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Autour d’une démarche artistique

Paysage d'Estonie L’intention première. D’où vient l’envie de peindre ? D’où vient l’envie ? Je dis « envie » mais est-ce le bon mot ? Il s’agit sans doute plus d’une nécessité, encore que je me méfie de tout ce qui est nécessaire, trop proche à mon gout d’un autre mot tout aussi suspect : l’essentiel. Peut-être qu’avec l’âge la prudence s’installe ainsi, et on se rend compte qu’on ne peut guère formuler que des hypothèses. De là aussi cette difficulté toujours renouvelée à m'établir dans une démarche artistique telle qu'on est sensé en attendre une chez les peintres. Peut-être que tout aura commencé en regardant ma mère peindre tout simplement. Elle devait posséder quelque chose, du talent certainement, mais c’est un mot d’adulte, enfant je ne connaissais pas encore ce mot, j’appelais plutôt cela le « pouvoir magique » de créer de si beaux tableaux. Et comme c’était ma mère et que j’étais son fils, il m’apparaissait aussi comme une sorte de dû que la peinture un jour, et surtout le talent de peindre devrait m’appartenir un jour aussi. L’histoire commence avant ma mère et moi évidemment. Le père de ma mère était peintre. Il s’était enfui d’Estonie peu après la révolution russe de 1917 et était devenu peintre de décors de cinéma dans les Studio d’Épinay sur Seine, en région parisienne. Peut-être que ma mère petite fille, tout comme moi, imaginait également que la peinture était un pouvoir magique dont il serait comme une évidence d’hériter. Peut-être mais nous n’en n’avons jamais vraiment parlé. Les évidences dans lesquelles nous espérons sont souvent silencieuses. Comme si les dire à voix haute les relèguerait soudain dans l’espace du rêve, du fantasme, de l’imagination. D’ailleurs je me souviens, lorsqu’en pleine nuit j’étais réveillé par un cauchemar, et que je venais demander de l’aide, elle me conseillait de le lui raconter immédiatement pour que jamais ce cauchemar ne puisse prendre pied dans notre réalité. Je n’ai jamais compris ma mère lorsque j’étais un enfant, pas plus que lorsque j’arrivais à l’adolescence, et encore plus tard à l’âge adulte. Et même lorsqu’elle disparu en 2003 emportée par un cancer, j’avais l’étrange sensation d’être passé totalement à côté de celle qui m’a donné la vie. C’était une femme complexe. Elle pouvait souffler le chaud et le froid quasi instantanément. Aujourd’hui on parlerait de « double bind », de double contrainte. Elle était capable de tout ce que je découvris peu à peu en moi au fur et à mesure des années. Dans le fond nous sommes depuis toujours exactement semblables, tellement que nous n’arrivions tout bonnement pas à y croire ni à l’accepter. Il n’y a pas que de l’amour, il y a aussi beaucoup de haine de part et d’autre dont la cause est cette ressemblance confondante. Dans le fond ce qui nous rapproche le plus ma mère et moi aujourd’hui c’est une solitude constituée par toute une série d’événements que nous n’avons pas vécus mais qui nous ont été légués. L’exil, et l’errance notamment. Un empêchement chronique à nous assimiler pour protéger une mémoire qui aurait menacé de s’effacer sans doute si nous étions parvenus autant elle que moi à ne pas tirer parti de cet empêchement pour construire un semblant d’identité. La peinture est donc un fil rouge qui nous relie tous, toute la partie Estonienne de la famille. Et en ce sens, je crois que j’ai détecté assez rapidement que je ne peignais pas parce que j’en avais envie, ni parce que la peinture était pour moi une nécessité vitale, mais bien plus parce qu’elle était une sorte de canal, de rituel, pour honorer les morts, pour leur rendre une forme d’existence, pour valider leur existence et par ricochet la mienne, si l’on veut. Évidemment je vous parle de cela à 62 ans je n’aurais probablement jamais eu le courage de l’exprimer ainsi si je l’avais découvert plus jeune. Il me serait apparu aussitôt une imposture. —Comment ? vous qui êtes un artiste, vous ne peignez pas parce que c’est votre nécessité ? N’avez-vous donc pas lu Rilke ? N’avez-vous pas lu « lettres à un jeune poète ? » Si bien sur je l’ai lu, plusieurs fois même. Avec un gout d’amertume dans la bouche car à l’époque j’essayais vaguement d’écrire des poèmes, des nouvelles, des romans, mais je n’y découvrais nullement de vraie nécessité. Je pouvais tout à fait vivre sans écrire une seule ligne. Comme je pouvais vivre sans poser une seule touche de couleur sur une toile. C’est que l’on cherche toujours plus ou moins une authenticité, une vérité intrinsèque, ou ontologique qui n’existe pas et que l’on doit un jour ou l’autre s’inventer tout seul. Puis la seconde étape demande d’oublier ce mensonge, d’y croire enfin comme la seule vraie réalité pour soi. Mais que se passe t’il lorsqu’on se souvient à chaque instant que cette croyance et un mensonge ? Lorsqu’on persiste dans cette croyance en l’honnêteté qui n’existe pas plus non plus…. Il se passe des années, il se passe un temps fou. Et dans ce temps nous ne cessons d’osciller entre le doute et la certitude envers cette intention première qui nous pousse à peindre. Heureusement le temps n’est pas constitué que de douleur, il est aussi constitué de plaisir et de joie, de la joie de découvrir, d’apprendre, de travailler, de travailler à se rapprocher de soi que l’on finit par découvrir comme postulat premier pour mieux se rapprocher des autres. Aujourd’hui je suis devenu professeur de peinture et je dis aussi artiste-peintre. J’en plaisantais encore il y a peu. Toujours cette sensation d’imposture qui ne me lâche jamais vraiment, et cette dérision de moi-même. Lorsqu’elle me flanque un peu la paix, je peux accepter d’être un artiste-peintre surtout lorsque je considère comment d’autres ne se gênent absolument pas le déclarer avec beaucoup moins de billes dans leurs poches. Mais quelles sont ces billes dont je parle ? Les années passées à enseigner ? la technique ? Les expositions que j’ai réalisées ? Les toiles vendues ? des billes comme des preuves d'autorité ? De quelles billes je parle pour me rassurer ? Ou plutôt pour ne pas évoquer le principal, le gros calot que j’ai dans le cœur ou l’âme, ce poids d’âne mort. Je n’ai pas ce désir de peindre comme je le remarque chez de nombreux peintres, jeunes ou moins jeunes. Je n’ai pas la passion de la peinture vraiment. Sans doute parce que je sais à présent ce que valent ces désirs et passions là, qui servent surtout à entretenir notre propre légende, à nos propres yeux et à ceux des autres. L’écueil fut la notion du beau je crois. Pour mon grand-père maternel et ma mère l’importance du beau était sans doute primordiale, c’était la fonction première de la peinture. Je ne saurais dire s’il y avait une véritable intention artistique autre que de créer de belles choses. Et longtemps j’ai crû que le seul but de la peinture était ce beau. J'en suis revenu. Ce qui m'intéresse désormais ce n'est pas tant le beau que ce qui pour moi le constitue, sa justesse. Evidemment, j'ai du mal dans le monde actuel. Mais ce n'est pas grave, j'ai accepté désormais tout un tas de choses, de perdre tout un tas de choses surtout pour m'engager dans cette idée de justesse, dans la vie et dans la peinture. La peinture dans ma famille sert aussi bien à s’extraire d’un naufrage qu’à mettre en place toutes les conditions pour en créer un autre, comme si la victoire finalement devait être une défaite. Toute victoire effectivement, en y regardant de près est une vraie défaite., mais justement la victoire n'est pas faite pour être regardée à la loupe, elle est comme un tableau, ça se voit de loin, la plupart du temps. C’est ce que l’on m’a transmis, que je n’ai pas su comprendre vite, ou plutôt peut-être que j’ai trop bien compris et trop vite.|couper{180}

Autour d'une démarche artistique

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Le dégoût de l’humain

Assister impuissant au évènements et observer ce qui se met en place. Faire face en silence à tous les avis, toutes les opinions et considérer le dérisoire global. Ce dérisoire qui par ricochet nous rend tous si dérisoires. Un élevage de poulets en batterie qui s’agite fébrilement à l’heure du gavage. Des informations que l’on nous rentre dans la gorge jusqu’à ce que la tristesse, la désespérance remplissent tous les vides… Comment pour s’en sortir ne pas tenter de s’accrocher au dégoût, le dégoût envers l’espèce toute entière, le dégoût de soi-même, de toute cette vanité humaine. Un fou ou un sage, peu importe, quelqu’un une fois a dit, fais ce que tu dois faire de ton mieux et cette simplicité ordonnera le monde tout entier. Cela semble aussi si dérisoire après la justesse avalée elle aussi. Pensées de mort ce matin qu’il faut pelleter pour arriver devant le chevalet. Trop lourdes et trop nombreuses. J’ai essayé de lire un peu de poésie comme un oiseau cherche du gras en plein hiver, mais tout glisse très vite, à peine une illusion de paix surgit elle que déjà elle disparaît. J’ai fait le tour du quartier encore et encore en pleine nuit et ce matin pour aller chercher mes cigarettes. Rien sauf les chants d’oiseaux qui ne me renvoient à aucune enfance. Le dégoût s’est logé profondément cette fois comme une écharde. Je peindrai avec ce dégoût de l’humain aujourd’hui , il doit lui aussi avoir ses secrets, un goût de café sans sucre un, je ne sais quoi, un presque rien, évènement parmi tous les autres. Il suffira d’être patient, d’attendre encore une fois de plus la fin des hiérarchies, et de laisser la couleur à son ouvrage. Huile sur bois 20x20cm 2022|couper{180}

Le dégoût de l'humain

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Art pour hôpital, l’art utile !

artpourhopital.art.blog/|couper{180}

Art pour hôpital, l'art utile !

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Préparation exposition 111 des arts

Ça y est je me suis enfin décidé à agir. J’ai envoyé le dossier pour le 111 des arts de Lille. Je devais le faire l’année passée mais je me suis pris les pieds dans les dates. J’avais pourtant travaillé sur le sujet, une vingtaine de petits carrés de format 20x20cm réalisés à l’huile et au couteau. Ce format carré que j’aime beaucoup utiliser, je n’y avais pas vraiment réfléchi en profondeur. Pourquoi le carré qui est sensé représenter une forme parfaite absolue dans son symbolisme ? Pour la briser d’une certaine façon. Et aussi pour tenter de trouver une issue si je peux dire à cette notion d’un absolu qui serait imposée. Trouver un espace de liberté au sein même de ce que je considère comme une sorte de fatalité, quelque chose qui tente de fuir l’implacable. D’ailleurs je pourrais aussi trouver des connexions avec le but de cette exposition qui est d’apporter un soutien aux enfants malades du cancer. Un écho tout à fait semblable à cette idée d’implacabilité de la maladie. Comment vivre avec celle-ci, sans rester figé, anéanti par son issue trop souvent fatale ? J’agis plus que je ne pense à certains moments lorsque je suis dans l’atelier. Il faut que je me place face à l’espace du support pour ne pas penser et peindre. Sinon je ne fais que penser et bien que je sache que cet état soit inutile, qu’il ne produira rien, je persiste à l’entretenir car c’est lorsque j’arrive à une saturation de la pensée que surgit le ras le bol et que je peux retourner devant mon chevalet. C’est un équilibre que j’ai appris à mettre en place douloureusement au début, car la douleur offre le réconfort du connu. Puis avec le temps, la répétition du processus on finit par comprendre à quel point les deux états penser/peindre sont en relation étroite. Je ne peux pas pour autant contrôler le processus. Quelque chose m’en défend. Car sinon cela deviendrait une routine vide. J’ai essayé, évidemment, pour atténuer la douleur surtout en devenir maître…mais du coup la spontanéité de la peinture en pâtit immédiatement et une seconde douleur comme le fantôme de celle que j’essaie d’ignorer interfère avec la qualité des mélanges, la droiture du geste. Il faut donc accepter. C’est toujours la même chose. Sauf que chez moi l’acceptation prend un temps interminable. J’ai toujours besoin de comprendre les tenants et aboutissants d’une chose pour l’accepter totalement. C’est sûrement la même chose avec le deuil. Ma chatte n’est toujours pas revenue. J’ai fait le tour du quartier, sonné à toutes les portes, je me suis débattu avec l’angoisse dans ce pâté de maisons en conservant un espoir qui ne me sert qu’à agir, à taper aux portes, à crier son nom avec en tache de fond cette notion de fatalité, d’inéluctable qui me sert de cadre. En attendant, en l’espérant je me réfugie dans mon atelier, dans le travail, dans ces petits carrés que je peins sans penser à rien au couteau. Voici une petite galerie constituée dans l’ordre de réalisation des travaux d’hier et de ce matin|couper{180}

Préparation exposition 111 des arts

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On devrait s’y habituer.

Une fois par an, à la pleine lune, ma chatte se barre par les toits et je ne la revois plus durant plusieurs jours. Je devrais y être habituer depuis le temps, mais justement non je n'y arrive pas. Quelque chose de l'ordre de la perte, de l'abandon se rejoue invariablement lorsque je descend dans la cour pour fumer, ouvre ensuite la porte de l'atelier et m'aperçois que la portion de croquettes distribuée la veille n'a pas été touchée. C'est une sorte de feu vert donné à la panique, à l'angoisse et je me mets à imaginer tout un tas de scénarios, tous les plus monstrueux les uns que les autres. Le plus souvent elle est enfermée quelque part et ne peut pas en sortir. Je suis allé chez les voisins hier soir pour leur demander si par hasard elle n'était pas retenue dans une de leurs dépendances, dans leur cave, dans leur grenier. Ils ont été sympas ce qui m'a permis de visiter ces différentes pièces, mine de rien et aussi de renforcer par ma déconvenue de ne trouver aucune chatte, mes pires angoisses. Des gamins malfaisants l'ont ligotée quelque part, puis l'auront torturée. Une vieille dame seule lui aura flanqué le grapin dessus et lui donne à manger des boites, l'horreur suprême. Ce qui est intéressant dans la perte c'est souvent les retrouvailles j'ai remarqué. De là à penser que j'ai besoin d'éprouver l'angoisse de ces pertes juste pour bénéficier de la joie des retrouvailles, je me dis que je suis tout à fait tordu comme il faut pour vivre ce genre de chose. Donc je pourrais tenter la méthode Coué, ou la loi de l'attraction... visualiser immédiatement sa silhouette se découpant sur la nuit claire, là haut sur le toit, entendre son miaulement caractéristique lorsque soudain elle me repère, puis sourire en l'imaginant redescendre l'échelle de bois que nous avons appuyée contre le mur pour qu'elle soit parfaitement autonome. Mais non l'angoisse est cette chose connue, rassurante si l'on veut que je préfère choisir en priorité. Ce qui une fois la chose découverte me laisse songeur sur tout un tas d'autres choses, et d'êtres surtout que j'ai perdues volontairement ou pas au cours de ma vie.|couper{180}

On devrait s'y habituer.

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Mes visages

huile sur papier 2022 Je me suis remis à peindre depuis quelques temps après une longue période d'empêchements multiples. Ce genre de période nécessaire dans une vie de peintre, une remise en question, qui porte bien son nom lorsqu'on pense à la torture. Se torturer tout seul dans son coin surtout pour des choses probablement tout à fait inutiles. Jusqu'à ce que l'inutile tout entier vous saute enfin aux yeux. Car somme toute pour en revenir à une définition pragmatique de la peinture, de l'art en général, c'est bien cette quête de l'utile qui me conduit le plus sans que je ne veuille toujours l'entendre. Il faudrait toujours faire attention vraiment à ce que l'on ne veut pas voir ni entendre, ni penser d'ailleurs. Je me suis donc remis à peindre parce que c'était utile que je le fasse, du moins j'y trouve une utilité soudaine après coup. Dans la réalisation de ces visages surtout qui ne sont pas des portraits, qui ne représentent évidemment pas une "réalité" mais questionnent celle-ci au travers du prétexte du visage. Ils ont l'air d'être de vrais visages à première vue. Mais un œil exercé découvrira vite la supercherie qui se situe entre maladresse et habileté. Avoir l'air d'être vrai, c'est tout à fait une peinture qui relate la problématique de notre époque. Je suis un peintre tout à fait contemporain pour cela. Faire du mensonge quelque chose de touchant est un petit plus que je tente d'ajouter, mon épice personnelle qui donnera bon gout à la sauce pour l'avaler. C'est très subversif mine de rien. Le tragique est un lieu commun, parce que notre cervelle préfère se réfugier dans le connu. Ce qui constitue un véritable enfer, le seul probablement. Reproduire le connu dans un visage c'est mettre en scène une partie de cet enfer de cette tragédie, et placer la maladresse non visible immédiatement comme une issue. C'est à dire qu'une fois celle-ci découverte elle devient un indice pour se repérer dans la cartographie générale du mensonge. Toute la difficulté est de ne pas sombrer dans l'ironie, de ne pas y aller soi, et de ne pas y emporter le spectateur, car cela serait inutile, cela n'apporterait rien de plus. Le fil rouge est l'émotion éprouvée vis à vis de cet écart entre habileté et maladresse. Et qui remet en question ces deux piliers à partir desquels les jugements s'élèvent sans relâche. Peut-être que je divague, mais si cela n'est pas utile dans le monde d'aujourd'hui, qu'est-ce qui peut bien l'être ?|couper{180}

Mes visages

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L’amitié

Huile sur toile collection privée — Tu es terrible, tu n'appelles jamais un tel, une telle , on dirait que tu t'en fiches complètement, tu ne sais pas entretenir les relations, me confie mon épouse pour la énième fois, à propos de tel ou tel événement où je devrais convier des personnes, ce que je ne fais pas la plupart du temps. L'autre jour aussi on me laisse un message sur mon répondeur que j'écoute et puis je passe à autre chose. J'oublie de répondre. — Comment !? mais tu n'as pas répondu, et tu attends quoi pour le faire ? Suis-je aussitôt repris dès que j'en parle entre la poire et le fromage, c'est à dire comme la plupart du temps, lorsque les choses me traversent. —Mais c'est pour ça exactement que tu n'as pas d'ami, tu ne sais pas t'en occuper, tu ne fais rien, on dirait que tu attends que ça te tombe tout cuit dans le bec ! m'avait déjà dit quelqu'un il y a très longtemps. J'étais enfant à l'époque et l'essentiel de ma vie se déroulait dans mon imaginaire. Je ne pense pas que les choses aient vraiment changé depuis tout ce temps. J'ai des amis qui appartiennent plus à mon imaginaire qu'au monde réel. Cette prise de conscience est venue tardivement, je dirais aux alentours de la cinquantaine. Ce fut un vrai choc de le découvrir, une sorte de deuil si l'on veut. Mais on se fait à tout, vivre c'est en grande partie cela, traverser toutes ces choses sur cette passerelle étroite qui relie le monde dit réel à celui dit imaginaire. Un étonnant va et viens. Si bien qu'en plein milieu de cette passerelle on se demande bien ce qui est vrai et ne l'est pas. On est devenu le fameux chat de Schrödinger, ou Hamlet, ou Snoopy sur sa niche. Je veux dire qu'il y a de quoi avoir des doutes et forcément un brin d'humour. Mais une chose est sure la plupart du temps, lorsque soudain un ami se retrouve en face de moi, je reprends la conversation exactement là où nous l'avons laissée. Une abolition de la durée, et des vicissitudes du temps, immédiate s'opère et j'ai l'impression de partager une sorte d'éternité. En fait très peu de personnes, de celles qu'on a l'habitude plus qu'autre chose de désigner comme "amies" peuvent comprendre et accepter cet était de fait. C'est faire la nique au temps. Faire fi de toute obsolescence, de toute entropie. Et si ça ne fonctionne pas toujours, je dirais que c'est très rare, ça ne vient pas de moi. A la vérité ça n'a pas fonctionné une seule fois, de toute ma vie. C'est le jour où j'ai retrouvé mon ami d'enfance à la foire de Sancoins, au marché des Grivelles précisément. Il y avait une chance sur un million pour que je tombe sur lui et sans doute est-ce pour cela qu'au début ma joie fut forte. Mais très vite en voyant son visage bouffi par l'alcool, ses mains rouges et gonflées de maçon, en écoutant ses borborismes gênés face au citadin que j'étais devenu, un certain malaise s'est installé. Un malaise partagé immédiatement. La rencontre a duré très peu de temps et c'était déjà très long, je m'en souviens encore. La prise de conscience d'un tas de choses comme le simple fait que nous n'avions plus jamais eut le moindre lien depuis mon départ de l'Allier à l'âge de neuf ans. Et parallèlement le souvenir de ces beaux moments partagés ensemble à jouer dans les arbres, à courir en foret et dans les blés, à vivre cette enfance tout simplement. C'était mon "meilleur ami" voyez-vous comment l'imagination peut nous jouer des tours. C'est surtout ce que je me disais à cet instant précisément dans la cacophonie des beuglements et mugissements de toutes ces bêtes agglutinées là pour parader à la foire. Il m'a regardé et moi ses yeux. Je ne l'ai pas reconnu. Il n'y avait plus cet enfant dans le regard de l'homme, juste un voile derrière lequel j'ai subitement eu peur de ne rencontrer que du vide. La conversation n'a pas pu reprendre comme avant à propos de l'excellent gout des cerises et des petites filles après lesquelles ensemble nous courrions. Au lieu de ça ce silence gêné d'être devenus autres. Une expérience comme celle-ci laisse des marques indélébiles. On se met à douter de tout forcément et surtout de soi-même et de notre façon d'envisager le monde et ses habitants. Suivi une longue période à partir de cette date où je considérais alors que je devais quasiment tout à ma seule imagination. Je me mis à étudier celle-ci avec la plus grande circonspection et ma vie alors se resserra, je devins d'une sècheresse telle que je ne me reconnus plus , moi non plus, en me rasant. j'étais devenu pareil à ce "meilleur ami" délaissé en quelque sorte. Et lorsque je me toisais dans le reflet des vitres des miroirs je n'avais guère d'empathie pour ce que je pouvais y découvrir. J'étais devenu Bucéphale, je détalais devant ma propre ombre, non pas par peur mais par nausée. Ce furent souvent les femmes qui jouèrent le rôle d'Alexandre. Qui me prenant par le colback et en me retournant dans le bon sens vis à vis des soleils et de leurs aveuglements me permirent peu à peu de reconquérir un semblant d'estime de moi-même où alors un dégout tel qu'il menait telle une carte au trésor, vers le grotesque, l'exagération, la caricature. Mais ce n'était encore que le pur jeu de mon imagination évidemment. Je veux dire une interprétation des rôles, celui de la victime comme ceux des héroïnes ou des traitresses. Cette histoire parallèle qui ne cesse de remanier nos propres clichés à l'infini jusqu'à ce que l'on découvre finalement qu'ils ne sont que ces choses tristes et terriblement banales. L'amitié est donc une histoire que l'on se raconte la plupart du temps tout seul. Avec de temps à autre une intersection dans une autre histoire tout aussi solitaire. Le fait alors de reprendre le fil de la conversation est exactement comme reprendre un livre de chevet avant de s'endormir. Il faut un quart de tour pour se souvenir de tous les personnages, les lieux, les événements, chausser ses loupes et repartir dans le fil des pages. Et c'est à peu près tout de tout ce que j'en aurais retenu de vraiment tangible j'en ai bien peur.|couper{180}

L'amitié

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Perdre le fil

Huile sur papier. Sans une bonne organisation, on perd vite le fil. Ensuite une fois le retard pris cela demande des efforts pour le rendre ou le récupérer, peu importe le verbe que l'on posera là-dessus, tout le monde comprend ce dont je veux parler. Je veux aussi parler d'une certaine fidélité à tenir en laisse, ou par les rennes, sans qu'elle n'ait cette manie de vous tirer en avant et qui pose comme une crotte le dilemme de savoir qui, entre le maitre et de la bestiole. C'est qui qui conduit le bal nom de Dieu ? La lassitude chez moi conduit régulièrement le bal. Une lassitude non attribuée, une lassitude abonnée à l'annuaire des absents. Une lassitude issue de l'absence toute entière, la mienne évidemment. Une absence mâchée lentement, puis remâchée encore, et enfin digérée. Avec parfois cette sorte de bonus :Etre las et absent à sa propre lassitude d'absent. On peut parler d'éveil évidemment. Pas trop fort non plus pour ne gêner personne. Perdre le fil, au début on se culpabilise forcément. Puis suit une période blanche où ce n'est pas vraiment que l'on se désintéresse, on n'arrive tout simplement plus à fixer son intérêt suffisamment longtemps pour qu'il germe, qu'il produise des ramifications, des feuilles des bourgeons ou des fruits. Ce genre de conneries que tout le monde sait à un moment ou l'autre considérer pour ce qu'elles sont, c'est à dire de beaux prétextes, un genre usuel de divertissement. Ce qui fait que l'on se doit tout de même un peu d'honnêteté à soi-même sur cette fameuse angoisse de "perdre le fil" je veux dire que c'est tout bonnement une autre figure du désir, inédite cette fois et qui comme à chaque fois que l'inédit pointe son nez, flanque la pétoche et fait pédaler le hamster dans la cambuse. Bon Dieu mais comment cela se fait-il que je sois si con, si ceci ou tellement cela ? Comment se peut-il que je prenne un tel panard à perdre le fil, en gros. Par orgueil comme toujours évidemment. Y a t'il quoique ce soit d'autre dans la vie que l'orgueil, je veux dire comme responsable de tout égarement. Je disais hier c'est beau, on dirait que ça sort de la bouche d'un maitre soufi ... non mais quel con ! Des fois je te jure je ferais mieux de la boucler plutôt que de m'emmêler les pieds dans les nœuds que je noue tout seul. A moins que tout ne soit prévu dans ce plan et de longue date. A moins que l'égarement soit balisé, que perdre le fil ne soit qu'une façon parmi toutes les façons possibles et imaginables de trouver la voie invisible justement et tout bonnement. La seule voie humainement possible. Je veux dire celle qui existe sous mes propres pieds et aucune autre rêvée, imaginée, fantasmée. Ce qui au bout du compte inverserait toutes les opinions et subitement s'il vous plait, ces opinions que l'on ne cesse de chérir sur l'orientation en général et les 4 points cardinaux en particulier. Perdre le fil serait un levier encore plus puissant que celui d'Archimède. Pas pour soulever le monde, bien sur que non, quelle ineptie ... mais simplement pour soulever son cul du canapé, une très bonne chose en soi, et m'est avis tout à coup que ça sonne juste à ce moment où je l'écris : qu'il faut juste oser pour voir.|couper{180}

Perdre le fil

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Exposition à la librairie « La folle Aventure » à la librairie de Trévoux (01)

Aujourd’hui c’est l’accrochage à la librairie de Trévoux, 3 grande rue. Le nom de celle-ci : la folle aventure, illustre bien l’exploit d’ouvrir une librairie de nos jours. J’ai encore eu le temps de retoucher une grande toile, finalement il y aura tout de même quelques visages parmi lés autres toiles abstraites. Le vernissage est samedi prochain à 10h30 avec une lecture de quelques poèmes par Georges. Je serai présent. Affiche de l’expo à partager si vous connaissez du monde dans la région Une grande toile 100x100cm acrylique et fusain|couper{180}

Exposition à la librairie « La folle Aventure » à la librairie de Trévoux (01)

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Exposition Librairie "la folle aventure" Trévoux (01) ( vidéo)

Il y a le visage du souvenir celui que la pensée redessine Le visage absent que brouillent les superpositions les effacements partiels Le visage revenu trop vite glissant comme un éclair le visage indomptable fuyant instable qui joue à cache-cache Il n'a que faire des sentiments le visage estompé entre sourire et mort Est-ce un signe d'amour Cet appel au visage qui ne vient pas Qui est tourné résolument vers d'autres lumières Qui n'est que calotte clairsemée Un envers d'humilité Un refus obstiné à l'appel Ce visage toujours absent Qu'on a pourtant vu. Georges CHICH "Quelque chose qui illumine" Coll.POESIE XXI jacques andré éditeur. https://youtu.be/_Q5aOvDMKEEvidéo Exposition "Rendez-vous autour de quelque chose qui illumine" Librairie "La folle aventure" Trévoux (01)|couper{180}

Exposition Librairie "la folle aventure" Trévoux (01) ( vidéo)

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Accrochage

J’ai mis des pitons, des ficelles, pour que tout cela tienne. On m’a confié quatre vieux murs, blancs immaculés pour accrocher mes toiles à la folle aventure, librairie associative du village de Trévoux. Et je ne regrette pas du tout le voyage ! L’agencement s’est fait comme par magie cette fois. Et en attendant la vidéo voici quelques photos ! Quelques images de l’accrochage à la folle aventure, librairie de Trévoux|couper{180}

Accrochage

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L’importance des dégradés en peinture.

brou de noix et encre de chine format 20x20 cm La dégradation pour la plupart des gens n'est pas un mot porteur de joie, d'espoir, de beauté à contrario du peintre que je suis. J'aime les dégradés de toutes sortes. Les dégradées aussi, et durant longtemps en raison d'une homonymie qui prend sa source dans mon esprit naïf, enfantin. Les femmes plus âgées que moi décorées de ridules, de rides, de plis et de traits tombant m'attiraient toujours bien plus que les jeunes à la peau lisse et à la cervelle toute entière tournée vers des avenirs à construire, des foyers à entretenir, des marmots à fabriquer puis à choyer, ou pas d'ailleurs. Il y a certainement une relation de dégradé à dégradée que je n'avais guère soupçonnée alors. Car finalement c'est en ouvrant les yeux sur ma propre dégradation, je veux parler de ces changements parfois imperceptibles qui me font passer d'une valeur à une autre, que j'ai enfin compris ma quête des reflets. Possible que peindre ou s'allonger sur un divan participent d'une même motivation qui est celle de comprendre le dégradé, de se le raconter à voix haute et en couleurs de longues heures, de longues années, pour enfin atteindre à l'expertise, au geste sur, au dosage parfait sur la langue ou bien au bout du pinceau. j'ai toujours été fasciné par cette histoire, le fait de tellement s'attarder sur la confection des fonds chez Botticelli. Il parait qu'il pouvait y passer des jours, des semaines, des mois parfois...Trouver les bons passages ( pas sages) d'une valeur à une autre, échanger les points de vue de soi-même à soi-même, surtout entre une perception masculine et féminine, de ce fond notamment sur lequel peindre un beau sujet, de préférence religieux, ou mythologique. Un beau dégradé ne montre aucune dureté, aucune frontière. D'une certaine manière il m'évoque une image de liberté tout à fait discrètement, comme une femme âgée se livre sans pudeur à l'aventure de l'anonymat dont j'aurais été un des acteurs avant de comprendre que j'étais peintre plus que Don Juan ou gigolo.|couper{180}

L'importance des dégradés en peinture.