octobre 2025

Carnets | octobre 2025

19 octobre 2025

assumer la rétractation Par curiosité, je suis allé voir l’étymologie de « suffoquer » : du latin suffocare, sub- (« sous ») et focare (« exposer à la chaleur », de focus). D’abord « étouffer par la fumée », puis « priver d’air », enfin « troubler, oppresser ». Cela m’a ramené à l’enfance, aux jeudis et dimanches trop longs où nous braquions le soleil dans une loupe pour voir l’herbe grésiller, noircir, s’embraser, pendant que l’ennui commençait, lui, à suffoquer. De cette petite combustion à une plus vaste, le mécanisme tient : une chaleur se concentre, l’air se raréfie, puis vient l’inflammation. Peut-être que l’empilement des taxes et des injustices, cette convergence obstinée sur les plus vulnérables, produira le même effet et fera lever une parole qui dise clairement non. Par « peuple », j’entends l’ensemble dispersé des vies ordinaires aux contraintes communes, non un bloc mythique. Reste à savoir si cet ensemble tient encore : je vois surtout des communautés, des chapelles qui s’oxygènent entre elles et s’étouffent entre elles, comme un budget sans recettes d’air. À ce point, on voit bien ce qu’il manque : non une manne providentielle, mais faire quelque chose qui change quelque chose. « Travailler » se glisse aussitôt, et ne dit rien ; produire — de l’usage, du commun — semblerait moins vain. Aussitôt écrits, ces mots m’appauvrissent encore. L’individualisme qui me gouverne — comme, je le crains, nous tous — m’inciterait à tout raturer, à feindre une douleur, un regret, un remords, pour tromper le même vieil ennemi. Et voilà : une parole qui s’avance en sachant qu’elle retiendra son souffle. Tenir l'appel Par curiosité, je suis allé voir l’étymologie de « suffoquer » : du latin suffocare, « étouffer par la fumée », puis « priver d’air », enfin « oppresser ». L’image m’a renvoyé à l’enfance : la loupe, l’herbe qui grésille, le point de chaleur qui concentre la lumière jusqu’à l’embrasement, et l’ennui qui, un instant, suffoque. Le mécanisme est simple : la chaleur se concentre, l’air se raréfie, vient l’inflammation. Aujourd’hui, l’accumulation des taxes et des injustices concentre à son tour : l’iniquité converge sur les plus vulnérables. Peut-être cela suffira-t-il à faire lever une parole qui dise non. Par « peuple », j’appelle l’ensemble dispersé des vies ordinaires, pas un bloc mythique. Tient-il encore ? Je vois surtout des chapelles, antagonistes, qui ferment l’air comme on ferme un budget sans recettes. Ce qui manque n’est pas la manne : c’est faire quelque chose qui ouvre l’oxygène commun. « Travailler » ne répond pas à la faille ; produire — de la valeur d’usage, des lieux, des liens — y répond mieux. Écrire ces mots m’expose à leur appauvrissement, je le sais, mais je ne les rature pas. Qu’ils fassent au moins ce qu’ils disent : rouvrir un peu d’air, assez pour un nous ténu qui ne s’étouffe pas.|couper{180}

Autofiction et Introspection dispositif Narration et Expérimentation

Carnets | octobre 2025

18 octobre 2025

Éprouver physiquement la vitesse du temps me terrifie autant qu’elle me soulage. Au bout du compte il faut accepter de crever, de quitter cette cuvette de deuil, d’être devenu quantité négligeable : une statistique dans la gueule noire des algorithmes qui nous forent la cervelle, le cœur, l’âme, et nous apprennent à nous dévaluer. Nous ne sommes plus tout à fait humains mais des laissés-pour-compte d’une minorité assoiffée d’argent, de pouvoir et de sexe. Ce qui m’accable, c’est de voir les plus proches ne rien percevoir de l’avachissement général ; ils n’en saisissent qu’un fragment, souvent par égoïsme. Persiste alors l’image fantôme des manuels : démocratie, République, récit lisse fabriqué par une élite d’argent ou de naissance. Le pillage commencé à la chute de l’Empire romain n’a jamais cessé ; il avance masqué, affublé de slogans ternes, mal rejoué sur la scène qu’on appelle encore l’État, l’Assemblée, le Sénat, le Gouvernement. Je me suis éloigné, j’ai creusé l’écart, puis je me suis terré. Non par héroïsme : par manque d’insouciance. Pour éviter les querelles et la douleur d’une vigilance que j’appelle, parfois, lucidité. Qu’y a-t-il de plus attristant que voir ce que d’autres ne voient pas et vivre parmi des somnambules ? Cela vous fait aussitôt douter de l’être vous-même. La nuit, les rêves insistent : je marche dans des ruines avec un groupe ; des impasses, des couloirs bouchés ; quelqu’un mène et c’est peut-être moi, un moi qui sait s’orienter. Nous traversons la cour vide d’un camp d’extermination ; ce moi onirique nous fait grimper sur un âne gigantesque qui refuse d’avancer, puis se décide, nous emporte vers un portail. La vitesse devient ahurissante, comme si nous allions passer de l’autre côté du monde. Tout s’arrête. Silence, obscurité. La moindre lueur, fût-elle d’une imbécillité affligeante, nous attire et nous ramène. Au réveil, il reste une phrase : tant pis, au moins aurons-nous essayé.|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | octobre 2025

17 octobre 2025

Je suis reparti en apnée. Ce que j'écris ne me semble pas partageable, voilà le problème. Partageable vers les réseaux, ces endroits où l'on partage justement tout, absolument tout, sauf peut-être l'essentiel. Pourtant je m'acharne à tenir le rythme, à publier tous les jours. Comme un gardon qui gigote au bout d'une ligne — l'hameçon s'enfonçant un peu plus dans la mâchoire à chaque tentative sans succès. Sans succès, c'est-à-dire quoi ? Je ne le sais pas. Trouver une belle phrase, un bon texte ? Non, je ne crois pas que ça puisse se résumer ainsi. C'est autre chose, de plus caché. Essayer d'en finir avec la honte peut-être. Boire la coupe jusqu'à la lie, comme on dit dans les livres, même si personne ne boit plus de coupes depuis belle lurette. On boit des canettes, des gobelets en carton, des bouteilles en plastique. Mais l'expression demeure, tenace comme un vieux meuble qu'on n'arrive pas à jeter. Hier j'ai pensé que j'en avais terminé avec ce long cycle d'autofiction. Qu'il ne faudrait plus rien ajouter. Relire, découper dans le vif, réécrire une version lisible par quelqu'un qui s'intéresserait à l'autofiction — c'est-à-dire trois personnes en France, dont deux sont des parents. Mais sitôt que je me suis mis à penser à la somme de travail que j'avais devant moi, j'ai écrit deux petites fictions. Comme pour m'enfuir encore. Je ne sais faire que ça, je crois. Hier après-midi nous nous rendions sur le parking pour apporter la Twingo au contrôle technique. Ma femme conduisait. Mon regard s'est posé sur des feuilles jaunes qui contrastaient très fort avec l'asphalte gris. Trois feuilles exactement, disposées en triangle isocèle. J'ai pensé que cette émotion que je ressentais soudain à leur vision semblait m'emporter vers un autre monde. Un monde où les feuilles mortes auraient de l'importance, où leur arrangement géométrique signifierait quelque chose. J'imagine qu'à un degré particulier de solitude, de désespérance, il est assez aisé de trouver des portails vers d'autres mondes. Et même, au besoin, de s'en créer un. Par la fiction, ainsi recréer une réalité plus acceptable sans doute. Sauf que je ne sais pas ce que peut être une réalité "plus acceptable". Je vis ici et maintenant, j'ai des cartes en main — un brelan de huit, pour être précis — je ne peux changer la donne en cours de route, me suis-je dit. Mais je philosophe beaucoup trop. Je fuis certainement encore quelque chose en m'égarant dans la philosophie, en essayant de chercher je ne sais quelles "raisons". Les raisons ne sont jamais là où on les cherche. Elles sont derrière, sur le côté, parfois carrément dans l'autre pièce en train de faire la vaisselle. Non, il faut revenir en arrière, à ces feuilles jaunes sur l'asphalte gris. Se dire : tiens, c'est vraiment chouette, ces couleurs avec le gris. Et puis pas plus. Pas plus de ce côté-là. Mais de l'autre, va savoir. Toujours des idées qui fourmillent. Pas spécialement bonnes, mais on ne va quand même pas se plaindre. Les mauvaises idées mènent parfois quelque part, c'est leur principal avantage sur les bonnes idées qui, elles, savent déjà où elles vont et deviennent vite ennuyeuses. Parfois les idées ne sont d'ailleurs pas des idées, mais de l'information qui parvient à sa cervelle avec un temps de retard. Qui entre en gare neuronale et synaptique avec un énorme nuage de fumée, un crissement de métal et une odeur de feu. Une gare du XIXe siècle. Certainement pas une de ces gares modernes dans lesquelles on n'entend plus que des retards annoncés via des voix mellifluées. Des voix qui s'excusent poliment de vous faire perdre votre temps, comme si les excuses pouvaient compenser l'attente sur un quai glacé. Comme idées, par exemple : s'intéresser aux noms propres. Non qu'ils soient plus propres que les autres — en réalité beaucoup sont sales, porteurs d'histoires douteuses, de collaborations, de trahisons, de faillites. Les patronymes, que n'importe quel substantif, mais qu'ils veuillent bien indiquer, pas leur sonorité déjà, un personnage. Tout comme le nom d'une rue, d'un lieu peut tant être porteur de faits divers, de fiction. Ou plus généralement de dégoût. Et le dégoût est aussi une matière comme les autres. On peut le travailler, le façonner, lui donner une forme. Le dégoût a sa noblesse, sa texture propre. Il est même plus intéressant que l'admiration, sentiment trop lisse, trop satisfait de lui-même. Ce qui produit deux pistes : la description des lieux et la description de personnages. Il faudrait accumuler des exemples, des bons et des mauvais. Pour à la fin, soupirer, souffler, râler, se dire : ne suivons pas tous ces exemples, ne suivons plus rien du tout, allons seul de l'avant. Encore que lorsqu'on est désorienté, aller de l'avant soit une gageure. Il pourrait tout autant aller en arrière que ça n'y changerait pas grand-chose. Dans le noir complet, toutes les directions se valent. Peut-être que l'expression "aller de l'avant" fait semblant d'indiquer une "bonne" direction, et qu'elle n'est, à l'instar de toutes les autres directions, qu'une direction. Ni bonne ni mauvaise. Juste une direction avec des obstacles différents. J'ai écrit un texte sur la description des paysages il y a longtemps. Je crois que c'était en 1988 ou 89. Il était dans un de mes carnets évidemment, le premier jet. Un carnet à couverture verte, si ma mémoire est bonne, mais elle ne l'est jamais vraiment. La couverture pouvait tout aussi bien être bleue, rouge, ou ne pas exister du tout. J'ai certainement reparlé de cette affaire plusieurs fois — pas le genre à lâcher si facilement une idée ou une information. Les idées sont comme des chiens qu'on promène : elles reviennent constamment, redemandent de l'attention, vous fixent avec insistance jusqu'à ce que vous vous en occupiez à nouveau. Mais le problème, c'est de retrouver l'information. On a beau installer des rubriques, des groupes de mots, des mots-clés, elle s'échappe. Elle se faufile entre les catégories comme un poisson entre les mailles d'un filet. Cela vaudrait certainement le coup de s'interroger vraiment sur le pourquoi les choses nous échappent à ce point qu'on ne les retrouve jamais lorsqu'on en a besoin. Et qu'elles resurgissent comme par miracle lorsqu'on n'en a plus du tout l'intérêt. C'est une loi physique sans doute. La loi de Murphy appliquée à la mémoire. Ou peut-être une forme de malédiction douce, supportable, qui nous accompagne depuis toujours. On pourrait l'appeler : syndrome de la clé retrouvée après avoir fait refaire toutes les serrures. Ou : principe de la recette de cuisine qui réapparaît juste après avoir commandé le plat au restaurant. Je viens de relire ces pages. Elles ne valent probablement pas grand-chose. Mais elles existent, c'est déjà ça. Elles occupent de l'espace, du papier, des pixels, de la mémoire vive. Elles font partie du monde, comme les feuilles jaunes sur l'asphalte gris. Elles témoignent d'un passage, d'une tentative, d'une respiration entre deux apnées. Demain je recommencerai. Pas parce que c'est une bonne idée, mais parce que je ne sais pas faire autrement. Le gardon continuera de gigoter au bout de sa ligne. L'hameçon s'enfoncera un peu plus. Et peut-être qu'un jour, par accident, par fatigue ou par chance, quelque chose d'intéressant finira par sortir de tout ça. En attendant, je note : penser à retrouver ce texte de 1988 sur les paysages. Chercher dans le carnet vert. Ou bleu. Ou rouge. illustration trouvée sur le site actiroute.com, par hasard. "La couleur jaune peut indiquer un marquage temporaire, un arrêt ou un stationnement interdit."|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | octobre 2025

16 octobre 2025

Il regarde, et ce n’est jamais le même monde. Ce qu’il a vu hier n’est pas ce qu’il voit aujourd’hui, ni ce qu’il verra demain. Trois personnes devant la même fenêtre produiraient trois paysages. Pourtant la vitre reste froide, la paume râpe le rebord, et la tasse revient toujours au même point sur la soucoupe. Quand tout passe, que reste-t-il de lui ? Non un moi sauf, plutôt le corps rendu à la matière. Les mots tristesse, joie, douleur, plaisir ne lui appartiennent pas : des états le traversent puis se retirent. L’énigme demeure. Il serre les dents. La colère entre par les épaules, pèse sur les mains. Le point est minuscule, une aspérité qui grippe. Avant, il croit à la scène. Après, il sait. Parfois un bruit suffit : les cuillères qui s’entrechoquent, la tasse qui touche la soucoupe. Il joue les dupes : souffle régulier, gestes répétés. Le fil blanc se montre à la lumière. Inutile de tirer. Elle arrive. Café. Sujet : matières et collages. Elle choisit une photographie. Il dit : prends les masses, les lignes, les formes. Au fusain, bouillie. Collage, plus sec. Puis : « Oublie tout. Peins le moment. » Elle fabrique sa palette, peint. Ils regardent sans parler. Il pose la tasse sur la soucoupe, exactement au point. Là où, tout à l’heure, il avait cru que la place bougeait.|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | octobre 2025

15 octobre 2025

L’épicerie a un nouveau toit. Nous pensons revendre la maison qui nous coûte trop cher, trouver un appartement, peut-être dans Vienne. Pas de tristesse. Avoir un projet tient. Nous avons commencé à nous projeter. Les toiles rangées dans l’atelier. Les meubles. Les livres de mon père à l’étage et au grenier. Toutes ces choses dont il faudra se défaire. Repartir sur une nouvelle tranche de vie. Ce ne sera pas la première fois. Il me faudra une solution pour les livres. Personne ne nous aidera à déménager. A. et L. ont prévenu : « Ne comptez pas sur nous. » Sur la route, en longeant la Saône, je me suis dit qu’il y avait plus de morts que de vivants. Vertige. Puis la concession que S. a achetée à Caluire. J’essaie d’imaginer ma tombe, S. venant déposer un pot de fleurs de temps à autre. J’ai toujours pensé partir le premier. Ce serait trop triste autrement. Les silhouettes sur les trottoirs marchent vers leur fin, et moi, déjà un peu mort, je regarde sans rien dire. La route grésille. Klaxons, appels de phares, nervosité. Un 4x4 arrive par la gauche, plaque boueuse, antenne tordue, clignotant oublié, il se rabat au dernier moment sous les flèches du rétrécissement. À Feyzin, palissades et tags criards sur ciel gris. Plus haut, Arkema. À Pierre-Bénite, on évite les œufs. On dit que les femmes enceintes s’inquiètent. Produits partout : air, sols, bouffe, jusque dans le lait maternel. On continue, parce que la chaîne tourne et que certains y tiennent leur mesure. La colère baisse. À Caluire, je revois la dalle vide et, posé de travers, un pot de chrysanthèmes. Livraison d'un toit en pièces détachées La colline qui prie La colline qui travaille Sinon, en rentrant j'ai pu régler le bug de la mise à jour 4.4.6 de SPIP. J'ai crée un patch, envoyé au forum spip dev ( Patrick.B.) Titre : [statistiques] table_objet_sql() reçoit un array dans referenceurs.php → fatal PHP 8 Contexte SPIP : x.y.z (prod) PHP : 8.x Plugins noyau : statistiques (version livrée avec x.y.z) Plugins : statsobjets 2.1.0, referer_spam 1.2.1 Hébergeur/OS : … Reproduction Activer Statistiques et StatsObjets. Aller dans : Activités → Statistiques → Liens entrants. Avec certains objets passés par l’interface, l’erreur survient. Résultat obtenu table_objet_sql() : Argument #1 ($type) must be of type string, array given …/ecrire/base/objets.php:1074 appelé depuis …/plugins-dist/statistiques/inc/referenceurs.php:191 Résultat attendu Affichage normal des référents. Analyse referenceurs.php::referes() peut recevoir $objets sous forme de tableau (extraction depuis spip_referers_objets ou appels externes). La boucle foreach ($objets as $objet) envoie ensuite un élément potentiellement tableau à table_objet_sql($objet), qui attend une chaîne. Correctif proposé (défensif) Extraire proprement la colonne objet depuis sql_allfetsel. Aplatir/normaliser $objets en tableau de chaînes. Passer chaque $objet par objet_type() avant table_objet_sql(). Diff minimal sur plugins-dist/statistiques/inc/referenceurs.php : --- a/plugins-dist/statistiques/inc/referenceurs.php +++ b/plugins-dist/statistiques/inc/referenceurs.php @@ function referes(string $referermd5, $objets = null, string $serveur = '') : string { if ($stats_objets) { if ($objets = sql_allfetsel('DISTINCT objet', 'spip_referers_objets')) { $objets_par_defaut = array_values($objets) ; } } if ($stats_objets) { if ($tmp = sql_allfetsel('DISTINCT objet', 'spip_referers_objets')) { // extraire colonne 'objet', nettoyer et dédupliquer $liste = array_column($tmp, 'objet') ; $liste = array_filter(array_map('strval', $liste)) ; $liste = array_values(array_unique($liste)) ; $objets_par_defaut = $liste ; } } if (sql_fetsel('*', 'spip_visites_articles', '', '', '', '0,1')) { $objets_par_defaut[] = 'article' ; // (pas de déduplication ici) $objets_par_defaut = array_values(array_unique($objets_par_defaut)) ; } @@ elseif (is_array($objets)) { // laisser tel quel } elseif (is_array($objets)) { // aplatir d’éventuels sous-tableaux $flat = [] ; foreach ($objets as $o) { $flat[] = is_array($o) ? reset($o) : $o ; } $objets = array_values(array_unique(array_filter(array_map('strval', $flat)))) ; } @@ foreach ($objets as $objet) { $table_objet_sql = table_objet_sql($objet) ; foreach ($objets as $objet) { if (is_array($objet)) { $objet = reset($objet) ; } $objet = objet_type($objet) ; $table_objet_sql = table_objet_sql($objet) ; $id_table_objet = id_table_objet($objet) ; Remarque front/squelettes (optionnel) Dans prive/squelettes/contenu/stats_referers.html, on peut aussi normaliser côté gabarit pour éviter de passer un tableau : #SETobjet_norm,#ENVobjet|table_valeur0,#ENVobjet … utiliser #GET{objet_norm} à la place de #ENV{objet} … Mais le correctif robuste est côté PHP.|couper{180}

Autofiction et Introspection La mort

Carnets | octobre 2025

14 octobre 2025

Pas grand-chose à dire. Mon cousin C. est mort hier en pleine conversation téléphonique. Il avait 66 ans. La littérature, l'écriture paraîssent tellement futiles soudain. Comme si j'étais en colère de ne pas l'avoir mieux connu. Combien de personnes ainsi n'ai-je pas "mieux connues"... 10h départ vers Lyon, nous allons voir E. puis ce sera le retour chez le médecin. Et il faut prendre des dispositions pour l'opération du 20/10. Encore des frais. Des frais de partout. Une hémorragie. Et tout à l'heure en prenant ma douche : "rendez à César ce qui appartient à César". Ce qui soudain ce traduit par une bouffée d'oxygène. Oui, après tout l'argent, tout ce système, cette prison, on y est parce qu'on le veut bien non ? Donc revenir à de vieux slogans qui ont fait leur preuve jadis, Ne pas se plaindre de n'avoir pas d'argent, plutôt s'en réjouir : cela permet, parfois, de penser à autre chose. M.T.P avec un ton que je ne saurais qualifier vraiment, était-il ironique, doctoral, hautain, culotté ? :— Tu parles tout de même souvent d'argent. C'est drôle ce sont souvent ceux qui en ont qui remarquent ce genre de chose. Voilà ce sera tout pour aujourd'hui. Honte de tout ce matin et idée de tout flanquer dans une archive, de passer à toute autre chose, la poterie peut-être..|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | octobre 2025

13 octobre 2025

Bien que réveillé de bonne heure, je n’ai pas écrit. Je me suis empêché. La mise à jour du site a pris le relais ; puis, au bug de la dernière version, l’urgence d’une bonne soupe m’a détourné : avais-je envie d’aller faire mes emplettes ? Oui. À pied ou en carrosse ? J’ouvre la porte, la fraîcheur au fond de l’air, je choisis le carrosse. S. a tant bourré le véhicule que je ne peux pas reculer le siège ; contrit, recroquevillé, je parcours les cinq cents mètres jusqu’au primeur. J’en profite pour la bouffe de la chatte : plus de croquettes au bœuf en hebdo, seulement de grands sacs au trimestre tout en bas. Astuce de rayon. Je les laisse. Ce sera saumon, ma belle. Et moi, le saumon à chaque repas ? Non. Plaisir par procuration, ça ira. J’écris en milieu d’après-midi ; on n’écrit pas les mêmes choses qu’au matin ou le soir. J. O. publie souvent le soir, peut-être écrit-il tôt et laisse reposer. Pendant que la soupe cuit , je lis Gros œuvre de Joy Sorman. Connexion immédiate avec « habiter » : l’habitable et l’inhabitable. Rousseau revient : « les fruits à tous, la terre à personne ». Avant la soupe, j’épluchais les légumes et je pensais à la veille, au stage, aux trois anciennes élèves venues, et à mes dents manquantes ; toute la journée à retenir le sourire, de peur de trahir je ne sais quoi, vieillesse, décrépitude, pauvreté, tout ce qu’on imagine quand on s’y met. La journée fut pourtant excellente ; elles le disent, le répète en partant, en promettant de revenir en janvier ou en février. En finissant les pommes de terre, j’ai pensé à appeler l’huissier pour l’eau. Personne ne décroche. Sur leur site, identifiants, mot de passe, bonne surprise : la facture est passée en « réglée » entre-temps. Des frais tout de même : sept euros et des poussières. On paie pour confirmer qu’on a payé. Je vois que c’est un regroupement de commissaires de justice, aucun numéro. Portail seulement. Usager tenu dehors. On pense à l’Ancien Régime, à la naissance, au privilège, aux deux bourgeoisies, au colonialisme, tout l’attirail. La brute qui préside file tout droit ; comment l’arrêter, qui le sait. L’écran dit « paiment accepté », pas de merci, la vapeur embue la vitre, la soupe a pris.|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | octobre 2025

12 octobre 2025

On dit vivre au présent. Le présent n’a pas lieu. Il se soutient d’une lacune qu’on nomme instant. Une époque répond à une autre, sans rencontre. Revenir ne rejoint rien. Cela répète. Nommer l’instant le retire. Ce qui se montre se défait. Rien à retenir. Aller sans objet. Passages. Lire. Relire. Couper. Laisser le reste. Parfois l’écriture a lieu dans le sommeil. Au réveil, rien. Mieux, peut-être. Se soustraire au présent nommé n’éclaire pas. Une ouverture a lieu, sans lieu. Exposé au neutre. Sans accueil, sans refus. L’inquiétude prévaut sur l’assurance. Il y a, peut-être, urgence. Non à comprendre. À sortir. Un pas se fait, sans direction. Pourquoi, comment, en suspens. Rien n’est décidé. Le présent n’a pas lieu. S’il n’a pas lieu, il oblige. Tenir l’écart. Suspendre l’assentiment. Reporter le jugement. Réduire la phrase. Épreuve minimale. L’horloge passe de 12:00 à 12:01. Rien n’a eu lieu. Le fichier porte une date. Rien ne s’est passé. Différence constatée sans événement. Conséquence. Conduite basse intensité. Ne pas conclure. Laisser ouvert. Geste minimal. Sortir plutôt que comprendre. Risque. Séparation. Silence pris pour refus. Perte d’usage. Ce que cela sauve. Attention. Possibilité d’entendre. Place pour quiconque. Il y a, peut-être, urgence. Un pas se fait, sans destination. Ni adhésion ni déni. Le neutre travaille. Rien n’est décidé. illustration : Whistler, nocturne en bleu et or, 1872-75, huile sur toile, Tate, Londres.|couper{180}

dispositif Narration et Expérimentation peintres Temporalité et Ruptures

Carnets | octobre 2025

11 octobre 2025

nommer Ordinateur, lumière bleue ; café froid, amertume. Page nue, marge large, blancs bloqués. Frisson, angoisse, joie, ivresse (courte). L’éditeur, au guet ; contre l’effacement. Barre d’outils ; onglets ouverts ; dossiers en enfilade : dates, numéros, étiquettes. Papier mental, grain fin ; écran mat, reflets ; poussière de bord d’écran. Silence de pièce ; tic sec du trackpad ; souffle mesuré. Groupe nominal en charpente : tasse, paume, fenêtre, nuit ; le jour, au rebord. Blancs porteurs ; seuils ; interlignes ; marges en garde. Atlas du site : rubriques, mois, fil d’Ariane ; cartes, épingles, toponymes. Inventaire d’objets : porcelaine, stylo, carnet, câble ; odeur d’encre, métal tiède. Étude, protocole, gabarits ; sobriété typographique ; hiérarchie de titres. Progressivité : l’indéfini d’abord, la précision ensuite ; singulier en préférence. Maison d’édition : poutre, paille, joints ; toit au-dessus des pages. Paroi du temps : versions, sauvegardes, bornes. L’angoisse, ici ; la règle, là ; le blanc, entre. Maison plutôt qu’édition ; page plutôt que phrase ; relation plutôt que mot. agencer Un ordinateur, d’abord — bleu d’écran. L’ordinateur, ensuite, veille froide ; cet écran, lumière serrée. Café, froid ; amertume, au bord de la tasse. La page, nue ; la marge, large ; blancs, bloqués ; le blanc de marge, de page, de nuit ; ce blanc-ci, charpente. Frisson, angoisse, joie, ivresse (courte). Un éditeur, au guet ; l’éditeur, dans le courant ; cet éditeur, contre l’effacement. Navigation : dossiers, onglets, seuils ; dates, numéros, étiquettes ; versions, sauvegardes, bornes. Étude : d’abord ; étude, encore ; contre l’angoisse, l’étude. Une grammaire : invention ; groupe nominal contre groupe verbal ; nom, avant ; verbe, relégué. Appositions : tasse, paume, vitre ; fenêtre, nuit ; jour, au rebord. Génitifs en chaîne : silence de pièce, de souffle, de doigt ; poussière de clavier, de câble, de livre. Maison d’édition : poutre, paille, joints ; toit au-dessus des pages ; la maison, plus que l’édition. Règle visible : fil d’Ariane, cartes, rubriques ; les mois, en frise ; titres, corps, interlignes. Progressivité : un blanc, le blanc, ce blanc-ci ; une page, la page, cette page. Hypothèse, retrait, reprise ; fragments ; séries. L’oubli, dehors ; l’effacement, repoussé aux bords. Le texte : objet ; la page : surface ; le regard : passage. Un coup de page : l’espace : phrase ; la relation : sens. paratexte, l’écart, le rapprochement Ici, j’ai supprimé les verbes pour éprouver l’hypostase du nom. J’expose la règle afin qu’on lise l’agencement : progressivité (un/le/ce), chaînes génitives, deux appositions longues, blancs opératoires. La page sert d’unité, non la phrase. On voit ce que gagne la précision déplacée. Plus tard, je remettrai un verbe, un seul, pour mesurer l’écart. Revenir sur les lieux par l’imagination — quels lieux, et pourquoi l’insistance de certains plutôt que d’autres — ce ne sont pas des questions à trop creuser, au risque de ne plus savoir remonter le mécanisme. Rester dans l’ignorance et s’y tenir, non dans l’accablement mais au guet. Rester dans l’ignorance et s’y tenir, non dans l’accablement mais dans la tenue. Rester dans l’ignorance et s’y tenir, non dans l’accablement mais dans la disponibilité. Attention brève : surgissement, mine, raclage, succion, éponge. S’éloigner, revenir, s’éloigner. Accommoder. Ce blanc-ci, seuil.|couper{180}

Autofiction et Introspection dispositif Narration et Expérimentation

Carnets | octobre 2025

10 octobre 2025

Je dis que je reconnais la façade parce qu’elle n’a jamais tenu que par trois signes simples : un vieux numéro vissé de travers, un joint de silicone jauni autour d’une fenêtre, une tache plus claire là où pendait autrefois un store. Je dis que c’est incontestable, que ces trois signes suffisent pour dire “c’est ici”, et je retire ma certitude puisque le numéro a pu être revissé par le nouveau propriétaire, que le silicone a pu être refait à l’identique, que la tache claire n’est peut-être que l’ombre récente d’une enseigne d’agence qui aurait pris la maison pour un bureau. Je soutiens que l’entrée était à gauche, qu’on poussait une porte lourde avec un ressort fatigué qui revenait trop vite, que la béquille marquait la peinture d’un arc gris, et j’annule aussitôt : la mémoire adore les trajets courts et les gestes ronds, elle met des ressorts partout pour tenir, elle invente le couinement comme on invente une échelle, je n’en ai pas la preuve, je ne possède que cette conviction qui réarrange. Je dis que le gravier du devant était grossier, mélange de blanc et de clinker, que la roue du vélo s’y plantait, que c’est pour ça que je descendais toujours avant, et je défais : la roue plantée c’est peut-être autre part, un autre été, une autre cour ; je confonds les granulométries et les chutes. Je déclare que la boîte aux lettres, normalisée avec un petit tambour pour les journaux, portait notre nom écrit au marqueur noir qui bavait sous la pluie, et je retire : le marqueur pourrait appartenir à une époque où nous n’étions déjà plus là, le bavement être celui des nouveaux, leurs lettres à eux, leur manière d’exister sur la porte. Je dis que la campagne n’était pas vide, qu’elle posait seulement des distances trop égales : entre les poteaux électriques, entre deux fermes, entre un talus et la bande blanche de la route, une égalité qui fatigue l’œil et apaise les voix, et je dis que c’est précisément cette égalité qui est devenue une chambre intérieure, un système de repères pour respirer, et je me contredis : je sais très bien que j’importe ici des mots appris plus tard, que je donne à la plaine une syntaxe qui lui est étrangère, que la chambre intérieure n’existait pas ; il y avait des ronces au mauvais endroit, un fossé plein d’eau brune, une signalisation qui se décolorait sans élégance, un abribus qui sonnait creux quand on le touchait du poing. Je dis que je peux atteindre la maison en me fiant au panneau “Vallon-en-Sully” et au tournant juste après la rivière, pont étroit, bordures griffées par les camions, et je retire : tout pont se ressemble quand on parle au passé, on lui prête toujours la même fatigue, la même rature de pneus, on l’amène où l’on veut pour y faire passer nos phrases. Je dis que dans la maison on se parle encore à voix basse, que l’acoustique de la cage d’escalier remonte les mots et les renvoie comme dans un entonnoir, que j’entends “descends”, “pose ça”, “pas maintenant”, et j’annule : ces mots sont des étiquettes collées depuis, l’intonation est fabriquée, je fais venir des voix pour habiller un volume. Je dis que la cuisine faisait chaud sans raison parce que la fenêtre donnait plein ouest et que personne ne pensait à baisser le store, que le carrelage avait un défaut d’alignement sur trois rangs, qu’on butait dessus sans le dire, et je retire : cet ouest obstiné appartient peut-être à un autre plan, une autre façade, un croquis mental qui a rangé toutes les pièces sur un même soleil, parce que c’est plus simple de tenir un souvenir comme un plan. Je dis que l’odeur là-bas n’était pas “foin”, n’était pas “linge propre”, n’était pas “confiture”, mais quelque chose d’industriel et de discret : la colle d’un stratifié, le plastique d’une nappe, l’encre d’un journal qui sèche ; et je retire : si je précise à ce point c’est que la précision m’arrange, je place des produits chimiques pour éviter l’histoire, pour me protéger du roman, je remplace la famille par des solvants et je demande qu’on me croie. Je dis que la douleur de ne plus savoir vrai ou faux tient à un détail bien localisable : le compteur au mur, boîte grise, plombs bleus, chiffres qui tournent derrière un verre rayé, j’affirme que c’est là que la mémoire se grippe, parce que je le vois si nettement que c’en est suspect, et je défais : un compteur est toujours un compteur, c’est ce qu’il y a de plus interchangeable, il suffit d’un drap de poussière et d’un plomb tordu pour qu’on dise “c’est celui-là”, je pourrais l’avoir importé de n’importe quelle remise. Je dis que l’extérieur a été refait propre, gouttière PVC, crépi à grains serrés, clôture grillagée aux piquets vert bouteille, et je retire : ce propre m’a servi d’argument contre le passé, un alibi commode pour dire “on nous remplace”, or personne ne remplace personne, on retrouve seulement le chantier là où on l’a laissé, on découvre qu’on n’a jamais signé de réception des travaux. Je dis que la campagne aujourd’hui est plus vide, que la ligne de car ne passe plus, que la supérette a replié son rideau et laissé ses stickers comme des écailles, que le lavoir est comblé, et je me contredis : à force de compter les manques, je fabrique une méthode, une manière d’avoir raison en empilant des absences ; ce n’est pas une preuve, c’est une playlist. Je dis que la façade se souvient mieux que moi, qu’elle conserve dans ses rectangles ce que j’essaie de dire, que les décalages des percements, les proportions, l’inclinaison des tuiles disent ce qui fut sans pathos, et je retire : je prête à des angles le pouvoir de me parler parce que c’est moins douloureux que d’admettre que la voix qui manque est la mienne. Je dis que j’accepte de ne pas savoir si le tilleul était un tilleul, si le banc était un banc, si la marche était fendue en deux ou en trois, et je retire jusqu’à cette acceptation, car j’entends très bien la petite musique de l’époque : je me vois arrangeant mes ignorances comme on classe des vis ; je m’offre des pauses nobles, je baptise mon incertitude pour ne pas passer pour négligent. Je dis que je possède au moins un point fixe : l’angle de vue depuis la route, parce qu’il impose son horizon et sa perspective indépendamment de moi, que c’est la géométrie qui me tient quand je flotte, et j’annule : je n’ai jamais regardé que depuis mes chevilles et mes épaules, et mes chevilles et mes épaules ont changé ; il n’y a pas d’angle objectif, seulement une posture qu’on répète pour se convaincre qu’on revient quelque part. Je dis que la preuve de l’enfance, c’est la hauteur des poignées par rapport à la main, que je me souviens précisément de lever le bras pour atteindre, et je retire : ce geste est un cliché internalisé, tout enfant lève le bras, je lui donne un statut d’archive parce qu’il est exportable, parce que je peux l’écrire sans me brûler. Je dis que je peux reconstituer la table du matin grâce au bruit des verres quand on les pose sur la toile cirée : un son mat, un peu collant, suivi d’un petit arrachement, et je retire : j’ai appris ce bruit dans d’autres cuisines, j’en fais revenir un sample ici, je fais de l’ingénierie du sonore pour recoller un lieu. Je dis que ce qui reste, c’est un geste extérieur : la main sur le verrou du portail, la friction légère, le clac sec, le retour contre butée, que je le tiens, que ce geste prouve une résidence, et je retire : un verrou est un verbe transitif, il ferme ce qu’on ne dira pas, il n’ouvre rien. Je dis que je vais quitter la route, que j’avance, que je m’aligne sur la fenêtre du rez-de-chaussée, que je compte jusqu’à quatre pour atteindre le coin, et je retire : je tourne autour d’un rectangle mental comme autour d’une planche à dessin. Je dis, pour finir en le défaisant, que la vérité de ces souvenirs tient dans la manière même dont ils m’échappent, et je retire le mot vérité parce qu’il m’aide trop ; il reste une pratique : dire, enlever, dire encore, rayer, remettre une vis, en enlever deux, revenir le lendemain sans excuses. Je dis que je n’ai plus besoin des images attendues, et je retire : j’en aurai besoin demain, parce qu’elles sont pratiques pour ne pas sombrer dans le blanc. Alors je t’indique seulement ceci, sans y mettre autre chose : il y a une façade qui a changé de mains, un bout de route trop droite, un panneau qui promet une commune avant que la rivière ne tourne, et entre tout ça et moi une série de corrections que je n’arrive pas à finir.|couper{180}

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Carnets | octobre 2025

09 octobre 2025

Je te le dis à toi parce que tu vois le tableau quand j’ouvre la porte : mal dormi, mauvaise humeur, et tout de suite l’immense camion planté devant la maison — la rue bloquée, les trottoirs aussi — pour la nouvelle charpente de l’épicerie turque, ils sont trois à décharger dont le patron juché tout en haut, inspecteur des travaux finis, donc ils sont deux seulement à tirer pendant que la grue bascule et que tous les fils électriques traversent la rue trop bas, alors je dois faire le tour du pâté de maisons pour aller au marché et, là-bas, au loin, deux types en uniformes — la municipale, bien gras, placides — qui observent ; et en plus un temps gris, maussade, et en plus les gens au volant encore moins miséricordieux que d’habitude, ils foncent, ne laissent pas passer, vocifèrent si je traverse, surtout si je passe en leur faisant, oui, un bras d’honneur, et en plus ce matin le marché est quasi vide, le Sagittaire n’est pas là, seulement des employés, mine maussade, peu locaces, tous en noir, pas grand-chose au bout de l’étal, les plateaux à un euro pourris, des légumes, des fruits qui s’affaissent sur eux-mêmes — quelle misère — et, par-dessus le marché, la femme à qui je demande un kilo de navets qui veut me les faire payer plus cher que l’affiché ; tu vois la journée, je me dis que j’aurais mieux fait de me recoucher, j’ai si mal dormi, je suis de si mauvaise humeur, et ce camion qui va probablement rester là toute la journée, et mon élève handicapée qui vient, qui ne pourra pas passer, et parfois je pense à la mort, j’avoue, ça n’a pas l’air de grand-chose, ça a l’air exagéré peut-être, mais j’y pense quand même — mourir, ne plus voir tout ça, fermer les yeux et que ça aille comme ça peut —, bon débarras de part et d’autre, sans rancune, tu comprends ce que je veux dire.|couper{180}

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Carnets | octobre 2025

08 octobre 2025

si nos raisons sont des figures, ainsi que le dit Joubert, elles sont remplaçables par d’autres, et le dialogue consiste moins à imposer la « vérité » qu’à proposer une meilleure mise en forme du vrai. Pour écrire comme pour enquêter, la bonne question devient alors : quelle figure donner à ce que je cherche à comprendre —et qu’est-ce que cette figure occulte ou révèle ? Cette page d'accueil du site ne me plaît plus autant. J'ai pris une feuille de papier et j'ai dessiné ce qui me paraît être plus proche de la réalité de tous ces textes. Des blocs qui se cotoient, parfois peuvent se regrouper sur un thème, un mot-clé. Ce qui me rappelle une phrase que F. m'avait dit et que j'avais crû comprendre à propos de SPIP : —"ce sont des briques". Ce qui se traduit concrètement par des inclusions, par la confection de cartes par rubrique, par sous-rubrique, par mot-clé, etc. Ensuite je mesure le temps que je pourrais passer à trifouiller encore le code au dépens de ce que je pourrais écrire. Et je chiffonne la feuille, la jette à la corbeille. Mais je conserve cette idée : la page d'accueil d'un site est aussi difficile à trouver que la première page d'un livre. Et encore je vois les deux pages et je me dis —reste simple. La simplicité est sans doute la qualité que j'ai fuie le plus souvent dans ma vie, parce qu'elle est sans doute la plus proche, proche jusqu'à l'insupportable. Mais il semble que le temps qui passe aide à mieux supporter. Cette vanité, cette prétention, fatuité que je détecte systématiquement en moi et souvent en miroir chez l'autre, c'est la simplicité qui s'insurge de ne pas être acceptée. En peinture peindre des fleurs, des paysages, des arbres, un visage, ce n'est pas si simple et pourtant ça l'est, mais après bien des complications. Ce qui est simple, tellement, c'est se jeter dans l'écriture, dans la peinture. C'est justement parce que ce l'est que je ne le fais pas assez. Lecture de Simenon : Le prétexte de l'histoire, que révèle t'il ? Un crime pour ouvrir l’humain. Le meurtre n’est pas une fin mais un levier : il force les personnages à se dévoiler (honte, jalousie, fatigue, désir). Le polar sert d’épure psychologique. Le milieu comme cause. Fécamp, les Terre-Neuvas, le bord : conditions rudes, hiérarchie, manque de sommeil, promiscuité. Chez Simenon, le cadre social et matériel presse les êtres et “explique” plus qu’une thèse morale. Compassion avant morale. Maigret cherche à comprendre, pas à condamner. Le commissaire incarne l’humanisme froid de Simenon : laisser la justice faire son œuvre, mais réparer silencieusement quand on peut. La honte comme moteur. Honte sociale et sexuelle, secrets de cabine, dignité blessée : c’est la matière noire des romans de Simenon. Elle déplace plus sûrement l’action que la haine. Le groupe contre l’individu. Un équipage = une micro-société, avec ses codes et son omerta. Simenon aime ces huis clos (navire, hôtel, immeuble) où l’on voit comment le groupe fabrique les actes de chacun. L’évidence concrète plutôt que la psychologie Objets, odeurs, gestes (verres sur le marbre, sel sur les vêtements) valent diagnostic. Simenon montre ; il commente très peu. Le réel parle. Une intrigue mince, une densité forte Fil simple, scènes courtes, dialogues nets : la tension vient de la pression du milieu et du non-dit, pas des surprises de scénario. Le sexe, la fatigue, l’argent — sans lyrisme. Trio simenonien constant, traité comme des faits (besoin, manque, arrangement), jamais comme motifs romantiques. Maigret comme prisme éthique. Regard patient, corporel (manger/boire/fumer/marcher), attention aux détails : c’est la méthode “anthropologue” de Simenon, plus que “détective-puzzle”. La fin par détail, pas par sentence. Clôtures discrètes : un geste, une image, une porte qui se referme. Le lecteur conclut — Simenon s’abstient. En somme, l’histoire de Fécamp révèle la signature simenonienne : un réalisme sensuel et sans cruauté, où le crime est l’occasion d’examiner ce que le monde fait aux gens — et ce que les gens font pour rester debout.|couper{180}

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