réflexions sur l’art

Ici, l’art n’est pas un objet figé mais un lieu de pensée en mouvement. Peinture, écriture, regard : tout devient matière à interrogation, parfois ludique, parfois grave. Ces réflexions empruntent autant à la philosophie qu’au souvenir de gestes, à l’anecdote d’atelier, à la mélancolie ironique. Peindre, c’est parfois rater ; dire, c’est souvent déformer ; l’œuvre est résidu de tentatives accumulées. L’artiste-écrivain avance en hésitant, creusant les mots comme la toile. Il ne cherche pas à expliquer l’art, mais à habiter ce qui se dérobe dans l’acte de créer. Chaque texte trace un sentier incertain, où l’intensité prime sur la clarté, où la seule vérité possible est celle de l’élan.

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Carnets | janvier 2023

02 janvier 2023

À travers une visite de l’exposition Munch au Musée d’Orsay, cet article explore l’austérité volontaire de l’artiste et son économie de moyens comme un choix délibéré pour exprimer la vérité de la vie et de la mort. L’analyse se concentre sur la répétition des motifs dans son œuvre et la quête d’honnêteté artistique, en parallèle avec des réflexions personnelles sur la création. Munch, loin de tout artifice, nous offre une peinture qui refuse l’abondance pour mieux révéler l’essence des choses.|couper{180}

réflexions sur l’art

Lectures

Ce que je sais sur la composition

Le mot composition me revient. Sans doute parce que je viens de le lire. Il me revient comme ça, comme un cheveu dans la soupe ou sur la langue. Des années après, il me revient. Je ne sais pas s'il revient depuis l'époque des bancs de l'école primaire. L'époque du coin et du bonnet d'âne. Des coups de règle ou de bambou. Est-ce que je me mêlais d'écrire des compositions avant qu'elles ne deviennent soudain des "rédactions" ? Comment s'est effectué ce passage. Ce n'était pas sage d'abandonner l'idée de composer et de se lancer ( bille en tête) dans la rédaction—sans y penser, en y repensant aujourd'hui. Je fouille dans mes souvenirs, pas grand-chose ne remonte. Un ennui pour résumer. Composer m'ennuie. Sans doute parce que, comme le dit Moravia, j'ai une relation figée avec le mot composition. ( Lui disait le monde, mais je reste modeste, le monde ne m'ennuie pas autant que la composition). Cependant que pour l'approcher je dois sans cesse composer sans même m'en rendre compte. Si j'essaie avec mes faibles notions de latin de décomposer ce mot de composition il y a com et position, mais c'est plus compliqué et à la fois plus simple puisque componere signifie mettre ensemble ou encore mettre ensemble un certain nombre d'éléments pour former un tout. Mais qu'est-ce que le tout ? Et si le but était de parvenir au tout il ne resterait rien en fin de compte que ce tout qui envahirait tout. J'en suffoque déjà par avance. Dans quelques occasions je me suis composé un visage pour tenter de répondre aux circonstances. J'ai très peu composé de poèmes en vers. j'ai composé avec les évènements mais c'était bien plus des compromis que de véritables compositions. J'ai parié assez tôt que la poésie se trouve rarement où on l'attend. J'écris en prose la plupart du temps, c'est à dire que je pars sur un détail qui m'emmène à un autre et ainsi de suite jusqu'à ce que j'ai une sensation de satiété. Encore que je pourrais facilement dire que cette sensation de satiété est factice, qu'elle n'est jamais totalement satisfaisante car quand j'écris, et plus j'écris, plus le tout se retire et à la fin toujours la sensation du rien. Voici une liste d'expressions courantes utilisant le mot composer : Composer un bouquet Composer un menu Composer un jury Composer un roman Composer une symphonie Composer un numéro Composer son personnage Composer avec les préjugés Composer avec sa conscience Composer une liste Composer une mélodie Composer une phrase Composer un emploi du temps Composer un puzzle Composer un poème Composer un repas Composer un rôle Composer un scénarioQuelques expressions idiomatiques : ( ce sont des expressions linguistiques qui sont caractéristiques d'une langue particulière et qui ne peuvent pas être comprises littéralement. Par exemple, l'expression "avoir un poil dans la main" est idiomatique car elle signifie être paresseux, et non pas avoir réellement un poil dans la main) Composer avec : Faire des compromis ou s'accommoder d'une situation, par exemple, "composer avec les préjugés" ou "composer avec sa conscience". Composer un numéro : Former un numéro de téléphone sur un clavier. Composer son personnage : Adopter une attitude ou une expression pour paraître d'une certaine manière aux yeux des autres. Composer un bouquet : Assembler des fleurs pour créer un arrangement floral. Composer un menu : Élaborer une sélection de plats pour un repas. Composer une symphonie : Créer une œuvre musicale orchestrale. Composer un emploi du temps : Organiser ses activités et rendez-vous dans le temps. Ces expressions illustrent l'utilisation variée du mot composer dans des contextes allant de la musique à la gestion quotidienne. Comme tout est le reflet inversé de rien il ne faut pas que j'oublie le mot décomposition. Ce qui me fait penser aussitôt au passé-composé ( une action achevée dans le temps et que l'on chercherait à inverser, c'est à dire à réactiver, à rendre présente, par le phénomène de l'écriture. Si j'écris j'ai été un élève assez médiocre, c'est que je le pense toujours au moment où je l'écris.|couper{180}

réflexions sur l’art

Carnets | août 2022

L’interruption volontaire du refus de croire

Samuel Taylor Colerige Si on ne croyait pas on n’écrirait pas. Écrire disait Coleridge c’est l’interruption volontaire du refus de croire. Et croire, qu’est-ce donc sinon la volonté permanente de transmuter le corps en mots, la violence en œuvres et de pauvres types en écrivains. Écrire est donc toujours lié à la foi, qu’on le veuille ou non. Encore plus désormais que le pauvre, le prolétaire, le héros, figures emblématiques de la société ont disparues, ou tout comme. Cela ne signifie pas que la pauvreté et l’héroïsme aient disparu, mais ils ne sont plus représentés en tant que figures du social. Comme Dieu a disparu également en tant que figure tutélaire même s’il est toujours le dédicataire plus ou moins avoué de toute œuvre d’art. Le refus de croire devenant norme et consensus, écrire ce serait recréer une distance, un écart. Mais de quelle écriture s’agit-il. Toute la question est là. Dans quelle langue, quelle liturgie. Autrefois écrire se faisait en latin ou en grec. Seuls les moines et les érudits utilisaient ces langues, surtout le latin considéré être au plus près de la langue des anges. Pour avoir peiné jadis sur des versions latines je peux me souvenir encore de l’exigence que la moindre traduction de mot imposait. Il n’était pas question d’aller dans l’à peu près, mais de se rapprocher au contraire d’une idée de justesse, presque de perfection. Cela faisait beaucoup travailler le discernement. Qualité que les adultes considéraient comme essentielle à la fois pour être en mesure d’affronter le monde, s’y tailler une place, et, dans la pension que je fréquentais alors, religieuse, trouver Dieu. Évidemment le latin n’était pas un pôle d’intérêt majeur. Nous préférions, mes camarades et moi, nous mesurer à la barre fixe, prendre du muscle, devenir barbares en opposition à cette volonté de l’ institution de faire de nous des jeunes gens biens sous tout rapport. Avions nous pressenti que cette éducation rigoureuse n’était somme toute qu’un déguisement correct, acceptable à notre barbarie naturelle… à la barbarie générale du monde. Que sous le latin, le grec et les prières se dissimulait toute la violence qui nous habitait afin d’être idéalement juguler, de la rendre plus habile, plus efficace pour atteindre des buts non moins méprisables finalement que notre brutalité naturelle briguait… ce que nous nommions hypocrisie, n’était qu’un apprentissage douloureux de la forme. Et c’était tout aussi douloureux pour la plupart d’entre-nous que d’avoir à marcher avec des chaussures trop petites. Évidemment nous rejetions, au bout de quelques années passées dans cette établissement, toute velléité de croire, ni ne voulions entendre parler de foi ni de catéchisme. Il était de bon ton de sortir de cette école dépucelé quant au fait religieux. Nous en tirions une triste fierté. Au bout du compte nous étions effectivement taillés pour le monde profane. Sans pitié, sans compassion. Cruels et raffinés, nous dévalions alors dans les établissements publics pour n’y découvrir que faiblesse, facilité, mollesse et naïveté. Nous avions remporté la palme, nous ne croyions plus à grand chose. Surtout pas qu’il puisse exister un Dieu ou un Père. Nous avions tué ce père déjà mille fois incarné par les prêtres polonais rescapés d’Auschwitz, de Treblinka qui nous accompagnaient pour chanter la messe en latin. À y regarder de plus près avec la distance de l’âge, n’est-ce pas ce parcours vers un athéisme convenu ou de convenance, qui me force aujourd’hui à peindre et écrire, ne sont-ce pas, ces deux moyens, une seule et même interruption de plus en plus volontaire du refus de croire…|couper{180}

réflexions sur l’art

Carnets | août 2022

Retour au fragment

illustration : Torse en carton Alexandra Athanasseides Très agréable surprise de découvrir, au musée d’art moderne de Chora, sur l’île d’Andros, une exposition d’Alexandra Athanasseides. D’autant plus touché par son travail qu’elle est de ma génération. Née en 1961 à Athènes, elle continue de travailler et de vivre en banlieue. Touchante, parce qu’elle exprime sa démarche à partir du fragment. Elle récolte des morceaux de bois flotté sur les plages, des fragments de métal rouillé, tout un tas d’objets hétéroclites qui sont des déchets, des parties mises au rebut, qu’elle réintègre dans ses créations, créant ainsi un cercle vertueux entre mort et résurrection. On peut voir beaucoup de sculptures de chevaux dans son travail, qui m’ont aussitôt rappelé des images de la mythologie grecque, notamment le fameux cadeau d’Ulysse aux Troyens. C’est un cheval constitué de vide et de bois flotté, avec parfois des incrustations de rouille, décliné en plusieurs pièces. Ainsi, par le déchet, rejoindre le mythe, fabriquer cette ellipse, provoque aussitôt une excitation. Elle utilise aussi du carton d’emballage sur lequel elle dessine au fusain, gratte et colle de nouveaux morceaux ondulés, ce qui crée des marines fantastiques sur lesquelles chevauchent des figures archétypales de cavaliers et de chevaux. Des bustes, semblables à des torses éclatés de héros grecs. Je suis resté longtemps à contempler ce travail et me suis attardé à visionner plusieurs fois de petits films vidéo dans lesquels Alexandra Athanasseides tente d’expliquer celui-ci. Peu de mots, en fait. Mais des gestes, des assemblages de morceaux épars, de fragments qui, s’ils empruntent souvent, pour s’assembler, l’idée du cheval, révèlent aussi un double aspect de l’artiste : un côté « fonceur », sauvage, retenu d’une main ferme par l’intention artistique. Le produit de ce paradoxe n’est-il pas semblable à ce que tout artiste cherche à équilibrer ? Qu’on soit sculpteur, peintre, poète, écrivain, il me semble que l’essentiel est de trouver l’équilibre entre cette sauvagerie et ce que l’on entend par « civilisé », la civilisation. D’autant plus difficile, cet équilibre, qu’il n’y a que par la compréhension de son asymétrie qu’on puisse s’y introduire. Je ressens une fierté qu’une femme de ma génération produise un tel travail, une telle œuvre, comme si j’y étais pour quelque chose aussi, parce que c’est notre génération. Sentiment inédit ? Pas vraiment, mais peu observé jusqu’à ces derniers jours.|couper{180}

réflexions sur l’art

Carnets | juillet 2022

Entretenir une correspondance

Entretenir une correspondance, et non une suite d’e-mails. Se peut-il d’éprouver la nostalgie d’un objet imaginaire au point de m’en surprendre d’y penser, ce matin aux alentours de sept heures. À vrai dire une fois pourtant j’ai bel et bien entretenu une correspondance. Cependant en même temps que le souvenir de celle-ci se crée ou se recrée, semblable est la sensation désagréable ressentie lors de son achèvement définitif, en mille neuf cent quatre vingt neuf. Et je suis presque certain que c’était au milieu d’octobre. Un paquet de vieilles lettres datant de mille neuf cent soixante quinze et seize. Une correspondance avec une jeune femme, et dont la relecture me paru tellement plate, après que mon imaginaire se soit depuis belle lurette reporté sur d’autres objets, que je brûlai l’ensemble dans un des deux bacs de l’évier en porcelaine, faïence ou acier inoxydable, de l’atelier que l’on l’avait prêté au 135 ou 138 rue de Clignancourt. Depuis je n’ai plus éprouvé ni l’envie ni le besoin de recommencer. Malgré la lecture presque acharnée de nombreuses correspondances entretenues par des célébrités : peintres, poètes, écrivains, philosophes. Le sentiment d’imposture totale qui s’attache de façon indélébile au genre de la correspondance m’amuse, me détend, me divertit, ne m’émeut toutefois que rarement et seulement par fatigue ou distraction.|couper{180}

réflexions sur l’art

Carnets | juin 2022

Autodidacte

Je peux l'avouer même si je prends garde à ne pas m'en servir, ce mépris vis à vis de toute forme de subordination face à toute forme d'autorité est là. Et bien là. En tâche de fond. Ca doit venir encore de l'enfance. Mon père asseyait tout son pouvoir sur cette autorité de celui qui sait sur ceux qui ne savent rien. Je me suis énormément bagarré avec ça, mais vous savez bien que l'on finit par sympathiser plus ou moins avec ce que l'on déteste le plus puisque ça nous appartient, et qu'il faut l'accepter comme tout le reste. L'agacement me vient rapidement sitôt que je m'en rends compte. Si par exemple un élève me flatte, s'il s'abaisse à me confier ses inaptitudes crasses que pour mieux me rehausser, me flanquer sur un piédestal, ça m'agace. Je serre les dents, je fais tout pour ne rien montrer, mais bon sang parfois j'adorerais frapper du poing sur la table. Cette facilité qu'ont les gens à se soumettre à une autorité me rappelle bien sur mes toutes premières abdications perpétuellement. Encore que pour moi ce ne fut pas du tout facile, j'ai du endurer pas mal de raclées avant de m'y mettre. Et le pire c'est qu'une fois qu'on a accepté, la résistance passée provoque une sorte de vertige. On se dit tout ça pour ça. c'est une question d'âme, et aussi d'une idée de vouloir la conserver intacte, de fabriquer tout seul dans son coin un tri entre le propre et le sale. Avant de se jeter dans l'arène finalement. Et alors on comprend que l'arène est le seul destin du taureau d'élevage. Donc sur le plan du paradoxe je ne suis pas bon dernier. Puisque je suis professeur d'arts plastiques, ce qui revient à être le chantre plus ou moins d'une autorité, que dis je d'une institution, celle qui a fait de l'art désormais un petit entre soi. Sauf que je suis un prof dissident, j'ai lu le traité du rebelle plutôt de bonne heure. Et pratiquement tout des observations d'Ernst Jünger sur les insectes. Ce qui surement aura entrainé la fabrique des astuces dont je me sers pour enseigner, pour tenter de faire comprendre surtout à mes élèves qu'il n'y a pas de haut ni de bas. Qu'ils en savent autant que moi pour ainsi dire, s'ils prennent seulement la peine d'aller au fond d'eux mêmes. Sauf qu'ils ne pensent pas avoir le temps. Voilà d'où vient l'argent au final, simplement du fait qu'ils pensent gagner du temps à venir suivre mes cours. Je peux proposer des raccourcis bien sur. Débloquer des situations, proposer des paliers. Mais en fait je ne peux pas faire beaucoup plus car seul le travail personnel peut leur faire comprendre à l'intérieur d'eux-mêmes ce qu'ils pensent trouver à l'extérieur. Dans le fond j'aimerais qu'ils comprennent que le vrai travail est de nature autodidacte plus que tout autre chose. C'est surement difficile à comprendre tellement le mot ne bénéficie pas de gloire, de renommée, qu'il est terni presque toujours par l'idée qu'il faille beaucoup de savoir, de science pour créer quoi que ce soit. Ce qui est faux, archi faux. Et cela ne veut pas dire que les autodidactes sont des abrutis célestes non plus et qu'il faille les porter aux nues. Pas du tout. Car beaucoup d'autodidactes possèdent des références, ils ont lu énormément, puis ils ont décidé de laisser tomber tout ça , tout ce qui justement venait de l'extérieur. Ils se sont poser une seule question. Que puis je faire tout seul ? voilà tout. Et ils l'ont fait. Que le résultat ensuite plaise au plus grand nombre ou à une élite, ce n'est pas important, on s'en fout. Mais le plaisir de créer quelque chose qui n'appartient qu'à soi est un des plus grands plaisirs que je connaisse. Et vous savez, quand ça n'appartient vraiment qu'à soi, ça finit toujours plus ou moins par toucher tout le monde dans le fond. Mais toucher tout le monde n'est pas un but premier il faut aussi s'en rappeler.|couper{180}

réflexions sur l’art

Carnets | mai 2022

15 mai 2022

Vachement bien ce plancher qui chante. 16h28 dimanche, enfin quelqu’un entre à l’étage. Je m’étais assoupi et grâce au plancher j’ai pu me recomposer une tête à peu près digne de ce nom. “Je vois un bébé” dit l’homme Et un peu plus loin on dirait un violoniste … est-ce que c’est bien ça un violoniste ? — c’est vous qui voyez ! Un dimanche de permanence. J’avais oublié tout ça pendant dans mon assoupissement. De permanence. J’ai écouté leurs pas qui tentaient de réduire le plancher au silence, en vain bien sûr. La gêne d’une pesanteur ça se met sous cloche.|couper{180}

Auteurs littéraires réflexions sur l’art

Carnets | avril 2022

21.notule 21.

C’est inéluctable, on ne peut pas fabriquer autant d’armes pour ne pas être tenté à un moment ou l’autre de vouloir s’en servir. Ma génération, les sexagénaires nous avons en même temps de la chance et de la malchance quant à cette habitude initiatique des générations précédentes de participer à une « bonne guerre » On n’en veut pas mais tout de même il y a une petite amertume qui se love dans la partie reptilienne de notre cervelle. Le fantasme de la guerre, c’est un peu comme le fantasme tout court. On n’en guérit pas avant d’être passé à l’acte. Et la raison n’y peut pas grand chose. Le je doute donc je suis est un peu court. Par contre si on change la syntaxe on pourrait se dire Je crois donc je crée. Je crois en l’humanité donc je la crée. Chacun selon ses moyens, sur un plan local. C’est justement le doute qui nous emmerde le plus actuellement, et tout le cartésianisme qui va avec. Le doute a fait son temps, il nous faut de la certitude, de la foi. Pas celle des hypocrites des grenouilles de bénitiers qui veulent s’acheter une bonne conscience, rien à voir avec Rome pas plus qu’avec les ayatollahs de tout acabit. Foi en la conscience je dirais Foi en la lumière de la conscience C’est à partir de là qu’un commencement est possible. Le doute se débat il veut perdurer, ses secousses ses sursauts sont imprévisibles. La raison est devenue irrationnelle. Je ne suis que peintre et par l’exercice de la peinture j’ai vécu le doute l’absence de certitude, je cherchais à être un peintre « raisonnablement »… Ça ne fonctionne pas. Donc, je remplace peu à peu le doute par la certitude, j’espère ainsi apporter ma petite pierre à l’édifice, pour accompagner cette grande transformation qui s’accomplit en ce moment même. Il est possible que nous ayons encore besoin d’une guerre pour convaincre une grande part de la population que cette transformation est notre seule issue. Ceux qui gouvernent sont devenus fous. Nous ne sommes pas obligés de les suivre dans cette folie. Nous avons le choix celui de douter encore ou bien de croire. Quelque soit la suite cette transformation s’effectuera de toutes façons. Mais plus il y aura de monde qui prendra conscience de cette transformation plus elle sera facile. Sinon il y aura encore beaucoup de souffrance. Par peur, par doute. Il n’y a rien à l’extérieur de notre conscience. C’est la première certitude. Celle qu’on nous cache car elle nie toute séparation.|couper{180}

réflexions sur l’art

Carnets | avril 2022

Notule 18

Je regarde mon compte Instagram pro, ça fait un bail que je ne poste plus rien. Sur cette plateforme aussi faut pas être dupe. Je te like tu me like etc. Mais parfois je vais jeter un œil, comme on va sortir la poubelle. Les influenceurs, ceuses... ça me la coupe. toujours pimpants, souriants pas de mèche rebelle ou alors vraiment hyper bien calculée, au petit poil. Et des bisous et des chatons et de l'amour qui déborde de partout j'avoue que j'ai un peu de mal. voir que je suis à deux doigts de dégobiller à chaque fois. Pour la peinture c'est pareil. Vais demander d'avoir l'air d'une poupée Barbie dans ma prochaine incarnation. Klosie Barbie of course. Un truc qu'il faudra que je me trouve c'est un genre de baromètre pour accrocher au mur de ce bureau. Prévoir l'humeur de chien ( pourquoi de chien d'ailleurs on se demande ) Et les élans d'amour universel aussi, on ne sait jamais. Ne sortir que lorsque l'aiguille est bien calée entre les deux. Ou la boucler aussi. Ne rien dire, rien écrire, attendre que la force magnétique m'oublie un moment.|couper{180}

réflexions sur l’art Technologies et Postmodernité

Carnets | décembre 2021

Cette importance

Qu'est-ce qui est important lorsque je prends un pinceau pour déposer de la couleur sur la toile ? Quelle hiérarchie d'importances suis-je en train de fabriquer ? Cette question qui ne cesse de tourner en rond, cette hésitation, ce doute, comme un mouvement perpétuel. Parfois je suis tenté de donner une réponse à la hâte, mais ce n'est pas la réponse qui résoudra quoique ce soit. Car chaque jour est un autre jour, et me rend autre vis à vis de toute réponse à cette question importance. Je rêve qu'un tamis me tombe soudain dans les mains, à mailles fines, mais pas trop. Je n'ai pas le palais si délicat pour gouter à la finesse. Mais l'âpreté aussi est importance, aussi utile que la délicatesse. Cette question comme une fusée qui, plus elle s'élève perd du poids. Cependant qu'il est nécessaire de brûler beaucoup pour propulser sa masse. Je me dis c'est le plaisir enfantin de peindre comme réponse, comme pansement pour cacher la plaie. Et puis cela dure quelques minutes, parfois une heure ou deux et d'autres réponses s'ajoutent et je fais de beaux nœuds avec les brins. Parfois je ne donne des réponses que pour parvenir à ces nœuds, pour provoquer ma patience à tenter de les dénouer ensuite. Exactement comme lorsqu'on parvient, une fois tout l'enthousiasme, la naïveté première consumés, à ce moment de vérité du tableau. Le choix et l'ordre. Cette élève possède un cœur simple. Elle dit je suis perdu aide moi. Elle ne le dit pas pour que je la remarque plus qu'une autre, elle ne le dit pas pour que je lui fournisse une preuve d'amour. Elle le dit parce qu'elle est assoiffée de trouver son chemin dans le fatras. Elle est ma sœur. Et je ne suis qu'un professeur. Ferme les yeux je lui dis et flanque de la couleur comme ça n'importe ou n'importe comment sur la toile avec un couteau à peindre, rentre complètement dans ce désordre, il n'y a rien d'important lorsqu'on peint comme ça. Tu verras bien où ça te mène, ce que ça donne. Ferme les yeux... Elle m'écoute et le fait, un bonheur d'élève. Nous regardons ensuite le résultat. Est-ce que c'est bien ? elle demande. Je ne dis rien parce que parfois j'oublie ce qui est bien ou mal en peinture, le résultat je veux dire. Trouver le bon silence, c'est aussi ça l'important.|couper{180}

réflexions sur l’art

Carnets | novembre 2021

La peinture "médianimique"(notes sur l’art brut)

Du spiritisme aux théories sur le hasard.Le hasard est comme un iceberg, on n'en voit que la partie visible, celle du temps présent. Pour en revenir à l'art brut Je me suis mis en tête de trouver différents angles d'attaque non pour définir ce qu'est celui-ci, mais afin de suggérer un certain nombre de pistes qui me paraissent fécondes dans ma façon d'aborder la peinture aujourd'hui. Si désormais le mot hasard revient de plus en plus dans ce que je peux recueillir des processus (les miens et aussi ceux de nombreux autres artistes dont j'ai pu déchiffrer la démarche) concernant la peinture abstraite, je me demande ce que recouvre véritablement ce mot. Car dans le fond et à la vue de la pudibonderie de notre temps recouvrant d'un voile de pensée mainstream tout ce qui a déjà été exploré dans les mines des hauts de France par ce qu'André Breton nommait des peintres médianimiques, notamment Augustin Lesage, j'ai des doutes tout à coup, et je me demande si ce terme facile de hasard n'est pas en quelque sorte de la pudeur plus que tout autre chose. Et lorsque j'emploie ce mot je parle évidemment du paradoxe excitation-gène qui finit par le rendre addictif Il ferait beau voir que je me targue de peindre, en public et en plein jour, à l'écoute de voix qui me dicteraient tel rouge ou tel jaune, qui s'empareraient de mes mains pour tenir le pinceau et lui faire dessiner et peindre des œuvres directement issues de l'Au-delà. J'avoue que j'aurais bien du mal à tenir longtemps ce discours sans pouffer à un moment ou à un autre, idiot que je suis , contaminé par la raison bulldozer le rouleau compresseur de la sainte pensée unique. Voici pourquoi le hasard convient mieux essentiellement, il ne sert qu'à rester dans le groupe, à ne pas être expulser à la marge. Je pourrais aller chercher des arguments concernant ce fameux hasard que l'on utilise désormais à toutes les sauces dans le domaine de la psychologie, de la psychanalyse, de la psychiatrie, ce ne serait encore que science sans conscience, et donc ruine de l'âme par ricochet. J'entends ici la conscience au sens le plus large, c'est à dire la perception et qui dépasse de mille coudées l'entendement et tout le bric à brac raisonnable justement qui l'accompagne. Il n'y a pas de raison sans perception Suivant l'adage rien ne peut venir à la raison sans provenir avant tout de la perception. Encore faut-il s'entendre sur la définition de ces deux mots évidemment. Si le but de la raison est seulement d'avoir raison, autant se jeter dans la perception totalement. C'est d'ailleurs la motivation principale de ce projet de textes autour de l'art brut. Mon intuition est qu'il est une porte ouverte sur la perception à l'état pur (brut ?) et que tout le discours que l'on peut tisser pour tenter de l'emprisonner, notamment le discours habituel de l'élite lorsqu'elle invente comme cela l'arrange des théories fumeuses sur tel ou tel artiste ne sert encore qu'à dissimuler en grande partie ses sources les plus vives. Nous nous sommes coupés de par cette fameuse raison avec sa logique mondialisée et blasée et désormais par crainte du ridicule aussi, de bien des conversations que les intellectuels, les écrivains, les artistes du 19eme siècle, abordaient notamment sur le spiritisme. Serions nous plus intelligents que nos prédécesseurs où plus désabusés ? Serions nous aujourd'hui plus intelligents au 21ème pour déclarer que les théories du hasard , de la psychanalyse, de l'inconscient valent mieux que ce sur quoi s'appuyaient de nombreux écrivains du 19ème pour cerner le fantastique, le mystère, l'ineffable ? Aujourd'hui on voudrait que tout soit logique tellement que cette quête en devient insensée et ne produit plus qu'un chaos généralisé. Il peut alors être sage, et c'est un pas de géant sans doute vers l'humilité que d'accepter que ce que nous appelons le hasard aujourd'hui est synonyme d'inconnaissable. Un inconnaissable qui continue à attirer vers lui de nombreuses personnes pas toujours bien intentionnées et qui chercheraient évidemment encore à contrôler quelque chose au travers lui. A contrôler les autres évidemment. C'est à dire qu'il représente peut-être le même genre de Nouveau Monde vers lequel voguaient les caravelles, presque en même temps que la Peste Noire envahissait l'Europe, sauf l'Italie ce qui permit à la Renaissance d'y germer puis de se déployer peu à peu dans une Europe convalescence en quête d'un sens nouveau. La grâce ne s'avance pas seule hélas, elle s'accompagne de phénomènes périphériques liés le plus souvent à la vanité et à l'orgueil, au profit que l'individu espère tirer de l'inconnaissable pour gouverner et exercer son pouvoir sur l'autre. Ainsi la découverte du Nouveau Monde, par une nuit du mois d'octobre 1492, s'effectua t'elle totalement "par hasard" lorsque les deux caravelles, la Pinta, la Nina et une caraque, à la recherche d'une route vers les Indes Orientales, abordèrent la petite île de Guanahani, actuel Salvador, dans les Caraïbes. La raison pour laquelle Christophe Colomb dont le projet était de découvrir cette fameuse route, après plusieurs échecs de financement fut finalement commandité par la reine Isabelle 1ère de Castille ( elle fut financée en grande partie, cette expédition , par les taxes et les amendes imposés alors aux juifs et musulmans du royaume) était de toute évidence principalement commerciale, et dans l'espoir d'augmenter les profits. Possible que chaque époque rêve d'un nouveau monde Les psychanalystes justement parleraient d'un phénomène récurrent, de répétition qui s'effectue aussi longtemps que l'on n'a pas résolu le conflit qui en est à l'origine. Ce rêve permanent qui traverse l'histoire de l'humanité selon les époques se dissimule sous des couches superficielles que l'on peut appeler l'intérêt, le profit, le pouvoir, c'est à partir de ces couches les plus superficielles dont s'entoure ce rêve que nait l'histoire telle qu'on veut nous l'enseigner. Il me semble que nous sommes certainement la partie du monde, occidentale, qui a le plus besoin de revenir à ce rêve sans relâche du fait que notre pensée contemporaine se développe désormais totalement coupée elle aussi de ses racines sacrées. La pensée se développant en occultant une grande partie de la perception du sacré. Le reléguant comme phénomène mineur, périphérique, anecdotique, ce qui est sans doute une grande erreur provenant de notre individualisme. Le besoin de croire, d'imaginer, de rêver, n'est ce pas cela l'essence même d'être humain avant tout ? Et tous ceux qui en ont profité depuis la nuit des temps le savent et continue d'en profiter tous les jours. Si ce n'est plus par la religion, c'est par le marketing, par la pub, par l'art, par le sexe, par l'amour. Tout est bon désormais pour vendre du rêve, mais ce ne sont plus que des rêves en toc. Et avec l'inflation de nos rêves est directement atteinte notre force vitale. C'est pourquoi l'art brut me semble aussi être une voie, un sentier sur lequel cheminer dans la brume de cet automne occidental. Ce projet de m'intéresser de façon sérieuse, documentée, à l'art brut ne date pas d'hier. Sans doute parce qu'en grande partie je me sens moi-même comme un électron libre face à l'Art, à la peinture notamment, malgré tout le savoir engrangé, malgré les études, malgré l'expérience acquise, le mot autodidacte me colle à la peau. En refusant le cheminement classique qui sans doute déjà représentait ce que l'on appelle aujourd'hui la pensée unique, sans vraiment le savoir je m'engageais dans le risque, dans l'inconnu, avec une croyance naïve propre à tous les jeunes gens de faire du "nouveau", "du neuf", "de l'original". Encore que lorsque je pense à cette naïveté aujourd'hui les mots dont je l'entourais ne me servaient sans doute qu'à préserver, ou éprouver celle-ci. Lorsque j'ai vraiment commencé à peindre, je ne parle pas des années de formation, mais de cet instant où justement j'ai accepté de ne rien savoir pour déposer mes premières taches sur le papier et sur la toile, j'ai senti quelque chose s'emparer de mon crayon, de mes pinceaux et que j'ai presque aussitôt mis de coté tant cette chose m'effrayait. Je me souviens d'une grande feuille de papier de 2m par 1m que j'avais punaisé au mur de la chambre où j'avais échoué et sur laquelle avaient surgit des formes et des visages du type Maori. Je peignais déjà comme je le fais aujourd'hui, en refusant de prendre des modèles, je me disais que tout devait venir de l'imagination ou rien. Cela m'a beaucoup intrigué de voir apparaitre ces visages, des femmes aux formes généreuses, réalisées à la gouache. A un moment du tableau j'ai même eu une étrange sensation de familiarité avec le personnage principal du tableau. Et je me souviens de m'être dit c'est moi dans une autre vie. Cela parait évidement totalement loufoque à la lumière de la raison. Et puis je ne mangeais pas tous les jours à ma faim, et puis j'étais tout seul durant des jours à ne parler à personne, sans doute peut on attribuer toute cette histoire au malheur et à un besoin compréhensible de sublimation. Bref, en comprenant que je glissais vers une douce folie, j'ai décidé de m'imposer une plus grande discipline. Je me suis intéressé à la façon de gagner de l'argent pour pouvoir me nourrir correctement, j'ai fait de l'exercice, principalement de la marche, et je me suis rendu dans de nombreuses bibliothèques de la ville pour côtoyer du monde, sans pour autant avoir à lui parler. Enfin j'ai ôté du mur ce grand tableau que j'ai roulé et rangé sous le lit. Pour remettre aussitôt une autre feuille du même format au mur et recommencer. A ma grande stupéfaction je vis apparaitre alors un personnage de l'ancienne Egypte, puis un autre et tout un décor étrange que je n'avais de mémoire jamais vu et qui pourtant me parut aussitôt familier. Il s'agissait d'un couple dont j'étais le serviteur, peut-être un modeste scribe. Quelques années plus tard je travaillais au musée du Louvres comme maître Jacques et je tombai tout à coup sur le Scribe accroupi dans les salles Egyptiennes. Le choc fut d'une violence telle que je faillais tomber dans les pommes. C'était comme si je me voyais soudain dans un miroir, mais dans la peau d'un autre. Et aussitôt je repensais à cette peinture que j'avais effectué comme en transe dans ma petite chambre d'hôtel et qui représentait une scène de l'ancienne Egypte. Il y a donc bien malgré toute la raison que je me targue de posséder une porosité certaine par laquelle le mystère l'étrange, l'inconnu se fraie depuis toujours un chemin pour tenter de parvenir à ma conscience. Et à chaque fois le même scénario recommence, je me dis que je deviens cinglé, que j'ai des hallus, que c'est probablement une carence en potassium ou en magnésium. Bref j'élude. Et en même temps je ne peux me détacher totalement de cette part de moi-même vulnérable, enfantine, qui semble attirée obstinément vers tous les contes à dormir debout, vers le surnaturel, vers le hasard. C'est là sans doute l'essence même du conflit qui m'habite depuis toujours, cette lutte permanente entre raison et déraison et je ne saurais dire laquelle de ces deux forces en présence a le dessus tant elles sont équivalentes dans leur puissance. La lucidité me sert à examiner ce que l'on appelle facilement la folie et cette dernière ne cesse de remettre en question la fiction que représente pour elle la pensée logique, rationnelle. C'est ainsi que j'avance et recule sans arrêt dans ce jeu de l'oie. Avec parfois la sensation d'atteindre à la clarté tandis que d'autres fois je m'enfonce comme un bouchon dans les profondeurs les plus troubles, les plus sombres, les moins explicables. Le fantasme de retrouver un cœur pur Par ce projet d'étudier l'art brut, j'espère résoudre sans doute un peu plus ce conflit mais je vois déjà qu'il ne s'agit pas de trouver une solution plutôt que d'effectuer un choix comme dans le film "les aventuriers de l'Arche perdue" où le héros doit emprunter un pont invisible. Poser le premier pas dans le vide c'est faire acte de foi envers cette folie, cet inconnu. C'est aussi selon les règles posséder un "cœur pur". Est ce que ce que j'imagine de ces artistes de l'art brut n'est pas tout simplement encore une sorte de fantasme ? Est ce qu'ils ont véritablement le cœur pur ? C'est à dire est ce qu'ils ont préservé en eux la meilleure part de cette enfance que nous regrettons souvent nostalgiquement et qui sans doute n'est rien d'autre qu'une fiction comme tout le reste ? Souvent je repense à mes débuts en informatique et je me dis qu'ils ressemblent beaucoup à mes débuts en peinture. Je crois que j'ai passé de nombreuses années à reformater mes disques durs lorsque je découvrais tout à coup que j'avais rempli leur mémoire de tout un fatras de choses inutiles. De même que j'ai recouvert d'innombrables toiles d'enduit pour ne plus voir les sottises que j'y avais dessiné ou peint. Cela fait longtemps que je ne formate plus et que je recouvre beaucoup moins d'enduit qu'auparavant. Je crois que ce besoin d'ordre, de perfection, comme de cette fameuse pureté m'ont quitté avec l'âge. Je suis plus tolérant envers moi-même. Encore que très exigeant toujours. C'est à dire que cette exigence s'appuie sur autre chose désormais. Peut-être pas tant d'avoir un cœur reformaté , un soi disant cœur pur, ce genre de cœur qui mène à l'inquisition et au fascisme sans même que l'on s'en rende compte. Je crois que c'est plus une notion musicale de justesse qui m'oblige à cette exigence. Si la note n'est pas juste c'est que l'instrument est mal accordé ou que le joueur s'écoute encore trop jouer. Il est possible alors que ces artistes qui ne s'appuient pas sur la pensée, sur la logique, la rationalité pour créer, ces artistes de l'art brut, ces artistes médianimiques ont trouvé une solution en prenant ce qu'ils nomment les esprits pour se laisser aller à créer ce qui de toutes façons doit se créer. En cela il s'agit encore une fois d'univers particuliers avec des grilles de lectures particulières du monde. J'ai toujours pensé que c'était cela l'essentiel à comprendre, ces langages, ces grilles de lecture. Qu'elles soient pertinemment perçues par le plus grand nombre comme la religion, la politique, la psychanalyse, où bien par une minorité comme le spiritisme, le chamanisme, la peinture intuitive, cela ne remet pas vraiment en question leur rôle de médiatrice avec l'inconnaissable. L'inconnaissable. Hier je me disais encore que j'aimerais voir une chose simple, une feuille, une goutte d'eau, un pot sans tout ce que je ne cesse de coller dessus comme interprétation, que ce soit par le mental et par mes propres perceptions. Je me posais cette question de savoir si ces choses simples existaient vraiment en dehors de moi, sans moi, et comment elles apparaitraient alors dans ce qu'imagine être encore un "absolu". Dans leur essence. C'est là l'extrême de mon orgueil encore très certainement que de vouloir voir au delà de l'être, sans doute au delà de Dieu également. C'est voir ce que Castanéda nomme le nagual au delà du tonal. Est ce vraiment de l'orgueil d'ailleurs, je crois qu'on utilise aussi ce mot comme on utilise le mot hasard. Ce que dissimule l'orgueil est encore autre chose, au delà de la superficialité que l'on attribue à la bêtise, au besoin d'être aimé, à la reconnaissance, à l'envie de dominer, à la peur d'être nu. Chez les grecs anciens, on n'aurait pas compris qu'un héros ne soit pas orgueilleux au même titre que les dieux eux-mêmes l'étaient. C'est de cet orgueil là dont il faudrait parler, un orgueil comme une force et qui n'aurait pas d'autre profit de celui de pouvoir se déployer comme la mer se déploie, comme le tonnerre tonne, comme le vent parcours le monde. Je demande pardon au lecteur pour la longueur inconsidéré de cet article que je devrais sans doute remanier comme de nombreux autres. Mais cela me semble aussi honnête de montrer la naissance d'une pensée, d'un projet à ses débuts. C'est aussi montrer d'une certaine manière un début d'obéissance à quelque chose qui s'écrit au travers de ce personnage de blogueur. Parce qu'il n'y a évidemment pas qu'en peinture que la possibilité médianimique s'opère, dans l'écriture aussi, cela je le sais depuis le début.|couper{180}

peinture réflexions sur l’art

Carnets | janvier

5 janvier 2021

J’habitais une chambre de bonne au septième étage d’un immeuble place de la Bastille. Au troisième vivait la famille Laraison, le père directeur de la Banque de France. Le tapis rouge s’arrêtait à leur étage. Quand je dévalais les escaliers, je les croisais parfois. Monsieur Laraison, vêtu de gris. Sa femme, son ombre. Leurs marmots, joufflus, regard en biais. Le mardi, ils recevaient. À 20h, je remontais. Dans l’escalier : parfums inconnus. J’écoutais à la porte : rires bourgeois. J’en parlais à Pauline après l’amour. Nous riions. Cela nous rassurait. Le jour où j’ai perdu Pauline, j’ai quitté la piaule. Je me suis barré. Je ne les ai jamais revus. Parfois, ça me revient. Je colle mon oreille à la porte des souvenirs. Je revois Pauline. Puis un pet sonore fend l’air du troisième. Et je me mets à rire. Je pensais à tout ça en voyant une œuvre de Chen Wenling : Le taureau qui pète. En fait : Ce que vous voyez pourrait ne pas être réel. Un taureau propulsé par un pet, écrasant Madoff. La critique de la crise financière. Ou autre chose.|couper{180}

Autofiction et Introspection Narration et Expérimentation réflexions sur l’art