La mode est devenue fade, mais j’ai tenté de devenir positif. Tout a commencé au travail, dans l’ennui.
Mon collègue P., expert en hypocrisie corporate, m’a initié aux auteurs new age mêlant développement personnel et spiritualité. Curieux, je me suis mis aux fleurs de Bach, à Sai Baba, puis à un stage de PNL.
À Grenoble, j’ai découvert un monde enchanté où tout le monde se complimentait à qui mieux mieux. Je suis ressorti "augmenté" et me suis inscrit à la suite - plus chère - en Belgique.
Le stage de chamanisme fut le comble : dans une abbaye magnifique, j’ai rencontré une rouquine avec qui j’ai pratiqué les "nettoyages énergétiques". Main dans la main, nous sentions les énergies circuler. Tout aurait pu tourner à la partouze, mais le lieu et le temps en ont décidé autrement.
De retour à Lyon, nous avons entamé une relation houleuse entre deux "mages" qui s’envoient des sorts. Elle cherchait peut-être un compagnon pour vieillir, moi je fuyais toute responsabilité. Cette histoire m’aura au moins éveillé le premier chakra - même si je reste perplexe sur cette énergie qui, partie du "trou de balle", devait atteindre le cœur...
J’ai finalement tout quitté pour l’inconnu, jetant les peintures obsédées de cette période - vulves, matrices et sodomies - qui tentaient vainement de percer le mystère de la vie par le bas.

Le premier mensonge

Mon premier mensonge ? Une maladie inventée pour éviter l’école. J’avais si bien joué mon rôle que j’en ressentais les symptômes.
Ce premier mensonge en appela d’autres, puis vint le vol - d’abord dans le portefeuille de ma mère, puis dans la caisse de mon grand-père sur les marchés parisiens. Le géant Totor feignait de vouloir me couper les oreilles avec son Opinel, tout le monde riait, même le perroquet du bistrot qui criait "menteur !".
Personne ne me punissait vraiment. Je pris les adultes pour des idiots, et me crus malin. Des années de larcins médiocres s’ensuivirent.
Bien plus tard, visitant ma grand-mère en maison de retraite, elle ne me reconnut pas. "Mais vous êtes qui, jeune homme ?" Cette fois, je me tus. C’était à mon tour de faire semblant.
Je crois que j’ai trouvé l’art par lassitude du mensonge. Ayant détecté en moi cette habileté à travestir les faits, j’ai naïvement cru pouvoir donner le change dans une œuvre.
Le vrai défi restait : trouver ce qui ne se montre pas, l’ellipse magistrale, le non-dit au-delà de l’évidence.