Dans Le Chemin des Nuages Blancs du lama Anagarika Govinda – un Allemand converti au bouddhisme tibétain ayant vécu trente ans en Inde du Nord –, un passage décrit un vieux moine entretenant le temple où il a trouvé refuge.
C’est un homme très âgé, qui reçoit une petite pension de la confrérie des moines. L’auteur comprend qu’il reverse presque tout cet argent pour l’entretien du temple. Pour vivre, le vieil homme ne conserve qu’une natte et un bol.
Govinda esquisse ensuite son portrait par petites touches : sa générosité, lorsqu’il propose un breuvage mêlant thé et beurre clarifié – dégoûtant, mais coûteux pour celui qui ne roule pas sur l’or. Puis il évoque son occupation : le moine ne reste jamais inactif. On le voit enfiler des chaussons, briquer chaque dalle du temple, nettoyer les bols à offrandes, changer les chandelles… Un emploi du temps chargé, accompli simplement, comme une prière continuelle.
L’auteur aborde aussi la puissance des mantras que le vieux moine lui enseigne : ces prières parlées, ces sons, s’adressent à la part la plus profonde des êtres, et non à leur mental ou leurs sentiments.
Cela m’a donné matière à réflexion durant mes nuits d’insomnie, que j’occupe à classer mes toiles, balayer mon atelier, et surtout à mettre de l’ordre dans mes pensées en écrivant.
Évidemment, c’est d’une limpidité et d’une simplicité inouïes. Si l’on considérait que tout ce que l’on touche, regarde, mange ou boit était une manifestation du divin ou de l’univers, si l’on accordait notre esprit et notre cœur à cette évidence magistrale – alors la vie deviendrait si simple, si limpide, que je crains de ne pas encore pouvoir soutenir une telle simplicité.
Mais attendons un peu. Après tout, je ne suis pas encore si vieux que je n’aie d’autre choix que de l’accepter tout à fait.