Ils sont possédés par cette manie de devoir se représenter quelque chose d'avance achevé dans leur esprit. Alors que ce que je propose est une plasticité à découvrir dans l'instant, une surprise. Quelque chose de vivant. Ordre et désordre, ce couple de mots, de contraires si l'on veut, ne cesse de produire de la limite dans l'œil comme dans la cervelle. Et donc par conséquence directe, dans le cœur. Exactement comme "bien et mal", "dormir et rêver". Encore que ce dernier couple de mots demande une précision, car vivre c'est rêver. Non pas rêver des choses totalement saugrenues, mais se permettre de voir le monde, les évènements de différents points de vue, de ne pas être monolithique. Il en coute beaucoup de modestie, d'obéissance vis à vis du moment présent. Du moment de la peinture. En général la douleur, la souffrance, tout ce que l'on prévoit comme impossible, la projetant par avance comme expérience répétitive d'un échec mal adressé, se situe en dehors de cette fusion avec l'instant présent de la peinture. Accueillir la peinture nécessite de beaucoup s'effacer, de pénétrer aussi dans une maïeutique ... une sorte d'accouchement dont l'issue serait pour dire simple : se sentir vivant tout simplement et découvrir le respect comme synonyme de cette sensation. Peut-être suis-je exigeant avec les élèves sans que jamais je ne montre cette exigence vraiment. Car je déploie des artifices, des subterfuges, un labyrinthe de questions en suspens auxquelles je me garde bien de donner des réponses définitives. Je ne fournis que d'autres questions la plupart du temps, ou encore je ne dis rien, juste une blague. L'humour dans toute cette affaire est aussi une distance par rapport à la toile, à la peinture. Alix 7 ans Acrylique et feutre sur papier|couper{180}

Ordre et désordre, bien et mal, dormir et rêver.

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Un nouvel exercice

Bien, j'ai acheté un nouveau chauffage, à gaz cette fois, vous n'aurez plus ce prétexte de dire que vous n'y arrivez pas à cause du froid. Il fait 20°, le café est en train de couler, en attendant voici quelques infos sur le nouvel exercice que je vous ai concocté ! Nous allons travailler sur un format carte postale puisque c'est la période des étrennes suivie par celle des vœux. Ce n'est pas une raison pour oublier de placer du scotch autour attention, il faut que ce soit impeccable comme d'habitude. Cette fois faites une petite marge 5 mm environ. Si vous n'avez pas de ruban de masquage , prenez un crayon, non pas la règle, ce sera l'occasion de voir si vous êtes capable de tracer des traits droits à la main. Ensuite un peu de peinture acrylique pour créer un fond. Pas plus de deux couleurs comme toujours, trois avec le mélange des deux je vous le rappelle. N'ayez pas peur de laisser des traces cette fois, les coups de pinceau sont les bienvenus. Pas d'aplat trop net ! Faites en trois, on ne perd pas de temps comme ça. Trois petites peintures. Pendant que l'une sèche vous attaquez l'autre. ça va vite sécher avec la chaleur qu'il fait désormais. C'est bon ? Vous y êtes ? c'est terminé ? Ah pas encore ? Bon je vais chercher le café en attendant alors. Regardez, je vous ai trouvé des feutres noirs à pointe fine. Maintenant voyons voir si vous possédez une bonne acuité visuelle... Vous allez regarder vos peintures et entourer chaque forme que vous y apercevrez. Le moindre coup de pinceau, la moindre différence de couleur, de valeur, attention il faut se concentrer. Non Mireille on ne cherche pas à faire quelque chose en particulier, on ne sait pas où on va comme d'habitude. Et ne commence pas s'il te plait avec tes "je suis perdu" je te rappelle que ça te coutera 1 euro à chaque fois. Rires. N'appuyez pas trop sur la pointe des feutres, faites glisser doucement sur le papier. C'est bon ? Vous y êtes ? C'est terminé ? Ah pas encore ? Je sers le café alors. Toujours pas de sucre Simone et Catherine ? Bien maintenant vous allez utiliser les hachures, les petits points, les ronds de taille différents, des chiffres des lettres, des signes cabalistiques, tout ce qui vous vient à l'esprit pour créer des valeurs de gris sur vos peintures. Oui Huguette tu peux mettre des étoiles si tu veux. Faites attention à chaque fois que vous créez une forme vous créez aussi des formes négatives, il faut que vous soyez attentifs aux deux, le positif comme le négatif. Comment dis tu Christine ? que ce ne sera pas difficile de trouver le négatif ? Rires. Qui a fini ? Oui Lucie attend je viens voir. Oh mais non ce n'est pas du tout fini, il y a encore plein de choses que tu n'as pas vues sur ton fond, tu as laissé trop d'air, continue, regarde mieux. ??? Cela s'appelle l'acuité visuelle et ça se cultive. D'ailleurs cet exercice est basé sur ça : l'attention à la différence, et aussi sur le respect, l'obéissance. Oh il n'y a rien de moral là dedans. C'est juste que la plupart des gens comme vous et moi ne voient que partiellement les choses lorsqu'ils ne se concentrent pas pour les regarder. Nous pensons voir et nous ne voyons pas grand chose, mais ça je vous l'ai déjà dit plusieurs fois je crois. Donc c'est une façon encore de partir d'une certaine idée de désordre, un désordre visuel si l'on veut et de parvenir à lui trouver un sens, un ordre. Je ne dis pas que ça sera une œuvre d'art, pas du tout, on s'en fiche des œuvres d'art ici. Les œuvres d'art je vous laisse les faire à la maison. Ici je vous rappelle qu'on ne fait que des exercices. Et voici d'ailleurs un exercice qui peut vous aider à développer un peu plus de modestie, ce qui débouche généralement sur l'émerveillement. Buvez donc votre café pendant qu'il est encore chaud ! Travail d'élève. Acrylique et feutre noir. 2021|couper{180}

Un nouvel exercice

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L’opinion

Puisque l'opinion est une sorte de filon qui se sonde et se resonde pour un oui pour un non désormais je me dis que ça vaut peut-être le coup de me pencher, ou de m'élever vers elle. Car généralement l'opinion je m'en tamponne allègrement le coquillard. Lorsqu'on me sonne pour me la demander, je raccroche aussitôt. Lorsque je me rends au bar du coin et que quelqu'un me demande mon opinion sur l'hypothétique issue d'une match de foot, pareil. Je ne peux pas vraiment dire que j'aime ou n'aime pas le foot, ça ne m'intéresse pas du tout. Lorsque mon épouse veut m'acheter une chemise et qu'elle m'envoie un mms pour me présenter plusieurs coloris, je réponds généralement au pif. Pas de préférence non plus pour la couleur des chemises. D'ailleurs j'en porte rarement, je préfère les ticheurtes. Aujourd'hui pas une journée ne passe sans qu'on ne me hèle pour me réclamer une opinion. Il faut se méfier. D'abord parce que je ne sais absolument pas comment elle sera utilisée. Dans ma jeunesse je la donnais volontiers, et à tout le monde. C'est une erreur monumentale. D'abord parce qu'elle est répétée et ce de façon souvent déformée. On peut trahir facilement l'opinion d'une telle, d'un tel pas besoin, qu'ils se prénomment Guillaume pour ça. J'ai énormément souffert de donner n'importe quand n'importe comment à n'importe qui mon opinion. Ce fut en quelque sorte le début d'une longue traversée du désert où j'entrepris de la boucler pour de bon sur tout un tas de choses. Jusqu'à ce matin particulier où le chant d'un sansonnet caressa mon tympan droit, je suis un peu sourd du gauche, et s'insinua jusqu'à mon coeur. Et oui j'ai un cœur moi aussi. Ce fut comme un grand chambardement, un séisme de niveau 15 sur l'échelle de Richter ce qui ne se voit jamais, en principe. Et soudain il se mit à pleuvoir à grosses gouttes. La répétition des plocs sur ma caboche dégarnie je crois acheva le processus d'éveil. Aussitôt je fus envahi par une incommensurable compassion pour tous les êtres. Alors que quelques secondes auparavant j'en voulais au monde entier. C'est comme ça que je trouvai à la fois la sortie du désert, et mes clefs de voiture que je cherchais depuis 5 bonnes minutes sur le petit parking attenant à mon logis. Enfin je me frappais le front en les retrouvant, montais dans mon véhicule, et enclanchais la première pour me rendre à un boulot quelconque. A ce moment j'allumai la radio comme d'habitude, et justement c'était l'heure du journal dans lequel on me faisait part de tout un tas de recueils d'opinions diverses et variées sur tout un tas de choses. Et bien j'ai tout bonnement éteint le poste. Je me suis mis à rouler en silence. Arrivé au travail j'ai retrouvé mes collègues et puis on s'est mis au boulot sans trop parler pour économiser nos forces. A l'heure du déjeuner on rompt le silence, et le pain accessoirement. Et là chacun y va de sa petite opinion sur ceci ou cela vous savez comment ça se passe. Les patrons sont ceci, les femmes cela, les impôts, le foot, la politique... tout y passe criblé par l'opinion de chacun. Et on s'engueule parfois copieusement. Sauf que ce jour là j'ai eu l'impression d'apercevoir toute la scène comme si j'étais collé au plafond. Je survolais tout cela et je trouvais ça cool. Mes collègues avaient des opinions mais ces opinions ne m'empêchaient nullement de les apprécier chacun pour ce qu'il était. Cela n'a évidemment pas duré. Le propre de tout éveil c'est que ça ne dure pas j'ai déjà remarqué. Le quotidien nous lamine et on finit souvent par oublier tout ce que l'on a appris dans ces périodes de grâce. C'est la vie comme on dit. Des fois j'y repense comme aujourd'hui. Les gens ne sont pas que leurs opinions. Parfois il arrive aussi qu'ils en soient fort éloignés et ils ne le savent même pas eux-mêmes. Huile sur toile 100x100 cm Patrick Blanchon 2015|couper{180}

L'opinion

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A qui parle t’on vraiment lorsqu’on parle d’amour ?

Je dis rarement je t'aime, comme beaucoup d'hommes de ma génération. Je suis maladroit ça c'est sur, et du coup j'ai peur des maladresses, c'est bien normal jusque là. Et puis on peut être mystique jusqu'à un certain point. Se dire non pas toi, pas toi non plus , encore pas toi, jusqu'à la Saint Glinglin. Espérer un amour tellement absolu qu'il nous rendrait absolu par ricochet. A qui parle t'on vraiment pour de bon lorsqu'on parle d'amour ? Longtemps j'ai dit je ne sais pas, je ne peux pas. Je ne voulais pas dénaturer quelque chose surtout. J'étais fleur bleue. Je pensais qu'une divinité se cachait en chaque être et que si je lui disais j'tai vue, elle se tirerait. J'étais comme ça grossier pour me planquer. Et puis les gens comme les feuilles tombent et disparaissent on se souvient. Tiens une telle je ne lui ai même pas dit , à lui non plus, mince c'est ballot. Et avec le recul ça ferait bien plaisir à la divinité ( en moi cette fois) , si toutefois elle est encore là, que je sois plus simple moins tordu et que j'arrive à articuler clairement ces mots les plus faciles à dire lorsqu'on y pense bien. https://youtu.be/HR6LJ3ZBZvg|couper{180}

A qui parle t'on vraiment lorsqu'on parle d'amour ?

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Les reprises

Reprendre un tableau, reprendre un texte, repriser les chaussettes. Pourquoi ? Parce que quelque chose ne va pas, parce que c'est insuffisant, parce que ça ne suffit pas. Parce qu'il faut une raison. Parce que pour certaines choses ça ne coule pas de source. Parce qu'un obstacle se dresse face au fluide, qu'on ne voit pas l'aveuglement crée par le reflet. Deux heures cette nuit sur un texte et voilà que ça ne donne rien. Il reste inachevé. Surtout à partir du moment où je touche son centre névralgique et que le reflux m'en éloigne. Diversion, digression, divagation. L'écriture et la peinture ont ceci en commun qu'il faut être un fin chasseur, patient pour apercevoir ce centre sans qu'il nous surprenne. Faire semblant de ne pas l'avoir trop vu. Amadouer la peur comme la fuite et l'urgence toute la violence qui entoure ce centre. Apprendre à rester de glace au beau milieu du feu. Fondre doucement. Aujourd'hui c'est le 8 décembre et je connais déjà ce qui va mobiliser l'esprit de mon épouse à partir de 17 heures approximativement. Ce moment où désormais la nuit tombe. Elle me demandera d'attraper le carton où sont rangés tous les petits verres et les bougies. Et puis comme chaque année à cette période elle voudra que je l'aide à les déposer, ces petites flammes vacillantes, sur les rebords des fenêtres de la maison. Il y a eu des années où c'était une corvée. Ma tête était farcie de tant de choses qu'il n'y avait pas de place pour ce rituel. Je râlais. Encore tes bougies à la con, tu sais qu'on est les seuls ici dans ce trou du cul de village à les allumer, nous ne sommes plus à Lyon, tu as remarqué ? Elle tient bon. Le 8 c'est les bougies, tu la boucles et tu m'aides c'est comme ça. Et je finis toujours par la boucler puis je me brûle régulièrement les doigts à allumer tous ces foutus lampions avec un briquet. Depuis le temps j'aurais pu trouver une solution, prendre un allume gaz par exemple, mais non. Il faut que je souffre pour apprendre, c'est ainsi. Mais une fois que toutes les bougies sont allumées, comment dire ... comment dire quelque chose qui ne soit pas totalement stupide pour quelqu'un comme moi... Je suis content. Je suis content de voir toutes ces bougies aux fenêtres. Le sale gamin s'efface pour laisser apparaitre le bon. Celui qui s'enthousiasme d'un rien. Celui à qui je dois la plupart de mes déboires parce que trop sensible, tellement qu'il a fallu qu'il crée cette carapace de sale gamin pour se protéger. Chaque 8 décembre depuis maintenant presque 20 ans grosso modo c'est le même scénario. Je commence par râler, puis j'obéis. Je sais que ça lui fait plaisir. Et qu'au bout du compte ça nous fait plaisir, ça nous rapproche chaque année un tout petit peu plus je crois. Elle reste tellement ferme dans ce qu'elle est mon épouse. Elle ne dévie pas. C'est sa manière de gérer la violence du monde, comme beaucoup de femmes d'ailleurs. Répéter les mêmes choses à dates régulières pour recréer quelque chose qui, et ce malgré tant d'efforts pour ne pas me l'avouer, est en relation avec le magique. C'est cela la véritable église, le vrai temple, de petits gestes que l'on s'attache à reproduire et qui paraissent dérisoires pour les ignorants. Pour les démunis qui ne savent rien des raisons de leur violence. Pour ceux qui jettent leurs chaussettes n'importe où qui ne les reprisent plus, ne les reprisent jamais. Image internet Bougies 8 décembre|couper{180}

Les reprises

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Méthode Coué

https://youtu.be/U5TqIdff_DQ|couper{180}

Méthode Coué

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Le manque de réaction.

Reprise décembre 2019|couper{180}

Le manque de réaction.

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Conte de Noël

j'essaie le bouton "reblog" j'ai la flemme ce matin|couper{180}

Conte de Noël

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Apprendre, intégrer

Le savoir est un immense supermarché, il n'y a pas de caddy suffisamment grand pour amasser tout les produits rangés sur les rayons. Et souvent, faute de temps, d'argent, et je dois aussi l'avouer par manque d'intérêt, je me cantonne à ne jeter un œil que sur les promotions, les bidules bigarrés, ce que l'on place en tête de gondole. Avant c'était différent, je fréquentais assidument les bibliothèques. Il n'y avait à peu près rien qui n'excitait ma curiosité et vers quoi je me ruais aussitôt. C'est ainsi que j'ai passé des années à parcourir avec gourmandise des manuels d'entomologie, de mycologie, de climatologie, de gynécologie, de sociologie, d'économie, de philosophie, de poésie... mais pour ne pas fatiguer le lecteur je devrais résumer cette collection par tout ce qui se termine par ie. Sans omettre bien sur tout ce qui s'achève en ique comme par exemple la botanique, l'électronique, l'informatique, la mystique, la religion catholique, le Lévitique, il m'est même arrivé de me goinfrer de quelques pages de psychologie et de psychanalyse avec une préférence prononcée toutefois pour les essais cliniques. Mais à l'époque il fallait faire un petit effort tout de même pour se rendre à la bibliothèque. Alors qu'aujourd'hui il suffit de taper une simple question sur Google pour qu'aussitôt, des tombereaux de savoir en tout genre sur le sujet défile sous mes yeux. Et c'est là le piège ultime. Car on peut y passer toute la sainte journée, enchainer question après question, et obtenir une multitude de réponses, souvent contradictoires d'ailleurs sur tous les sujets que l'on veut. Il y a un os dans le pâté c'est indéniable. Par exemple, je suis parfaitement nul en rock, je m'en suis fait la réflexion pas plus tard qu'hier en lisant sur cet excellent blog (ici) une critique sur un livre qui justement traite de l'histoire du rock ( enfin une partie je présume, celle que raconte l'auteur pour l'avoir vécue). Et bien immédiatement j'ai été tenté d'aller acheter le livre sur Amazon. Ce qui d'après les dires de pas mal de gens que je connais, est le mal ultime. Pas le bouquin de Philippe Manœuvre ( c'est son nom) , acheter sur Amazon. Bref je ne sais pas ce qui m'a retenu, il y a une providence quoiqu'on en dise. La preuve. Je me suis demandé à quoi cela allait servir que je m'instruise sur le rock à 62 piges alors que le rock franchement je m'en tamponne le coquillard depuis grosso modo ma première tétine. Faut être réaliste dans la vie, surtout vers la fin. Du coup j'ai compris en un clin d'œil mon égarement. J'ai revu le film de ma vie toute entière(j'espère ne pas mourir avant d'avoir dégusté la dinde aux marrons de la saint Sylvestre, ce serait vraiment un échec total). Une vie pour rien du tout. C'est pas le savoir qui compte c'est comment qu'on s'en sert. Et oui, désormais on n'a plus besoin d'apprendre tout un tas de choses qui ne servent strictement à rien, on n'a plus besoin de papillonner dans les rayons en poussant son caddy. Il faut absolument que lorsque vous ouvriez une page internet, vous sachiez d'avance ce que vous cherchez. Elle est pas belle la vie moderne ? Par exemple il y a des jeunes désormais qui ne veulent plus travailler comme des cons pour des patrons, ce qui est plutôt une pulsion louable dans le monde d'aujourd'hui. Et bien il suffit de taper sur google, se mettre à son compte, créer son propre emploi, gagner sa vie sans travailler comme un con, ce genre de chose et hop les pages défilent. C'est formidable tout de même lorsqu'on y pense vraiment. Tout est là accessible en un clic. Le problème c'est que souvent, sur ces pages, on ne dit pas les mêmes choses, c'est souvent empirique, contradictoire, totalement mensonger souvent. Comment voudrait-t 'on qu'un jeune inexpérimenté trouve son chemin dans un tel fatras ? Surtout si en plus son but est de ne pas travailler comme un con. Ce qui manque à tout cela je crois que l'on ne peut pas le trouver sur internet. C'est un tout petit peu de jugeotte. Je le croyais. Mais je me trompais encore bien sur. Même muscler sa jugeotte est devenu possible sur internet, moyennant finance bien sur. Et là je tombe sur une formation qui propose de renforcer son mental et j'en reste baba. Mais oui, comment n'ai je pas pensé à cela plus tôt, crétin des Alpes que je suis. Je parcours la page de vente, ça a l'air au poil, 24 solutions pour renforcer son mental, c'est vachement bien ça. Et puis je me demande à quoi ça sert de renforcer son mental, à quoi ça va me servir vraiment ? Du coup j'imagine. Je vais réciter des mantras tous les matins certainement. Du genre rappelle toi tes objectifs pour 2022 ( à prononcer 5 ou 6 fois avant le petit déj) Imagine toi à la saint Sylvestre l'année prochaine devant la dinde, imagine un peu tous les tableaux que tu auras peint durant 12 mois, 52 semaines, 365 jours. Le nombre de tableaux mazette. Et puis tu vas aussi penser à tous les thèmes bien sur, organiser tout ça sur un tableur, une liste à cocher, ça donne envie c'est sur. tu ne t'arrêteras plus, pas un seul instant de répit, tu enchaineras les actions parce que ton mental s'en trouvera renforcé forcément. Tu écriras un email chaque matin à toute ta liste de diffusion en présentant l'œuvre de la veille ( en mettant un titre accrocheur pour pas que le mail aille directement dans la poubelle) Le second maitre mot c'est intégrer. Apprendre que ce dont on a besoin pour réaliser un objectif. Donc tu iras vérifier sur MailChimp ( après t'être tapé quelques heures pour traduire le mode d'emploi qui est en anglais) le nombre de personnes qui auront ouvert le mail, tu pourras même créer des tags pour identifier les fidèles des touristes. Bla bla bla. Au bout d'une demie heure, vous n'allez pas me croire, à force d'imaginer tout ça j'étais super crevé. J'avais l'impression d'être revenu en entreprise et d'avoir le patron le plus chiant de la terre, et ce patron bah c'était bibi. Du coup j'ai dit tout ça c'est rien que des conneries, j'ai pris ma veste et j'ai été faire une bonne balade en forêt pour me remettre les idées en place. Bouleaux Huile sur toile ( plus disponible)|couper{180}

Apprendre, intégrer

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Consignes et contraintes

Bon, il faut que nous mettions les choses au point, et ce dès aujourd'hui. Vous venez ici pour peindre et vous désirez "faire de l'abstraction" d'accord, j'ai compris. Dans le fond vous me parlez de liberté. Vous voulez peindre en toute liberté et peut-être ainsi réaliser de magnifiques tableaux. Je ne vais pas vous contredire, certainement pas. Encore que, tout de même, vous y allez un peu fort. Mais ce n'est pas grave, autant y aller fort dès le début. L'envie c'est le principal. Cependant, la liberté ce n'est pas ce que l'on croit, la liberté ça se paie, et parfois cher. Je veux parler de la peinture évidemment, je ne vous donne pas un cours de philo. Donc des consignes, et des contraintes, un cadre dans lequel vous pourrez vous essayer à être libre, voilà ce que je vous propose. Donc vous ne peindrez qu'avec un seul œil, tenez j'ai apporté des bandeaux de pirate. Et puis vous peindrez seulement de la main gauche, ou si vous êtes gaucher de la main droite évidemment. Pour les plus téméraires d'entre vous essayer aussi de lever une jambe comme les flamands roses et autres échassiers, tant que vous penserez à garder l'équilibre, vous ne penserez pas à autre chose. Les plus de 70, ce n'est pas la peine, assoyez vous, on ne va pas jouer avec le feu quand même. Et puis tout cela est encore trop facile, vous peindrez sans toile, et sans couleur. Que des touches obliques dans l'air pour démarrer cette séance qui promet, je vous le garantis , de ne pas être piquée des hannetons. Ah j'allais oublier, mon carnet, est-ce que tout le monde ici a bien payer, voyons... Farandole rouge Hans Hartung 1971|couper{180}

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Continuer

Je vais passer un coup de Gesso, ce tableau ne me plait pas, elle dit comme on appelle au secours. Je la regarde, tous les signes du désespoirs sont sur son visage, mais ce n'est pas vraiment du désespoir. C'est plutôt une question. Et si je dis ça que diras-tu que feras-tu. C'est un jeu auquel je suis invité à participer. Ai-je envie ? Parfois oui, parfois non, je suis comme tout le monde, j'ai mes humeurs. Encore qu'ici c'est assez magique, je suis toujours de bonne humeur. Le revêtement du sol vert pomme, une luminosité générale due aux ouvertures nombreuses sur le parc, et toutes ces femmes, mon dieu toutes ces femmes... le petit café que l'une prépare, le petit gâteau qu'une autre me tend, l'atmosphère bon enfant. Même totalement crevé d'avoir encore passé une nuit blanche je reste de bonne humeur, c'est formidable. Non mais ça va pas je dis. Tu crois que tu vas t'en tirer comme ça ? Il est bien parti ce tableau, t'es juste bloquée voyons voir ce que l'on peut faire... Un glacis de bleu là, peut-être et je lui indique que sa composition s'en trouverait améliorée si elle divisait sa toile pour faire surgir un carré et un rectangle. Ensuite peut-être qu'on ne sait pas encore si c'est un plat avec des fruits ou un vaisseau extraterrestre transparent de forme sphérique... à suivre... et puis en bas pourquoi tu ne mettrais pas le mélange de bleu et d'orange pour fabriquer une terre ? Laisse ton Gesso dans son pot, tout ce qu'il faut faire c'est continuer. Elle hoche la tête incrédule comme si j'avais pas répondu comme il faut. Comme si le miracle attendu n'était pas venu. D'abord le glacis de bleu je dis. Après on verra bien ce que ça donnera ... je suis comme toi je n'en sais pas plus pour le moment, tout ce que je sais c'est qu'il faut continuer, ne pas s'arrêter à ça. Acrylique sur toile, travail d'élève|couper{180}

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zéro, nul, à chier

Cette élève qui ne vient plus à l'atelier j'y repense encore comme on rumine ses échecs. Un femme entre deux âges qui avait perdu son mari juste l'année avant qu'elle s'inscrive à mes cours. Au trente sixième dessous mais elle avait l'envie de refaire surface. Avec elle rien n'allait jamais, ça me donnait pas mal de fil à retordre. Une fois et ce fut la dernière je crois car je ne me souviens plus l'avoir revue par la suite, elle s'était lancée dans la copie d'un Gauguin qui dura des semaines. A la fin de chaque séance elle râlait tout bas et l'agitation de son corps attirait mon regard qui tout de suite après dérivait sur l'avancée de la toile. Alors je prenais quelques instants pour tenter de la calmer, j'étais encore assez naïf lorsque je repense à tout ça. Naïf et surement pas mal prétentieux. Je lui demandais de me laisser la place et je rectifiais la bouche, un œil, et comme nous travaillions à l'huile je lui disais de patienter, de ne pas toucher à ce que je venais de peindre. " on reprendra la semaine prochaine, ça ira mieux" Et là elle déversait d'un coup tout un tas d'expressions toutes faites du style je suis nulle, c'est nul ce que je fais, elle ne disait pas c'est à chier parce qu'elle voulait qu'on la considère tout de même comme une dame comme il faut, mais j'entendais bien ce qu'elle n'osait pas. J'ai tenu bon durant des semaines et j'ai ainsi vu mon orgueil. Toutes les corrections que j'avais apportées elles les défaisaient comme en priorité à chaque nouvelle séance. Puis tout s'enfonçait à nouveau dans la gadoue et dans le terne. Puis la séance s'achevait encore avec des soupirs, cette drôle de façon d'utiliser le corps pour émettre des signaux de détresse et à la fin encore ces mêmes c'est nul, je suis nul, tout ça est bon à jeter à la poubelle. Des semaines jusqu'à ce que je commence à douter du bien fondé de ma patience. Pourquoi étais-je donc si patient ? Par compassion eut égard à sa position de veuve ? Pour paraitre un gars bien, un gars solide ? Pour ne pas perdre une cliente ? Parce que ça me faisait travailler sur moi même de dépasser l'agacement qu'elle me procurait ? Un jour la coupe a débordé. Je n'avais peut-être pas bien dormi, avalé un truc de travers, peut-être que le temps s'y était aussi mis pour devenir maussade, je ne me souviens plus. Elle me reprocha ce jour là de ne pas m'être assez occupé d'elle ce qui provoqua aussitôt une réaction violente en moi. Je déteste l'injustice et je trouvai tout à coup sa réflexion injuste. J'avais l'impression de lui avoir accordé déjà énormément de temps au contraire au dépens du groupe. Et puis je n'interviens qu'extrêmement rarement sur les travaux d'élèves, j'avais pris beaucoup sur moi. De plus elle avait encore tout bousillé de ce que j'avais fait à la séance précédente et ce petit jeu commençait sérieusement à me faire sortir de mes gonds. On échangea soudain quelques répliques désagréables. Et puis comme je voyais qu'elle restait campée sur sa position je finis par dire -si ça ne te plait pas, la porte est grande ouverte. Au moment même où je prononçais la phrase je sentais bien que je déconnais, que je n'aurais pas du, mais c'était un tel soulagement en même temps bon sang. Elle rangea ses affaires et emporta son tableau et je ne la revis plus. Que faire lorsque quelqu'un quoiqu'on lui dise quoiqu'on tente de lui prouver de son erreur de jugement, persiste à se bousiller ? Si cette anecdote m'a tellement touché je crois que c'est parce que je suis cette femme, tout au fond de moi je l'ai été, peut-être même le suis-je encore. Cette obstination à se rejeter soi-même continuellement, à ne jamais accepter l'encouragement ou l'aide comme quelque chose de bon, de gratuit, qui viendrait comme on dit du cœur. Evidemment l'aide que je lui apportait, cette compassion que cette femme m'inspirait m'arrangeait bien pour résoudre mon propre problème. Et si j'ai été aussi patient c'est qu'il me fallait cette durée pour saisir toute l'ampleur de la supercherie. Une supercherie de moi-même à moi-même. Pour atteindre à la bienveillance, si tant est qu'on en ait vraiment besoin, j'utilise souvent l'humour. Ce qui m'importe c'est la cohésion du groupe et puis je préfère travailler dans une atmosphère sympa, détendue de toutes façons. Désormais j'ai mis en place quelques règles : 1 euro le c'est moche le c'est nul, le je n'y arriverai jamais. Et puis je n'interviens plus sur les tableaux comme je le faisais auparavant. Je laisse les gens explorer l'échec ainsi qu'ils veulent le concevoir. Je me contente de lâcher quelques idées, quelques conseils. Cette femme au fond de moi je ne sais pas ce qu'elle est devenue, elle a fini par s'absenter dans le silence tout comme cette élève qui n'est jamais revenue à mon cours et qui a même déménagé d'après la rumeur. De temps en temps j'y repense. Souvent lorsque j'entends ou lis l'expression c'est nul ou gens nuls, quoique ce soit où le mot nul surgit c'est une petite douleur qui se réveille. Elle est certainement utile cette douleur du moins c'est cette fonction que je veux lui attribuer sans doute pour arrêter de regarder au fond de la béance qui se dissimule sous sa surface. Deux femmes tahitiennes Paul Gauguin 1899|couper{180}

zéro, nul, à chier