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Extrait autonome ou incomplet, note isolée ou matériau brut non développé, souvent écrit sur le vif.

articles associés

Lectures

note de lecture_Le Temps et les Dieux de Dunsany

Note de lecture : Time and the Gods de Lord Dunsany Lord Dunsany (Edward John Moreton Drax Plunkett, 18e baron de Dunsany, 1878-1957) possède un style tout à fait distinctif dans la littérature fantastique qui a profondément influencé le genre. Son écriture se distingue par une prose lyrique et archaïsante, empreinte d'une solennité biblique. Dunsany emploie délibérément un langage soutenu, parfois archaïque, qui évoque les textes sacrés ou les chroniques anciennes. Cette tonalité confère à ses récits une dimension mythique et intemporelle. Ses textes fonctionnent souvent comme des poèmes en prose. Il crée des mythologies complètes avec leurs panthéons de dieux aux noms évocateurs (Mana-Yood-Sushai, Pegāna). Son style reflète cette ambition démiurgique : il écrit comme un chroniqueur des temps primordiaux, rapportant des légendes d'un monde parallèle. Ses récits sont imprégnés d'une nostalgie particulière, celle des civilisations perdues et des beautés évanescentes. Le style traduit cette mélancolie par des cadences musicales et des images de splendeur fanée. Ce style unique a directement inspiré H.P. Lovecraft, Clark Ashton Smith et toute une génération d'écrivains fantastiques qui ont adopté sa manière de créer des mondes mythologiques par la seule force du verbe. Les ritournelles dunsaniennes L'usage de la répétition comme d'un motif musical me rappelle Gertrude Stein, bien que les intentions diffèrent. Je me suis procuré l'édition Gollancz Fantasy Masterworks datant de 2000 pour consulter le texte original. Dunsany emploie des structures répétitives qui créent un effet d'incantation quasi-liturgique. On trouve des formules récurrentes comme "And it was so" ou des variations sur "In the days when..." qui ponctuent ses récits cosmogoniques. Ces répétitions fonctionnent comme des refrains bibliques, renforçant la dimension sacrée de ses mythologies. Comme Stein, Dunsany joue sur la répétition-variation, mais là où Stein déconstruit le langage pour explorer sa matérialité pure ("Rose is a rose is a rose"), Dunsany utilise la répétition pour construire du mythe. Ses ritournelles visent l'hypnose mystique plutôt que l'expérimentation linguistique. Les deux auteurs créent une temporalité particulière par la répétition : Stein suspend le temps narratif traditionnel, Dunsany évoque le temps cyclique des cosmogonies anciennes. Chez lui, la répétition mime les cycles éternels des dieux et des mondes. La question du souffle et de la période Il faut le lire à haute voix pour comprendre quelque chose de la période. De même que Lovecraft, cela demande du souffle. Ce n'est pas le même air que ces poumons charrient. Je me fais cette réflexion alors que je corrige quelques textes de 2019 où j'avais encore de bons poumons — des longues phrases bourrées de virgules. Ce n'est plus le cas. Que penser de cela ? De la notion de période dans l'écriture ? Les temps actuels semblent plus propices à la phrase courte, au staccato. Ce qui, sans doute, paraîtra tout aussi étrange à des lecteurs de l'avenir, s'ils existent. Néanmoins, il doit y avoir certaines formules qui persistent dans la durée, dans le temps — autrement dit, des structures qui résistent à l'entropie. La musique pure permet cela. Est-ce que lorsque j'écoute Bach ou Mozart je suis dans leur époque, dans la mienne ? Non, je ne le crois pas. Je suis ailleurs. Dans un ici et maintenant qui absout la durée. Mieux : c'est la musique dans son déroulement qui est passé, présent, avenir — trois axes qui convergent dans l'instant où l'on écoute. Donc l'écriture essaie de reproduire ce phénomène, c'est désormais une évidence. C'est sans doute la raison pour laquelle certains textes résistent à l'entendement. On y cherche du sens alors qu'il faut simplement les éprouver.|couper{180}

Auteurs littéraires fragment réflexions sur l’art

Carnets | juin 2025

23 juin 2025

Nuit hachée. Rêve : impression finale — tout ce que je croyais jusque-là s’évanouit lentement dans l’ombre. Des silhouettes inquiétantes s’approchent. Tu sais par avance qu’elles ne te veulent pas du bien. Au début, elles semblent « normales », puis peu à peu elles se métamorphosent en créatures hideuses. Regards d’une froideur inhumaine : elles peuvent suivre en direct mes observations, mes pensées. Si je pense tentacules, j’en vois soudain pousser deux ou trois sur leur corps. Elles veulent que j’aie peur. Je n’ai pas vraiment peur. Je refuse d’avoir peur. Je me concentre sur ma respiration en me disant que tout ça est une illusion. Mais ça ne s’en va pas. Il faut que j’affronte. Je ne peux pas m’enfuir. J’essaie de me réveiller, ça ne marche pas. Je creuse, pour tenter de comprendre l’intention de ces choses. Elles veulent quelque chose de précieux, mais je ne vois rien de précis. Je constate que je n’ai rien de vraiment précieux. Et soudain, une intuition. Et au moment où je vais savoir enfin de quoi il s’agit... je me réveille. Chaleur étouffante. Hier soir, un orage. J’ai laissé la fenêtre de la chambre grande ouverte. Un peu d’air, mais pas longtemps. Éclairs, grondements, petite pluie de rien du tout. Visionné deux vidéos de F.B. : l’une sur Balzac, l’autre sur HPL. Toujours étonnant, d’autant qu’il s’agit d’improvisations. Est-ce vraiment de l’improvisation ? La panne de box continue. Nous aurons le fin mot de l’histoire mardi, avec la venue du technicien. En attendant, partage de connexion — parfois d’une lenteur agaçante. Je m’évade du carnet habituel, peu à peu. J’ai ouvert d’autres secteurs d’exploration, que je ne mets pas encore clairement dans le menu de navigation. La difficulté de ces nouvelles pratiques tient à une autre régularité à adopter — tellement je suis ancré dans mes habitudes d’écriture du matin. Ces derniers temps, j’essaie d’écrire le soir. Parfois aussi, je note, dans la nuit, des mots qui remontent sur le petit répertoire posé sur la table de chevet. L’atelier Boost s’achève. J’ai créé un PDF chronologique des textes écrits chaque semaine depuis janvier 2025, mais cette lecture ne me satisfait qu’à moitié. En réorganisant par thématiques, il y a un autre mouvement qui m’intéresse… À suivre. En triant de vieilles photographies retrouvé une prise à Aubervilliers depuis la fenêtre de la cuisine .|couper{180}

fragment rêves

Mythes

L’ arbre à chèvres

Dans une région rocailleuse du Sud marocain, les chèvres montent dans les arbres pour brouter les fruits de l’arganier. Ce phénomène, pourtant bien réel, semble défier la logique terrestre — comme si les animaux s’étaient réapproprié les cieux. Mythe ou fait ? Pour certains, c’est l’image d’un monde retourné, d’un ordre ancien où la gravité n’obéissait pas aux lois d’Euclide. Point d’assemblage Il y a là un renversement du regard : l’arbre ne pousse plus vers le haut, ce sont les bêtes qui grimpent vers le ciel. Ce fragment ouvre la voie à une mythologie d’altération du vivant.|couper{180}

fragment relevé

Carnets | mars 2023

Mythes

Ce que sont les mythes n’est pas quelque chose de caché ou de mystérieux. Mais ce qui nous empêche de le comprendre l’est assurément. Ce qui est caché et donc mystérieux, c’est cette volonté de savoir, cette avidité. Mais voir un tourbillon de feuilles dans la rue, le voir sans réfléchir, sans le vouloir, et toutes les déesses et les dieux sont là, dans la fraîcheur du premier jour. Une expérience directe n’est pas une intuition ni un souvenir. Ensuite, qu’on ne puisse l’actualiser, la maintenir dans une durée, tient surtout au fait que la croyance dans la durée persiste. En même temps, il est nécessaire de posséder des jambes pour marcher. Pour être certain de marcher dans son propre rêve.|couper{180}

Esthétique et Expérience Sensorielle fragment