août 2025
Carnets | août 2025
08 août 2025
On n’est pas conscient de ce que l’on écrit en toute bonne foi, puis on relit et quelque chose cloche. Apprendre à mentir vrai, pour reprendre l’expression de Dawn Cornelio à propos de Chloé Delaume, exige une sorte de saut quantique. Ce saut me rappelle, dans l’exercice du dessin, le moment où l’on ose enfin créer un contraste fort. C’est difficile, parce que justement ça paraît fort. On se dit : c’est trop, ça ne passera pas. Et pourtant, ça passe. On retrouve ce même principe dans les mimiques utilisées par les acteurs dans les spots publicitaires. Tout est exagéré, et ça passe. Comme dans le jeu des corps du cinéma muet, souvent exacerbé, et ça passe encore. Cela ne signifie pas qu’il suffise de pousser un curseur pour écrire vrai. En tout cas, pas sur le papier seulement. Il faut qu’une opération — proche d’une alchimie — se produise en amont, principalement à la relecture de ce que l’on a déjà écrit en toute bonne foi. Il me semble que le mot que je cherche est contexte. La notion de romanesque, comme celle de mentir vrai, ne peut s’en passer. Sans contexte, le mentir vrai reste un artifice, un truc d’atelier. Avec le contexte, il devient un élément organique d’un univers narratif — il s’imbrique dans une temporalité, un décor, une voix. Le lecteur ne croit pas un détail “fort” parce qu’il est réaliste, mais parce qu’il est placé dans un tissu cohérent — une ambiance, un rythme, une succession de gestes ou de sensations qui le rendent inévitable. Comme dans l’exemple du dessin : un noir intense ne choque pas si le reste de la composition lui prépare une place. C’est pareil en écriture : un geste outré, une phrase invraisemblable “passe” parce que le contexte l’a rendue non seulement plausible, mais attendue. Le mentir vrai n’est pas tricher sur les faits, c’est réarranger la perception. Le contexte agit ici comme un alambic : il distille les fragments bruts (souvenirs, observations, émotions) en quelque chose de transformé mais reconnaissable, et donc crédible. En somme, le contexte n’est pas un décor de fond : c’est le mécanisme invisible qui autorise toutes les audaces du mentir vrai. Sans lui, l’exagération paraît forcée ; avec lui, elle devient nécessaire. C’est dans le contexte que se rejoignent les soucis de traduction et d’autofiction. La traduction, parce qu’elle ne peut pas être un simple transfert mot à mot : elle doit recréer l’écosystème qui permet au sens, au ton et au rythme de survivre. On ne traduit pas seulement un texte, on traduit un contexte — culturel, émotionnel, narratif. L’autofiction, parce qu’elle ne se contente pas de “raconter sa vie” : elle fabrique un cadre narratif où le vécu et l’inventé cohabitent sans que l’un ne contredise l’autre. Dans les deux cas, le mentir vrai ne peut fonctionner que si le contexte est reconstruit ou inventé avec la même précision que les faits eux-mêmes. Sans contexte, la traduction devient trahison mécanique, et l’autofiction une confession fade. Avec contexte, les deux deviennent des réinventions crédibles. Depuis quelque temps, j’ai repris les mots-clés du site et relu les articles associés. Je les avais créés de manière intuitive, comme si j’avais besoin d’un point de repère pour associer plusieurs textes, pour m’orienter. C’était déjà un seuil narratif, même si je ne parvenais pas encore à l’exprimer. C’était surtout une organisation personnelle, une étiquette technique. Maintenant, avec les descriptifs que j’ai ajoutés, chaque mot-clé devient une entrée en matière, un petit contexte introductif qui prépare le lecteur à tout ce qui va suivre. En termes d’écriture, cela produit plusieurs effets : je me donne (et je donne au lecteur) un point d’appui, un cadre mental. Chaque mot-clé gagne une existence autonome. Ce n’est plus un tag abstrait, mais un élément d’un réseau narratif. Comme en autofiction, l’idée est de poser un décor qui autorise les libertés à venir. Même si les textes liés mélangent réel et invention, la description d’ouverture crée un espace où tout devient crédible. Il y a donc un basculement sur le site : le mot-clé devient une manière de raconter. On peut dire qu’il y a passage d’un index brut à un index romanesque — et que c’est dans ce passage que le mentir vrai trouve tout son sens.|couper{180}
Carnets | août 2025
07 août 2025
« Le pli n’est pas une chose compliquée, c’est une complication. » — G. Deleuze Tout mouvement rencontre des complications. Ce serait une erreur de les nommer obstacles. Elles sont plutôt des vecteurs de forme. Je pense à l’eau, au fleuve, à la rivière, au ruisseau. Je pense aussi aux fourmis : quand elles rencontrent un cours d’eau, elles sacrifient parfois une partie de leur population pour former un pont vivant. Le mouvement se prolonge, coûte que coûte. Souvent, je nomme complications ce qui ne sont que des modifications : un contretemps, une habitude à déplacer, un automatisme à décaler. Ces complications-là me sortent des clous, m'obligent à entrer dans un inconnu que je ne suis pas toujours prêt à explorer. « Toutes les misères des hommes viennent de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. » — B. Pascal Pascal disait que nous fuyons la simplicité d’être. Et Wittgenstein ajoutait : « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire. » Pour lui, la complication ne vient pas des choses, mais du langage : c’est la confusion qui engendre le nœud, pas la réalité elle-même. Dans L’Homme sans qualités, Robert Musil dessine un être empêtré dans les détails, les systèmes, les valeurs multiples — comme si une vie trop pensée devenait une vie entravée. Sartre, avec Roquentin, montre comment l’obsession du sens encombre le réel. Camus, au contraire, oppose à l’absurde du monde une lucidité nue, dépouillée de complication. Mais qu’est-ce que la complication face à soi-même ? Proust nous en offre une forme : ses longues phrases, où le souvenir, l’émotion, l’amour deviennent des objets essentiellement compliqués. A l’inverse, David Foster Wallace dénonce la simplification médiatique et la paresse intellectuelle, en proposant une littérature volontairement difficile. Comme chez Lovecraft, l’hermétisme devient une esthétique. Derrida le résume : la pensée n’est jamais linéaire, jamais transparente. Toute simplification est une violence faite à l’ambiguïté. Chez lui, la complication devient une forme de justesse. Il y a un malentendu autour de ce mot. Je le porte encore en moi, douloureusement, à l’approche de ce qu’on peut honnêtement nommer la fin de ma vie. Je ne cherche pas à le résoudre — simplement à en prendre la mesure. Car il est désormais clair que le parcours d’une vie et celui d’une époque sont étroitement liés. Après nous être jetés à corps perdu dans la complication au XXe siècle, le XXIe cherche à la nier farouchement — quitte à infantiliser les populations. Cela me rappelle une méditation sur l’invisible. J’en étais venu à croire que plus nous refusons une chose, plus elle revient — avec force, par des voies inattendues.|couper{180}
Carnets | août 2025
06 août 2025
Le mot mosaïque continue d'insister. Je voulais faire une rubrique constituée de brèves mais pas satisfait du résultat j'ai laissé en plan le projet. Mais ça continue d'insister... mosaïque. Je me suis demandé en premier lieu comment je pourrais créer une mosaïque d'images car je suis aussi en train de modifier mon site de peintures. J'ai vu ce genre de mosaïques quelque part peut-être sur le site de Philippe De Jonckheere mais très vite je suis revenu au texte. J'ai donc utilisé un script js de Voronoï pour voir si dans une page groupe je ne pouvais pas proposer autre chose qu'une liste, des cartes, c'est à dire quelque chose de moins "conventionnel", quelque chose de plus "visuel". En fait trouver une sorte de d'alliance texte/image. ce qui donne au bout du compte une image mosaïque interactive. En même temps que mosaïque le mot magasine. Magasiner. Bien que je ne sache pas vraiment ce qu'il signifie dans son contexte d'origine. On peut donc faire cet exercice avec un mot : voir le mot comme un objet étranger, un inconnu mais réel, noir sur blanc puis émettre des hypothèses, esquisser une définition personnelle de ce mot. Magasiner dans cette esquisse s'associe ( naturellement ? ) à magazine. Il peut y avoir une relation entre faire des courses et un magasin, mais comment en arrive t'on ensuite au magazine c'est un mysère. En tous cas l'idée du magazine se superpose à celle du livre. Dans Turnjs j'ai découvert une démo sur quoi je pouvais m'appuyer pour créer une sorte de magazine mensuel. Ce n'est qu'un prototype pour l'instant que j'ai installé dans une rubrique mois. L'idée serait "de faire les courses" parmi tous les textes écrits durant un mois dans mon stock, de les placer dans un contenant, magazine. Actuellement tout ce que je suis parvenu à faire c'est à mettre tout le stock dans le contenant, ce qui n'est qu'une étape. Ensuite je suppose que par une selection de mots clés un peu plus fine je parviendrais à résoudre deux problèmes : celui du magazine comme celui du livre feuilletable. notes supplémentaires: en peinture toujours apprécié de juxtaposer des éléments hétérogènes qui vus de près restent autonomes mais de loin forment un ensemble ( un tout ?) Dans mes textes, il y a souvent un travail de collecte, de traces, de souvenirs, de bribes réassemblées. La mosaïque, c’est la métaphore parfaite pour ça : on prend des morceaux dispersés, on les agence,et c’est précisément leur juxtaposition qui crée du sens. Elle est à la fois archéologique (on recompose une image à partir de tessons) et contemporaine (on assume que les fissures font partie de l’œuvre). sur ce site tu explores beaucoup l’idée de navigation par blocs : cartes d’articles, regroupements thématiques, visualisations (comme ce Voronoï). La mosaïque te permet de voir l’ensemble tout en respectant chaque unité. C’est une structure qui n’écrase pas le détail au profit du tout. Et comme dans une carte, tu peux te promener d’une pièce à l’autre. {{Klee }} a peint plusieurs œuvres où de petites unités colorées, juxtaposées, composent un ensemble vibrant. Ce n’est pas de la mosaïque au sens technique, mais chaque “tesselle” picturale garde sa vie propre. Chez lui, la mosaïque devient un rythme visuel, une partition de temps et de mémoire. Ça résonne fort avec ta pratique, où chaque fragment de texte ou d’image garde son autonomie. Italo Calvino — {Si par une nuit d’hiver un voyageur} En littérature, ce roman est une mosaïque narrative : chaque chapitre ouvre une histoire différente, jamais terminée, mais toutes reliées par un fil invisible. La structure fragmentaire est assumée, chaque pièce est un monde, et pourtant l’ensemble compose une forme complète dans l’esprit du lecteur. C’est une mosaïque de récits plus qu’un récit continu. Le Trendakis de Gaudi. Gaudí a utilisé des morceaux de céramique brisés (trencadís) pour tapisser des formes architecturales. Chaque éclat a une origine, une histoire, mais il est intégré à une vision globale. Il y a là cette idée de recycler, de transformer des fragments disparates en un tout organique. Et comme dans mes textes, les fissures et les irrégularités font partie du processus.|couper{180}
Carnets | août 2025
Emblème
1965, La Varenne-Chennevières Au-dessus du cosi, une plaque de bois sombre, veinée comme une vieille peau. Une tête de mort et deux poignards croisés, les lames fines se rejoignent dans un vide central. La poussière s’est incrustée dans les lettres cyrilliques, le vernis a craquelé par endroits. L’attache triangulaire pend légèrement, comme si elle avait perdu sa tension, et le clou nu, sans tête, traverse un éclat d’enduit. Peut-être un trophée arraché dans une ville en flammes. Peut-être acheté dans une échoppe portuaire, offert par un homme déjà mourant. Peut-être qu’il n’a jamais rien eu à voir avec Kornilov. Peut-être qu’il sert seulement à habiller un silence. Aujourd’hui, le crépi beige absorbe la lumière. Il n’y a plus de cosi, plus de plaque, plus d’attache. Je tente de placer mentalement l’objet au-dessus d’une fenêtre, mais il flotte dans l’air. Dans la vitrine du café, mon carnet reflète le passage d’un bus rouge qui déforme les lignes. Je note : rien ne colle. mars 1975, Limeil-Brévannes L’adolescent saute du premier étage, les pieds s’enfoncent dans la terre meuble. L’odeur d’humus froid remonte avec l’impact. La lune éclate derrière les nuages puis disparaît. Un frisson lui parcourt les bras. Peut-être que le corps sait avant l’esprit. Peut-être qu’il porte du sang slave. Peut-être pas russe : estonien, finlandais, danois. Peut-être un sang sans patrie, sans drapeau. Peut-être que cette vérité restera endormie longtemps. Le jardin est aujourd’hui grillagé. La fenêtre a été remplacée par un vitrage coulissant. Je ne saute pas. Je sirote un café tiède. Le ciel est vide. Pas de lune pour bondir. Vacances d’hiver 1966, La Varenne-Chennevières Sur la table, l’Assimil russe est ouvert à une page bleu pâle. Un homme robuste tient un enfant de six ans sur ses genoux. « Répète après moi : ia lioubliou, caco ia nié lioubliou tchaï. » L’haleine d’ail et d’oignon est chaude, insistante. Derrière un mur mince, une voix de femme : « Pourquoi lui apprendre le russe ? » — « Parce que je n’ai plus rien que mes souvenirs. » Peut-être qu’il ne parlait pas vraiment la langue. Peut-être que ces phrases n’avaient jamais été prononcées ailleurs que dans ce manuel. Peut-être que l’enfant a gardé plus l’odeur que les mots. Peut-être que ce n’était pas une langue qu’il voulait transmettre, mais la persistance d’une voix. L’appartement, aujourd’hui, est repeint d’un blanc sans nuance. Les volets sont en PVC, les jointures neuves. Il n’y a plus de table, plus de livre, plus de voix derrière la cloison. Au café, un reflet dans mon écran : mon visage sans haleine d’ail. Fort de Vincennes, 1982 Un éclat de lumière glisse sur le métal des poignards. Badge, écusson, uniforme. Deux silhouettes se tiennent dans l’air sec. Un nom est prononcé : Kornilov. Peut-être qu’il aurait dû répondre non. Peut-être que ce sang-là ne vient pas des batailles. Peut-être un sang de marche lente, d’exil discret. Peut-être que le rêve de Norvège n’était qu’une sortie de secours. Les murs du fort sont toujours là, pierres froides, épaisses. Aucun lieutenant, aucun plan de fuite. Le périphérique gronde au loin. Dans mon carnet, je dessine des têtes de mort minuscules, serrées comme des insectes.|couper{180}
Carnets | août 2025
Au bout du raisonnement
Grande musique, chansonnette à cinq sous. Quelle est la différence, vraiment ? Sur quoi s’appuie-t-on encore ? Même chose pour le roman de gare et le prix Nobel de littérature. Qui distingue, qui décide, qui juge, et selon quels critères ? Il arrive un moment où plus rien ne se distingue. J’ai connu cela en animant des ateliers de dessin avec des enfants. Au bout d’un certain temps, je ne savais plus dire si un dessin était bon ou mauvais. J’étais parvenu à un plateau, une ligne d’équilibre où tous les anciens critères s’étaient effondrés. Ce qui comptait, c’était qu’un geste ait eu lieu, que quelque chose surgisse, peu importe quoi. Ce qui comptait, c’était de ne pas oublier que je ne savais plus juger, et que je ne le voulais plus. Mais les parents, eux, attendaient autre chose. Ils attendaient la gloire, la reconnaissance, les preuves visibles du talent. Et je me suis souvent demandé si je n’avais pas simplement glissé. Si, au lieu d’avoir atteint un état de clarté ou de paix, j’avais doucement dévalé une pente sans m’en rendre compte. Peut-être que cette équanimité n’était pas un sommet mais un effet secondaire de la fatigue, de l’âge, de cette forme d’indifférence qu’on développe face à l’agitation fébrile des vanités narcissiques. Avec les adultes, ce fut la même chose. J’appris à quoi servaient la flatterie, le compliment, l’encouragement — non pas pour mentir, mais pour aider à tenir. Car les adultes aussi perdent confiance. La technique devient alors un prétexte, une béquille pour retrouver un peu de cette confiance égarée. Et un jour, Schwab m’a demandé : Et l’envie dans tout cela ? Le mot me parut d’une formidable ambiguïté. De quelle envie parlait-il ? L’envie de transmettre, de partager, de continuer à enseigner ? Ou bien cette autre envie, plus trouble — celle d’intégrer une sphère, une chapelle, d’être reconnu, accepté, adoubé ? Ce que j’avais longtemps nommé envie n’était-il pas en réalité un désir de reconnaissance maquillé ? Une ruse ? Une tentative de me faire une place, moi aussi, dans le grand théâtre de la légitimité ? Je ne pouvais plus le nier : la célébrité me dégoûtait. Elle aussi s’était vidée de tout ce que j’y avais projeté. Elle me semblait aujourd’hui creuse, automatique, produite à la chaîne, comme un mauvais geste appris par cœur. Elle subissait le même effet que tout le reste : celui d’une médiocrité devenue norme. La célébrité n’était plus guère attribuée qu’à des médiocres ayant fait preuve d’une médiocrité exceptionnelle. L’institution ne récompensait plus le génie ni l’invention, mais la conformité brillante, la soumission habile, la répétition bien emballée. L’échelle de valeurs qui avait, jadis, permis au monde de progresser — ou du moins de croire qu’il progressait — s’était inversée. Le sommet et le bas s’étaient confondus. Ce n’était pas une décadence visible, spectaculaire. C’était un renversement silencieux, une torsion interne. Un monde debout qui s’était mis à ramper, tout en gardant l’apparence de la verticalité. Et je ne pouvais m’empêcher de voir le même mécanisme à l’œuvre ailleurs. Le fait que je me sois rendu compte du mensonge qu’est devenue, pour beaucoup, la démocratie. Le fait que la France est peut-être le pays où l’on voit défiler les dirigeants les plus corrompus sans que cela n’émeuve plus personne. Le fait que l’abêtissement collectif semble désormais poursuivi avec constance, méthode, détermination. Le fait que tout ce que j’ai connu jadis n’était sans doute pas plus noble, mais qu’on n’avait pas encore le recul nécessaire pour le comprendre. Le fait que les lois, les gouvernements, les institutions n’ont jamais eu pour but de rendre les peuples plus libres ou plus heureux, mais simplement plus dociles. Le fait que je sois parti vivre à l’étranger, puis revenu, et que j’aie vu une monnaie multipliée par six virgule soixante sans que personne ne bronche. Le fait que j’entre dans une boulangerie et voie que le pain suit, lui aussi, ce même trajet, dans une hypnose générale où nul ne se révolte. Et pourtant, malgré tout cela, il reste quelque chose. Ce n’est pas une envie flamboyante, une volonté d’agir ou de changer le monde, non. C’est à peine une vibration. Un reste de mouvement. Une oscillation ténue. L’envie, peut-être, de ne pas m’éteindre tout à fait. De continuer, en silence, à tenir bon dans ce retrait, à faire apparaître, de temps en temps, un mot juste, une phrase claire, une lumière sur un mur. Ce quelque chose qui reste, vous l’appelleriez comment ? m’interrompit Schwab. Est-ce qu’on peut parler de compassion, d’une forme de spiritualité, d’amour ? Quelque chose qui se situe derrière “il n’y a rien, cela ressemble au néant, mais malgré cela” ? Je ne sais pas, ai-je murmuré. Je crois que les mots que vous proposez sont trop vastes pour moi. Trop chargés. Trop exposés. Ce n’est pas de l’amour. Ce n’est pas de la foi. C’est plus pauvre, plus petit. Une forme de fidélité, peut-être. Une fidélité sans objet. Une fidélité à rien. Ou à tout. Une obstination muette. Pas même une espérance, non. Une manière de rester là, à l’endroit même où le langage s’effondre. Une manière de ne pas fuir. C’est tout. Schwab regarda sa montre et je vis qu’il m’avait déjà accordé plus de temps qu’il ne l’avait prévu. Bien que son visage n’en exprimât pas un traître trait. Il referma son carnet, remit son stylo dans la poche intérieure de sa veste, récupéra son chapeau qu’il avait posé sur la chaise de paille de la cuisine. Puis il se leva. Nous reprendrons la conversation, me dit-il, car je pense que vous n’avez pas encore été tout au bout de votre raisonnement. Vous ne l’avez pas totalement épuisé. À cet instant ses lèvres dessinèrent un maigre sourire et son regard voulait dire : non, je ne me moque pas du tout. Continue.|couper{180}
Carnets | août 2025
4 août 2025
Ce n’est pas la nuit du 4 août mais celle du 3. Et rien ne sera aboli. Aucun privilège, aucun désordre. Encore une nuit quasi blanche, à charogner dans ma base de données, à faire, défaire, taper du pied, me raisonner, rire de moi-même, rêver de tout laisser tomber. Puis cet instant d’effroi — plus rien ne me retient. Une chute sans fin, comme dans les rêves d’enfant, suivie d’un effroi plus ancien encore, plus souterrain. Je crois qu’on doit se risquer. Sinon, à quoi bon ? C’est ma conclusion à l’aube. Rien ne fonctionne encore mais j’ai retrouvé le calme. Il n’y a que par là que ça passera. Calme et discipline. Même si ce mot pue l’amertume et la soumission, je n’en ai pas d’autre. On nous veut disciplinés pour servir un but qu’on refuse. Alors on s’arme d’une autre discipline, intérieure, contraire. Ce n’est pas un rapport de force. Je n’ai pas la force. Seulement l’instinct, la main qui s’accroche à la moindre aspérité de la paroi. Et malgré tout, brutalement, je tiens à la vie. Lu la lettre hebdo de François Bon. Oui François, tu as raison, ne lâche rien. Les strates souterraines et obscures sont importantes : c’est là, sans doute, que réside encore un peu de lumière, à rebours. Et oui, aussi, pour Karl Dubost — trois fois oui. « Là où la vie emmure, l’intelligence perce une issue », dit Proust. Mais la nuit, il n’y a pas d’intelligence. Il n’y a que la vie, dans son magma de contradictions, de douleurs, sans issue. Le cerceau de papier était plaque de béton (même si c’est une citation — Se perdre, Annie Ernaux , oui aussi Annie Ernaux). Et oui, aussi, Adrien. Ce ne sont que quelques exemples. On pourrait en citer mille. Tout n’est pas si noir dans les strates souterraines du net. Bonne surprise aussi : Jean-Pierre Balpe, par la bande. Je pensais à dans vingt ans. Tous les universitaires citeront Tiers Livre. Tous les soi-disant dissidents d’aujourd’hui. Comme il se doit. La culture avance par les bords, les fuites, les fissures. Puis elle devient La Culture, et c’est là que d’autres mouvements frémissent ailleurs. Et ça recommence. Et ça continue. Nous ne sommes pas allés marcher aujourd’hui. S. s’était levée aux aurores pour aller vendre ses fripes à Beausemblant. Elle est revenue dépitée. Puis de dépit elle a glissé vers une sorte de léthargie. Puis de la léthargie à une petite déprime. J’avais préparé le repas. Le couvert était mis dans l’attente. Mais elle n’a touché à presque rien. Ce qui fait que moi non plus. Et quand j’ai dit “on va se promener”, elle a dit non, et je n’ai pas insisté. Pas de “ça va te faire du bien”. Non. Rien de tout ça. Les événements vont et viennent comme des loups, par meute. Ils tournent en grondant. Et dans ces cas-là je copie l’arbre mort. Je ne montre rien de comestible. J'ai pris du retard dans les traductions anglaises. J'ai pris du retard quelle drôle de phrase.|couper{180}
Carnets | août 2025
03 août 2025
Qu’allons-nous essayer aujourd’hui. Une écriture frénétique ? Un cri ? Un peu tôt pour la date anniversaire du 18 août 1969, lorsque Jimmy le timide lança, à 9 h du matin, The Star-Spangled Banner à Woodstock. Nous ne sommes que le 3, et mes compétences en cordes ont largement baissé — tant sur le plan vocal qu’instrumental. Non. Pas un cri. Pas ça. Pas encore. Mais l’envie de crier est là. Pas de doute. Sauf que j’ai pratiqué le tantrisme. Il doit m’en rester quelques vagues souvenirs. Comme de ne pas rester dans les bas instincts, ceux liés à la bite ou au trou du cul. Attendre plutôt que ça monte — vers le cœur (pourvu qu’il tienne), et le cerveau, si j’en ai encore un qui m’appartienne. Je pourrais faire une liste de tout ce qui ne va pas dans le monde. Ce serait interminable. Je pourrais faire une liste de tout ce qui ne va pas chez moi. Mais ce ne serait pas très intéressant à lire. Je ne crois pas être si différent des autres. Je pourrais écrire une fiction, faire entrer tout ça dans une métaphore. Mais ce serait encore une redite. Alors voilà un point important : je m’assois à ma table, poussé par une sorte d’injonction, et je m’interroge sur ce que je vais bien pouvoir écrire. C’est déjà un sujet. Car, au fond, qu’est-ce qui me fait répondre toujours aussi docilement à cette injonction ? Pourquoi tant de docilité, alors que j’essaie d’entretenir ce vieux fond de rébellion permanente ? Peut-être que quelque chose bout. Une cocotte-minute siffle et je retarde le moment d’aller éteindre le gaz. J’attends que le contenu refroidisse mais ce ne serait pas logique. Ou peut-être qu’au fond, j’espère que ça pète. Des bouts de cocotte plantés dans les cloisons, des poireaux pendus au plafond, des feuilles de chou collées sur les vitres. Une fin du monde culinaire. Non. J’ai descendu les marches en réfléchissant, j’ai regardé l’heure, et j’ai éteint le gaz sous la poêle où chauffaient les haricots verts. Il y a quelque chose d’apaisant dans l’air depuis quelques jours. Je ne réchigne à rien. Toutes les demandes sont satisfaites dans l’instant. Ce qui est, en soi, une chose à marquer d’une pierre blanche. En général, je louvoie, je tempère, je reporte, j’oublie. Mais là, non. Il y a quelque chose d’apaisé en moi, que je projette peut-être sur l’air ambiant. Ou l’inverse. Comme si tout ce que je faisais d’habitude — mes stratégies, mes mécanismes — avait soudain perdu son sens. Comme si les manies étaient tombées d’un coup, sans prévenir, me laissant à poil au milieu de la cuisine, et serviable par-dessus le marché. S. n’en revient pas. Elle me le dit trois fois par jour : « Je ne te reconnais pas. » C’est troublant. Moi-même, je ne me reconnais plus vraiment. J’ai l’impression de voir quelqu’un partir — quelqu’un qui est encore un peu moi, mais ne l’est déjà plus tout à fait. Presque un inconnu. Et rien n’est grave. Aucun attachement ne me pousse à le retenir. Je n’ai même pas la curiosité de savoir qui je suis sans lui. C’est bizarre. C’est un sujet d’écriture. Rien n’est grave, et en même temps tout l’est. C’est égal. C’est surprenant. Les choses me regardent en même temps qu’elles ne me regardent pas. Ce qui trouble mon vieux fond de rébellion, car il n’a plus rien à se mettre sous la dent — que lui-même, sans doute. Hier soir, nous avons emprunté un nouveau chemin le long du Rhône, juste après le restaurant du Port (que je déconseille). Les arbres me connaissaient — nous connaissaient. C’est cette pensée qui s’est mise à tourner dans ma tête, et probablement dans le cœur. Une pensée peut-elle, à elle seule, produire un tel moment de grâce ? Je l’ignore. Et puis, pourquoi chercher à tout décortiquer. Je me fais à nouveau cette réflexion — moi qui passe mon temps à tout démonter pour en voir les mécanismes internes, et qui, ensuite, peine à les remonter en bon état. Il y avait un banc, et naturellement, au retour de la promenade, nous nous sommes assis. Nous ne parlions pas. Nous étions là, à contempler ce plan d’eau plus ou moins artificiel. S. a juste dit : « Il y a du courant. » Et j’ai pensé que oui, le temps avait passé comme un songe. Et maintenant, nous sommes là, sans doute totalement des inconnus. Nous sommes assis sur ce banc, et nous allons revenir à la maison. Il sera 19h30, ou à peu de chose près. J’irai donner à manger à la chatte, S. ira prendre sa douche. Est-ce que nous saurons un jour qui est vraiment l’un, qui est vraiment l’autre ? Aucune certitude. Et c’est justement ce manque de certitude, tout à coup, qui me semble être l’unique responsable de ce sentiment bizarre d’apaisement. Cette légèreté de l’air.|couper{180}
Carnets | août 2025
outils et surmoi
Pauvreté et peur du ridicule. Ce qui renforce la sensation de pauvreté, c’est cette peur du ridicule. C’est l’intégration du mépris de classe prodigué durant des décennies, des siècles. Une espèce de surmoi. Freud envoie valdinguer Jung exactement à cause de cela. « Tu ne veux pas accepter ma trouvaille », lui dit-il en brandissant la Torah. Jung le considère. C’est-à-dire lui, le chandelier à sept branches, les trente-six chandelles. Et il lui répond : non. Tout simplement non. Sans trop en faire, sans théâtre. Puis il sort de la pièce sombre qui pue le tabac froid. Un dernier regard vers le cendrier de cristal sur lequel est posé un vieux cigare tordu que rallumera Lacan. Bon, là-dessus, Jung passe aux archétypes, aux symboles. Pourquoi pas. C’est-à-dire que c’est bêtement un changement d’outils, comme un changement de point de vue. Rien d’autre. Ce que je veux dire, c’est qu’il faut, avant d’écrire, s’intéresser aux outils d’écriture dont tu disposes, me dit T.C. Il est assez véhément sur le sujet. Presque en colère. Il ne comprend pas qu’on ne s’intéresse pas à l’essentiel. Je crois que c’est ce qu’il veut dire. Je me sens honteux, parce que j’ai l’impression qu’il me parle. Il me parle d’une façon indirecte, ce qui fait son petit effet immanquablement. Je le prends pile dans le foie, le coup. Puis la douleur monte peu à peu au cerveau. L’outil devient une espèce de surmoi. Je vois des pinces Monseigneur me regarder de haut, et des pieds-de-biche trépigner. Je me sens minuscule.|couper{180}
Carnets | août 2025
02 août 2025
La prison était parfaite, on n’en voyait pas les murs. Cependant, le mot prison revenait : quelqu’un ou quelque chose étouffait à l’intérieur de murs invisibles. Ce manque d’air, cette oppression, cet accablement n’étaient-ils pas les meilleurs indices d’un enfermement que l’on découvrait peu à peu ? En apparence, tout semblait en ordre. Les rideaux de fer s’ouvraient à l’aube et se refermaient le soir. La pluie, qui tombait drue, donnait une véritable sensation d’être mouillée. Le soleil, en revanche, dispensait une lumière plus froide. Bien qu’on parvienne à l’étouffement lors des nombreuses canicules qui se succédaient, la chaleur contenait quelque chose d’impitoyablement glacé. Trouve ta prison. Plisse les yeux. Patience. F. dit que j’expérimente. Il parle de technique. On se rejoint sur la technique. Sur les outils. Ensuite, ce que chacun écrit avec ces outils a-t-il de l’importance ? Je veux parler du contenu. F. a sans doute viré l’idée de contenu depuis longtemps. De mon côté, impression d’être sur une paroi rocheuse. Je grimpe à mains nues. Je sais qu’en haut il n’y aura plus vraiment d’intérêt pour le contenu. J’aurai certainement une vision d’ensemble. Je verrai, en un seul regard, tous les outils se déployer comme des chaînes de montagnes, avec leurs vallées intermédiaires, leurs plaines, leurs fleuves. Ce que j'écris contient encore trop de contenu. La prison est probablement l'idée de contenu. Ce qui est contenu ne doit plus l'être. Il faut que je demande à S de me donner une claque dans le dos pour changer mon point d'assemblage avec l'idée de contenu. Hors contenu qui a t-il. N'est-il pas erroné de se poser la question alors qu'on est enfermé dans la prison du contenu. Hors contenu y a t'il des questions. La question existe-t-elle en dehors de tout contenu. J'ai écrit hors lieu. Je sentais qu'il fallait un espace différent. J'avais cette intuition qu'il y avait une possibilité d'extérieur. Cependant encore une fois le divertissement l'aveuglait sur l'essentiel. Je cherchais vaguement un extérieur, ce qui me dispensait de songer à l'intérieur. Est-ce que Sei Shônagon n’aurait pas un rapport avec ce que j’écris ce jour ? Est-ce que Notes de chevet serait le lien ? Est-ce que l’on peut encore croire au hasard — que la proposition 11 = 2, comme dialogue, évoque exactement ce genre de mouvement interne ? Est-ce que le temps existe vraiment, tant qu’on reste dans l’illusion du contenu ? Et si l’on sortait du contenu… sortirait-on du temps ? Tant que je me pose ces questions, je sais que je suis encore en prison. Lectures : Signal/Bruit de P.C, reçu par mail. Écho à un autre email de T.C concernant le cancer. Voir aussi D.C, et M., qui va se faire opérer le 6 d’une tumeur à l’amygdale. Pourquoi est-ce que je relève ces détails, que je les rumine parfois durant des jours. Pourquoi je ne m’intéresse pas à des choses plus “joyeuses” ? Trouvé un livre dans la boîte à livres de Molly Sabata : Hymne de Lydie Salvayre. Lu la première page. L’utilisation de “on dit que” m’a sauté aux yeux — c’est probablement la raison pour laquelle je l’ai emporté. écrire est l'outil même|couper{180}
Carnets | août 2025
seize
Codicille Pourquoi 162 ? Certains diront que c’est un hasard ancien, la longueur d’un rouleau, la patience d’un copiste ou l’inspiration d’une nuit. Mais moi je pense qu’il fallait bien finir quelque part. Et que finir, c’est toujours recommencer. 162, c’est 1 + 6 + 2 = 9. Et après 9 ? On recommence : 0. C’est une boucle. Un retour. Le moment exact où ce qu’on a nommé disparaît de nouveau. C’est pour cela que je n’en propose que 16. Parce que 1 + 6 = 7. Et que 7, c’est le nombre de mondes, de cieux, de nains, de notes, de jours. C’est le juste excès. Le seuil du visible. À quoi bon pousser au-delà si l’infini est déjà là, dans le nombre impair qui rassemble ? Chaque phrase ici est une poignée de sable — mais si on les jette ensemble, elles dessinent peut-être un passage. Un verso. Ou un silence. Verso Le souvenir est éreintant mais pas son parfum Si la jeunesse pense à mourir, c’est qu’elle n’a pas encore trop vécu La vieillesse peut être très triste si on n’a pas de petite joie pour compagnie On dit que Jimmy Hendrix était un garçon timide et on dit aussi que John est resté à contempler sa dent carriée un bon moment On dit que on dit qu’il ou elle Trouver le vivant dans le mort et son contraire Pourquoi s’arrêter à 162 sinon parce qu’après 9 tout repart à 0 Sans un plan qui tombe à l’eau, on ne sait rien de la dureté des sols L’inconscient sait d’avance ce que tu n’as pas encore imaginé Si j’avais le temps j’aimerais bien m’arrêter un peu pour le voir passer Que laisse-t-on derrière soi de précieux, se demande-t-il en plein été sur la route Si l’on sort du spectacle, on ne trouve que des vêtements au sol Pourquoi un extraterrestre voudrait s’intéresser à toi Il faudra être mort pour se déplacer plus vite que la lumière Si je n’existe plus, je ne suis plus seul Tout parle, mais peu écoute Recto Soie. Doux, odorant, s’échappe. Cruauté aussi. Mais une cruauté qui ne fait pas mal à autrui. Une déchirure de l’air. Est-ce cruel pour soi, pour l’air, difficile de le dire. Et d’ailleurs pourquoi faudrait-il le dire. Un bol intact, dans une lumière du matin. Un sourire qui n’a pas besoin de public. Le fait de ne pas répondre immédiatement, et de n’en éprouver aucune culpabilité. Une fenêtre entrouverte sur un champ qui n’appartient à personne, mais qu’on regarde comme s’il nous reconnaissait. Être à l’abri d’un désir qui ne nous concerne pas, entendre quelqu’un parler, et rien vouloir ajouter. Se tenir là, dans le retrait, et pourtant sentir que l’on pèse dans le réel. Un ballon rouge s’envole. Il y a un grand ciel et un point rouge. Il y a des toits en dessous, mais ce ne sont pas les mêmes toits au départ et à l’arrivée. C’est dans un film. C’est drôle parce que c’est paradoxal. Des images en noir et blanc sauf ce rouge. Cette espoir dans un ballon rouge qui flotte dans le ciel, pour rien. C’est un espoir sans but, c’est pour ça qu’il est beau, qu’il me plaît. Luxembourg. Le mot lumière ici c’est bassin. Au milieu du bassin le jet d’eau. L’eau en retombant sur l’eau crée un mouvement. Il est remarquable si l’on prend le temps de l’étudier que les déchets se regroupent par affinité. Ainsi les bâtonnets plats se rangent à côté des bâtonnets plats, les emballages de chupa chups font une ronde, les balles de ping-pong jouent à s’entrechoquer ensemble. Chaque jeu n’inclut que les membres appartenant au jeu et ignore tout des autres jeux.|couper{180}
Carnets | août 2025
01 août 2025
Août déjà, voici maintenant trois semaines que nous sommes en connexion partagée à la maison suite à une panne de fibre. Hier, nous sommes allés chez Orange pour essayer de changer d’opérateur. Mais Isère Fibre, la société qui s’occupe de l’installation des câbles optiques, interdit de nouvelles commercialisations à tous les opérateurs dans notre quartier. La raison est principalement une sous-évaluation, par la communauté de communes, des besoins de sa population. Lorsque nous avons été branchés, il y avait encore de la place ; maintenant, la demande dépasse l’offre. Ce qui fait que nous n’avons aucune visibilité sur un retour à la normale. J’ai essayé de contacter Isère Fibre, mais en vain. Ensuite, on peut se demander comment nous vivions avant d’être autant asservis à cette connexion, qu’elle soit dispensée par un câble ADSL ou par la fibre optique. Je crois que je m’en fichais pas mal avant. Ce qui me donne l’envie de revenir en arrière, de me dire bof, ce n’est tout de même pas un malheur, sois raisonnable. Le problème est que l’asservissement ne passe absolument pas par la raison, ça se saurait. Il y a des comportements compulsifs qu’on voudrait bien retenir. Comme d’aller se planter devant la box voir si, des fois… mais non, toujours bloquée à 4, en boucle. Est-ce que tu débrancherais ? Ce serait un acte plutôt sain. Ben non. Tu attends Godot, mon petit vieux. Depuis lors, j’ai décidé de ne plus m’énerver mais d’appeler régulièrement le service client de Free. Je chronomètre la durée de mes appels pour essayer de battre mon record précédent. Histoire de mobiliser l’interlocuteur le plus longtemps possible. Je demande si tout a bien été scrupuleusement enregistré. Oui ? Tant mieux. N’hésitez pas à le faire écouter, surtout, et même à Xavier Niel. Du coup, nous avons repris le rythme de nos promenades en bord de Rhône. Le pont de Serrières a été coupé après celui de Condrieu. L’effet que ça produit, c’est d’être sur une île. Une île d’où l’on pourrait partir quand bon nous semble par la RN7. Déconseillé en ce début d’août. Du coup, j’ai codé encore une partie de la matinée. Puis, en voulant vider un cache, j’ai commencé à avoir des messages bizarres, et ensuite, impossible d’enregistrer dans la base un simple logo d’article. Et puis, encore un peu plus tard, j’ai voulu écrire un article test et j’ai reçu un nouveau message comme quoi ce n’était pas possible. Bref. La base de données rend son tablier. Ce qui fait froid dans le dos puisque c’est un clone de la base distante. Du coup, il va falloir que je supprime toutes les tables, que j’installe un énième SPIP pour que celui-ci me recrée une base saine, et que je réimporte mes données dans les nouvelles tables en évitant les tables problématiques comme spip_plugins, spip_meta notamment, car je crois que c’est d’elles que viennent les difficultés. À voir aussi la table spip_documents, car j’ai relevé des anomalies d’auto-incrémentation d’identifiant. Bref, du pain sur la planche encore. C’est agaçant, car j’avais presque finalisé tous les templates de la nouvelle version du site. Il ne me restait que quelques aside à améliorer. En arrivant à la hauteur de Molly Sabata, à Sablons, nous avons entendu des chants, de la musique portée par l’eau, à cet endroit où le fleuve est très large juste avant le barrage. C’est une communauté chinoise qui vient régulièrement sur un terre-plein de l’autre côté du Rhône. Nous les croisons souvent en allant nous promener de l’autre côté, au bord des champs de vigne. Ces chants chinois apportaient quelque chose de très apaisant à l’atmosphère déjà très calme du paysage au crépuscule. Je m'imaginais la nostalgie de ces gens quant à leur pays. D'ailleurs je dis chinois mais je n'en sais rien. Peut-être sont ils vietnammiens. Chinois utilisé ainsi est péjoratif. S a discuté avec un vieil homme qui s’occupait de ses rosiers. Il lui a raconté que, dans les vignes, c’était la coutume de planter des rosiers près des ceps afin que les insectes aillent sur eux plutôt que sur les vignes. À vérifier.|couper{180}