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Retrait

Il y a ressentir et puis le retrait. Un concert dans un kiosque au bord du soir, quelques chaises désordonnées dans le jardin du Luxembourg. Leurs cris de fer sous le ciel vaste lorsqu'on les arrache soudain à l'attente. Ressentir tout cela des années après comme si tout était là présent. Une douleur ou une joie si je me leurrais encore sur la douleur la joie. j'écoute le vent dans les feuillages. J'essaie d'apercevoir la musique. de sentir tout cela au plus juste à l'instant du retrait. Pour tracer un trait neuf. dessin|couper{180}

Retrait

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Pouvoir et pensée

La pensée peut-être est une forme d'art. Un art du cirque, de l'acrobatie. J'ai envie de dire ça parce que je fus acrobate. Je sais comme il faut s'entrainer beaucoup avant de commencer à pouvoir approcher de la souplesse. de cette souplesse là. Cela va avec une idée de la jeunesse. Et aussi avec le pouvoir. le besoin de puissance. Pensée puissance pouvoir Et puis un jour on se loupe, on chute. parfois de haut. On découvre la douleur, la vraie. On comprend qu'elle soutient la pensée. que la pensée panse. Qu'il faut aller encore plus en dessous en deça. Accepter de n'être que le silence d'une sensation. pour écouter le cœur. Des digues, un barrage alors s'évanouissent L'enfance le retour au démuni au léger soudain d'une plume à l'intime du tout pour rien. encre sur papier|couper{180}

Pouvoir et pensée

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C’est trop beau !

C'est l'expression que j'entends lorsque les enfants voient un dessin ou une peinture qui leur procurent une émotion particulière. Quand ils ne savent pas vraiment quoi dire et qu'ils sont touchés, ils disent "c'est trop beau" Ce n'est pas très différent finalement de ce que peuvent exprimer les adultes que je rencontre dans mes expositions. Ces derniers utilisent le "comme c'est beau" le "j'aime beaucoup", le "comme c'est intéressant" ce qui revient à la même chose que ce que disent les enfants lorsque qu'ils veulent surtout marquer le fait qu'ils ont éprouvé quelque chose sans pouvoir vraiment en parler mais qu'ils veulent tout de même le faire savoir. Je me suis parfois senti frustré de rencontrer toujours ces mêmes expressions je l'avoue. Une sorte de fatigue directement reliée à ce problème de reconnaissance qui se déclare lorsqu'on se découvre en manque de celle-ci. On désirerait des expressions moins "bateaux" , quelque chose qui vient vraiment de la personne qui est en train de nous dire ces mots que l'on sent empruntés à une multitude. Mais c'est déjà tellement lorsqu'on y pense. Au moins il y a cet effort de l'autre de tenter de nous avertir qu'il éprouve des sensations, une émotion vis à vis de ce qu'on lui montre. Pourquoi aller chercher plus loin finalement me direz vous ? Est ce que l'on peint pour obtenir cette fameuse reconnaissance ? Je ne l'ai jamais vraiment cru. Dans mon for intérieur quelque chose de bien plus important que ce besoin de reconnaissance était en mouvement : L'envie de m'exprimer pour savoir qui j'étais avant toute chose. Pour m'extraire de la formule convenue. Pour surtout savoir si je pouvais exister, si j'en étais capable, ou viable, en dehors de toute formule convenue. Sous entendue une peur lancinante qui me poussait jusqu'au fin fond de mes cauchemars à refuser cette forme d'obéissance que propage un programme éducatif comme un virus dans tous les neurones de notre cervelle. Je ne voulais pas devenir un robot. C'était cette peur affreuse qui me poussait à ne rien accepter que je ne puisse comprendre par moi-même. Pour ne pas me dire à moi-même ce fameux "c'est trop beau" qui dans le fond clôt toute conversation possible avec les autres ou avec soi-même. Sans doute suis-je trop exigeant mais c'est surement pour cela que j'ai choisi cette carrière d'artiste peintre, c'est cette exigence à ne pas me reposer dans la formule toute faite qui m'y aura poussé en grande partie. Au début on pourrait confondre cet élan avec de la vanité, de la prétention et s'en est toujours en grande partie. Comment lucidement pourrait on faire autrement ? Je me souviens de ces dessins que j'effectuais en classe et sur lesquels je représentais mes camarades, au début c'était surtout des caricatures pour attirer leur attention. J'avais du mal à me faire des amis, à la vérité je ne savais pas du tout comment m'y prendre. Je détestais le football, la plupart des sports collectifs d'ailleurs, tout ce qui au final obligeait à faire cet effort de respecter un certain nombre de règles sans prendre le temps de se pencher sur celles ci, de les comprendre. Ce n'était pas tant de la rébellion lorsque j'y repense qu'une sorte d'incompréhension, un étonnement de voir que je ne pouvais pas pratiquer une activité sans en saisir tous les tenants et aboutissants. Je n'arrivais pas à faire confiance aveuglément comme le faisaient mes camarades. Et cet aveuglement me les rendait à la fois héroïques comme suspects. Il y a longtemps eu chez moi ce doute d'être en même temps une sorte de génie et un parfait idiot. Ce fut terriblement difficile de parvenir à trouver l'équilibre entre le trop et le pas assez. Aujourd'hui je sais que je ne suis ni l'un ni l'autre. Pas tout à fait l'un ou l'autre ce qui est apaisant, tranquille, et surtout cela me permet de plaisanter, de prendre du recul sur ma propre vanité comme sur celles qui animent la plupart d'entre nous. Dans le fond la vanité est un peu comme une formule toute faite, une sorte de "c'est trop beau". Elle fait à la fois peur et elle intrigue aussi. Elle n'est peut-être qu'un passage obligé pour prendre confiance en soi. Cependant qu'une fois cette confiance acquise elle ne sert plus à grand chose, on devrait la laisser s'éloigner comme les fusées laissent certains étages aller se dissoudre dans l'atmosphère afin de s'alléger, prendre de la vitesse et s'élancer afin de percer les mystères de l'espace intersidéral. Il y a beaucoup à dire sur ce "c'est trop beau" et finalement lorsque je me souviens des premières fois où je me suis mis à regarder les filles, et plus tard ensuite les femmes je n'ai jamais été bien éloigné d'une formule toute faite pour exprimer les émotions que ces rencontres déclenchaient. Entre le trivial, le grossier, le vulgaire et les tentatives naïves d'évoquer poétiquement le sublime de ces émotions. Car finalement ces formules toutes faites ne se soucient t'elles pas que de cela bien plus souvent que de l'objet lui-même qui la déclenche ? Dans le fond il y a aussi dans ces formules toutes faites une certaine violence qui m'a toujours atterré comme j'imagine un homme une femme peuvent l'être si on ne les définit qu'à la façon d'un tableau, d'un miroir. "C'est trop beau" je ne te fais exister que pour te reléguer presque aussitôt ou simultanément dans la catégorie des objets qui me servent à imposer à moi et aux autres l'image de moi qui me convient. Une pure invention qui se reflète dans toute invention. Le "c'est trop beau" c'est un peu l'exclamation de Narcisse découvrant son image à la surface tranquille de l'eau et qui en tombe éperdument amoureux jusqu'à se noyer dedans à la fin. C'est aussi le risque de l'artiste, des protagonistes d'un couple une fois la passion ou la fusion amoureuse dépassée. Quelque chose se perd pour laisser place à un vide nécessaire et qu'il s'agira de remplir désormais avec la plus grande attention, l'amour de tous les jours. Ce weekend les petits enfants et leur père sont venus chez nous et nous avons fait de la peinture. Je leur ai montré un truc ou deux. Prendre une feuille de papier et la tacher progressivement de jaune, de rouge puis de bleu en utilisant de l'eau puis en tamponnant ça et là avec de l'essuie tout. Une fois sèche on peut dessiner par dessus avec des feutres de différentes épaisseurs. Gros trait, moyens traits, tout petits traits. On peut aussi s'amuser à créer des hachures, des petits ronds ou des points de différentes tailles pour apporter ça et là du rythme. Ce fut un bon moment passé et puis à la fin nous avons fait des photos Et on a tous dit ensemble : "c'est trop beau !" En riant. Peintures réalisées par Matxin 8 ans et Lottie 5 ans|couper{180}

C'est trop beau !

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L’Autre est le temps

On peut apprendre de tout et tout le temps. Je me suis toujours dit ça plus ou moins tout en m'acharnant à ne jamais en tirer le moindre profit. Comme si devant moi s'étendaient des coffres bourrés de ducats, de louis d'or, de lingots et de bijoux et que la posture à laquelle je m'accrochais m'interdisait d'y fourrer les doigts. Il en va de même pour tout pouvoir. Pouvoir et richesses semblent depuis le début les écueils qu'il faut repérer soigneusement afin de vite s'en écarter. Cependant c'est effectuer qu'une moitié du chemin. Peut-être dans une autre vie explorerais je ces vertiges d'être un Crésus, un de ces potentats imbus d'eux mêmes à fond que pour mieux chuter et de plus haut vers la douceur infinie des prises de conscience qu'offre le dérisoire. Et cela n'est rien encore de découvrir le purgatoire, encore faut il rester dans une vigilance correcte pour en tirer le meilleur parti Car après tous les mea culpa, les larmes, la bave qui coule sur le menton, après s'être tambouriné copieusement les tempes et le poitrail et s'être usé les genoux dans d'improbables pèlerinages, il faut parvenir à se redresser encore, à se mettre debout et repartir du bon pied. N'est ce pas paradoxal alors de découvrir que prendre le temps est aussi souvent en donner ? Donner du temps à l'Autre, c'est soudain découvrir cette richesse que l'on ignorait en soi. En plein Butor en ce moment, immergé et sans doute submergé je m'interroge sur la volonté de cette pointure capable d'écrire autant de volumes savants et de réduire soudain la voilure. Collaborer à la fabrication de livres d'artistes. Ce fut une activité qui l'occupa beaucoup les dernières années de sa vie. Parfois pour ne créer que très peu d'exemplaires, deux ou trois avec des artistes qui ne furent pas des célébrités, juste par affinité. Cela réhausse le bonhomme soudain dont je ne connaissais que peu de choses finalement à part la Modification et l'Emploi du temps lus hâtivement à l'époque pour des impératifs scolaires. Ce que je comprends de cette démarche ? c'est encore entremêlé avec ça et là quelques fils qui s'échappent et que j'ai envie d'extirper de la pelote doucement. Celui là par exemple qui silencieux me dit que le temps c'est l'Autre ou l'Autre c'est le temps, on peut inverser les termes dans tous les sens ça ne change rien au fond. Ce temps qu'on veut conserver pour n'en rien faire bien souvent, ce temps égoïste et jouissif, y aurait il un apaisement véritable à le consacrer à n'importe qui d'autre qu'à soi-même ? Sans sombrer dans une spiritualité de bon aloi, dans cette pensée pieuvre d'une gentillesse et d'une bienveillance forcée, sans se baratiner. Les réseaux sociaux ont parfaitement compris cela. tous ces likes c'est je t'aime ces commentaires rapides sous forme de smileys cordiaux, c'est une bonne occasion d'utiliser cette règle fondamentale : il n'y a pas de temps sans l'Autre. Le hic c'est que ces salauds rajoutent aussi Time is money, ce qui devient l'Autre c'est de l'argent. Dommage. Huile sur toile 30x30 cm Patrick Blanchon Avril 2021|couper{180}

L'Autre est le temps

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Prendre le temps

Encore une réflexion de Michel Butor que je rumine depuis quelques jours et qui correspond tout à coup à une clef permettant d'ouvrir une issue à l'aporie des jours qui filent et qui semblent m'échapper continuellement. Prendre le temps d'écrire ou peindre c'est ,en gros, tout ce que j'ai mis en place pour contrer la fuite du temps. Pour lutter contre cette obsession d'anéantissement toujours présente, de plus en plus présente. Autrefois c'était le sexe. Mais d'une façon totalement inconsciente, irraisonnée, irraisonnable. Comme un engloutissement désordonné à grands renforts de sensations et d'ébats et qui à son terme laisse un vide semblable à tout ce que l'on peut imaginer du néant. Une défaite de l'intellect au profit de la pulsion. Cet élan vers cet autre anonyme. Dont la nécessité d'anonymat me permettait de devenir anonyme en quelque sorte à moi-même. Tout en mettant le doigt sur cette "vérité" d'être bien plus soi dans cet anonymat que travesti dans une identité. Un élan vers l'indifférencié qui à chaque fois était déçu, fabriquant contre mon grès la différence, me la révélant en creux. Le grain d'une peau, la cartographie d'une odeur, la sensation désagréable d'une caresse trop adroite, une chevelure rêche, une vulve trop large, des signes avant coureurs du dépérissement de la chair, vergetures, tâche de vieillesse , rides et ridules, une fois passées toute la littérature fumeuse et sentimentaliste que je pouvais m'inventer pour traverser les dégouts de façon héroïque, tombaient en quenouille quand je me retrouvais seul dans les rues à marcher vers mes gourbis. C'était survivre sur la fréquence de urgence, épouser la courbe de la course du temps, passer avec celle ci sous le niveau de l'amer pour m'enfoncer dans les ténèbres de la perte totale d'identité, dans le refus d'identité. Vers la mort ni plus ni moins. Chercher avidement en vain la fameuse voie étroite. Jamais avant d'atteindre la cinquantaine l'écriture ou la peinture ne m'ont apporté ce que m'offrait le sexe. Cette gravité tragique qui accompagnait celui ci, malgré tout l'humour que je pouvais parvenir à déployer dans la séduction, était cette lourde charge que je m'accrochais au cou pour me lancer du haut de tous les sens, vers un fleuve sombre charriant toutes les souillures de la ville. Un Gange personnel, entouré de brasier sur lequel flotte toujours une odeur de chair brûlée. Cette sensation d'être tout à coup en retard lorsque je me suis réveillé soudain au mois de janvier de cette année là, me foudroya. Comme dans la chanson de Brel : on se croit mèche on n'est que suif. Ce n'est qu'à partir de ce constat d'avoir perdu mon temps, de m'être fait floué, que je me suis demandé comment prendre mon temps. Ce n'est qu'à partir de là que j'ai aussi pris conscience que peindre est une façon de recréer quelque chose d'oublié, où qu'on n'a pas su voir ni comprendre. Et ce malgré toutes les informations, tous les mots d'ordre transmis par la famille l'école, l'église l'armée, l'entreprise. Ce n'est qu'en expérimentant moi même ce paradoxe que j'ai pu poser des couleurs et des lignes dessus, puis parallèlement peu à peu, laisser les mots les phrases remonter du centre de la terre comme ces pierres qui se métamorphosent du grossier vers le précieux. On sait pertinemment tout cela depuis toujours. Je n'inventerai rien en l'écrivant une fois de plus. On sait tout un tas de choses au fond de nous, mais leur utilité ne nous sert de rien tant que le temps n'est pas venu, voilà aussi ce que j'ai découvert en toute modestie. D'ailleurs cette découverte il se pourrait bien que je puisse la nommer modestie tout simplement. Prendre le temps c'est devenir modeste. Cela n'a l'air de rien évidemment quand on réside dans une idée d'importance, il faut du temps pour en saisir toute la subtilité. Ca s'éprouve comme la fadeur d'une soupe, la morue mal dessalée, et la douceur exagérée d'un loukoum. Huile sur papier 15x15 Avril 2021 Patrick Blanchon|couper{180}

Prendre le temps

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Nuit blanche

A minuit je me réveille et en prime je pète la forme. Un café, deux cafés et hop je vais barbouiller deux trois choses dans l'atelier pour me mettre en jambes. Et puis je me souviens que quelqu'un a posté un commentaire sur Facebook à propos de ce livre que j'avais publié l'année passée. Mais vous comprenez je ne commande rien sur Amazone. Je n'aime pas Amazone, je conchie Amazone.. ( bon là c'est moi qui brode un peu... ) Du coup je me suis dit que j'allais m'attaquer à une montagne, la remise en forme de mon site d'artiste que j'ai laissé pourrir consciencieusement depuis des mois, et qu'en plus j'allais créer une page spécifique sur laquelle mes milliers de "fanas" amazonophobes pourraient enfin jouir de l'acquisition de cet œuf plus vraiment très frais du jour... excusez du peu. Mieux vaut tard que jamais. C'est ma devise. Donc après avoir sué, tempêté, râlé ça y est c'est fait. En espérant que tout fonctionne, mais bien sur vous me direz si vous vous y collez. D'ailleurs je suis en train de préparer un second tome qui devrait sortir durant cet été. Peut-être que je ferai même des promos ... arf rien que d'y penser ça me met déjà les poils. Bonne journée ! https://pblanchon.com/produit/propos-sur-la-peinture-livre/|couper{180}

Nuit blanche

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Cheval

Mon premier meilleur ami, et sans doute l'unique c'est un cheval. Et curieusement lorsque je pense à la sincérité, à celle que l'on croit nécessaire, obligatoire pour écrire Je revois encore mon cheval Il est noir comme celui de Zorro Et son nom c'est le mensonge. Sauf que je ne l'ai pas peint en noir à menteur, menteur et demi. Huile sur papier format 15x15 cm Patrick Blanchon Avril 2021|couper{180}

Cheval

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Pêle-mêle

Ce gamin, Alcofribas il ne faut pas que je le perde de vue. Comme d'habitude je ne prépare rien je laisse venir ce qui vient au moment où j'écris, et le coq se rue sur l'âne et vice versa. Cela me fait penser à ce mot : pêle-mêle. Le désordre complet d'après ce qu'en disent les dictionnaires. Et également un cadre destiné à recevoir plusieurs photographies. Un désordre et un cadre en même temps. Bizarre...Mais peut-on en attendre plus de n'importe quelle définition ? Je m'aperçois que j'ai une sorte de rêverie récurrente concernant l'ordre. Un espace presque vide d' où j'imagine que la quiétude pourrait surgir comme un joli diable de sa boite. Et en même temps à chaque fois que j'ai habité de tels espaces je n'ai jamais pu y juguler l'angoisse qu'ils me procuraient. A 30 ans j'ai raté de nombreuses fois l'occasion de me pencher sur ce paradoxe. Je me souviens notamment d'un immense atelier que l'on m'avait prêté gracieusement durant quelques mois à Clignancourt. Tout y était si merveilleux, murs peints en blanc, grande verrière donnant sur les toits, lumière pénétrant à flot dans la grande pièce... je n'ai jamais pu me résoudre à y travailler tranquillement. Au lieu de ça je me réfugiais dans une petite alcôve qui mesurait 5 m2 pour écrire sur mes foutus carnets. Et j'y écrivais des choses sans intérêt , des chroniques ayant pour principal sujet ma poitrine oppressée ma bite ou mon nombril. De temps à autre un croquis, une petite aquarelle vite faite. Et au bout du compte quand la tension parvenait au paroxisme je me ruais vers la porte, dévalait l'escalier de bois menant à la cour, me hâtais encore d'aller ouvrir le lourd portail donnant sur la rue et je disparaissais dans l'errance et dans la marche. Des kilomètres et des kilomètres à me fuir. Fuir comme on dégueule. Je crois que l'ordre m'était d'autant insupportable qu'il m'apparaissait comme la première marche à gravir d'un escalier qui me mènerait inéluctablement vers la réussite ou à la gloire. C'était quelque chose d'entendu depuis le début, dès mes premiers vagissements de préma. Réussite ou gloire comme des revanches en héritage. Enfin un but qui aurait l'apparence d'un but mais qui, dans la réalité ne serait rien d'autre qu'un résidu de miel au fond d'une tasse dans laquelle un insecte se débat en vain pour s'en extraire. Cependant je n'arrivais pas à discerner ce mouvement de va et vient entre ordre et désordre, ce mécanisme que j'avais finalement mis en place depuis des années. L'ordre ce n'est pas l'ordre tel qu'on a voulu le faire entrer dans ma cervelle, ça je n'ai jamais vraiment pu m'en satisfaire et donc y adhérer. Cet ordre là je devais en avoir une vision déformée par la douleur, l'espoir et la déception que je devais traverser systématiquement pour tenter d'y parvenir. Mon dieu tout ces efforts pour découvrir le vain... la fatalité ou le destin.. Cet ordre n'était ni plus ni moins qu'une redite d'un événement dont nul ne parlait jamais. Un viol, un saccage que l'on tente de dissimuler derrière une apparente propreté, quelque chose d'harmonieux d'autant plus effrayant, puis presque simultanément pathétique que cette harmonie. Cette harmonie semble s'être vidée de tout l'essentiel. Une harmonie froide sans vie. Le désordre à bien y réfléchir récupérait cette idée de vigueur, il la recyclait, la transmutait. Le plus souvent en ennui d'ailleurs. En une relation fixe avec le monde. Une fixité comme issue du regard de la Gorgone qui te transforme en bloc de béton. Et par dessus le marché armé le béton. Ou plus modestement un boulet. Et c'est en boulet que je traversais la ville, une pierre qui roule a rolling stone créant ainsi cette fameuse impulsion propre à la cinétique, nécessaire au mouvement. Il n'y avait que ce mouvement d'important, le mouvement du corps pour se sentir vivant. Le reste, les pensées, les émotions c'était accessoire totalement, je crois que j'en doutais perpétuellement à un point qu'il m'était facile d'en changer à ma guise comme on s'empare d'outils, de couteaux de boucher pour découper la viande. Pour découper la réalité et le temps, la tailler en pièce. Un besoin de désordre, d'ennui, de mouvement, un refuge finalement contre cet ordre accepté tacitement par tous et qui me renvoyait cette image d'inaptitude chronique à y participer de bon cœur. Une impuissance que je me dissimulais ou contre laquelle je luttais inconsciemment en incarnant le désordre le plus flamboyant. Mon intelligence du monde fonctionne par association. Il n'y a rien de logique en apparence là dedans. Une dispersion tellement évidente, tellement obsessionnelle finalement qu'elle ressemble exactement à celle d'une ménagère qui du matin au soir briquerait sa baraque juste pour se défouler et ne pas se pendre. C'est en cela que je pense que l'ordre, le désordre, ce fameux pêle-mêle, sont souvent des mots employés machinalement par la plupart des personnes qui ne voient pas plus loin que le bout de leurs chaussures. Ils n'ont pas fait 10 mètres dans mes mocassins. Ce qui évidemment me rend responsable mais plus coupable. Responsable totalement cette fois et si j'ose dire "en pleine conscience" d'accepter cette chance d'être ce que je suis. C'est à dire cet apparent pêle-mêle. Ce cadre que l'on accroche à un mur de sa cervelle avec deux trois instantanés permettant d'identifier quelque chose pour, le plus souvent et seulement, se rassurer d'avoir été et pourquoi pas d'être encore, d'être toujours. Non je ne te laisse pas tomber Alcofribas. J'ai juste appris un peu plus de choses sur la patience et l'écoute. J'attends que tu ressortes de ton trou ou que tu redescendes de ton cerisier, de ta tonnelle. Tiens j'ai apporté un bout de réglisse, je vais l'éplucher tranquillement en attendant, et à la fin je le laisserai sur le muret si le cœur t'en dit... il fait bon, l'air s'est réchauffé, les oiseaux commencent juste à se réveiller, pas de raison pour que ce ne soit pas une bonne journée. Ah oui j'ai fait fait quelques peintures il faut que je les mette comme on laisse des miettes sur le chemin avant de comprendre que les cailloux c'est mieux. les premières images sont des détails des tableaux qui suivent Huiles sur bois Avril 2021 Patrick Blanchon|couper{180}

Pêle-mêle

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Cette idée

Cette idée de toi que j'ai gardée comme une braise qui me brulait et me réchauffait pendant que je marchais je ne sais plus ce que j'en ai fait ce que je n'ai pas fait Pour l'oublier profondément si profondément qu'elle se transforme en mon cœur et mon souffle pour que je ne puisse plus dire elle m'appartient. Elle est juste une idée qui va son chemin parallèle au mien Et que je crois rencontrer encore parfois comme une inconnue séduisante. au hasard de la rue. Cette idée de toi je ne l'ai plus. Je l'ai usée à force de m'en rappeler je l'ai souillée et sublimée Tant et tant qu'elle s'est dissoute dans le présent et rend parfois ce présent amer ou sucré comme ce café noir qui toujours m'accompagne et ces cigarettes parfois insupportables. Cette idée de toi ce n'est pas mon idée ce n'est qu'une trace laissée par d'autres et que j'ai relevée comme un chasseur dont le but est de tuer d'achever. Ce chasseur n'a pour arme que l'inachevé qui ne tire que des balles à blanc parce que c'est trop dur de tuer parce qu'on s'enfuit toujours dans la pensée les émotions pour ne pas voir la réalité. Cette idée est un meurtre prémédité un contrat qu'à la naissance j'ai signé avant même de savoir parler. Cette idée j'ai beau tenter de m'en rappeler je ne m'en rappelle plus ce n'est pas ma mémoire ce ne l'a jamais été Elle vient du Nord emprisonnée dans l'ambre comme un être fossile une patience qui vient de loin du fond de la mer baltique. Cette idée m'a un jour donné une dignité puis me l'a ôtée. Et je me suis retrouvé nu abandonné comme un coquillage déserté. Cette idée c'est juste ce son ce vent qui souffle cette musique qui m'emporte tout entier vers toi. Huile sur toile format 30x30 cm Patrick Blanchon 2021|couper{180}

Cette idée

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Exil

C'est le même sentiment, la même douleur, le même écho tout persiste joie et douleur se côtoient. Même pour ceux qui viennent après et qui ne t'ont pas connu. La nostalgie peut se transmettre ici pas besoin de règle On se retrouve exilé comme on se retrouve juif. Que ce soit par père ou mère par la montagne et les rivières. On est différent et on va passer sa vie à le refuser et on va passer sa vie à l'accepter. Peut-être que je n'irai jamais vers toi Peut-être ne donnerais je aucun fruit Pour tenter d'arrêter la chaine conscient ou pas. Peut-être qu'un jour j'inventerai la paix. Même pour ceux qui sont venu avant et que je ne connais plus. Mais que je connais tellement que je connais autrement. Je ne sais plus de quoi tu es fait à force de tout me rappeler j'ai oublié la vérité. Et pourtant tu es là derrière mes yeux clos Comme des larmes contenues de lourds trésors amassés qu'il semble impossible de partager. Huile sur toile 30x30 cm|couper{180}

Exil

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Coup de mou

Oh la la j'ai eu la trouille... et ce n'est pas encore totalement terminé encore. Affaibli, démoralisé, je me suis trainé ces derniers jours de la maison à l'atelier. J'ai fait appel à tout ce que j'avais pu glaner par ci par là comme astuce pour me rebooster, me motiver, m'auto flanquer des coups de pied aux fesses... et je vous avoue que seul le besoin de tacher de la toile ou du papier m'a maintenu la tête hors de l'eau. Evidemment j'ai pensé à ce foutu virus en premier. On ne pense plus qu'à ça des qu'il y a la moindre défaillance désormais ce qui indique - qu'on le veuille ou pas -que nous sommes tout de même touchés par la psychose ambiante. Même l'optimiste forcené que je suis l'est, ce qui n'est pas peu dire. Ou l'hypocondriaque plutôt car avant l'arrivée de la Covid ( vous avez remarqué le féminin ) j'étais plutôt accès sur le cancer des testicules, la tumeur du ciboulot, sans oublier la leucémie, le cancer des os j'en passe et des meilleures. Donc reniflements, maux de crâne à répétition, fatigue générale et transformation intempestive en cloporte se trainant du lit au canapé globalement une fois mon effort pictural de la journée mené plus ou moins à bien. A grands renforts de Doliprane et de mantras, j'ai évidemment fait appel à l'esprit de Monsieur Coué, vaut mieux revenir aux origines qu'aux produits dérivés, comme la PNL et autres billevesées de développement personnel. Et aujourd'hui une petite semaine après, me revoici un peu plus en forme et apte à écrire de nouvelles bêtises. Etre malade a ceci de bon qu'on est prêt à tout pour que ça se termine le plus rapidement possible. Etre malade rend créatif. Pas de façon directe, je veux dire pas pendant qu'on est alité. Non, pendant que tu es alité tu roupilles, tu sers les dents, tu te poses des questions sur l'après vie, et tu regardes le plafond. C'est plutôt lorsque ça va mieux que la créativité surgit, un peu comme la Grace tombe sur une bonne sœur au bout de 30 ou 40 ans d'ennui. Ou comme lorsque tu ressors de chez le dentiste qui vient de te soigner une rage de dents. Toujours ce système des vases communicants. Du coup j'ai revisité toutes ces pensées morbides que j'ai eu, du genre je vais crever c'est sur, que vais je donc laisser derrière moi, ou encore putain je m'y prends vraiment comme un gland pour communiquer sur mon art avec les gens, ou encore je suis un peintre de merde et je devrais laisser tomber tout ça pour passer à la plomberie ou à la peinture en bâtiment,. On vient juste de faire appel à un artisan pour rénover notre cuisine et pendant le camping forcé, ajouté aux affres de la dépression causée par ce qui n'est qu'un petit refroidissement -plutôt classique au mois d'avril-, j'ai calculé que je me ferais des coucougnettes en or massif si je choisissais de gagner ma vie comme ça. Sauf que j'ai plus de 60 balais et qu'il fallait y penser avant mon petit pote. Bref . On ne peut pas être et avoir été comme disait je ne sais plus qui. Je crois que j'adore ça en fait. M'imaginer au bord du trou, quasi habillé en suaire, près à recevoir la première pelletée de terre. C'est une pensée obsessionnelle. Je peux être en train de faire la cuisine, bricoler, faire l'amour, me promener en forêt je ne peux pas m'empêcher de penser que je vais claquer. Que tout ce que je suis va s'évanouir d'un coup dans la stratosphère à tout jamais. PSSSHHHIITTTT ! et puis pas plus. Je tente d'affronter cette vision d'anéantissement totale depuis toujours. Depuis mon tout premier cours d'astronomie où le prof nous avait suggéré d'imaginer le rien avant l'arrivée du Big Bang. Evanouissement direct. Je ne m'évanouis plus à cette pensée. Je deviens juste morose. Ce qui n'est pas bon du tout pour le système immunitaire évidemment, tous les bons donneurs de leçon prônant la pensée positive le diront. La maladie a cela de bon qu'elle nous rappelle un vieux principe quasiment perdu de vue dans ce monde ubuesque. Le fameux principe de réalité. On possède un corps en plus d'un esprit et ce corps de temps à autre, surtout vers la retraite peu devenir un tantinet récalcitrant face à la jeunesse d'esprit qui a tendance à s'en foutre comme si celui ci avait toujours 20 ans. Je ne suis pas fortiche en sondage mais si je posais la question à toutes les personnes ayant franchi la cinquantaine : Dans ta tête tu as quel age ? Bon nombre s'ils sont honnêtes donneraient une réponse qui oscillerait entre 7 ans et 25 ans. Je veux évidemment parler des plus lucides d'entre nous. Pour les autres qui se pensent terrassés par les années, accablés par le bagage d'expériences et de connaissances et qui confondent ça avec la connaissance j'ai peur de ne plus rien pouvoir faire pour eux. Winston Churchill l'avait dit : la vieillesse est un état d'esprit et il avait parfaitement raison. C'est d'ailleurs ce qui l'aura conduit a faire tellement de bourdes dans sa vie et parmi toutes celles ci quelques fameux coups de génie. S'imaginer vieux c'est souvent du à un excès de prétention si ce ne sont pas les articulations qui nous conduisent à le penser. On prétend avoir vécu, on prétend savoir un tas de trucs et souvent quand on regarde clairement les choses en face - ce fameux principe de réalité- de quoi s'aperçoit t'on je vous le demande ? On s'aperçoit qu'on n'est sans doute même pas encore né. Que l'on est resté coincé dans une espèce de no man's land à digérer du placenta en attendant d'avoir l'espoir de prendre un bon bol d'air. C'est toujours une question de point de vue mais pas seulement, cela peut être lié à tellement de facteurs divers et variés qu'on ne peut qu'être humble en fin de compte face à la solidité, à la véracité de ce point de vue justement. Je ne sais plus quel Bodhisattva fameux disait que l'esprit était changeant et qu'il ne servait pas à grand chose de s'y attacher de trop. Qu'il fallait plutôt le considérer comme un ciel avec des changement de luminosité, des éclaircies et des orages pas grand chose de plus. Cela demande un effort de distanciation qui ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval venu. D'autant que désormais on n'en voit plus beaucoup des chevaux si on observe bien... Donc un coup de mou pour tenter de recentrer le sujet car j'ai toujours tendance à m'égarer par distraction. Un coup de mou c'est neutre finalement tout dépend comment on l'interprète, avec quelles lunettes on le regarde, parfois ça peut venir d'un rien ou d'un tas de bonnes raisons car -bien sur- il faut aussi de sacrées bonne raisons, et on est porté à se les fabriquer en cas de besoin. On n'imagine pas un coup de mou gracieux qui viendrait comme un cheveu sur la soupe un poil pubien d'ange , un cadeau du ciel. C'est forcément qu'un truc ne tourne pas rond. Comme si tout devait tourner rond. Du coup on s'invente des raisons mais surtout des fautes, une culpabilité. Si je ne vais pas bien c'est parce que etc. Bon on en perd du temps avec ça ,et j'en perds surement à vous narrer ces fadaises, où alors ça meuble, ça occupe le temps qu'il faut en attendant d'aller mieux en attendant que le train train reprenne que tout se remette à tourner rond. C'est confortable de tourner en rond ça peut mener à des transes de derviche comme à l'ennui, et encore une fois les résultats sont tellement surprenants pour un évènement aussi banal que l'on est bien droit de se poser quelques questions sur les véritables raisons, ontologiques cette fois, servant à l'équilibre d'un système qu'on ignore totalement impliquant ce fameux coup de mou et aussi pourquoi pas la rotation des planètes qui tournent en rond elles aussi comme à peu près tout dans la réalité qu'on nous assène régulièrement. quelques uns de mes derniers travaux sous coup de mou :|couper{180}

Coup de mou

import

Gravité

réécriture Je n’ai jamais su conjuguer. Le passé simple, l’antérieur, le participe : autant de pierres d’achoppement. Chaque souvenir devenait une tête réduite, une peau de chagrin, un masque de carton bouilli. Le temps, pour moi, n’a jamais été une ligne. Plutôt un sous-bois, sentiers multiples, bifurcations sans fin. Choisir un chemin ? Arbitraire, tant qu’on ignore où il mène. D’où venait cette force ? De moi ? Du monde ? Force antagoniste, peut-être naturelle, équilibre plus vaste que nous. Cinquante ans de progrès n’ont rien éclairci. Les savants cherchent encore, moi je partirai sans réponse. Chaque élévation, il m’a fallu la payer : gravir une butte à vélo, gravir l’échelle sociale, gravir l’amour, l’art, la peinture. Toujours la gravité me repoussait. J’ai supprimé ce qui pesait : gloire, fortune, reconnaissance. Je n’ai gardé que l’amour. Pas un manque à combler, mais un trop-plein à donner. Et pourtant la gravité demeure. Gravée dans le marbre, comme disent les anciens. Il suffit de voir une fusée : milliards pour quitter l’air, pour s’arracher à cette prison invisible. On peut s’en indigner, s’en émerveiller. J’ai cru, un temps, qu’il suffirait de l’esprit. Voler par désir maîtrisé. Manger sans argent. Aimer sans parade. Voyager sans fusée. Tout revient à la gravité. Elle est peut-être une particule, liée au regard de l’observateur. Peut-être qu’il existe une fréquence, une harmonique, un son à prononcer. Alors le voyage commencerait. Et nous comprendrions que la gravité est une portée. Qu’il suffit d’y poser des notes pour entrer dans la musique du monde, jusqu’aux confins de l’infini.|couper{180}

Gravité