janvier 2023
Carnets | janvier 2023
19 janvier 2023-2
On ouvre un pot pour goûter la confiture, ça résiste. Merde, c'est de la pâte de fruit. Du coup, la recette n'était peut-être pas fausse, c'est juste qu'on aura trop fait cuire. Encore une poignée de grains à moudre, tiens. Ce n'est pas si mauvais que ça en plus. Oui, mais ce n'était pas le but. On ne peut pas l'étaler sur les biscottes.|couper{180}
Carnets | janvier 2023
19 janvier 2023-3
Ce que tu trouves étrange et que nul autre ne semble voir. Ou n'en parle. Le fait de vivre est en soi tellement étrange. Ensuite, partager cette sensation permanente d'étrangeté est-il utile, intéressant ? Est-ce encore une façon de dire quelque chose sur soi, d'attirer l'attention quand on estime être dans une carence ? Autant de questions sans réponse définitive. Le doute lui aussi devient étrange après toutes ces années, presque comme n'importe quelle certitude. Le doute quant à toute cette fameuse perte de temps que l'on ne cesse de te seriner depuis toujours, quand tu devrais te concentrer sur des choses qui rapportent. Comme si les choses étaient des chiennes ou des chiens. Certains chiens peuvent éprouver une fatigue envers leurs maîtres, et parfois refuser de rapporter, voire ils peuvent mordre tant on les aura désespérés, maltraités. Et là, l'étrangeté se métamorphosera en délit, en crime, mots-valises pour enfermer, en appuyant bien dessus, l'incompréhension, ou l'incompréhensible.|couper{180}
Carnets | janvier 2023
19 janvier 2023-2
Giacometti, bien sûr : ce qui reste après l'effort, la ténacité, la volonté, l'effacement du superflu, de la fioriture, du trouble qui brouille la vue, et de tant d'autres raisons bien plus obscures encore. De celles nécessaires, indispensables pour éliminer. Ce n'est pas facile d'éliminer. Boire des litres d'eau ne suffit pas. Courir autour d'un stade, en forêt, sur la plaine peut aider, à condition que l'on s'y tienne régulièrement, car il n'y a guère d'autre mot que celui-ci qui vaille. Prendre l'habitude d'éliminer, facile selon les dires : à peine un mois, une trentaine de jours pour que ça devienne comme une drogue dont on ne peut plus se passer. Mais est-ce vraiment suffisant ? Physiquement sans doute, mais pour écrire, une autre paire de manches. Un véritable parcours de combattant. Ce qui, bien sûr, te fait songer à ces tueurs à gages dans les polars, ceux qui ont pour charge d'éliminer, ceux à qui l'on confie un contrat, et qui le remplissent sans ciller, sans émotion. Tout ce que tu as tant de difficultés à accepter. Le crois-tu vraiment ?|couper{180}
Carnets | janvier 2023
19 janvier 2023
Autobiographie par les objets, comment on les convoque, comment on parle de ces objets, quelle relation on s'invente ainsi avec eux. J'ai relu le texte si émouvant de François et j'allais lui emprunter le pas quand, soudain, dans le dernier paragraphe – et j'étais passé à côté à la toute première lecture – ce déclic, cette découverte : il semble biffer en quelques mots tout le déroulé dans lequel il m'aura entraîné. S'abstraire de l'injonction à faire mémoire est ce qui nous aura permis d'avancer. C'est la seconde fois en une heure à peine ce matin que je me heurte au même obstacle. Je voulais réécrire ma bio, refaire une page web regroupant, pour les lieux d'exposition, qui je suis, ce que je fais, pourquoi je le fais et quelques photographies de mon travail. J'ai commencé à écrire cette bio et, presque aussitôt, j'ai vu surgir dans ces quelques lignes commencées moult détails, jusqu'à la couleur du tapis, rouge, de l'escalier menant jadis à ce tout premier logement, chez mes grands-parents paternels. Au bout de 600 mots, j'ai stoppé net. Quelque chose coinçait. Je me suis dit : 'Pourquoi fais-tu ça, qui cela va-t-il intéresser ?' puisque le but est de ne donner que quelques éléments biographiques succincts mais essentiels pour saisir un parcours. Cette injonction à faire mémoire, bien sûr, ne peut plus m'échapper ce matin. Je comprends confusément qu'elle est un désir d'autant plus bizarre que dans ma vie réelle, si je peux dire, j'ai justement fait l'impasse sur le souvenir, la mémoire, et que c'est bien ainsi que j'ai pu avancer sur tant de chemins divers, découvrir tant de territoires inexplorés. Donc, encore une fois, un vacillement dans le cadre de l'écriture entre la forme et le fond. Désormais, il s'agit de ruser, d'être beaucoup plus malin. Tu sais que de toute façon, sitôt que tu écris, même une liste de courses sur un simple bout de papier, si tu décris une pièce, un objet, tu ne sais que parler de toi, toujours, que de toute façon tu es enfermé là-dedans. Est-ce une malédiction ? Pour le lecteur certainement, si tu ne te renouvelles pas. Ensuite, tu peux aussi continuer à te dire que tu te fous du lecteur, mais tu es aussi le lecteur, donc dès que tu peines à te relire, prends ça comme un indice, jette-toi dessus, ne te contente plus sentimentalement d'un à-peu-près. Éberlué aussi de constater un cheminement parallèle dans la peinture, le retour à un enseignement quasi académique désormais dans les cours que je dispense. Pourquoi ? Ce n'est pas parce que ce que j'offrais était mauvais mais sans doute trop philosophique, trop intellectuel, bien que présenté d'une façon ludique. Non, ce n'est pas cela, c'est juste que l'on ne met pas la charrue avant les bœufs, que la technique, si fastidieuse apparaisse-t-elle a priori, doit être apprise en premier lieu afin de pouvoir s'en libérer ensuite. Il y a aussi une possibilité d'effacement de soi, de ce personnage parfois si encombrant pour soi et les autres, grâce à ce cheminement dans lequel on se concentrerait sur des fondamentaux. D'ailleurs, aux dernières nouvelles d'hier soir, si les élèves sont surpris par ce changement de cap de ce second trimestre, et bien que je les aie avertis par avance au terme du premier, ils râlent pour la forme mais ils sont soulagés, presque contents. Et aussi, après ces quelques considérations, que vas-tu peindre, écrire maintenant ? Sous tes pieds, un grand vide vient tout juste de se créer. Est-ce que l'on peut peindre, écrire cela ? Par l'usage de subterfuges alors, d'une contrainte, ce que nous ont enseigné Perec et François, mais cette nécessité t'est plus claire en peinture, tu la connais déjà depuis longtemps. Donc faire confiance à la porosité des échanges, aux vases communicants. Sans confiance on n'est rien, sans optimisme non plus. Et quand bien même on ne serait rien, l'optimisme et l'humour, eux, sont quelque chose." Ce texte relève clairement de la catégorie "Carnets". Il s'agit d'une réflexion méthodologique sur l'écriture autobiographique et la création artistique, mêlant considérations sur l'enseignement et questionnements sur la mémoire. La thématique principale est la tension entre le désir de mémoire et la nécessité d'avancer, entre technique et création libre.|couper{180}
Carnets | janvier 2023
l’histoire
L'histoire officielle, celle que l'on découvre dans les manuels scolaires et qu'on est bien obligé d'accepter puisque c'est pour l'essentiel une relation à l'autorité. Si on ne l'accepte pas c'est tant pis pour soi. Tant pis vieille expression lourde de menaces et de regrets. Tant pis pour toi. Tu ne seras donc pas des nôtres. C'est à partir de ces tant pis que l'on finit par s'éloigner peu à peu dans une solitude aussi glaciale que celle de l'eau d'une baignoire . Une baignoire remplie d'eau glacée dans laquelle on se plonge pour voir combien de temps on est capable de résister ainsi. Et de s'étonner que ce soit, après la douleur de l'imagination surtout, encaissée, la découverte d'une pratique vraiment roborative. C'est durant la guerre que les trois frères de ma mère et elle même durent s'éloigner de Paris. On les confia à des fermiers, dans la Creuse, en attendant que les choses se tassent. Cette partie de l'histoire tu l'avais presque totalement oubliée tellement elle fut recouverte de rancœurs, d'amertume, de ressentiments, de la longue liste des trahisons dont tu tins scrupuleusement le compte. Liste perdue désormais et probable que ceci expliquant encore cela, ce souvenir, qui remonte comme un bouchon et file entre deux eaux. Ses frères gardèrent les vaches, elle en plaisantait, alors qu'elle eut plus de chance, confiée à des agriculteurs plutôt riches, et qui possédaient des employés. Ce qui ne l'empêcha pas d'être conspuée par les gamins des écoles qu'elle fréquentait. Sale étrangère, le mot lui était resté. Et je ne comprenais pas cette méchanceté qu'elle me relatait parfois la gorge serrée. L'Estonie tu ignoras longtemps que ce pusse être même un pays, une terre. Et quand tu le découvres enfin à l'adolescence tu comprends encore moins la véhémence des gosses de jadis envers ta mère. Les estoniens ne sont ni noirs ni arabes ni portugais,, pas même italiens ils sont pour la plupart blancs comme tout à chacun ici, quand tu regardes autour de toi. Pourquoi une telle discrimination alors... c'est étonnant. Et meme le peu de gamins croisés en chemin durant ton propre parcours scolaire, des roumains, des russes, des belges, des slovaques, tu ne te souviens pas qu'ils eurent à souffrir trop de l'invective ni des moqueries. Ensuite que tu apprennes en pension, en revoyant chaque année toujours le même film l'histoire du père Kolbe un catholique qui se sacrifie pour des juifs... tu feras peu à peu le lien, apprendras un peu plus de choses sur l'époque de l'occupation, ca te mettra comme on dit la puce à l'oreille. Le martyr des juifs te toucha jusqu'aux os. Le désespoir que tu en éprouvas alors et cette magistrale colère, restent étrangement toujours aussi vives. Pourquoi certaines choses semblent dévoiler des parties intimes de nous-mêmes alors que d'autres nous laissent de marbre, indifférent. Il faudra encore patienter longtemps, toute une vie pour que tous ces petits fragments s'agglutinent ensemble par nature, par catégorie, comme les déchets qui te fascinaient quand tu examinais ceux-ci , durant des heure, assis face au bassin du jardin du Luxembourg. Pour que l'histoire s'avance comme tu as toujours eu l'intuition qu'elle devait avancer, par une suite d'eureka toujours plus douloureux les uns que les autres et non aux travers des gloires, des victoires dont on sature les manuels d'histoire.|couper{180}
Carnets | janvier 2023
18 janvier 2023-8
Comment ne pas comprendre Kafka ? Comment ne pas voir que tu es en train de réécrire à ton tour le Procès ? Et bien sûr que tu te places d'autorité dans le box des accusés. Tu ne cherches même pas à te faire aider d'un avocat. Au contraire, plus il y aura de charges, plus la partie civile se frottera les mains, plus tu seras enfin rassuré sur ton sort. Le mot 'édifié', tu le regardes passer mais tu ne le touches pas. Surtout pas. Après, trouver une Marthe Robert, une autre paire de manches, pas bien d'importance pour un manchot.|couper{180}
Carnets | janvier 2023
18 janvier 2023-7
" Dure et molle" . Ce sont les deux mots qui te viennent quand tu repenses à la mère de ta mère, à ta mère, à toutes les femmes vers lesquelles ton désir t'aura poussé. Celles trop dures, tu les as laissées tomber ; celles trop molles, tu ne les as pas ratées. Il fallait toujours une proportion très précise de dureté et de mollesse pour que ton cœur s'entrouvre d'une façon que tu imaginais alors sincère, authentique, véritable. Ce rapport, équivalent à un nombre d'or personnel, t'aura servi à bâtir de jolis temples avant de les voir s'écrouler comme frappés par un destin souvent incompréhensible. Un destin abscons dans lequel tu n'as toujours eu que la sensation désagréable de n'être qu'une marionnette, un acteur. Mais cette recherche insensée du rapport exact entre dur et mou, rien que ça pourrait te servir de levier pour soulever une montagne, et voir soudain tous les insectes, les mille-pattes, les cloportes, s'en échapper, frappés d'ahurissement, causé par une lumière crue trop intense, trop forte." Le fait que tu répètes lcette qualité de clarté trois fois comme si tu cherchais à l'exorciser.|couper{180}
Carnets | janvier 2023
18 janvier 2023-6
L'histoire officielle, celle que l'on découvre dans les manuels scolaires et qu'on est bien obligé d'accepter puisque c'est pour l'essentiel une relation à l'autorité. Si on ne l'accepte pas, c'est tant pis pour soi. "Tant pis", vieille expression lourde de menaces et de regrets. Tant pis pour toi. Tu ne seras donc pas des nôtres. C'est à partir de ces "tant pis" que l'on finit par s'éloigner peu à peu dans une solitude aussi glaciale que celle de l'eau d'une baignoire. Une baignoire remplie d'eau glacée dans laquelle on se plonge pour voir combien de temps on est capable de résister ainsi. Et de s'étonner que ce soit, après la douleur de l'imagination surtout, encaissée, la découverte d'une pratique vraiment roborative. C'est durant la guerre que les trois frères de ma mère et elle-même durent s'éloigner de Paris. On les confia à des fermiers, dans la Creuse, en attendant que les choses se tassent. Cette partie de l'histoire, tu l'avais presque totalement oubliée tellement elle fut recouverte de rancœurs, d'amertume, de ressentiments, de la longue liste des trahisons dont tu tins scrupuleusement le compte. Liste perdue désormais, et probable que ceci expliquant encore cela, ce souvenir qui remonte comme un bouchon et file entre deux eaux. Ses frères gardèrent les vaches, elle en plaisantait, alors qu'elle eut plus de chance, confiée à des agriculteurs plutôt riches et qui possédaient des employés. Ce qui ne l'empêcha pas d'être conspuée par les gamins des écoles qu'elle fréquentait. "Sale étrangère", le mot lui était resté. Et je ne comprenais pas cette méchanceté qu'elle me relatait parfois, la gorge serrée. L'Estonie, tu ignoras longtemps que ce pût être même un pays, une terre. Et quand tu le découvres enfin à l'adolescence, tu comprends encore moins la véhémence des gosses de jadis envers ta mère. Les Estoniens ne sont ni noirs, ni arabes, ni portugais, pas même italiens ; ils sont pour la plupart blancs comme tout un chacun ici, quand tu regardes autour de toi. Pourquoi une telle discrimination alors... c'est étonnant. Et même le peu de gamins croisés en chemin durant ton propre parcours scolaire - des Roumains, des Russes, des Belges, des Slovaques - tu ne te souviens pas qu'ils eurent à souffrir trop de l'invective ni des moqueries. Ensuite, que tu apprennes en pension, en revoyant chaque année toujours le même film, l'histoire du père Kolbe, un catholique qui se sacrifie pour des juifs... tu feras peu à peu le lien, apprendras un peu plus de choses sur l'époque de l'Occupation, ça te mettra comme on dit la puce à l'oreille. Le martyre des juifs te toucha jusqu'aux os. Le désespoir que tu en éprouvas alors et cette magistrale colère restent étrangement toujours aussi vifs. Pourquoi certaines choses semblent dévoiler des parties intimes de nous-mêmes alors que d'autres nous laissent de marbre, indifférents ? Il faudra encore patienter longtemps, toute une vie, pour que tous ces petits fragments s'agglutinent ensemble par nature, par catégorie, comme les déchets qui te fascinaient quand tu les examinais durant des heures, assis face au bassin du jardin du Luxembourg. Pour que l'histoire s'avance comme tu as toujours eu l'intuition qu'elle devait avancer, par une suite d'eurêka toujours plus douloureux les uns que les autres et non à travers les gloires, les victoires dont on sature les manuels d'histoire.|couper{180}
Carnets | janvier 2023
18 janvier 2023-5
Une ébauche d'un portrait de Kafka. Il est en train de déguster une pêche et un verre de lait dans un grand restaurant, et il prend son temps. Tout le monde le regarde faire. "Qu'ont-ils donc à me dévisager ainsi ?" se demande-t-il... D'après une vidéo short vue ce matin de l'ami François Bon. Et qui me turlupine encore.|couper{180}
Carnets | janvier 2023
18 janvier 2023-3
Encore cette question : pourquoi les anges ont-ils besoin d'une échelle ? Et puis d'un seul coup, tu penses à un vieux transistor, le genre de ceux qui ont presque totalement disparu et où l'on devait manuellement tourner un bouton pour changer de station. L'aspect matériel de ce bouton sans lequel on resterait prisonnier, figé toujours sur une seule station. L'échelle s'approche peu à peu de ce bouton. C'est un clavier. Et les anges sont les sephiroth qui, en tant qu'énergies créatrices, ne peuvent rien sans la présence d'une matière, des "touches" et des lettres associées à celles-ci. Ensuite, que ces énergies aillent puiser dans une notion de bas et de haut, de lumière ou d'ombre, de joie ou de tristesse peut désorienter. De même que te désoriente le changement de fréquence, de sujet, de tous tes textes écrits dans l'urgence de ces nuits, ces petits matins. Cette urgence à passer d'un niveau à l'autre d'une échelle personnelle pour écrire, pour laisser libre cours à ces énergies qui, si tu ne le faisais pas, te détruiraient, t'anéantiraient probablement. Pourtant, tu es resté 17 ans sans écrire une seule ligne ; as-tu été anéanti pour autant ? Non, bien sûr. Tu as juste perdu la mémoire de tout ce que tu as pu faire durant ces années. Tu as juste vécu une vie de somnambule. Mais n'était-il pas voulu que tu t'absentes ainsi si longtemps ? Il fallait que tu abandonnes quelque chose, et quand tu y penses, c'est justement la prétention de n'avoir pas besoin de bouton, ni d'échelle, ni de clavier pour te manifester. Une prétention que tu auras confondue avec la modestie, la discrétion, le renoncement.|couper{180}
Carnets | janvier 2023
18 janvier 2023-2
Aucun attrait pour la fête. L'expression tant entendue autrefois : "sale petit con, je vais te faire ta fête" explique peut-être cela. Dès que la fête se construit autour de moi, je suis happé par le vide, une tristesse. Je ne comprends pas l'engouement que les gens éprouvent à faire la fête. Si par hasard je tombe sur une fête, je détale et alors j'éprouve en même temps un immense soulagement et le même poids équivalent de regrets. C'est dans les fêtes que j'ai éprouvé le plus de honte, surtout au petit matin si ma mémoire est bonne, quand je découvrais un visage, un corps étrangers dans mon lit. Le souvenir atterrant de la fête au village, lorsque adolescent je les rejoignais sur ce vieux Solex. Parfois à plus de 20 km, à Meaulnes ou encore à Saint-Bonnet. Je n'y allais pas pour m'amuser mais pour aider à porter les lourdes plaques qui constituaient le parquet des autos tamponneuses, payé chichement par les forains. À la fin du boulot, j'observais le déroulement de la fête. Le bal, les filles assises tout autour de la piste, les garçons rougeauds et empêchés qui les invitaient à danser. Un refus menait directement au bistrot, et au blanc limé. Au bout de quelques verres, le courage semblait leur venir, ou la colère. Régulièrement, cela se terminait à coups de poing, les flics auraient pu chronométrer leur déplacement pour être là pile-poil juste avant que ça ne dégénère totalement. Et dans les yeux des filles, cette excitation sauvage que tout ce merdier produisait.|couper{180}
Carnets | janvier 2023
18 janvier 2023
Découverte de deux tomes de récits rendant hommage à Lovecraft : "Sur les traces de Lovecraft", anthologie 1 et 2, collection Fractales/Fantastique, dirigée par Christelle Camus, éditions Nestiveqnen, Aix-en-Provence, 2018. 18 auteurs proposent des récits dans l'esprit de l'auteur. Me suis fait happer par le tout premier hier soir, une autrice inconnue, Kéti Touche : cette histoire de photographe qui vient en résidence dans un obscur manoir (en Angleterre, en Écosse ?) tenu par une femme énigmatique, veuve d'un homme nommé Howard, explorateur de son état. Le récit se déploie dans une tempête, une côte sauvage, au bout d'une inquiétante falaise. On y découvre de vieux carnets évoquant des découvertes effroyables qui auront bien sûr eu raison de la santé mentale d'Howard. Donc bien sûr, de nombreux ingrédients que l'on retrouve chez Lovecraft. Lu une cinquantaine de pages puis j'ai bondi ensuite sur "Autoportrait" d'Édouard Levé. Une suite de phrases en apparence isolées les unes des autres. Amusant, tragique, burlesque. Intéressant quant à la forme. Pour le fond, je suis encore mi-figue mi-raisin. Et puis tout de suite après 20 pages, j'ai posé le livre, j'ai éteint la lumière et il semble que j'ai dormi d'un sommeil de plomb. Aucun cauchemar dont je puisse me souvenir ce matin. Ce qui me fait penser à ce que j'aimerais vraiment écrire. Tiraillé entre la forme et le fond encore une fois. Et là, je me souviens de ce que dit Garouste quand il se trouve confronté au fait que la peinture est morte après Duchamp, discours des Beaux-Arts de son époque. Faire le point sur ce que tu veux vraiment : être un écrivain contemporain ou raconter de bonnes histoires, voilà le nœud. Étonnant que je ne découvre ces livres sur Lovecraft qu'après avoir effectué l'ébauche de ce petit portrait le matin même.|couper{180}