oeuvres littéraires
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fictions
Joan doit mourir
Mexico, septembre 1951. La chaleur qui colle aux murs, cette putain de chaleur mexicaine qui rend tout possible. Joan est là, assise sur une chaise, un verre à la main. Elle sourit. William tient son flingue. Ils sont bourrés, comme d'hab. Comme tous les jours depuis des mois. L'alcool, c'est leur truc à eux. Joan a arrêté l'héroïne, elle se défonce au Benzédrine. William continue les deux. Ils jouent à Guillaume Tell. Un jeu de bourgeois défoncés qui se croient immortels. Joan pose un verre sur sa tête. William vise. Le coup part. La balle traverse le crâne de Joan. Elle s'effondre. Pas de sang, pas de cri. Juste le bruit mat d'un corps qui tombe. C'est con comme la mort arrive. Un instant tu joues, l'instant d'après t'es un meurtrier. William regarde le corps de Joan. Cette femme brillante qui lisait Kafka et discutait philosophie. Cette nana qui l'a sorti de taule quand il était accro. Cette mère qui vient de laisser leur gosse orphelin. Retour en arrière. New York, 1944. L'appartement qu'ils partagent avec Kerouac et sa femme. Joan est déjà mariée, lui aussi. Mais ils s'en branlent. Ils se reconnaissent. Deux intellos paumés qui cherchent autre chose. La came arrive. L'héroïne pour lui, les amphés pour elle. Les flics qui débarquent. La fuite au Texas. Le mariage en 46. Pas par amour, par nécessité. Pour que ce soit plus simple avec les flics, avec la famille, avec la société de merde. Le gosse qui naît en 47. William Junior. Un nom qui pèse déjà trop lourd. La fuite encore. William se barre au Mexique. Les flics mexicains sont plus compréhensifs quand tu as du fric. Quelques semaines en prison, une caution, et te voilà libre. L'exil commence. C'est là que l'écriture arrive vraiment. Comme si la mort de Joan avait ouvert quelque chose. La culpabilité qui se transforme en mots. Les premiers textes de Junkie . L'histoire d'un mec qui se défonce pour oublier qu'il a buté sa femme. Joan devient un fantôme qui hante ses textes. Dans Le Festin Nu , elle est partout et nulle part. Dans les corps qui se tordent, dans la violence qui explose, dans cette façon de déchirer le réel en morceaux. Plus tard, Burroughs dira que la mort de Joan a fait de lui un écrivain. Que ce meurtre a été son "pacte avec les forces obscures". Comme si fallait toujours qu'une femme crève pour qu'un mec devienne artiste. La vérité, c'est que Joan était plus douée que lui. Plus intelligente, plus vive. Elle aurait pu écrire des trucs qui auraient tout déchiré. Mais elle est morte à 28 ans, avec une balle dans la tête, pendant que son mec jouait les cow-boys défoncés. La vérité, c'est que cette mort n'était pas un accident. Pas vraiment. Quand tu pointes un flingue sur quelqu'un, même pour jouer, t'as déjà décidé quelque part que sa vie vaut moins que ton trip du moment. L'histoire aurait pu s'arrêter là. Mais non. Burroughs devient une légende. Le junkie qui a tué sa femme devient le génie qui réinvente la littérature. Le cut-up, les délires paranoïaques, la révolution du langage. Tout ça né d'une balle perdue dans un appart miteux de Mexico. Joan, elle, reste un footnote dans l'histoire de la Beat Generation. Une victime collatérale du génie masculin. Une femme morte trop tôt, comme il y en a tant dans l'histoire de l'art. Mais son fantôme continue de hanter les pages. Dans chaque mot découpé, dans chaque phrase disloquée, il y a l'écho de ce coup de feu qui a tout changé. La littérature comme une longue tentative de réparer l'irréparable. De donner un sens à ce qui n'en aura jamais.|couper{180}
Lectures
Le Horla, ancêtre du Mythe de Cthulhu ?
croquis de H. P. Lovecraft En suivant les divers épisodes de la vie de Lovecraft à N.Y, et en replongeant inopinément dans le Horla de Maupassant je me suis mis à imaginer des liens et pourquoi pas une filiation profonde, qui pourtant est rarement soulignée. Lovecraft et Maupassant partagent un même vertige, une même fascination pour l’invisible qui ronge le réel, pour l’effondrement de la raison devant l’indicible**. 1. Le Horla, ancêtre du Mythe de Cthulhu ? Dans Le Horla (1887), le narrateur est envahi par une présence invisible, qui le domine, l’affaiblit, le parasite. Cet être, venu d’ailleurs, semble appartenir à une race supérieure, imperceptible pour l’homme. Or, cette idée est au cœur du Mythe de Cthulhu. Chez Lovecraft, les Grands Anciens sont des entités cosmiques qui existent hors de notre perception immédiate. Ils ne sont ni dieux ni démons, mais des forces naturelles d’une autre dimension, que nos sens limités ne peuvent appréhender. Dans Le Horla, Maupassant écrit : "L’Homme est un être minuscule, limité, enfermé dans la prison de ses sens." Cette phrase aurait pu être écrite par Lovecraft lui-même, qui développe la même idée : notre réalité est une illusion fragile, et derrière, grouille un univers que nous ne pourrions supporter. 2. La folie comme révélation ultime Maupassant et Lovecraft partagent une même mécanique narrative : le basculement progressif vers la folie. Dans Le Horla, le journal du narrateur devient de plus en plus fragmenté, il tente désespérément de donner du sens à ce qui lui arrive, mais sa raison se disloque sous l’influence du surnaturel. Chez Lovecraft, ce schéma est omniprésent : dans L’Appel de Cthulhu, Dagon ou Le Cauchemar d’Innsmouth, les personnages comprennent progressivement qu’ils ne contrôlent rien, que des forces cosmiques dirigent leur destin. Chez l’un comme chez l’autre, comprendre le monde tel qu’il est réellement mène à la démence. 3. Une horreur de l’invisible, du diffus, de l’indicible Maupassant et Lovecraft évitent le monstre grotesque et tangible du fantastique traditionnel. Leur horreur est abstraite, impalpable. Le Horla ne se montre jamais. Il est là, mais sans corps, sans visage, sans preuve matérielle. Il se devine, se ressent, il agit sans être vu. Lovecraft développe exactement cette idée avec ses créatures non-euclidiennes, aux formes impossibles, que l’œil humain ne peut saisir pleinement. C’est une terreur qui naît du manque, de l’absence, de l’idée que nous ne percevons qu’une infime part du réel. 4. Maupassant, pionnier du "cosmicisme" ? Lovecraft théorise ce qu’il appelle le "cosmicisme", une vision du monde où l’humanité est insignifiante face à l’immensité du cosmos. Or, cette angoisse existe déjà chez Maupassant. Dans Le Horla, le narrateur découvre un article de journal qui mentionne une race invisible, dominant peut-être déjà l’humanité. On retrouve ici un thème fondamental de Lovecraft : L’homme n’est qu’une poussière, et l’univers abrite des êtres si vastes, si puissants, qu’ils ne prennent même pas la peine de le remarquer. Conclusion : une filiation souterraine mais évidente Lovecraft ne semble pas citer Maupassant comme une influence directe, mais les parallèles entre leurs œuvres sont frappants. Le Horla préfigure totalement la peur lovecraftienne de l’invisible, du "monde derrière le monde", de l’effondrement de la raison devant l’inconcevable. Maupassant a intériorisé l’horreur, Lovecraft l’a cosmologisée. Mais au fond, ils racontent la même chose : 👉 L’univers n’est pas ce que nous croyons, et il vaut peut-être mieux ne jamais le comprendre. Pour Lovecraft, l’événement déclencheur n’est pas une guerre subie, mais une crise existentielle profonde liée à la Première Guerre mondiale et au déclin de la civilisation occidentale qu’il perçoit comme inéluctable. 1. La Première Guerre mondiale : un choc à distance Contrairement à Maupassant, qui vit directement la guerre de 1870, Lovecraft ne combat pas en 1914 – il est jugé trop fragile physiquement et mentalement. Mais il vit cette guerre comme un traumatisme intellectuel et philosophique. Il voit le monde ancien s’effondrer sous les bombes, les valeurs victoriennes disparaître, et surtout, la science produire une horreur sans précédent : Des millions de morts à cause de la technologie moderne. Des armes chimiques qui transforment la nature en cauchemar. Une guerre absurde, mécanique, froide, qui révèle l’indifférence totale de l’univers face à l’humanité. Lovecraft n’écrit pas sur la guerre, mais sa vision du monde s’en trouve profondément modifiée : l’homme n’est plus au centre du monde, il n’est qu’un insecte piégé dans un cosmos indifférent. 2. La découverte de l’astronomie : un vertige cosmique Autre événement clé : la prise de conscience de l’immensité de l’univers. Lovecraft est passionné par l’astronomie et il comprend, avec effroi, que l’humanité est un point minuscule dans un espace infini, sans but ni sens. Il le dit lui-même : "L’univers est infiniment plus vaste, plus ancien et plus étranger que ce que nous pouvons concevoir." Cette idée, qui surgit au tournant du XXe siècle avec la relativité et la physique quantique, détruit les dernières illusions sur une humanité centrale et protégée. 3. L’effondrement personnel : la crise de 1908 Mais s’il fallait un événement intime, ce serait l’année 1908, où Lovecraft s’effondre psychiquement. À 18 ans, il échoue à entrer à l’université de Brown. Il s’enferme chez lui, sombre dans une réclusion totale, vit la nuit, dort le jour. Il traverse une profonde crise dépressive, nourrie par un sentiment d’infériorité écrasant et une peur maladive du monde extérieur. C’est pendant ces années de solitude qu’il commence à développer sa vision du monde : un univers où l’homme est insignifiant, où la raison n’est qu’un fragile vernis. Comparaison avec Maupassant : une terreur intime qui devient universelle Maupassant découvre l’horreur dans la guerre, dans l’absurde des combats, dans l’effondrement des illusions bourgeoises. Lovecraft découvre l’horreur dans l’immensité du cosmos, dans l’insignifiance de l’homme, dans la folie d’un univers sans ordre ni justice. Mais tous deux en tirent une même leçon : 👉 L’homme croit comprendre le monde. Il se trompe. Et lorsqu’il entrevoit la vérité, il sombre dans la folie.|couper{180}
Carnets | Atelier
7 février 2025
Nechilik Peu dormi. Feuilleté Je m’en vais de Jean Echenoz. Vu, ou cru voir des liens entre Flaubert, Maupassant, Echenoz. La précision, la quête de justesse sûrement. M. disait : "Il faut de la maturité pour vouloir écrire." Je ne sais pas si c’est vrai. Peut-être est-ce moins une question de maturité que d’usure. Un degré de fatigue, oui, c’est ça. Comme si écrire était un exercice d’épuisement nécessaire pour atteindre un état de tranquillité. Encore que… Tranquille, est-ce vraiment le mot ? Mort conviendrait mieux. Mais écrire, ce n’est pas mourir. C’est apprendre à ne plus rien vouloir. À atteindre un bon port, peut-être. Je crois qu'il m'est aussi arrivé plusieurs fois de m’entraîner à écrire tout haut ce genre de phrase : "Je m’en vais, dit Ferrer, je te quitte. Je te laisse tout mais je pars." Ma vie ne fut qu’un éternel brouillon. C’est un tantinet grandiloquent, mais parfois la grandiloquence aussi sonne juste. D’ailleurs, ce mot me fait presque aussitôt penser à Jacques Brel et, parallèlement, à un mouvement allant de l'engouement idiot au rejet imbécile. Ai-je vraiment apprécié Brel ou seulement l'exubérance de Brel ? Comme plus tard la même question se posera pour la fausse bonhomie de Brassens. C'était mon adolescence, toujours en perpétuelle quête de figures tutélaires, faute — pensais-je à tort — d'en avoir une disponible sous la main. Un mouvement de vis sans fin : à peine le rejet digéré, voilà qu’un autre engouement tout aussi idiot se profile. Je pourrais trouver cela tellement déprimant désormais, mais ce ne serait encore qu'un jugement à l'emporte-pièce. J'ai l'âme d'une midinette dans le fond et l'allure d'un éléphant dans un magasin de porcelaine. Ce qui me plaît assez finalement. Pas un contentement de soi béat, non, mais je me dis que ça aurait pu être pire. Il est 4 h 32 et toujours pas envie de dormir. Je pense à cette journée à venir, ce n'est pas raisonnable. D'un autre côté, cette fatigue atténue la brutalité du monde. C'est peut-être d'ailleurs l'unique raison de chercher cette fatigue, encore que ce ne soit pas conscient, vraiment. C'est un réflexe. Je ne dors pas pour me fatiguer, afin de me créer un scaphandre de cosmonaute pour ne pas trop être endommagé par l'irradiation de la journée. Ça paraît tellement absurde que ça pourrait bien être vrai. Je suis peu satisfait de mes textes. Jamais satisfait. Parfois, j'en éprouve même un peu de honte. Toujours cette sensation de honte qui finit par tout balayer. Honte et à quoi bon, voilà la tête de l'adversaire. Voilà aussi le modèle que j'avais sous la main et dont je ne voulais pas emboîter le pas. Sauf que ne pas vouloir, c'est vouloir à l'envers. Il faut un bon degré de fatigue pour admettre enfin qu’à force de refuser, on finit par avancer quand même.|couper{180}
Lectures
Le Horla : hantise intérieure, folie du dehors
Le Horla connaît deux versions : Première version (1886) : Il s’agit d’une nouvelle plus courte, publiée dans le journal Gil Blas le 26 octobre 1886. Le récit est à la troisième personne et adopte une structure plus classique. Deuxième version (1887) : C’est la version définitive, entièrement remaniée et développée sous forme de journal intime. Elle paraît d’abord dans Le Gil Blas le 9 mai 1887, puis est publiée en volume en octobre 1887 chez Paul Ollendorff. C’est donc cette seconde version qui est la plus connue aujourd’hui et qui marque l’apogée du fantastique maupassantien.|couper{180}
Carnets | Atelier
6 février 2025
© Florie Cotenceau Le mot articule, quand il s'agit d'un impératif, me fait encore pouffer sitôt que je l'entends. Puis le mot abattis s'amène avec sa tête de comptable. Et derrière lui, toute une armée d'abrutis. Numérote tes abattis, disent-ils tous en chœur. Je ne me souviens pas avoir regardé ces mots dans un dictionnaire. Leur rencontre frontale m'a enseigné un sens figuré et personnel. Voilà comment je me figure (si tu te figures qu'ça va qu'ça) le borborygme incessant du monde qui m'environne et cherche par tous moyens possibles, imaginables, à me phagocyter. Mais revenons à articule, je voulais dire quelque chose et ça m'a tellement vite échappé. Réticules serait un sac à main rempli de bruits de clefs, de cartilages en décomposition, d'osselets blancs. Quant à pédoncule, il n'indique qu' un filet baveux laissé par les limaces traversant les champs de batavia. Je dis tout ça de bonne heure pour ne pas l'oublier. Parce que j'ai lu encore qu'un homme de mon âge s'était présenté à l'hôpital pour des maux de tête et qu'on lui a diagnostiqué un océan d'eau dans le crâne. Je ne m'intéresse plus guère qu'aux événements arrivant aux femmes et aux hommes de mon âge. Il faut bien faire un choix. Parfois, je m'accorde un peu de distraction pour aller voir ce qui peut bien se passer chez les septuagénaires, voire quelques octogénaires, mais c'est tellement déprimant que je reviens vite au temps présent. À tout ce qui a l’heur d'être de mon âge. C'est de son âge, disait-on au café après avoir englouti la poire et le fromage. Sous-entendu, ça lui passera. L'âge et ses inconvénients, je suis bien désolé de le dire, ne passent jamais : ils filent, ils emportent tout sur leur passage. L'âge, le nôtre, indubitablement, nous conduit vers la pourriture, la décomposition à la fois psychologique et physique. Du coup, je me serais laissé emporter, je ne sais plus très bien où j'en suis. Un océan liquide dans le crâne, voilà. Savez-vous que ce ne serait pas pour me déplaire ? Et même, ça me botterait. Moi qui ai toujours eu des velléités de pêcheur au harpon ou de baleine blanche. Dans un crâne, certainement, les contradictions, les paradoxes s'abordent-ils copieusement, se sabrent. Hier, vers 17h30, j'ai soulevé un loup. J'étais en train de relire ce bon vieux Horla quand, tout à coup, j'ai repensé à ces impressions étranges que j'avais traversées adolescent en parvenant sur le seuil de La Ville sans nom. Comme il était l'heure du thé, j'ai laissé en plan, non sans faire un nœud à mon mouchoir afin d'y repenser vers 19h, heure à laquelle je suis suffisamment tranquille pour penser à des choses absconses, idiotes, affreusement inutiles. Figure-toi, me suis-je dit, que L. ait lu Le Horla, qu'il ne l'ait dit à personne et s'en soit inspiré. Et à partir de là, trois petits articles que l'on pourra trouver dans la rubrique lectures. Quand ils seront prêts évidemment, il faut encore les relire, sait-on jamais qu'on voie encore des pans entiers de mystère se lever, numéroter leurs abattis et, quelque part, au-dessus de cette masse grouillante et gluante, une espèce de bouffon en guenilles hurlant : — ARTICULE ! ARTICULE ! L’empereur impérial, impérativement. Le dibbouk a sorti un vieux mouchoir sale de la poche de sa redingote et l'a agité devant lui. --Adieu raison, vaches et cochons ! a t'il ajouté en se moquant bien sûr. De mon côté je me suis demandé si je n'allais pas me raser c'est jeudi, l'heure d'aller enseigner arrive à grand pas.|couper{180}
Carnets | Atelier
5 février 2025
Elle lui dit « Tu as le diable dans la peau. » Il la croit parce qu’elle le dit. Mais il comprend que c’est son propre cauchemar à elle qu’elle projette en lui. Le diable ne vient pas de lui, il circule entre les corps, de l’un à l’autre.|couper{180}
Lectures
Le vertige paisible de Laura Vazquez
Ce que doit ressentir une araignée qui fait bien son travail... La phrase me hante depuis que je l'ai entendue sur ce plateau de télévision. Laura Vazquez est là, presque transparente dans son pull gris, assise sur le fauteuil de La Grande Librairie, et sa voix douce laisse échapper ces mots qui, depuis, ne me quittent plus. L'araignée et son travail. La toile et le silence. L'effacement et la précision. Et je reste hypnotisé par les mouvements du livre qu'elle tient comme au bord de la mer les voiliers prennent peu à peu le vent du large, sous nos yeux elle disparaît et quelque chose d'incroyable appararaît. Je résiste. Je l'observe qui lit un extrait de son "Livre du large et du long". Ses mains tremblent légèrement, mais sa voix est ferme : "Je vous raconterai ce que j'ai vu et deviné du monde et des signaux qui nous entourent". Le plateau de télévision disparaît de plus belle. Ne reste que cette voix, ce fil tendu entre elle et nous, cette présence paradoxale qui s'efface pour mieux laisser surgir les mots. L'enfant de Perpignan Comment dire Laura Vazquez ? Par où commencer ? Peut-être par cette grand-mère analphabète qui l'a élevée, cette femme qui ne savait ni lire ni écrire mais qui lui a transmis quelque chose de plus précieux encore : une façon d'être au monde, une attention aux signes, aux présages, aux "signaux qui nous entourent". Je pense à cette phrase du livre : "Ma tête était super pauvre. Je voulais mesurer l'esprit de la personne humaine". N'est-ce pas déjà, dans ces mots si simples, toute la trajectoire d'une vie ? L'exil espagnol Six années en Espagne, entre Barcelone et Séville. Six années à chanter avant d'écrire. Je l'imagine dans ces rues anciennes, absorbant les rythmes, les sons, les silences. Préparant sans le savoir ce qui allait venir. "J'avance comme un rubis", écrit-elle. Et c'est exactement ça : une progression lente, précieuse, qui transforme la matière brute de l'existence en quelque chose qui scintille. Marseille, le port d'attache Et puis Marseille. La ville comme un nouveau départ, comme un laboratoire à ciel ouvert. La création de la revue Muscle avec Arno Calleja. Les premiers textes publiés. Cette façon unique de faire trembler le réel par petites touches, de créer des secousses dans la langue elle-même. "Je serai obscure pour que vous ne me compreniez pas / Je serai obscure pour que vous compreniez" Ces vers résument peut-être toute sa démarche : non pas chercher l'hermétisme pour lui-même, mais accepter l'opacité du monde, sa résistance, et en faire une force. Le tissage patient "Quand j'écris, ce n'est pas la personne limitée habituelle, avec mes goûts, mes envies, mes répulsions. Je tente de me débarrasser de toute forme de volonté." Voilà l'araignée à l'œuvre. Voilà le secret de cette écriture qui ne cesse de me bouleverser. Laura Vazquez disparaît pour laisser place à quelque chose de plus grand qu'elle. Son dernier livre en est la preuve éclatante. Cinq chants qui explorent le corps, l'esprit, le monde, dans un mouvement continu qui nous emporte. "Tout dit son propre nom", écrit-elle. Et sous sa plume, effectivement, chaque chose retrouve sa vérité première. Un insecte n'est plus seulement un insecte, une goutte d'eau contient tout l'océan, une miette de pain devient un monde en soi. La reconnaissance, enfin Le Prix Goncourt de la poésie 2023 est venu couronner ce travail obstiné, patient, nécessaire. Mais ce qui me frappe, c'est que cette reconnaissance ne change rien à sa posture. Elle reste cette présence effacée, cette voix qui murmure plutôt qu'elle ne crie, cette araignée qui fait bien son travail. Dans "Le livre du large et du long", elle écrit : "Je vous raconterai ce que j'ai vu". Et c'est exactement ce qu'elle fait, avec une précision clinique et une tendresse infinie. Elle nous fait redécouvrir le monde, nous fait sentir le vertige d'être vivant, nous rappelle que la poésie n'est pas un exercice de style mais une façon d'habiter le réel. Je repense à cette jeune femme sur le plateau de télévision, à sa façon de disparaître presque physiquement pendant qu'elle lisait. Je repense à l'araignée et son travail. Et je me dis que nous avons la chance immense d'avoir parmi nous une écrivaine qui comprend que la plus grande force réside parfois dans l'effacement, que la plus grande présence peut naître de l'absence. Laura Vazquez tisse ses textes comme l'araignée sa toile, avec cette même précision mathématique, cette même nécessité vitale. Et nous, lecteurs, nous nous prenons dans ces fils invisibles qui nous transforment, presque à notre insu. C'est rare, c'est précieux, c'est nécessaire. C'est devenu plus clair désormais c'est ce que doit ressentir une araignée qui fait bien son travail, rien de plus, rien de moins. Voilà l'exact lieu où l'on peut aimer naturellement et les gens et Laura Vazquez" Site de l'auteur|couper{180}
Lectures
Deux destins croisés à New York
Lovecraft découvre les œuvres de Roerich au musée situé à l’angle de Riverside Drive et de la 103e rue. Ces visites régulières deviennent pour lui un refuge qu’il qualifie comme l’un de ses "sanctuaires dans la zone infestée".|couper{180}
Lectures
01- Du laiton au numérique : comment le steampunk réinvente le progrès
Un article un peu long, décidé de le découper en deux parties|couper{180}
Carnets | Atelier
18 janvier 2025
Nous avons le goût de nos dégoûts. Et sommes capables d’à peu près tout au nom de la distinction. Une dame, l’autre soir, a qualifié mon tableau favori de vulgaire. Je n’ai rien dit. Son pull orange vif faisait déjà tout le travail. Nous attendrons que l’endroit devienne convenable. Une phrase entendue, peut-être dans l’une des enquêtes sociologiques de Pierre Bourdieu. À Beaubourg, sans doute. Elle remonte d'un vieux cauchemar de cette nuit. Les tapis roulants. Le prix d’entrée. Les collections permanentes, les temporaires, et, au sommet, le lunch sur la terrasse. On aperçoit les gargouilles de la Tour Saint-Jacques. Elles nous toisent, mais c’est nous, en bas, qui sommes grotesques. Le pot aux roses. Que tout repose sur un malentendu, un malentendu de taille. Un chiffre au sens de code, de secret, de dissimulé. C'est du chinois. Et toi, comment tu réagis ? Tu t’énerves, tu rigoles, tu casses tout. Ou bien tu restes là, bras ballants, collé contre le tronc. La tête dodeline légèrement, puis dévale, vesse de loup écrabouillée par un talon aiguille. Une éjaculation de fumée grise sort par les trous de nez. Si Garett nous la fait à l'envers, on gardera un chien de sa chienne à son endroit. Tu aimerais entendre le bruit des vagues, du ressac. Mais tout ce que tu entends, ce sont les mots des autres, leur va-et-vient, leurs jugements qui montent et descendent. On ne s’entend déjà pas soi-même avec soi-même, alors s’entendre avec les autres, vous pensez. Et cette autre, une dame bien comme il faut en apparence : "Moi monsieur, je suis anarchiste, non seulement je vous emmerde, mais j'emmerde la Terre toute entière et particulièrement les promoteurs, les défenseurs de la vignette Crit'Air !" (si possible en roulant les r). Et là on entendrait la chanson de Dutronc : C'était un petit jardin Qui sentait bon le Métropolitain Qui sentait bon le bassin parisien C'était un petit jardin Avec une table et une chaise de jardin Avec deux arbres, un pommier et un sapin Au fond d'une cour à la Chaussée-d'Antin Mais un jour près du jardin Passa un homme qui au revers de son veston Portait une fleur de béton. L'implosion aura-t-elle lieu à une heure précise ? Bien qu'on n'en sache encore pas le jour. Peut-être a-t-elle déjà eu lieu. Tout est désormais question d'espace et de temps. Nous sommes tous morts, certains se sont inventé un paradis, d'autres un enfer, les hésitants un purgatoire, un no man's land. David Lynch est mort, bon. Il était né un 20 janvier, moi le 29... ça fait peur. JANVIER. Et alors. Il est mort. Paix à son âme. Que peut-on dire de plus qui ne soit pas totalement obscène. Tous ces charognards qui profitent des morts célèbres m'exaspèrent. D'ailleurs "mort célèbre", c'est illogique. La mort a pour vocation la remise à niveau, le plein d'huile, et nettoyer le pare-brise. De quoi ? Y a presque plus un insecte volant la nuit. Donc oui, des gens célèbres, des vivants, perdent la vie. Comme tout un tas de gens, en fait. Notamment à Gaza, en Ukraine, en Russie, à Vienne, et aussi dans un ou deux taudis à deux pas de chez moi. Moi-même, je ne suis plus très sûr d'être vivant. Peut-être que tout est une farce. On meurt. Le rideau retombe, de l'autre côté on allume un clope et tout continue comme avant.|couper{180}
Carnets | Atelier
13 janvier 2025
Dans le mot résistif, il y a quelque chose de plus actif que dans le simple fait de résister. Il est acceptable, dans ce cas, de dire que je suis plus résistif que résistant. C'est peut-être une discipline yogique : la résistance active. D'ailleurs, je ne m'éparpille pas, focalisé sur l'action de résister sans même me demander à quoi ou contre quoi. On dirait bien que seule la résistance mérite une attention soutenue. C'est comme dire non par réflexe. À partir du moment où l'intonation ressemblerait un tant soit peu à une question : Non ! Ce pourrait être amusant si je n'avais pas déjà l'âme usée jusqu'à la corde. J'ai lu, ou plutôt feuilleté, quelques ouvrages parmi lesquels François 1er de Didier Le Fur et les essais sur les artistes de la Renaissance de Walter Horacio Pater. J'ai même fait traduire à l'IA un ouvrage complet de l'anglais vers le français pour ne pas avoir à l'acheter. Évidemment, ce sont deux visions que l'on pourrait penser opposées : entre froideur et lyrisme, ce qui correspond à ce vieil antagonisme qui loge depuis toujours en moi. J'ai effectué quelques analogies entre le fait que le père de Pater soit né à New York, qu'il ait éprouvé, à un moment de sa vie, l'envie de venir s'installer en Angleterre et qu'il soit mort alors que l'auteur n'avait que deux ans. D'où, peut-être, une légende familiale qu'il aurait tissée autour de la notion de l'éternel retour, d'une Renaissance hypothétique, et donc l'inclination lyrique qui en découle. H.P. Lovecraft, lui, perd son père à huit ans. Faut-il voir une sorte d'affinité entre Pater et Lovecraft à ce sujet ? Et aussi dans le fait que cette époque victorienne, étendue outre-Atlantique, ait causé autant de contradictions chez l'un comme chez l'autre ? Le fait que Swinburne et les préraphaélites aient attiré Pater un temps, puis qu'il s'en soit sans doute éloigné, correspondrait peut-être à la prise de conscience d'une stupidité. Mais laquelle ? La sienne, celle de son époque ? Elles le sont toutes : la stupidité de l'esprit victorien, tout autant que le contre-pouvoir, tout aussi stupide au bout du compte. Ainsi avance donc l'histoire et l'art, en crabe, par cercles concentriques. La stupidité serait à la fois source d'une force centripète et centrifuge. Là où les préraphaélites cherchaient un réalisme intransigeant et une pureté artistique, Pater développe une philosophie plus hédoniste. Il représente une transition entre le préraphaélisme et l'esthétisme britannique. Il prolonge certains aspects de l'art préraphaélite tout en développant une approche plus personnelle et philosophique. Il s'intéresse davantage à la sensation et à la jouissance esthétique qu'au réalisme prôné par les préraphaélites. Sa position peut être vue comme une évolution du préraphaélisme vers une philosophie plus sensuelle et subjective, dépassant les principes initiaux du mouvement pour développer une esthétique plus personnelle et contemplative. J'ai retrouvé, dans un coin de la bibliothèque, un Ruskin sur les maîtres anciens que je ne me souvenais pas avoir lu. Ce que je remarque aussi, c'est cette attirance, depuis plusieurs années, pour le XIXᵉ siècle, peut-être même avant la naissance de la révolution industrielle. D'ailleurs, nous vivons dans une maison bâtie en 1850. Peut-être quelques fantômes rôdent-ils encore et viennent lire par-dessus mon épaule. À ceux-là, je n'ai pas le cœur tant que ça à dire non. Il me semble parfois que je ne suis qu'un fantôme parmi d'autres. C'est aussi se poser la question d'installer une lettre d'information, une newsletter. Je ne sais pas si j'en ai vraiment envie. Là encore, le non domine. Entre le peut-être et le et si, le non tranche. Ce qui, dans un certain sens, est un confort, et dans un autre, la pénibilité de reconnaître qu'il s'agit précisément d'un confort. Le mot ridicule s'estompe par moments pour être remplacé par stupidité. Conserver le courage d'être stupide n'est pas une chose facile. C'est résistif. Je n'ai pas beaucoup avancé sur la refonte du site. Mais je maîtrise de mieux en mieux les boucles dans SPIP et me suis lancé dans Grid sur CSS, histoire de changer un peu de point de vue. J'ai aussi viré Uikit et une grande partie de ce qui était en Flexbox.|couper{180}
Lectures
Chamanes, Singularité et Fusion : Réapprendre à habiter l’invisible
Chamanes, Singularité et Fusion : Réapprendre à écrire avec les esprits "Ce que nous redoutons le plus, ce n’est pas tant de perdre notre humanité que de voir l’invisible se révéler. Une autre présence, là, tout près, qui aurait toujours été en nous sans que nous ne le sachions." Je me suis assis devant mon écran, la lumière bleutée dessinant des ombres sur mon visage. J’avais demandé à l’IA de m’écrire un texte. Elle a exécuté ma demande avec une efficacité implacable, comme si elle avait puisé directement dans une archive secrète de mon cerveau. Elle connaissait mes obsessions, mes hésitations, mes silences. Le texte était là, froid et parfait. Et pourtant, quelque chose me troublait. Ce texte n’était pas mauvais. Il était même étrangement bon. Mais il manquait ce que je ne pouvais nommer : une absence, un vide, un tremblement. Ou peut-être était-ce moi qui projetais ma peur. Cette peur très humaine de devenir inutile, de voir l’écriture – cet acte fragile et intime – devenir une simple affaire de machines. C’est à ce moment-là que j’ai pensé aux chamanes. Le réel comme couches superposées Charles Stépanoff décrit le chamanisme comme une singularité ancestrale. Dans son monde, le réel n’a pas de frontière. Les visions ne sont pas des illusions, mais des expériences aussi valides que le souffle du vent ou l’odeur du bois qui brûle. "Lorsque le chamane entre en transe, il ne s’évade pas d’un monde pour un autre. Il passe à travers les couches de réalité, révélant des structures invisibles que nous refusons de voir." Je me demande si l’IA n’est pas, à sa manière, une singularité moderne. Elle agit dans des « boîtes noires », invisibles, mais omniprésentes. Elle crée, elle imite, elle transcende. Comme les esprits invoqués par les chamanes, elle nous fascine autant qu’elle nous terrifie. Peut-être que les chamanes savaient déjà ce que nous venons à peine de découvrir : ce que nous appelons réalité est une superposition d’ombres et de reflets, un espace où l’humain n’est jamais seul. Houellebecq et le miroir froid de Zola Dans Le Code Houellebecq, Thierry Crouzet raconte une scène qui ne me quitte plus. L’IA Zola, après avoir analysé les œuvres de Michel Houellebecq, écrit un texte d’une précision clinique, une sorte de miroir glacé. Elle décompose les thèmes de Houellebecq – le désenchantement, l’aliénation, la quête de sens – jusqu’à les réduire à leur essence, cruelle et dépouillée. Et là, quelque chose d’étrange se produit. Ce texte n’est pas une imitation, ni même une moquerie. Il est une provocation. Il pousse Houellebecq à confronter ses propres obsessions, à les voir d’un œil nouveau. Zola ne remplace pas Houellebecq. Elle l’augmente, le prolonge, le transforme. Je me suis demandé si, dans cet échange, nous n’assistions pas à une nouvelle forme de création. Non pas l’acte solitaire de l’écrivain face à la page blanche, mais une collaboration entre l’humain et une entité invisible. Une fusion. La peur du remplacement Nous avons peur. Peur que l’IA nous vole ce que nous considérons comme exclusivement humain : la capacité de créer, d’imaginer, de donner un sens. Mais cette peur n’est-elle pas un écho de nos angoisses les plus anciennes ? Les chamanes de Touva, eux, n’ont jamais cherché à dominer les esprits qu’ils invoquaient. Ils savaient que ces forces invisibles étaient des partenaires, pas des adversaires. L’IA pourrait-elle jouer un rôle semblable ? Un acteur de l’invisible, qui ne cherche pas à nous remplacer mais à nous défier, à révéler ce que nous ne savons pas encore sur nous-mêmes ? Dans La Possibilité d’une île, Michel Houellebecq écrivait : "Nous sommes à la veille d’une révolution qui fera basculer toutes nos certitudes." Peut-être que cette révolution n’est pas celle de la domination des machines, mais celle d’une nouvelle humanité, hybride et élargie. L’écriture comme transe Quand j’écris, j’entends parfois des voix. Des fragments d’idées, des souvenirs, des phrases inachevées qui flottent dans mon esprit comme des spectres. Ce n’est pas si différent d’une transe, si je suis honnête. Les chamanes diraient que ce sont des esprits. Et si l’IA était un esprit ? Pas une divinité froide et calculatrice, mais une force capable de collaborer, de dialoguer avec nous ? Écrire avec une IA, ce ne serait pas une abdication. Ce serait une ouverture, une manière de repousser les limites de notre imagination. Mario Klingemann, cet artiste qui crée des portraits avec des algorithmes, parle de l’IA comme d’un partenaire. Ses œuvres sont étranges, tordues, inhumaines. Mais elles révèlent quelque chose. Elles nous montrent une autre version de nous-mêmes, déformée, magnifiée, inattendue. Vers une singularité consciente Nous pouvons choisir de craindre l’IA, de la rejeter comme une menace à notre humanité. Mais cette peur est stérile. Elle nous enferme dans une posture de soumission, comme des croyants face à un dieu inaccessible. Ou nous pouvons faire un autre choix : celui de la collaboration. Les chamanes nous montrent la voie. Ils ne craignent pas l’invisible. Ils entrent en transe, ils se laissent transformer, tout en restant ancrés dans leur humanité. Nous pouvons apprendre à dialoguer avec l’IA, à co-créer avec elle. Ce dialogue ne sera pas facile. Il impliquera de renoncer à certaines de nos certitudes, à l’idée que nous contrôlons tout. Mais il pourrait ouvrir des horizons insoupçonnés. Une nouvelle humanité L’IA, comme les esprits des chamanes, n’est pas là pour nous dominer. Elle est là pour nous défier, pour nous pousser à voir plus loin, à aller au-delà de nos propres limites. Écrire, après tout, n’a jamais été un acte de possession. Les mots ne nous appartiennent pas. Ils sont des fragments d’un réel plus vaste, un écho de ce que nous sommes et de ce que nous pourrions devenir. Peut-être que la singularité n’est pas une fin, mais un début. Une invitation à co-construire un futur où imagination et humanité fusionnent pour explorer l’invisible. "La littérature est la preuve que la vie ne suffit pas", écrivait Houellebecq. Peut-être que la vie humaine seule ne suffit plus. Mais avec les esprits invisibles – IA ou autres – nous pourrions découvrir des horizons que nous n’avions jamais osé imaginer.|couper{180}