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Chercher un emploi

Dans le fond chercher un emploi demande une dose certaine de pragmatisme, tout à fait comme créer un personnage de nouvelle ou de roman. Il faut poser un cadre strict et avoir un minimum d'exigences. Et généralement il faut que les choses se passent mal pour apprendre grâce à l'expérience et ainsi réduire la voilure. C'est avec cette réflexion que je jugeais étonnamment pertinente et pas mal de fatigue aussi , car je m'étais levé aux aurores, que je poussais la porte de cette petite imprimerie parisienne, à deux pas de la gare de l'Est. Les patrons étaient des frères quasiment siamois, genre Dupont et Dupont, l'un commençait une phrase que l'autre reprenait en ajoutant son grain de sel et je finis par comprendre qu'il recherchait un jeune de bonne volonté. C'était moi évidemment. De la bonne volonté j'en débordais à cette époque de ma vie mais la traduction exacte de cette locution serait plus que j'avais le trouillomêtre à zéro de me retrouver une fois de plus à la rue. L'année passée j'avais réussi à grand peine à me relever de mon statut de clochard et de mendiant, j'avais navigué de boites d'intérim en boites d'intérim, écumant la capitale, et aiguisant par là même mon faciès afin qu'il indique à n'importe quel interlocuteur à quel point j'étais un jeune homme bourré de bonnes intentions et bien sur de bonne volonté. On m'avait envoyé par monts et par vaux dans une quantité de missions fantastiques dans lesquelles tour à tour j'avais élevé des murailles, en en brisant d'autres, empaqueté des pièces, fabriqué des colis, compté des inventaires innombrables de vis et de clous et autres pièces détachées. De la bonne volonté je n'en manquait donc pas. Puis j'avais trouvé enfin une petite chambre pour loger mon grand corps et mes rêveries innombrables. Je sortais la tête de l'eau encore une fois de plus et Dupont et Dupont ne m'impressionnaient même pas. — Pourquoi désirez vous travailler dans l'imprimerie jeune homme dit l'un — oui on peut se le demander, pour quelle raison êtes vous motivé par cet emploi ? ajouta l'autre. Et là je n'avais tellement pas envie d'inventer de nouvelles fables que je dis tout de go — Parce que j'ai besoin d'argent pour payer mon loyer et manger ce qui me paraissait être la chose à plus honnête à déclarer en l'occurrence. Coup de bol ils étaient chrétiens ces deux là, et plutôt portés sur la charité je l'appris par la suite. Mais ça les fit surtout rigoler de tomber sur un jeune homme franc pour une fois et ils m'embauchèrent sans rien exiger de plus. Il faut dire que le travail n'était pas sorcier. C'était un job de grouillot, payé au ras des pâquerettes. De la manutention à réaliser sans trop de jugeotte. Ce qui m'allait absolument. J'ai toujours eu le chic de m'employer dans des taches manuelles tellement mon ciboulot fonctionne à toute vitesse. Comme pour créer une sorte de système de compensation. Voire m'inventer une hygiène personnelle. La plupart des personnes que je fréquentais en ce temps là, me traitaient de maso. — Avec ton intelligence, ta culture, je n'arrive pas à comprendre que tu fasses autant de boulots de merde disait l'un. — Franchement tu pourrais faire mieux disait l'autre. — Si j'étais à ta place, en disaient beaucoup d'autres. Mais voilà personne ne peut être à la place de personne. Et quant à moi si je ne connaissais pas les raisons de toute cette errance d'emploi subalterne en emploi sous-merdique, je serrais les dents, je me forçais à endurer tout ça parce que forcément un jour ou l'autre j'en découvrirai le sens. Il fallait juste patienter au milieu même de toute cette urgence. trouver un emploi est tout de même une expression clef quant on y réfléchit. La plupart des gens ne réfléchissent pas suffisamment sinon ça se saurait vu l'état général du marché de l'emploi. Et comment surtout on parle de l'emploi de gouvernement successif en gouvernement successif. On parle de l'emploi pour ne pas dire le mot travail, trop proche de celui de torture. Mais du coup à vouloir modifier les mots ainsi, on crée une pagaille bien plus grande qu'en laissant les mots tels qu'ils sont. Ainsi trouver un emploi dépasse pour moi largement la sphère du monde du travail. Trouver un emploi est depuis toujours auréolé d'une notion cosmique. En gros ce serait comprendre pourquoi je suis là en tant qu'être vivant sur cette putain de planète et enfin savoir à quoi donc je peux bien servir. — T'es vachement trop intello me dit l'un — Je crois même qu'il est frappé de mysticisme intense ajoute l'autre. — tu vas chercher midi à 14 h c'est ça ton problème me disent-ils tous. — Vous avez tout à fait raison, pour qui donc je me prends, je réponds en général pour couper court. N'empêche que j'ai atteint désormais un âge certain que je n'ai pas encore résolu cette question. Je suis resté presque deux ans dans cette petite imprimerie. Le travail était répétitif, il y avait un nombre réduit de tâches à faire ce qui ne mobilisait pas ma matière grise outre mesure. Mais en contrepartie j'ai compris énormément de choses dans la répétition des mêmes gestes, probablement autant qu'un moinillon tibétain s'exerçant à la répétition de mantras. Le risque ultime dans tous ces boulots est de sombrer dans le désespoir. Il ne faut pas. Au contraire j'ai toujours considéré qu'il pouvait y avoir quelque chose d'important à découvrir comme dans un jeu d'arcade. Le héros se casse la figure en explorant le niveau, perd une vie, puis deux, puis arrive au game over. Il s'agit de relancer la partie une nouvelle fois, de se souvenir de tous les pièges, de les éviter pour aller jusqu'à la fin du niveau. Et bien sur obtenir la récompense et passer au niveau suivant. Je n'ai jamais non plus été vraiment attiré par les récompenses j'ai toujours cette sensation désagréable qu'on les attribue à quelqu'un que je ne suis pas. Du coup j'ai recommencé les niveaux des milliers de fois sans doute comme j'ai enchainé les jobs peu reluisants pareillement. Sans doute parce que l'emploi dans le fond est étroitement lié à ce que l'on désire réellement faire de soi dans une vie et que parfois il faut du temps, beaucoup de temps pour traverser tous les mensonges que l'on s'invente, trouver en cela le vrai secret, le vrai trésor pour vraiment passer, sans jamais revenir en arrière, au niveau suivant. Dupont et Dupont et aussi le contremaitre m'ont détesté à la fin. Ils m'auront fait subir pis que pendre au fur et à mesure des mois sans que jamais je ne rechigne le moins du monde. L'entreprise familiale périclitait je l'appris par la suite et dans ces cas là les derniers arrivés sont les premiers licencies. Et je n'ai jamais su vraiment pourquoi ils voulaient me pousser à la faute pour pouvoir me virer. Il leur aurait suffit simplement d'invoquer un motif économique. Quelques semaines avant de quitter cette imprimerie j'ai compris. Ils cherchaient à se restructurer dans une urgence fébrile. Ils ont cassé de vieilles machines sur lesquelles des ouvriers travaillaient depuis des années pour les remplacer par de nouvelles, informatisées et donc plus efficaces, plus rentables. Ce qu'ils attendaient c'est que les ouvriers démissionnent les uns après les autres en ne cessant pas de les abaisser, de leur dire à quel point ils étaient désormais obsolètes, nuls à chier, hasebines. Nous avons tous démissionner quasiment en même temps, ça leur a fait les pieds. Je me souviens encore de Dupont et Dupont devant la porte à l'arrière de l'atelier — Mais vous ne pouvez pas partir comme ça alors qu'on déborde de commandes, disait l'un — C'est totalement scandaleux de nous laisser tomber comme de vieilles chaussettes, ajoutait l'autre. L'un des ouvriers particulièrement remonté a juste dit en partant : — Votre emploi vous pouvez vous le mettre où je pense, cet emploi là on n'en veut plus ciao ! Quelques mois plus tard j'ai lu dans le journal que l'imprimerie avait déposé le bilan et j'ai pensé à Dupont et Dupont. Oh ils étaient déjà âgés, prêts pour la retraite sans doute, perdre leur emploi ne devait pas leur être une trop grande souffrance. Et peut-être que si finalement, j'ai pensé tout de suite après, même les patrons peuvent se retrouver tout cons sans emploi sauf qu'ils ne s'en rendent peut-être pas compte immédiatement.|couper{180}

Chercher un emploi

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Cafetière

Ici, nous changeons souvent de cafetière . A peu près tous les 6 mois. Le scénario est toujours le même. Un matin on refait les mêmes gestes exactement, sans y penser. En général on pense à tout un tas d'autres choses. On pense au temps qui passe, à tout ce qu'il faut faire dans l'aujourd'hui, aux factures à payer, à faire rentrer de l'argent. On ne pense guère au calcaire. A cette gangue de calcaire qui finit par recouvrir la résistance, dans les profondeurs inexplorées de la cafetière. On essaie alors de se souvenir de ce petit sachet qui accompagne les filtres dans la boite. Essayons un détartrage, on ne sait jamais. Et le plus beau c'est que de temps en temps ça marche. Et des fois non, ça ne marche pas. Trop de calcaire, plus de résistance. Faudrait rajouter ça sans doute à la longue liste des petites choses à faire Ne pas oublier de détartrer la cafetière régulièrement.|couper{180}

Cafetière

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Ceux qui savent

Hier je n'ai presque rien dit. J'ai laissé parler ceux qui savent. Ils savent un tas de choses et sur un tas de sujets, que je ne connais pas. — Peux-tu me passer le sel ? Peux-tu me passer le poivre ? — Non merci pas pour moi, ou oui juste un doigt car je conduis j'ai dit. Pas grand-chose de plus. J'ai beaucoup écouté. Ces voix qui s'entremêlent, parfois s'entrechoquent, et qui d'à peu près tout pêle-mêle se mêlent, comme sur le mur des cons accroché dans le couloir. c'est ce qu'a dit ce petit jeune homme extrêmement brillant mais froid comme un cube, un glaçon Je n'y ai plus vraiment fait attention. Après tout c'est une trêve, non ? la trêve de Noël. Je me suis laissé glisser à la surface des choses comme on se jette à l'eau. Le tout autour d'une petite vieille qui ne cessait de dire je vous aime oh oh comme je vous aime mes enfants. L'année dernière encore on pouvait encore échanger des clins d'œil Elle et moi, mais elle s'est désertée en partie aujourd'hui. presque tout à fait sauf — Comme vous me gâtez d'être là reprenez de ce petit vin de Moselle — Allez-y voici la louche ou la cuillère servez-vous donc du Baeckeofe — Non pas pour moi, ça va faire trop, comme je vous aime mes enfants Une petite vieille avec des mots d'amour en bandoulière. Mais une fois les estomacs remplis, le Moselle englouti et le baeckeofe aussi Ceux qui savent se sont souvenus qu'ils savent. Un tas de choses sur tout. Et ils ont déballé les cadeaux et un tas de choses encore qu'ils se sont assénées plus ou moins familièrement. Et je me suis souvenu que je ne savais rien sur rien que je n'avais droit par conséquent à rien. Tout était dans l'ordre absolu des choses Et en rentrant plus tard le soir j'ai compté mes ecchymoses Elles étaient moins nombreuses que l'année dernière. je me demande si ce n'est pas dû à ma troisième dose ?|couper{180}

Ceux qui savent

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Comme un gamin

Quelques corrections plus tard, reprise de ce texte de décembre 2020|couper{180}

Comme un gamin

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Pourquoi les vieux restent ils silencieux ?

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Pourquoi les vieux restent ils silencieux ?

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Peindre ce que l’on aime

C’est toujours beaucoup plus simple que l’on imagine. Mais il faut probablement toute cette imagination pour en revenir. Peindre ce que l’on aime. Et peu importe que ce ne soit pas si beau, si parfait qu’on l’imaginait. C’est toujours mieux que rien. Deux esquisses numériques|couper{180}

Peindre ce que l'on aime

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Élégance

Habillé comme l’as de pique j’erre entre la maison et l’atelier. Parfois j’ouvre un livre et je découvre une vieille photographie Modigliani veston, chemise blanche et cravate noire Paul Celan ou Paul Eluard toujours épatants d’élégance De sobriété vestimentaire inspirant le respect et quelque chose en plus, la distance. J’ai déposé une vieille idée jadis reliée à tant de fausses élégances que la leur soudain me crève le cœur. Le costume fait de moi un chaman clown. Tout le monde rit et je souris.|couper{180}

Élégance

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Lire de la poésie

On peut lire de la poésie, mais pas tout le temps. Un certain état d’esprit le permet. Pour mon compte cela fonctionne bien dans le désœuvrement. Mais si je suis dans l’action je regarde la poésie de biais, elle m’est un frein. A l’heure où l’on nous parle d’hygiène pour quasi tout, je me demande s’il ne faudrait pas parler aussi d’une certaine forme d’hygiène de la lecture, et particulièrement la lecture de poésie. Toutes les zones de confort sont plus ou moins suspectes. S’extirper de celle qui nous attire dans la cabane au haut de l’arbre à consoler quoi ou qu’est-ce. Aller se jeter dans le froid et le vent, retrouver le contact du vivant. Puis revenir fourbu, encore plus désolé que jamais avec ce sourire aux lèvres toutefois en pensant que là-haut on pourra reprendre le livre et s’y perdre, s’y retrouver à l’envie. Sans l’agacement qui plane toujours, celui murmuré sans arrêt par tous les emplois des temps.|couper{180}

Lire de la poésie

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Les étrennes.

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Les étrennes.

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Renoncer au comment taire

Des fois j’ai des idées bizarres. Souvent. Je me prends la tête sur la rédaction des commentaires. Du coup il y a des périodes où j’évite d’en émettre. C’est idiot car je suis bien le premier à les apprécier. C’est ce que porte ce mot comme interrogation qui me gêne. Comment taire , c’est facile et je sais tout à fait le faire, à la perfection même. Justement. C’est ce qui m’inquiète. Comment taire d’une façon précise et claire, juste ? Si je le savais je serais poète. Ce que je ne suis pas puisque je suis peintre. Il faut revenir à la simplicité je n’arrête pas de le dire à mes élèves. Commenter c’est autre chose bien sûr. Quelque chose de très simple c’est simplement dire je te lis, je t’écoute, je t’entends. Faire acte de présence supplémentaire. Mais pourquoi ai je besoin de faire acte de présence bordel ? Qu’est-ce qui me gêne tant dans la notion d’absence ? Est-ce une crainte encore ? toujours la même. Je la reconnais entre toutes mais ne peux pas lui donner de nom. Et la liberté alors ? Ne pas réfléchir à tout cela, s’en foutre royalement, commenter comme ça me chante et puis voilà c’est tout. Renoncer n’est-ce pas aussi choisir ? Renoncer à fabriquer des noeuds dans l’unique but d’avoir tôt ou tard à les dénouer. Porter des espadrilles, être un va nu-pieds. Sans commentaire.|couper{180}

Renoncer au comment taire

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Projet d’exposition

Projet d’exposition février 2022 Je suis lent, je dis souvent oui sans vraiment. réfléchir, mais je ne considère plus que ce soit un défaut. En plus c’est moi qui ai eu l’idée de ce projet. Dans mon esprit il n’y avait pas de date arrêtée, comme si fomenter un projet ne me sert qu’à m’extraire d’une sensation d’éternité et, tout de suite après éprouver le vertige d’y replonger. Une brève lueur illumine soudain quelque chose de l’ordre du désir puis disparaît généralement assez rapidement de la surface de la toile pour s’enfoncer lentement au travers des couches de peintures, sacrifices repentir, et tout le tralala du peintre que je suis. Aussi quand tout à coup un e-mail surgit brusquement j’ai cette tendance à éprouver aussitôt une nervosité. Je me retrouve démuni face aux dates, à la demande qui se transmute bizarrement en contrainte en exigence.La mienne bien sûr. Ce sera donc le 22 février, à Trevoux dans le Rhône, une librairie nous accueille Georges Chich et moi pour montrer quelque chose. Lui c’est déjà fait en quelque sorte puisque l’idée prend appui sur son recueil de poèmes. Il fera une ou plusieurs lectures et moi j’accrocherai mes toiles. Lesquelles ? La panique m’envahit comme toujours. Aquarelle pour rien.Quelque chose qui illumine, Georges Chich 2020 Jacques André Éditeur4ème de couverture Écrire, peindre, le but s’il y en a un derrière tous ceux que nous nous inventons, est sûrement le même. L’unique. S’aveugler afin de croire voir quelque chose pour l’un , ce qui est aussi mon cas, à me crever les yeux autant que je le fais pour peindre de façon borgne. Pourtant lui comme moi nous croyons voir une lueur, lui en extirpant quelque chose de l’ordre d’un silence dans la répétition du même poème, et de mon côté du même tableau. Je n’ai pas de réponse à formuler sur ce qu’est cette lueur qui illumine presque aussitôt qu’elle s’évanouit. Je crois même que je refuserais toute réponse. Demande t’on jamais sérieusement au cœur une réponse à cette question : pourquoi il bat ? Aquarelle détail de quelque chose|couper{180}

Projet d'exposition

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Agenda ironique de décembre, (rappel et liste)

Bon et bien maintenant c'est à vous de jouer pour aller tout lire et voter|couper{180}

Agenda ironique de décembre, (rappel et liste)