Conversation — Gabarits syntaxiques (07/10/2025)

📚 Fiche récap — Laurent Mauvignier, Ce que j’appelle oubli (focus littérature)

1) L’ouvrage en deux lignes

Récit d’une agression mortelle inspirée d’un fait divers, écrit comme une phrase‐fleuve adressée à un “tu”. La littérature y sert de contre-récit éthique à l’oubli social.

2) Thèse / geste d’écriture

Faire tenir, dans un souffle ininterrompu, la mémoire d’un corps et l’énonciation d’un témoin : parler “à” quelqu’un pour empêcher la disparition morale, sans plaidoirie explicite, par la force du détail concret et de la polyphonie rapportée.

3) Les 5 principes majeurs (pour lire / imiter)

  1. Syntaxe-flux (quasi une seule phrase, peu de points) : parataxe, incises, reprises correctives (“non, pas…”, “plutôt…”), effet d’urgence et d’oppression du souffle.
  2. Adresse à un “tu” (énonciation relationnelle) : la parole s’adresse à un proche (frère, témoin), créant une intimité responsable qui remplace la morale par la compassion lucide.
  3. Poétique du détail prosaïque : objets banals (néon, badge, carrelage, canette) comme motifs qui matérialisent l’injustice et reviennent avec un sens déplacé.
  4. Polyphonie filtrée (voix sociales rapportées) : rumeurs, discours institutionnels et clichés intégrés en style indirect pour être aussitôt démontés — naissance d’un contre-récit.
  5. Politique de l’oubli (titre-programme) : transformer l’oubli en mémoire adressée ; la littérature prend le relais là où le récit factuel échoue à rendre la dignité.

4) Gabarits syntaxiques (patrons réutilisables)

  • Adresse + nécessité : « Je te le dis, [TU], parce que [JUSTIFICATION], et [CONSÉQUENCE]. » Ex. : « je te le dis à toi parce que tu es son frère »

  • Constat + rectification  : « On dirait [X], non, pas [X], plutôt [Y], parce que [RAISON]. » Ex. : « je ne dirais pas abattus sur lui… non, pas du tout »

  • Inventaire prosaïque : « [OBJET], [SURFACE], [BRUIT], et [GESTE], parce que [EFFET]. » Ex. : « l’odeur de poisson, le froid des surgelés et les jambons sous vide »

  • Voix sociale + démontage  : « On a dit que [RÈGLE], sauf que [CONTRADICTION CONCRÈTE]. » Ex. : « un homme ne doit pas mourir pour si peu » — « tu entends les mots qu’ils disent ? »

  • Retour de motif : « [MOTIF] d’abord [V1], puis [V2], à la fin [V3]. » Ex. : « il avait bu une canette » → « il finit de boire la canette » → « comme une canette écrasée »

  • Clôture sans morale : « Alors [DÉTAIL CONCRET], et c’est à toi que je le dis. » Ex. : « un léger bruit de frigo » … « je te le dis à toi »

5) Feuille de style “Mauvignier — Oubli

  • Phrase-fleuve : 1–3 longues périodes ; virgules, tirets “—”, conjonctions (et/mais/parce que).
  • Adresse : “tu” explicite dès l’ouverture, lien rappelé (frère/ami/soi d’avant).
  • Concret : 6–10 détails matériels par scène ; verbes simples d’action ; peu d’adjectifs lyriques.
  • Motifs : 2–3 objets-pivot qui reviennent et changent de valeur.
  • Polyphonie : 2–3 voix du dehors (sécurité, presse, voisin) rapportées puis déjouées.
  • Éthique : pas de sentence finale ; une image, un geste, une adresse.

6) Procédure de réécriture (7 étapes)

  1. Définir le “tu” et le lien. 2) Résumer l’événement en 15 mots (geste+lieu+objet). 3) Lister 10 détails sensoriels. 4) Noter 3 voix sociales à démonter. 5) Choisir 2–3 motifs. 6) Écrire une seule phrase (200–400 mots) : adresse → détails → voix → rectifications → motifs. 7) Élaguer la morale, renforcer détails et incises.

7) Exercices rapides

  • Inventaire aveugle : réécrire un passage uniquement avec objets + verbes d’action.
  • Une phrase : condenser un paragraphe en une seule période avec 3 rectifications.
  • Adresse déclarée : ouvrir par “Je te le dis…” avec le “tu” situé.
  • Contre-récit : insérer 3 voix externes, les contredire par un détail matériel.
  • Refrain : faire revenir 2 motifs à trois moments, sens déplacé à chaque retour.

8) Prompt prêt à l’emploi

Réécris le passage suivant à la manière de Mauvignier (Ce que j’appelle oubli), en appliquant : phrase-fleuve (peu de points, virgules et “—”), adresse au “tu” dans les 50 premiers mots, détails concrets dominants, 2–3 motifs récurrents qui changent de valeur, voix sociales intégrées puis démontées, clôture sans morale (détail ou adresse). Paramètres : [Destinataire “tu”]=…, [Noyau 15 mots]=…, [Inventaire 10 détails]=…, [Voix x3]=…, [Motifs 2–3]=…, [Temps/focalisation]=…, [Amplitude]=1–2 longues phrases. Texte source : « …[ton texte]… »

9) Note éthique

Si la matière vient d’un fait divers ou d’une scène intime : anonymiser au besoin, éviter l’effet “documentariste” sentencieux ; laisser la dignité passer par le regard adressé et le pouvoir des détails plutôt que par un jugement.

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Podcast-La honte comme boussole créative

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Giacometti disait

Pour sortir de la masse de mes journaux de veille — 190 Mo de doutes, de sueur et de peinture accumulés sur le disque dur — il me fallait un tamis. Un dispositif qui ne se contente pas de classer, mais qui transmute le plomb de la note d'atelier en l’or de la litanie. J’ai emprunté à l’écrivain François Bon son dispositif hypnotique utilisé pour son ouvrage Conversations avec Keith Richards, qui lui-même le tenait d’une longue lignée de « collecteurs d’instants ». J’ai choisi de placer mes propres certitudes fragiles dans la bouche d’Alberto Giacometti. Pourquoi lui ? Parce qu’il est le saint patron de la poussière, de l'effacement et du recommencement perpétuel. Ce « Giacometti disait » n'est pas une biographie, c'est une suture : ma voix sous son masque, pour atteindre ce « point zéro » où le geste devient enfin libre. I. L’Enseignement ou l’Art de Tenir la Présence Vider les mains pour laisser l'espace au vivant. Giacometti disait qu’enseigner la peinture n'est pas transmettre une méthode, mais simplement tenir la présence dans la pièce pour vider les mains de leur habileté trop propre. Giacometti disait qu'un bon professeur doit exiger un euro de ses élèves chaque fois qu'ils disent « c'est nul » ou « je n'y arriverai jamais », car c'est le prix de l'insulte faite au vivant. Giacometti disait que le cœur du métier est d'entraîner l'autre à reconnaître l'état de désorientation pour le rendre enfin confortable. Giacometti disait que le groupe finit par devenir un Simorgh, cet oiseau mythique qui s'élève au plafond porté par une fanfare tzigane. Légende : Tenir la présence. Entre l'ombre et la lumière, le geste cherche à déchiffrer les mystères du monde visible. II. Le Geste : Saborder le Cerveau Briser les outils. Chercher la faille. Giacometti disait que pour bien dessiner un visage, il vaut mieux utiliser un coin de bois plutôt qu'un pinceau pour s'assurer de ne pas être complice de sa propre dextérité. Giacometti disait qu'il faut relever le pinceau aussitôt qu'une pensée surgit, car la pensée est le flic qui arrive sur la scène du crime pour prendre des notes. Giacometti disait qu'il faut parfois porter un bandeau de pirate sur un œil pour briser les habitudes de vision et saborder le cerveau. III. La Sagesse de l’Échec : Le Domaine de la Boue L'éloge de la chute contrôlée. Giacometti disait qu'un tableau traverse trois mondes : celui de la boue (l'ignorance), celui du doute (la perte de soi), et celui de l'achèvement pour rien. Giacometti disait que le succès est un accident perturbateur et que seul l'échec permet de comprendre comment la lumière arrive vraiment. Giacometti disait qu’un tableau est vraiment achevé quand on peut enfin sourire et dire que tout cela a été fait « pour rien ». Légende : Le domaine de la boue. Là où les transitions sourdes créent une expression qui défie la définition. IV. La Chair et la Fissure : Ce qui ne pourrit pas Le voyage vers l'inconscient, là où l'être perce à travers la lettre. Giacometti disait que la peinture et l'écriture sortent par la même fissure, là où la fiente et l'être se mélangent enfin. Giacometti disait que tant qu'il y a de la honte, tout n'est pas perdu, car elle sert de balise dans le labyrinthe de nos épopées. Giacometti disait qu'on peint pour distinguer ce qui, en nous, finit par se décomposer et ce qui, pour une raison obscure, ne pourrit pas. V. La Dissidence : Rester dans la Boue Le refus des systèmes et de l'ordre moyen. Giacometti disait qu'il faut se foutre de Marcel Duchamp comme de Dieu pour pouvoir enfin rester dans la boue. Giacometti disait qu'il faut se méfier de l'intelligence artificielle, car elle ne produit qu'un « ordre moyen » aux mains moites, privé de la grâce du raté. Giacometti disait que le public peut régner sur votre notoriété, mais qu'il ne régnera jamais sur la source de votre liberté. Conclusion Ce plan n'est pas seulement l'architecture d'un hypothétique livre futur, c'est la boussole de mes Carnets. Vous trouverez, au fil des pages de ce site, les fragments bruts, les échecs fertiles et les traces de ces tableaux nés sous le signe du « pour rien ». Comme Giacometti disait : la porte est ouverte, mais n'entrez que si vous acceptez de ressortir avec de la boue sur les mains et une fanfare dans la tête. Carte mentale réalisée par Notebooklm à partir de trois compilations de fichiers textes. Mots-clés : #peinture , #réflexions sur l’art|couper{180}

peinture réflexions sur l’art

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Perplexité active

Quand elle retire sa robe blanche et que son corps apparaît presque nu, le choc du vacillement, et avec lui la liste immédiate de tout ce qui pourrait me ramener au stable — Lorsqu’elle enlève sa robe blanche, son corps presque nu me ramène à ce vertige, et je reconnais, en même temps, toutes les manières de m’en tirer. — Elle ôte sa robe blanche, j’aperçois son corps presque nu : le même vacillement revient, et les mêmes solutions de fuite se présentent, prêtes à surgir de l'ombre. Le simple fait de répéter trois fois la phrase sous une forme légèrement différente permet de rester dans l'entre-deux, de ne pas fuir cette perpléxité et de la rendre active Au moment de l'accident je peux voir chaque détail de l'habitacle et en dehors de l'habitacle —Au moment du choc le temps s'élargit et je peux prendre le temps d'observer une foule de détails — Au moment où les véhicules se heurtent, l'étonnement provoqué par la lenteur de l'événement déclenche une curiosité froide, clinique. Répéter la phrase au moment de l’événement m’empêche de m’en échapper. Quand j’écris, la répétition avec nuance fixe l’événement dans un lieu précis. Quand il remonte, il est d’abord une bulle : elle reste ronde un instant à la surface de la signification, avant que les mots ne la percent.|couper{180}

depuis quelle place écris-tu ?