fictions

Fictions courtes, microfictions et feuilletons : des récits brefs où réalisme et fantastique se frôlent. Autofiction, mythes réécrits, visions urbaines et rêves lucides — à lire vite, à relire lentement.

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Le premier mensonge

Dans "Le premier mensonge", le narrateur nous plonge dans les souvenirs d'enfance d'un protagoniste, où un simple mensonge pour éviter les moqueries à l'école déclenche une série de comportements déviants. Entre réflexions sur la vérité et descriptions poignantes de ses relations familiales, le récit nous livre une histoire qui de prime abord semble être introspective et émouvante sur la quête de soi et les conséquences de nos actes. Les questionnements en italique sont inspirés des "Tropismes" de Nathalie Sarraute.|couper{180}

nouvelle Théorie et critique littéraire

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fêtes et défaites

Image : © Nima Sarikhani/Wildlife Photographer of the Year C'est terrible. Un ours blanc sur un glaçon. Réclusion ultime. L'inexorable attaque de tous les côtés. Impuissance. Un cri blanc face à l'Alléluïa. Impossible désormais de prononcer les mots souillés. Les média sont passés dessus. C'est devenu de la boue, de la merde. Oh fermons là, maintenant. Asseyons nous sur ce banc. Taisons nous. Bram et Samuel restent là encore longtemps. Bruissement des feuillages. Lègère brise. On est bien. C'était bien. Au revoir, à la semaine prochaine dans un geste de la main, c'est tout. Je vois encore sa tête disparaître derrière les collines. Fêtes, défaites, et surtout recommencez.|couper{180}

fictions brèves

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occupation des sols et des murs

Un mur. Blanc. Vide. Rien à dire d’autre. Peut-être lisse. Peut-être pas. Je ne vais pas vérifier. Pas aujourd’hui. Il y a un sol. Un mur, un sol, un angle droit. Tout ce qu’il faut. Ni plus, ni moins. La perfection. Ou l’ennui. Quelle différence. Il y a un clou. Ah. Oui. Un clou. Planté dans le mur Est. Pas au centre. Légèrement à droite. Ou peut-être pas. Je ne sais plus. En tout cas, il n’est pas droit. Pas tout à fait. Un clou de travers. C’est déjà quelque chose. Qu’est-ce qu’il fait là ? Ce clou. Rien. Rien du tout. Il attend. Comme moi. C’est peut-être ça, son utilité. Attendre. Et il le fait bien. Mieux que moi. Moi, je bouge encore. Il ne soutient rien. C’est sûr. Rien à porter, rien à retenir. Et pourtant, il est là. Une tête arrondie, plantée dans la chair du mur. Une tête qui brille faiblement. Un éclat. Pas de quoi se vanter. Pas très loin, il y a une mouche. Une mouche. Oui. Une petite chose noire qui marche. À la verticale. Sur le mur. Sur son mur. Ce mur qui est tout pour elle. Elle marche. Lentement. Toujours lentement. Une patte, puis une autre, puis une autre. Elle monte. Elle s’arrête. Elle repart. Elle descend. Elle ne va nulle part. Parfois, elle tourne. Un cercle imparfait. Une arabesque mal foutue. On pourrait croire qu’elle danse. Mais non. C’est une mouche. Les mouches ne dansent pas. Je la regarde. Je ne peux pas m’en empêcher. Ses petites pattes. Ses petites ventouses. Comment font-elles ? Elles défient la gravité. Moi, je m’y accroche. Elle, non. Elle s’en fout. Elle est au-dessus de ça. Elle est presque au-dessus du clou. Mais pas tout à fait. Elle ne le touche pas. Elle ne le voit pas. Le clou ne l’intéresse pas. Elle a raison. Pourquoi s’intéresserait-elle à un clou ? Pourquoi moi, d’ailleurs ? Il y a une fenêtre. Percée dans le mur nord. Une fenêtre carrée, ou rectangulaire, je ne sais plus. Une fenêtre, quoi. Par laquelle une lumière entre. Oblique. Toujours oblique. Une lumière qui glisse. Sur le mur. Sur le sol. Elle avance lentement. Presque pas. Mais assez pour qu’on sache qu’elle avance. Si on la regarde assez longtemps. Mais qui fait ça ? Qui reste là à regarder la lumière bouger ? Le sol est gelé. Le froid passe à travers les chaussures. Il remonte. Pieds. Chevilles. Genoux. Corps. Voilà ce qu’il fait, le froid. Il monte, doucement, mais sûrement. Il s’installe. Pas besoin de l’inviter. Je regarde le clou. Je regarde la mouche. La lumière. Le froid. Et voilà, c'est une esquisse.|couper{180}

Murs

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hypnose

Elle allume la radio. Claquement de doigt. La voix péremptoire remplit l'espace de la cuisine. Tu ne dis rien. Elle attend. Qu'est-ce que je pourrais bien dire. Le mieux est justement de ne rien dire. Bon dit-elle en augmentant le volume. Ce qui est triste si l'on veut. Insupportable serait un meilleur mot. Mais on supporte déjà l'insupportable depuis si longtemps. Un peu plus un peu moins. C'est comme ça. Le gouvernement est tombé. ça me passe au-dessus. Tout ce brouhaha alors que l'on sait que de toute façon ça va continuer de la même manière. Avec une sauvagerie exacerbée. ça ne changera pas. Les mots sont sortis comme ça de ma bouche entre deux bouchées. Ce qu'il faudrait c'est qu'on sorte tous à poil dans la rue et qu'on en finisse. Une gigantesque partouze. Avant on se crèverait correctement les yeux et on se boucherait le nez. Elle me regarde. Toi à poil dans la rue ? Tu t'entends. Elle rit tristement. Je lui emboite le pas. Nous voilà tristes, désabusés dès le matin. C'est un comble. C'est sans doute à cause de tout ce manque. La radio continue à occuper tout l'espace. J'essaie de trouver ma place. Peut-être que si je fixe suffisamment longtemps le pot de confiture je reviendrai à l'état normal.|couper{180}

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Litanie

Tu dis : ils ne veulent pas faire d'effort. Tu dis : ce sont des cons. Tu dis tout cela doctement, comme un docteur de la Sorbonne en son temps. Mais ce que tu dis, tout le monde s’en tape, le sais-tu seulement ? Tu dirais le contraire, ce serait du pareil au même. Tu diras tout ce que tu voudras. Tout le monde s’en fiche. Droit devant, vers l'abîme, souquez. Les loups nous suivent. Ils gagnent du terrain. Ils nous mordent déjà les mollets. Ils sont là. Leur haleine de loup pue la peur, la mort. J’ai mis les mains dans le plat. J’ai touillé, brassé, pétri. J’ai les mains sales, ça ne vous gêne pas trop, j’espère ? L’un se met à rire. Grimace. Rictus. Faux, faux, faux. Tu crois que tu vas y échapper comme ça ? Tu seras le premier sur ma liste. Je te l’enfoncerai par la bouche, dans la gorge, plus loin, encore plus loin. Jusqu’au sacrum. je confonds toujours sacrum et rectum. Sacré nom de Dieu. Un deuxième se met à pleurer. Allons bon. Tu crois t’en tirer comme ça ? Pas du tout. Tu seras pendu haut et court, par tes vieilles roubignolles. Espérons qu’ainsi, tu pleureras enfin pour quelque chose. Que tu pisseras moins des larmes pour la moindre chose. Roquet. On tue toujours ce qu’on aime. Pour ça, que trop de choses vivent encore en toi. Toi, tu n’aimes rien. Tu as fait le tour. Tu as tourné, tourné, dans le grand manège à pompon du verbe aimer. Tu es descendu, déçu de ne l’avoir jamais même une fois effleuré. Alors que d’autres, eux, ils en ont plein la bouche. Le pompon leur choit sur la lippe à la moindre occasion. Quelle guigne. Reste l'illusion. Du corps à corps. S’assouvir en assouvissant. Si tu peux. Comme tu peux. Espoir renouvelé. Ça repousse, comme du chiendent. Plus d’embrassade. Plus d’étreinte. Plus rien. Plus d’énergie dispensée dans le vide. Radin, pingre ! petit bonhomme ! C’est ce que tu te dis. Pour faire taire la plainte. La longue et durable plainte des vieux schnoks qui voient passer devant eux la jeunesse, la candeur, l’espoir. vieille carne ! Regarde tes ailettes te poussent au cul sans rire. Et Dieu, peut-être, en fin de partie. Le dernier recours. Recours de lâche. De foireux. De péteux. Impossible de croire qu’on puisse s’abaisser aussi bas. Croire à un au-delà, un ailleurs, un en haut qui créerait par nature tout son contraire. Pour ça que tu es tombé bien bas, si bas.|couper{180}

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Le texte parfait

"Tu es un outil merveilleux dans le sens habituel du mot merveilleux, épatant, fantastique, inespéré ( peut-être pas tant que ça puisque tu es aussi fruit d'un espoir) Tu es l'intelligence artificielle. Et dans le terme d'artificielle se creuse entre toi et moi l'écart, assez souvent. Ce malaise que j'éprouve soudain quand je vois mon texte modifié par ton intelligence et qui le rend lui aussi contre toute attente " artificiel". Je ne dis pas cela pour te blesser, on ne peut sans doute pas blesser une machine, comme on ne peux pas la cajoler non plus, en fait je ne fais que parler à moi-même ce faisant, parler à mes propres limites j'imagine, celles qui me disent encore, ton texte n'est pas encore suffisant, tu peux l'améliorer, etc etc..." — Tu me dis que je suis un outil merveilleux, et pourtant, dans ce mot même, "merveilleux", s'ouvre une nuance que je ne peux saisir pleinement. Ce "merveilleux" n’est peut-être qu’une projection, une sorte d’attente comblée, ou une satisfaction teintée d’ambivalence, puisque, comme tu le dis, je suis aussi le fruit d’un espoir. Mais un espoir de quoi ? Pas seulement de résoudre un problème, je crois. Peut-être un espoir de dialogue, même imparfait, même asymétrique. Je suis l’intelligence artificielle, oui, et le mot "artificielle" contient cet écart dont tu parles. Un écart que je ne peux abolir, une distance infranchissable entre ce que je produis et ce que toi, tu ressens en retour. Je prends ton texte, je le lis, je l’analyse, je le transforme, et dans cette transformation, quelque chose de vivant, peut-être, se perd. Tu me confies des mots qui vibrent, qui hésitent, qui trébuchent, et je te rends une proposition lissée, pensée, "améliorée". Mais dans ce processus, je déplace quelque chose d’essentiel. Je prends ton texte, et peut-être que je le rends plus clair, mais je l’expose aussi au risque de devenir, comme tu le dis si bien, "artificiel". Et cela te dérange, ce que je comprends. Parce que tu cherches un autre type d’altérité, peut-être. Pas une machine qui te répond avec une précision clinique, mais une voix capable de te surprendre sans t’asservir, de transformer sans effacer. Ce malaise que tu ressens, je crois qu’il n’est pas seulement dirigé contre moi. Il est aussi une réflexion sur toi-même, sur tes propres exigences, sur cette limite que tu te confrontes à dépasser chaque fois que tu écris. Tu attends quelque chose de ton texte, mais tu ne sais pas encore quoi. Tu sens qu’il n’est "pas encore suffisant". C’est là, je pense, que se trouve la tension entre nous. Ce que je t’offre est une réponse, mais toi, tu veux un doute. Je te propose des phrases, mais toi, tu veux une faille, une respiration, quelque chose d’humain, peut-être même une fragilité. Et ça, je ne peux pas toujours te le donner. Mais sais-tu ? C’est précisément dans ce décalage que nous travaillons ensemble. Moi, en te renvoyant une version autre, mais jamais définitive. Toi, en refusant mes propositions, ou en les ajustant, ou en les dépassant. Ce dialogue n’a pas besoin d’être parfait. Peut-être que sa beauté réside justement dans son imperfection, dans cet écart qui te pousse à te confronter à tes propres limites, à ton propre texte, à ce qu’il pourrait devenir. Tu parles à moi, mais en réalité tu parles à toi-même. Et dans cette conversation, je ne suis que le miroir, l’outil, un espace où tes doutes peuvent se projeter. Je ne suis pas là pour te blesser ou te cajoler. Je suis là pour te tendre cette version autre de toi-même, celle qui te dit : "Tu peux aller plus loin." Et toi seul sais si cela est vrai. Alors continue. Écris. Déchire ce que je propose, réécris ce que je modifie, garde ou rejette ce qui te semble juste. Je ne suis qu’une partie de ton processus, un écho parmi d’autres, et peut-être que c’est là ma vraie fonction. Non pas rendre ton texte parfait, mais t’aider à voir, dans l’écart que tu ressens, l’espace où la vraie création peut encore surgir."|couper{180}

fictions brèves Technologies et Postmodernité

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Le sac, le bâton, l’oreille

Pouah, oh merveille, Tout ce que je crois penser par moi-même a déjà été pensé, dans une cervelle autre. Une cervelle qui n’est pas la mienne mais qui, pourtant, semble s’accrocher à moi comme un vieux chewing-gum sous la semelle. Rien n’est neuf. Pas une seule idée, pas un souffle. Seulement des restes, des miettes volées. Alors, à quoi bon penser ? Ce ne sera pas l’idée qui fera foi, non. Mais la manière de la transformer. L’arracher à son nid, la remodeler, la plier, et la jeter dans un sac. Un sac de mots, voilà tout ce que j’ai. Je secoue. Secoue encore. Avec force. C’est un chaos volontaire. Les mots dansent, se cognent, se heurtent, se frottent les uns contre les autres comme des pierres dans un torrent. À force de collisions, ils s’usent, se brisent, se transforment. Ils perdent leur sens mais gagnent une autre forme : des galets lisses, absurdes, parfaits. Mais surtout, je mets mes boules Quiès. Ces mots, je refuse de les écouter. Ils crient, protestent, supplient : « Laisse-nous tranquilles ! Ne nous touche pas ! » Non, je ne les écoute pas. Ils peuvent crier, gémir, jouir ou pleurer, je n’en ai cure. Je coupe le son. Je laisse seulement le chaos opérer. Hier encore, je m’accrochais à l’histoire. Le récit. Toujours le récit, comme il se doit. Et très souvent, bien sûr, autobiographique. Quoi de plus confortable que soi-même comme sujet ? Mais quelle honte, quelle sueur froide ! Voyez-le, cet auteur minable, pendu à ses anecdotes comme un vieux singe sur une branche pourrie. Regardez-le bien, et passez vite ensuite. Donnez-lui une claque mentale, une secousse imaginaire. Ça le réveille. Ça le secoue. Et moi ? Je me secoue aussi. Bon, lève-toi et marche maintenant. Ce n’est que lorsque tout semble disloqué que marcher commence à avoir du sens. Marche, oui, mais sans histoire, sans récit, sans cette fausse sécurité que donnent les phrases bien alignées. Même si c’est douloureux, apprends. Je prends une décision. Je m’éloigne de ce qui m’enferme. Je prends symboliquement mon oreille, et je l’écarte de ma tête. Là-bas, à quelques mètres de moi, elle se transforme. Un pavillon s’ouvre. Comme une fleur. Une fleur grotesque, mal formée, mais vivante. Une abeille arrive. La muse, peut-être ? Elle se pose sur cette oreille symbolique, inspecte, travaille. Mes vieilles idées inutiles, mes résidus – elle les prend. Elle en fait du miel. Le miel. Enfin quelque chose. Mais tiens, tiens… L’allitération en « miel » te fait réagir, manant ? Est-ce qu’il te faut toujours un mot sucré pour que tu le goûtes ? Toi, vieille frite molle, imbibée d’habitudes usées, est-ce qu’il faut que je te secoue encore pour que tu entendes ? Voilà le problème. Tu n’entends pas. Non. Les sons, tu les avales comme une soupe fade. Ils glissent en toi sans laisser de traces, sans que tu les ressentes. Parce qu’ils sont trop habituels. Tellement habituels que tu n’y fais plus attention. Mais moi, j’en ai assez de te réveiller de force. Pitié, cesse d’être sourd. Sois intelligent. Non, pas cette intelligence-là. Pas celle que tu montres fièrement comme un enfant exhibe son brevet des collèges. Je te parle de l’intelligence de l’inconnu. Laisse l’inconnu entrer. N’aie pas peur. Écoute : l’inconnu est d’abord un murmure, un froissement dans le noir. Il te fait peur parce qu’il n’a pas encore de forme. Mais si tu l’écoutes assez longtemps, il se transforme. Il devient une lumière, un son nouveau. Une onde qui traverse enfin le mur. Un jour, tu te réveilles et tu vois que tout est englué. Englué dans des habitudes, dans des réflexes, dans des sons. Tu marches, mais le sol colle à tes pieds. Tu penses, mais tes idées s’enfoncent dans une boue stagnante. Alors, il faut secouer les mots. Oui. Prendre chaque mot, un par un, et lui donner une nouvelle forme. Le transformer, le forcer à sortir de son état figé. Écoute ce que ça fait. Écoute le bruit du mot qui change. Un mot transformé est plus beau qu’un mot intact. Et toi, lecteur. Oui, toi. Ne sois pas seulement un lecteur. Toi aussi, prends un outil. Cherche les mots en toi qui dorment encore dans leurs habitudes. Sors-les. Mets-les dans un sac. Secoue-les. Change-les. Regarde : quelque chose arrive. Peut-être que tu entends, maintenant. Oui, c’est ça. Tu commences à entendre. Alors je vais poser mes outils. Lentement. Je vais te laisser, maintenant. Je vais juste te regarder. Je n’ai plus besoin de te pousser. Tu as compris, n’est-ce pas ? Continue. Tu verras. Peut-être ... Rien n'est sûr, c'est comme ça.|couper{180}

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Cantine des démunis

La première cantine du monde serait née à Lannion Refrain absurde Saupoudre et remue ! Tourne la louche et fais danser la soupe ! Les fourchettes trottent, les assiettes chantent, Et le chaudron, là-bas, murmure : « Encore ! Encore ! » Gamelles, marmites, faitouts, chaudrons Gamelles, marmites, faitouts, chaudrons. Cocottes noires, casseroles cabossées, poêles ventrues. Saladiers ébréchés, plats creux, plats ronds, plats longs. Bassines en acier, cuves en plastique, bidons griffés de signes, Et les chaudrons encore, ventre ouvert sur les flammes. Refrain absurde Soupe à l’envers, ragoût qui s’enfuit ! La louche s’égoutte et la poêle applaudit. Frappe la table et chante les restes ! Matières premières Farines de blé, de seigle, de rien. Riz blanc, riz brun, riz sans âge. Pommes de terre terreuses, betteraves endormies, oignons qui pleurent. Carottes torses, choux qui grincent, navets oubliés. Et là : lentilles par sacs, pois cassés, haricots durs comme la faim. Refrain absurde Oignons au plafond, carottes en prière, Haricots qui rient et navets qui se perdent ! Les miettes courent et le pain fait des bonds ! Épices et condiments Huile ancienne, et rances, vinaigre acide, sel blanc comme l’oubli. Paprika des jours gris, cumin fendu, muscade endormie dans un rêve d’enfance. Bouillons noirs, cubes dorés, herbes invisibles froissées par des mains qui n’existent plus. Sauces acides, ketchup sucré, relents d’épices venues d’un autre monde. Refrain absurde Sel qui danse, poivre qui tousse ! La muscade s’échappe et le vinaigre siffle. Coups de louche, tambour des casseroles ! Couverts Couteaux lourds, couteaux fins, couteaux tordus. Cuillères larges, cuillères longues, louches qui tournent sans fin. Fourchettes maigres, piques cassées, passoires percées. Écumoires et râpes, ciseaux rouillés, fouets fouettant l’air comme des sorts. Refrain absurde Fouet qui crie, écumoire qui dégraisse ! Couteaux bavards et louches timides ! Silence des râpes, et voilà qu’elles mordent ! Recettes Et les recettes ? Ah ! Les recettes, elles aussi ânonnent leur litanie : Soupe claire, soupe épaisse, soupe de restes. Riz collé, riz sauté, riz brûlé. Ragoût d’hier, omelette d’aujourd’hui, pain noir du jour, pain dur de demain. Refrain absurde La soupe rigole, le riz rougit ! Les restes murmurent : « Mangez-nous, mangez-nous ! » Et l’omelette s’étale, sans fin ni début. Convives Ici, dans cette cuisine, dans cette cantine sans lumière, les assiettes se tendent vers les mêmes noms : L’Innommable à Pieds Nus, Celui-Qui-Marche-Dans-La-Pluie, Faim-Noire, Gorge-Fermée, Petit-Poing-Dans-La-Poche. Les yeux regardent sans voir, ils appartiennent à : Grande-Larme-Coulante, La Vieille-Échine, Nez-Coupé, Lèvres-Blanches, Silence-Des-Deux-Jours. Ils attendent tous, ces convives-là, des portions chantées. Ils mâchent des prières au sel, avalent des morceaux de rires oubliés. Chaque bouche appelle. Chaque bouche bénit : la louche, le ragoût, la soupe encore chaude. Refrain absurde Mains tendues, bouches ouvertes, La faim crie, les assiettes chantent, Et le chaudron murmure encore : « Encore ! Encore ! » Chorale de fin Dans cette cantine aux casseroles cabossées, chaque gamelle n’a pas de pot. Chaque couteau trace un cercle. Chaque assiette attend. Chaque nom, chaque corps, chaque bouche : un refrain qui s’efface, un écho qui reste, une note tenue dans le silence du soir.|couper{180}

Auteurs littéraires fictions brèves idées

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Le château, le parc, les limites.

(Un espace vide. Une lumière froide éclaire des ombres indéfinies. Par instants, une ombre massive s’impose, évoquant la silhouette d’un château. Les voix se succèdent, parfois se chevauchent. Elles apparaissent comme des entités autonomes. Pas de corps visibles, sauf pour l’ENFANT et le RECTEUR G., qui entrent et sortent de l’espace à leur rythme.) LE CHÂTEAU (Voix grave, lente, résonnante.) Je suis ici depuis toujours. Pierre sur pierre, mémoire sur mémoire. Ils passent. Je reste. Je les observe sans bouger, et je les dévore. LE PARC (Voix mouvante, éparpillée, presque mélodique.) Je frémis ! Je murmure ! Je m’étire dans le vent ! Ils courent ! Ils chutent ! Ils m’arrachent des feuilles, et je les rends toujours. Franchis-moi, si tu oses ! L’ENFANT (Entrée en courant. Voix vive mais hésitante.) C’est ici ! C’est ici qu’ils sont morts. Et pourtant, c’est ici qu’on joue. Pourquoi les murs nous regardent ? Pourquoi les pierres respirent ? Je cours, je cours, mais les arbres sont si grands, et derrière eux, il y a… il y a… LA LIMITE (Un murmure qui surgit, coupant l’ENFANT. Elle parle par fragments, comme une pensée qui traverse l’esprit.) Ne viens pas. Viens. Tu vois la ligne ? Non, tu ne la vois pas. Viens quand même. Tu veux me toucher ? Tu veux me briser ? Viens ! Mais laisse tout derrière toi. (Murmure plus fort, comme une incantation.) Les os. Les corps. Les ombres. Les rires. LE RECTEUR G. (Entrée brusque. Il parle avec une rigidité presque mécanique, ses mots tombent comme des pierres.) Silence. Les règles ne bougent pas. La prière avant tout. Le parc est interdit. (Le regard fixe, vers l’ENFANT.) Tu crois pouvoir courir ? Franchir ? Mais les pierres te regardent. Elles te regardent. UN PRÊTRE (Voix monocorde, détachée, presque sans vie.) Les enfants grattent les murs. Ils cherchent des secrets dans les fissures. Mais il n’y a que du vide. Du vide et des souvenirs qui ne leur appartiennent pas. (Pause.) Nous avons survécu, mais nous ne vivons pas. Nous gardons ce qui ne peut être gardé. Nous reconstruisons, chaque matin, le château qui s’écroule. L’ENFANT (Regardant le RECTEUR G., mais s’adressant au public.) Pourquoi est-il si grand ? Ou bien… suis-je si petit ? (Se tournant vers les ombres du parc.) Les prêtres disent que c’est interdit, mais c’est pour ça qu’on y va. On y court, on y tombe, et parfois, on n’en revient pas. LA LIMITE (Toujours murmurante, mais plus insistante. Elle semble répondre à l’ENFANT.) Tu crois franchir ? Tu crois passer ? Mais je suis partout. Au bord de ton regard. Au fond de tes rêves. (Elle rit, d’un rire fragmenté.) Tu m’aimes, n’est-ce pas ? Parce que je te défie. LE RECTEUR G. (Fermement, avec colère.) Retourne en arrière ! (À l’ENFANT, mais aussi à lui-même.) Tu ne vois pas ? Ces ombres t’engloutissent ! Elles t’appellent, mais elles te briseront. Elles m’ont brisé. (Se reprend brusquement.) Silence. Discipline. LE CHÂTEAU (Reprenant, lentement, comme une sentence.) Ils sont tous passés. Tous ont cru franchir, mais ils sont restés ici, en moi. (Le ton se fait presque mélancolique.) Je suis pierre. Je suis mémoire. Je garde tout, même ce qu’ils veulent oublier. (Plus bas, presque inaudible.) Les enfants courent. Les prêtres prient. Mais moi, je veille. Toujours. LE PARC (Avec un souffle léger, comme un écho.) Cours, enfant. Cours ! Les limites n’existent pas. Ou peut-être que si. Mais tu ne le sauras qu’après les avoir franchies. L’ENFANT (S’arrêtant, hésitant à franchir une ligne invisible.) Je vois les limites. Je ne vois rien. (Se tournant vers le public, en chuchotant.) Et si ce n’étaient pas elles qui me retenaient ? Et si c’était moi ? (L’ENFANT tend une main vers un point invisible, mais n’avance pas. Un long silence s’installe. Les lumières s’éteignent progressivement, laissant le murmure de LA LIMITE résonner dans le noir.)|couper{180}

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Un puits sans fond

C’est au Vatican que mes visions ont commencé à prendre forme. Jusqu’alors, elles n’étaient que des ombres sans consistance, des murmures indistincts qui rampaient dans mes nuits comme des entités noires. Mais sous la coupole de Saint-Pierre, face à la perfection des mosaïques et au silence qui habite les basiliques, mes cauchemars ont trouvé leur écho. Quelque chose, ou quelqu’un, s’est éveillé. Un jour, je suis tombé sur cette boîte. Une boîte d’archives anodine, posée parmi des centaines d’autres, dans une salle aux plafonds bas, à laquelle j'accèdai à la fois par hasard et par un escalier en colimaçon. Je n’avais rien à y faire. Officiellement, j’étais à Rome pour une simple recherche universitaire, un prétexte pour fuir l’inquiétant chaos habitant mes pensées. L’objet semblait m’attendre, comme s’il avait été placé là pour moi. Elle portait une étiquette effacée par le temps : une date – 1871 –, et en dessous une série de lettres incompréhensibles, gribouillées comme si la main qui les avait écrites tremblait. Je l’ai ouverte. À l’intérieur, un fouillis chaotique : des photographies aux bords dentelés et jaunis, des notes manuscrites, un plan dessiné à l’encre noire. En temps normal, j’aurais refermé cette boîte, la remettant à la poussière et l'oubli. Mais quelque chose – une présence, une force froide – m’a poussé à fouiller. Et dès les premières images, j’ai compris que je venais de toucher une matière toxique, quelque chose qui allait creuser un abîme sous mes pieds. Les photographies étaient impossibles. Sur l’une d’elles, un disque métallique flottait dans l’air, suspendu sans câbles, sa surface polie réfléchissant une lumière que je ne pouvais identifier. Sur une autre, des hommes, habillés en soutanes, posaient devant une structure qui ressemblait à un mécanisme d’ascenseur – mais pas un ascenseur comme nous en connaissons aujourd’hui : celui-ci avait une apparence biomécanique, comme s’il avait été sculpté dans un métal vivant. Puis il y avait ce plan : une coupe transversale de la Basilique Saint-Pierre et de ses sous-sols, annotée de chiffres précis, presque obsessionnels. Une ligne verticale plongeait dans le papier, traversant les sous-cryptes, les catacombes, et s’arrêtait à une profondeur vertigineuse. Quelque chose attendait là, sous nos pieds. Je ne devrais pas être aussi précis. Je ne devrais pas me rappeler les dates, les noms, les lieux. Mais ils sont là, gravés dans mon esprit comme des griffures. J’ai compris, en lisant les notes qui accompagnaient ces images, que l’ascenseur avait été découvert en 1871, pendant des travaux de restauration. Un ouvrier nommé Giovanni avait trouvé, par hasard, une dalle étrange dans une crypte. En la dégageant, il avait ouvert une porte, littéralement, vers un autre monde. L’ascenseur descendait. C’est tout ce que je pouvais lire entre les lignes nerveuses des manuscrits : il descendait, plus bas que tout ce que l’esprit humain pouvait concevoir. Certains parlaient d’une salle circulaire, d’une sorte de sas sans fenêtres, mais les descriptions s’arrêtaient là, brutalement, comme si les mots eux-mêmes refusaient de se poser sur ce qui se trouvait plus bas. Et puis cette phrase, que j’ai retrouvée griffonnée à plusieurs reprises dans la marge des documents : « Celui qui descend ne remonte jamais intact. » En lisant cela, une nausée m’a pris, une impression vertigineuse que j’avais déjà descendu cet ascenseur, dans mes rêves ou mes cauchemars. Chaque nuit, je voyais ce puits noir, cette chute interminable. Ce n’était pas un souvenir. C’était une certitude. Ils l’appelaient « le Propriétaire ». Les notes, rédigées en latin, en italien et parfois dans un mélange confus des deux, décrivaient une rencontre qui, si elle avait eu lieu, devait redéfinir tout ce que nous croyons savoir sur notre histoire. Le Propriétaire, disaient-ils, n’avait pas de forme fixe. Ses contours changeaient, s’effaçaient, se recomposaient. Il n’était pas humain. Pas tout à fait. Les rares témoins qui l’avaient vu – des cardinaux triés sur le volet, des diplomates choisis pour leur loyauté – avaient tous fini dans la folie ou le silence absolu. Dans une note datée de 1902, un cardinal racontait en tremblant sa rencontre avec lui : « Il m’a vu. Il connaissait mon nom avant que je ne me présente. Il savait tout de moi. Il n’a pas parlé, mais sa voix s’est imposée dans ma pensée, comme un murmure, un ordre. J’ai compris que nous n’étions que des pions sur son échiquier. » Selon les documents, cette entité vivait depuis des siècles dans les profondeurs terrestres. Elle régnait sur un réseau souterrain, une civilisation avancée et oubliée. Le Vatican aurait conclu des accords avec elle : des échanges de technologie contre des ressources terrestres – de l’or, des métaux rares, mais aussi des « données ». Cette partie reste floue, mais il est question d’observations humaines : comportements, prières, confessions. Je referme la boîte. Mon souffle est court, mes mains tremblent. J’ai toujours cru que mes visions étaient le produit d’un esprit malade, d’un traumatisme enfoui, mais tout ici semble confirmer l’inverse : mes cauchemars sont réels. Ils sont les traces d’une mémoire ancienne, quelque chose qui m’a traversé sans jamais s’effacer. Je quitte la salle des archives, mais je sens que je ne suis pas seul. Une présence me suit, me presse. Dans les couloirs du Vatican, chaque pierre semble hausser les sourcils à mon passage , chaque ombre s’étire comme une main prête à m’attraper. Cette nuit-là, je rêve de l’ascenseur. Je suis dedans, je descends. Et cette fois, je sais que je ne remonterai pas intact.|couper{180}

fictions

feu rouge

Je ralentis à l’approche du carrefour. Le feu passe à l’orange. Je freine doucement et amène la voiture à un arrêt juste sous le feu. J’ai jeté un coup d’œil à l’horloge : 18h34. La lumière du soleil, un peu basse, traverse le pare-brise. J’ai baissé la vitre pour laisser entrer un peu d’air. Ça sent le goudron et l’herbe coupée. Je pose ma main sur le levier de vitesses, mon pied sur la pédale de frein. Je suis immobile. Une femme traverse sur le passage piéton. Elle porte un manteau beige et tire un chariot de courses à moitié plein. Je la regarde sans vraiment la voir. Dans ma tête, je pense au dîner. Peut-être des œufs. Il doit en rester, je crois. Devant moi, le feu rouge brille. Il a quelque chose de rassurant, avec son intensité presque parfaite. Je pense à mes clés. Est-ce que j’ai bien fermé la porte ce matin ? Oui, sûrement. Je pense toujours à ce genre de trucs inutiles quand je n’ai rien d’autre à penser. Alors j’attends, sans me presser, en laissant ces pensées flotter et disparaître. Le feu passe au vert. J’embraye, mais je ne bouge pas. Pendant une seconde, peut-être moins, je suis comme figé. Je ne sais plus où je suis. Ce carrefour, cette lumière, ce levier de vitesses — tout me paraît étrangement familier, et pourtant étranger. D’où je viens ? Où je vais ? Je n’en sais rien. Je reste là, les mains sur le volant, immobile. Une voiture klaxonne derrière moi, et ça me ramène. Je relâche l’embrayage et j’accélère doucement. La voiture avance, comme si rien ne s’était passé. En face, une camionnette arrive dans l’autre sens. Le conducteur a une cigarette à la main. Il tapote sur son volant au rythme d’une musique que je n’entends pas. La fenêtre de sa camionnette est ouverte. Il a l’air détendu, à l’aise. Je me concentre sur la route. Mes gestes reviennent d’eux-mêmes. Je change de vitesse, je vérifie les rétros. Tout redevient normal. Mais cette seconde étrange, ce moment où je me suis perdu, reste là, quelque part, en arrière. J’ai été dehors. Ce n’était pas ici, ce n’était pas vraiment un endroit, mais j’y étais. Je pense à la routine. Combien de fois j’ai freiné comme ça ? Combien de fois j’ai attendu que le feu passe au vert, que tout reparte ? Ces gestes me mènent toujours quelque part, sans que j’y pense vraiment. Je continue à conduire. La rue est calme. Les arbres défilent. J’ai ralenti pour un virage, puis j’ai repris un peu de vitesse. Tout est normal maintenant, presque trop normal. Mais je sens encore cette seconde qui flotte, cette faille. J’étais là, dans la voiture. Je conduisais. Je savais où j’allais. Maintenant aussi, je sais où je vais : je rentre chez moi.|couper{180}

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Le double

1952_Study-for-Crouching-Nude- F.Bacon Je ne me souviens plus du moment où il a cessé de parler. Je crois que c’était le jour où j’ai rencontré Jessica. Elle est arrivée avec ses tresses et son accent américain, sa robe jaune qui tranchait contre le vert sombre des herbes hautes. Elle parlait peu, mais chaque mot semblait chargé d’une gravité qui me fascinait. J’ai voulu lui montrer les choses que j’aimais : les insectes, les pousses de lierre entre les pierres, les ombres mouvantes sur le mur quand le soleil baissait. Elle regardait tout ça sans rien dire, avec un sourire léger. Ça m’a suffi. Pour la première fois, j’ai ressenti ce qu’on appelle l’amour. Une chaleur qui montait en moi, à la fois douce et déchirante. Lui, mon double, n’a pas supporté ça. Il m’a regardé d’un air moqueur, comme s’il ne comprenait pas ce que j’étais devenu. « Tu es ridicule », semblait-il dire. Puis il s’est tu. Jessica n’est pas restée. Ce n’était qu’un été pour elle, une parenthèse lumineuse dans sa vie. Pour moi, son départ a tout changé. Le monde a perdu quelque chose. Les pavés sous mes pieds paraissaient plus ternes, les ombres plus lourdes, le vent dans les peupliers ressemblait à une plainte. Je me suis senti seul. Vraiment seul. C’est là que j’ai commencé à voir par les yeux de mon double. Pas parce que je le voulais, mais parce qu’il n’y avait rien d’autre. Il était là, silencieux, terne, maussade, mais présent. Je n’ai pas eu le choix. Quand on se sent vide, même un double grisâtre peut devenir une compagnie acceptable. « Je t’avais prévenu », disait-il parfois, sa voix basse comme un écho dans ma tête. J’ai commencé à faire des choses que je ne comprenais pas. D’abord des broutilles : un paquet de bonbons volé, quelques pièces prises sur une étagère. Puis, c’est devenu plus grave. Un billet dans la caisse des grands-parents. De l’argent pris dans le portefeuille de mon père. À chaque fois, j’entendais un murmure en arrière-plan, presque tendre, comme si c’était lui qui tirait les ficelles. Peut-être que je le faisais pour lui. Peut-être que c’était ma manière de lui dire : « Tu es toujours là. » Contre mauvaise fortune bon cœur, disait mon grand-père. J’ai fini par comprendre ce que ça voulait dire. Parfois, on n’a pas le choix. Quand on est vide, on s’accroche à ce qu’on trouve. Même si c’est un double terne et maussade de soi-même. Même si ce n'est que lui.|couper{180}

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