L’attendu, ce que j’imagine d’un événement quelconque est rarement la réalité. Cependant que ce que j’attend ainsi me sert de point de repère. Pour mesurer quoique ce soit ne faut-il pas une règle ? Se soucier de l’exactitude de sa gradation, s’en occupe t’on vraiment, ou bien accorde -t’on d’emblée une justesse à celle-ci. On pourrait se poser déjà la question de l’outil. Est-ce que j’utilise le bon outil pour dessiner, ébaucher l’attendu ? En tous cas il parait fondamental de se créer un moyen de mesurer la différence entre ce qui est attendu, espéré, et ce qui advient pour de vrai. puis c’est à l’aide de cet outil que je vais décider, par la suite, si ce qui est advenu dans ce que j’appelle une réalité se situe au-dessus ou en-dessous de ce qui avait été attendu. Ensuite est-ce important de s’accrocher à une telle attente. À ce genre d’évaluation. Mais à quoi cela sert-il vraiment ? Quelles conséquences cette croyance, cet acharnement parfois entrainent- t’elles ? Et bien parfois il arrive d’être agréablement surpris par ce qui advient alors que l’on s’attendait à tout autre chose. Ou encore d’être surpris que cela se rapproche tellement de ce que l’on avait espéré. Parfois ce qui arrive est si semblable à l’attendu que l’on a même un peu de peine à y croire. Parfois aussi il semble que la réalité dépasse ce qui avait été espéré ou attendu. C’est ainsi que l’on progresse peu à peu vers une souplesse d’esprit. Si le contraire advient, que *cela* apparaisse pire, complètement, absolument en dessous de l’attente, peu importe en fait. Un but en cache un autre souvent. Celui que l’on découvre est de relativiser de plus en plus régulièrement l’attendu et la réalité. Il arrive aussi cette étape où l’on s’interroge seulement sur ce que l’on attend d’un événement. Rare qu’on y réfléchisse en amont de la bonne façon. C’est plutôt inconscient ou émotionnel bien souvent. Enfin évidemment je parle pour moi, je sais qu’il existe des espèces à sang-froid. Un bon exemple est l’accrochage d’une exposition dans un lieu inconnu. Ou disons plus exactement un lieu que l’on aurait visité mais dont on n’aurait pas forcément pris la juste mesure. On pourra s’interroger sur les raisons que l’on s’est données pour préférer s’en tenir à une approximation. Ce qui gêne au moment de prendre correctement, disons objectivement cette mesure. Et d’observer ensuite comment l’à peu près se sera dilué dans l’idée vague générale. Ce film que l’on se fabrique en amont de l’événement « accrochage ». Ma position sur cette étape a t’elle beaucoup évoluée depuis mes toutes premiers expositions ? Je ne le crois pas. La seule modification que j’aurais apportée à cette étape de prévisualisions que je nomme l’attendu, c’est de la débarrasser peu à peu de son contenu émotionnel ou affectif. Pour une grande part l’attendu est devenu une position où je ne m’attends à rien de spécial. Rien d’extraordinaire. Que ce soit en terme de succès ou d’échec. On pourrait dire qu’un accrochage est devenu une routine. Il n’y a pas à y réfléchir une fois que l’on y est. Il suffit simplement d’enchaîner un certain nombre de gestes, d’actions dans un certain ordre. J’ai supprimé hier une petite opération que je fais régulièrement durant l’accrochage. La photographie et la vidéo des diverses étapes. L’arrivée, le choix des emplacements, l’hésitation, puis la scène finale. J’avais déjà noté cette réticence lors de mon dernier accrochage à Pelussin. Je n’avais pris que très peu de photographie et aucune vidéo. Je ne m’en expliquait pas les raisons, je sentais seulement que ces opérations n’étaient plus si nécessaires. Peut-être en revisitant l’intention qui jusqu’alors m’avait incité à photographier ou filmer. Essentiellement nourrir le contenu sur les différents réseaux sociaux. Peut-être qu’aujourd’hui cela ne m’apparaît plus aussi indispensable. Peut-être ai-je compris que cela n’apportait pas vraiment de valeur à mes followers. Que des photographies, des vidéos semblables ils en étaient gavés, que cela sans doute n’était qu’une sorte de captation de leur attention, plus dans un but marketing que dans une réelle volonté de partage. Volonté que j’ai conservé longtemps et qui désormais ne résiste plus à la naïveté que j’y ai découverte. Donc pas de photo, pas de vidéo. Juste essayer de relater les faits d’une façon objective par exemple à 12h15 lorsque je monte sur l’escabeau pour régler un spot, tout le rail s’éteint plongeant ainsi la première salle dans l’obscurité. Dommage car c’est par cette pièce que le visiteur peut se faire une première impression de l’exposition. Coup de fil à la mairie. Les techniciens ne viendront qu’à 13h30. Cet après-midi je reçois trois classes de l’école primaire du village pour discuter avec eux de mes peintures. Dommage de le faire dans la pénombre. Pourvu que la panne soit réparée. De l’attendu encore. Après un déjeuner dans un restaurant des environs apprendre que les deux transformateurs sont H.S. Que l’on ne pourra rien faire pour régler le problème électrique. Mon épouse qui m’accompagne s’inquiète, c’est elle qui devra assurer la permanence durant les samedis. Je pense à ce matériel d’éclairage que j’ai acheté il y a quelques mois pour améliorer mes vidéos sur YouTube. Demain elle l’installera, problème partiellement réglé. Les trois classes d’enfants que je reçois arrivent en rang deux par deux devant la porte de la Tour. Tout s’enchaîne. C’est toujours un plaisir de s’entretenir avec des enfants concernant la peinture. Ils disent souvent des choses plus intéressantes pour moi que les adultes. Je récolte beaucoup d’informations. Nous échangeons sur le laid et le beau. Les maîtresses semblent ravies elles aussi. Fin de cette première partie à 16h. Denier soucis à régler, repartir chez nous. Depuis quelques semaines caprice de la Dacia au démarrage. Ils s’agit des charbons qui se collent aussitôt qu’on roule un peu longtemps. J’ai prévu en plaçant un couteau à bois dans la boîte à gant du véhicule. Si ça ne démarre pas il suffit d’ouvrier le capot et d’aller cogner sur une pièce métallique pour décoller ces charbons. Mais cette fois c’est inutile, démarrage au quart de tour. Une heure de route tranquille. Puis arrivé à la maison, on se découvre épuises. Je ne me réveillerai que quelques heures plus tard, même pas faim. Juste envie d’écrire ces quelques notes sur ce qu’est cet accrochage. Y revenir par la suite certainement car cette notion d’attendu et de ce qui arrive, cette évaluation recèle sûrement encore pas mal de pistes de réflexion.
photofiction| notes sur un accrochage d’exposition, l’attendu, ce qui arrive vraiment. Orlienas.
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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28052023
S’atteler à une tâche, à un travail, à un projet. Ce qui conduit à s’atteler. Qu’il reste quelque chose malgré tout. S’atteler à l’écriture d’un journal, d’un carnet, laisser une trace. Ce qui est paradoxal puisque tu ne te relis jamais. Une trace pour qui alors ? Une trace dans l’invisible. Une opération magique. Peut-être. Et ensuite quand tu publies c’est que tu es déjà mort, que tout ça ne te concerne plus. Que tu n’es déjà plus celui qui écrit ces lignes. Peut-être aussi. Les hypothèses ne manquent pas. — Tu es trop tourné vers toi, penses un peu à moi. Exactement le genre de phrase que j’entends depuis toujours. Cette culpabilité qu’on voudrait que tu éprouves et par laquelle tu parviens, enfin, à bien vouloir prendre conscience du monde. A daigner prendre conscience de l’autre comme monde Le monde se résumant à moi que tu ne regardes pas n’a jamais été le monde, Peut-être parce que l’on a commis cette erreur une fois et qu’on ne s’en est jamais totalement remis. mais comment l’expliquer et pourquoi. As-tu encore envie de dépenser une énergie quelconque à vouloir expliquer quoi que e soit ? Aucune envie justement. Ça n’en vaut pas la peine. C’est idiot cette expression, mais c’est à peu près ça, une peine dépensée à vide, pour rien. Fut un temps où tu ne ménageas pas ta peine. Puis ce fut ridicule de peiner ainsi à vide. Totalement ridicule. Regarder froidement les faits. Le fait de ne pas assumer pleinement une solitude. De faire chier le monde parce qu’on se sent seul abandonné. Le fait de se coller à l'autre comme si c'était une bouée, qu'on se sente naufragé. C’est toujours la même histoire. Ne pas vouloir crever. On ne peut pas en vouloir aux gens pour ça, c’est humain. Etre humain excuserait à peu près tout. C’est toi qui es bizarre souviens t’en. Pour eux tu es une bizarrerie. Tu te fous de tout et de toi-même. Quelque chose ne tourne pas rond. Être ou ne pas être du coté de la vie, de ce qu’ils appellent la vie. — oui je veux pouvoir m’acheter du parfum, aller chez le coiffeur, partir en vacances, aller au restaurant … Ça peut se comprendre. L’écart peut se mesurer. Tout laisser derrière soi encore une fois et partir. Ce refrain qui revient encore et encore. Tu ne sais que fuir m’a t’on dit avec chagrin. Rejouer encore une fois sa vie aux dés. Quand je vois toutes les lâchetés dont on est capable pour maintenir un certain niveau de confort ou de paix tout simplement. Une obéissance insupportable - qu’on ne peut plus supporter du tout - intolérable- à un ordre des choses. Peut-être que je serais d’accord pour qu’on m’enferme. Qu’on m’isole, qu’on me jette aux ordures comme une pomme pourrie pour ne pas contaminer toutes les autres pommes du panier. Et tous ces imbéciles en transe avec leur confiance en soi jetteraient la clef de la cellule. Aucune envie de vengeance cependant pour m’aider à tenir de longues années dans les souterrains d’un château. Mais la nuit bien sur que je m’exercerais en douce à traverser les murs. On ne peut faire autrement que de recréer sans cesse le monde. Même si on ne le veut pas, si on tente de s’y opposer, le refus créer encore quelque chose de proche de la même idée. Un gant retourné c'est toujours un gant.|couper{180}
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27052023
Écrire la date ainsi ressemble à l'inscription d' un tatouage. Il n'y a qu'une seule journée qui porte ce tatouage. Chaque journée tatouée pourrait ainsi l'être, même les plus insignifiantes. Un matricule de la journée. Une succession de matricules pour faire une semaine, un mois, une année, une vie. Dans quelle mesure l'imagination joue t'elle un rôle sur la perception de ces journées. Des phrases me reviennent. Celles où il est dit qu'on se ferait des idées, que l'on verrait les choses en noir. Celles aussi où serait évoqué le pire. Il pourrait y avoir pire. Ce pourrait être bien pire. Réjouissons nous que ce ne soit pas encore pire. Ces phrases que l'on dit pour que l'autre revienne au bercail, revienne à des pensées moins toxiques, à je ne sais quelle vie normale. En général ça fonctionne. Un peu d'humour par là-dessus, ça peut le faire. Contre mauvaise fortune, bon cœur. Sauf quand ça ne le fait pas. Quand on se sent pris au piège. Qu'on aurait envie de hurler. Que l'on préfère se terrer plutôt que d'avoir à parler, à expliquer, à disserter. Quand les êtres que l'on a l'habitude de nommer nos proches sont à des années-lumière de ce qui se joue vraiment dans notre intériorité. Et toujours aussi cette honte tenace bien sur de ne pas savoir être heureux avec ce que l'on a. De ne pas savoir s'y contraindre. De ne pas savoir rendre l'autre heureux. Comme s'il s'agissait d'un contrat tacite. Nous devrions nous rendre heureux, ce serait la moindre des choses. Et la fermeture soudaine de l'un envers l'autre quand ce contrat pour une raison ou une autre est rompu. Il faut toujours trouver la raison. L'inventer au besoin. L'affrontement rend créatif. Sauf quand cet affrontement n'est pas possible, car il coute trop d'énergie, une énergie qui n'est plus disponible. —La déprime normalement ça vient en septembre. Tu ne vas pas te mettre aussi à te déprimer au printemps. Il y a dans ses mots une crainte bien sûr, une inquiétude. Comme si on n'avait pas déjà suffisamment d'empêchements comme ça pour que tu en rajoutes. Normalement je fais face, normalement. Mais ce mot, normalement , me semble être du chinois ces derniers jours. J'ai agi normalement toute ma vie. On me file des coups je tends l'autre joue. Enfin pas toujours, mais assez régulièrement je me plie à la coutume. Normalement c'est comme ça que ça fonctionne. Normalement, c'est bien là le jeu. Sauf que là non, pas envie de jouer. On a bien le droit de ne pas jouer de temps en temps, de s'extraire du jeu, de botter en touche. Est-ce trop demander ? ça parait tellement insupportable et surtout tu te rends compte j'espère, au printemps. Que devrions-nous choisir d'écrire dans un journal qui puisse être lu ensuite sans dommage. Que devrions-nous dissimuler dans l'idée, l'espoir la crainte d'être un jour lu. Cette peur que l'autre découvre à quel point nous lui sommes parfois étranger. Il est possible de l'écrire bien sur pour soi, pour se souvenir à quel point parfois on peut se sentir étranger à tout et à chacun. Avons nous tant besoin de le noter pour nous en souvenir. N'est-ce pas plutôt de l'ordre du testamentaire. Je ne me suis jamais remis de la découverte des camps, à l'âge de 10 ans. Cela aura toujours paru tellement absurde. Comment le monde pouvait-il prétendre être joyeux après cela ? Comme pouvions nous oublier soit disant parce qu'il faut vivre. C'est que l'on a fait bien sûr, on a oublié autant qu'on le pouvait je crois. Jusqu'à ce que ça nous revienne soudain dans les relents lourds du jasmin, dans l'insignifiance des spots publicitaires, dans les paroles insipides des politiciens, dans l'horreur de s'apercevoir face à une banalisation des crimes, des scandales, des guerres ; dans les lettres de relance des créanciers. Dans l'abjection qui ne parvient plus à faire bonne figure. L'a t'elle jamais vraiment fait d'ailleurs ou bien évitions nous de la voir telle qu'elle est toujours ? Cette obsession de toujours vouloir relativiser l'horreur, l'ailleurs, repousser tout ça au loin. —Tu exagères, tu ne peux pas prendre sur toi tous les malheurs du monde. Tu devrais ne t'occuper que de tes affaires, te boucher le nez les oreilles, les yeux. —Oui c'est vrai, c'est comme ça que l'on vit normalement. Sauf certains jours où la coupe est pleine, qu'elle déborde, que l''on ne parvient plus à stopper l'hémorragie. Mais n'aies pas trop d'inquiétude, je suis bien aussi lâche que n'importe qui d'autre. Sans doute plus. Ne t'inquiète pas trop. Demain, je penserai à autre chose bien sur. Demain j'aurais oublié. Demain il fera beau, j'arriverais à oublier tout cela, et peut-être à chantonner en découpant les oignons pourquoi pas. Je pleurerai en épluchant les oignons et ce sera tout à fait normal, les choses seront rentrées dans l'ordre.|couper{180}