11 décembre 2019

Ils arrivèrent en novembre, je crois. Il commençait à faire froid et le jeune homme éprouva une faible satisfaction à enfiler le pull de l’année passée — celui à rayures noires et blanches qui, paraît-il, venait de Bretagne. Il sentait la lessive et la lavande ; avec lui, il se sentait en sécurité. C’est la mère qui alla ouvrir. Les deux hommes sur le pas de la porte venaient du Nord du monde, d’une terre dont il n’avait presque jamais entendu parler. Le plus grand, le plus jeune aussi, et donc celui qui lui parut d’emblée le plus sympathique, était Estonien. L’autre, un peu balourd, engoncé dans une doudoune bleue, portait des lunettes à verres épais ; il n’exprimait rien. Un Russe, apprit-on un peu plus tard. Le père était parti tôt le matin rencontrer des clients — Senlis, Lille, Gap : il ne savait plus. Ce dont il était sûr, c’est qu’il n’était pas là quand les deux hommes entrèrent pour la première fois. La mère les accueillit, les conduisit au salon, proposa du café ; lui, adolescent, baragouinait quelques mots d’anglais. Elle fit signe au jeune homme de venir l’aider. Il constata qu’elle portait une robe différente, plus éclatante, plus lumineuse ; elle avait dû passer chez le coiffeur : la racine d’habitude blanchâtre ne l’était plus. Tout était posé sur le plateau quand la sonnette retentit de nouveau. La grand-mère arriva avec son oncle. Ils avaient dû prendre un taxi : l’oncle se déplaçait mal depuis un AVC. Paralysé d’un côté, il passait ses journées, disait-il, à fabriquer des programmes informatiques pour se requinquer. Quand la vieille dame se retrouva devant Marc — il se présenta ainsi en lui tendant la main avec une déférence incroyable — elle prononça des mots qu’il n’avait jamais entendus. Une langue inconnue. Marc lui sourit ; son regard s’illumina, et celui de la grand-mère, d’ordinaire si grave, s’éclaira aussi. Le Russe semblait assoupi sur le canapé. Il n’avait pas quitté sa parka, comme quelqu’un qui ne tient pas à rester. Il avait tendu tout à l’heure une main molle ; le jeune homme guetta la réaction de la grand-mère. Elle le regarda froidement, sans ciller, et il crut même la voir se frotter la main sur la cuisse, comme pour la nettoyer aussitôt. Marc avait dû sentir cette froideur. Ses yeux bleus devinrent graves, puis un sourire revint. Il prononça une phrase dans cette langue chantante qui parut immédiatement mélodieuse au jeune homme : quelque chose de proche de l’italien, avec une profusion de voyelles. Il prit un gros sac posé près de lui et en sortit des présents emballés dans un papier sobre. Du thé et des conserves pour la grand-mère ; un jeu de poupées gigognes colorées pour ses hôtes. Quand il tendit au jeune homme son paquet, celui-ci le déballa vite : un magnifique jeu d’échecs en bois, chaque pièce décorée à la main, de couleurs chaudes et brillantes. La grand-mère remercia au nom de tous. De sa voix rocailleuse, elle laissa couler des mots, des phrases d’une beauté émouvante. Ils étaient venus en France pour réaliser un court métrage sur un des plus grands peintres et graveurs estoniens : Eduard Wiiralt, que la grand-mère avait connu dans sa jeunesse, quand, comme elle, comme tant d’autres, il avait fui le communisme pour s’installer à Paris. En fouillant les archives de Tallinn, Marc avait remonté la trace de l’artiste et trouvé quelques noms — dont celui de la grand-mère. Un rendez-vous avait été pris ; des autorisations demandées. Nous étions dans une autre époque : avant Gorbatchev, avant l’effondrement du bloc soviétique dont l’Estonie faisait encore partie. Quelques années plus tôt, la famille s’était cotisée pour offrir à la grand-mère et à Vania — son compagnon — un voyage en Estonie. Vania avait refusé. Son passé de “barin”, capitaine dans les troupes de Kornilov, l’en avait dissuadé : il disait que ce retour le ramènerait à de mauvais souvenirs. La petite dame était donc partie seule, sur Aeroflot. À peine arrivée, elle avait demandé à rejoindre son village natal, à quelques kilomètres de la capitale ; on le lui avait interdit : une base militaire s’y trouvait désormais. Elle s’était retrouvée dans une grande ville semblable à toutes les grandes villes, une ville qu’elle connaissait à peine, et ce voyage tant rêvé avait tourné au fiasco. « Small fish like rollmops », lança Marc en désignant un petit bocal sur la table, comme pour ramener la conversation au présent. Le jeune homme esquissa un sourire : l’homme faisait un effort pour s’adresser à lui. Puis la grand-mère et Marc s’isolèrent. La mère débarrassa les tasses. L’oncle attira l’attention du Russe dans le jardin, en baragouinant trois mots. Le jeune homme resta assis dans le salon à examiner son nouveau jeu d’échecs. Il ne comprenait pas un traître mot de ce qui se disait entre Marc et la grand-mère. Il fallut attendre le déjeuner : attablés, l’histoire se déploya enfin, racontée par la grand-mère dans un français approximatif. Elle n’avait jamais voulu perdre son accent. Elle s’y accrochait, physiquement, obstinément, au point de buter sur certaines locutions. Au lieu de dire “je vous emmerde”, par exemple, elle disait “je te merde” — et cette torsion de langue la propulsait, pour le jeune homme, au rang de rebelle splendide. Ils restèrent deux ou trois jours, pas plus. Marc recueillit ses informations, ses souvenirs : ces temps lointains où la diaspora russe et estonienne se retrouvait dans des appartements exigus, dans une pauvreté qui n’avait pas grand-chose à voir avec la misère. Même pauvres, comprit-il, ils étaient riches d’espoir, d’idées, d’art ; la plupart étaient des artistes, comme Wiiralt. Ce n’était pas si rose pourtant : le peintre, célèbre désormais dans son pays natal, était mort à Paris, achevé par le désespoir, la faim et l’alcool, dans un taudis. Après leur départ, le jeune homme se découvrit des origines nordiques, presque vikings, qui lui donnèrent une force neuve. Il se plongea dans la mythologie finlandaise, emprunta à la bibliothèque une traduction du Kalevala. En lisant ces vers, il lui sembla retrouver des traces d’une partie de son histoire à laquelle il ne s’était jamais intéressé : une lignée d’ancêtres, forcément héroïques, dont la trace se trouvait encryptée dans une poésie que presque plus personne ne parlait. Les Estoniens devinrent, dans son esprit, les dépositaires — plus ou moins conscients, comme lui — d’un héritage auquel on n’accédait plus qu’à travers des récits lointains, comme à travers une langue morte. Alors il se mit à marcher dans les bois, sur les collines, sur les vastes plateaux de maïs ou de luzerne. Il voulait se rapprocher du ciel, surprendre dans le vent de vieilles paroles oubliées, portées par les éléments. Une langue maternelle dont il n’aimait que quelques bribes, quelques souvenirs, et sur laquelle son cœur et son imagination allaient tisser — avec une mythologie familiale, avec l’histoire de ces artistes exilés morts loin de chez eux — une épopée nouvelle, pour prolonger ces vies, ces histoires, afin qu’elles ne disparaissent pas tout à fait dans l’oubli.


Ce qu’il faut comprendre, apprendre et réapprendre dans ce monde de plus en plus absurde, c’est la notion de “sens”. Le sens n’est pas unique. Le sens n’est pas celui que les autres exigent pour toi. Le sens se cultive. Il y a des saisons pour le faire naître en soi, et cela passe souvent par la jachère : l’abandon des terres, le froid qui gèle au plus profond, cette phase où le cœur se durcit. Mais il y a toujours un printemps. Et un renouveau des sens — qu’ils soient physiques ou psychiques, peu importe : tout cela fait sens. Parfois, on est bien loin de comprendre, et cela fait partie du sens aussi : perdre le sens, perdre le nord, perdre pied, c’est une seule et même histoire. Les arbres ne donnent jamais de beaux fruits comme après les jours les plus glacials, quand la sève se fige presque. L’arbre devient pierre un instant, et transmet ce qu’aucune pierre ne transmet seule. La pierre délègue à l’arbre la tâche de produire des fruits ; dans la pomme, dans le raisin, dans la prune, il y a à la fois un goût de silex et une lueur d’étoile. Ces choses sont là depuis toujours. Elles ne sont pas là “pour rien”. Alors ce monde que nous traversons aujourd’hui — ses absurdités, ses postures, ses surfaces — ne participe-t-il pas, lui aussi, à cette quête de sens ? Nous nous perdons dans le superficiel fabriqué par des ignorants animés par des buts égoïstes et pauvres ; et pourtant, même cette dérive peut finir par nous ramener vers quelque chose de plus juste, ne serait-ce que par saturation. Il n’y a pas un seul sens : il y en a autant qu’il y a d’étoiles, de fourmis, d’êtres humains. Il suffit de lever les yeux la nuit pour comprendre que ce sont ces conjonctions — ces constellations — qui serrent le cœur, qui réveillent la mémoire, et qui nous installent dans cet entre-deux où l’on ne sait plus s’il faut rire ou pleurer. Et voici la chose la plus étrange : quand tu trouves ton sens, ton sens à toi, il finit par rejoindre tous les sens, exactement comme il le fallait — comme cela a toujours été, comme cela sera toujours.

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À travers le sang et la couleur : Soutine

Tout pourrait venir, à première vue, d’une scène mythique, d’une origine sanglante qui, malgré toute l’épaisseur de peinture que l’on pourrait poser pour à la fois la retrouver et l’oublier, ne pourra jamais échapper — ni au peintre, ni au spectateur hébété contemplant l’œuvre de Chaïm Soutine. Soutine évoque un souvenir d’enfance dans une lettre : la lame d’un couteau tranchant, avec précision, avec netteté, la gorge d’une oie. Il voit encore le sang jaillir en flots épais, rouge rubis. Et l’on pourrait s’arrêter là. Tout est déjà là. Mais non. Car, au beau milieu de cette boucherie, l’œil du peintre est attiré par autre chose : la joie qu’il lit sur le visage du boucher, en pleine action. La joie, l’horreur, la violence, la stupeur. Voilà ce que contient chaque tableau de Soutine. Il y a ce petit livre d’Élie Faure sur Soutine que je devrais relire, ou piller sans vergogne, tant je ne me souviens de rien d’aussi juste écrit sur cet immigré juif-lituanien venu à Paris, qui fut un temps protégé par ce grand homme, ce médecin humaniste. Un temps seulement. L’affection du peintre pour la fille de Faure mit fin, brusquement, à leur relation. J’aurais pu commencer par le début, par la naissance de Soutine à Vilna. Une approche calme, chronologique. Mais il me fallait un déclencheur. Une raison d’écrire maintenant. Cette raison, c’est un souvenir vif de 2013, une visite au Musée de l’Orangerie, à Paris. L’exposition s’intitulait : Soutine, l’Ordre du chaos. C’était la première fois que je voyais ses tableaux en vrai. Avant cela, seulement des reproductions pâles et glacées. J’ai découvert un frère. Pas un combat, mais une harmonie née du chaos. Une magnifique harmonie disloquée. La peinture était liquéfiée, coagulée. Dure et molle à la fois. Les rouges et les turquoises entraient en collision. Les blancs craquelés comme du plâtre sec. Comment expliquer une émotion sans la trahir ? J’essaie. J’essaie toujours. Je cherche par les mots à atteindre ce qui ne se touche qu’en silence. Mais puisque j’ai commencé, continuons. Alors que l’avant-garde parisienne s’éparpillait dans toutes les directions — comme toujours —, Soutine s’enfermait. Il peignait. Il ne voulait pas être dérangé. Marc Chagall, peut-être, était pareil. Peut-être Soutine espérait-il hériter de l’atelier de Chagall. Absorber la solitude, l’obstination que Chagall avait laissées derrière lui. Il ne l’a pas fait. Il a raté le moment. Alors, il s’est tourné vers Rembrandt. Il a peint de la viande. De la chair. Mais plus que de la chair. Il faut traverser le dégoût pour atteindre la grâce. Les quartiers de bœuf de Soutine l’exigent. J’imagine que, si j’avais eu la chance de le rencontrer, l’odeur m’aurait d’abord repoussé. Et pourtant, à travers cette odeur, peut-être aurais-je atteint le parfum du miracle. La peinture de Soutine me rappelle quelqu’un d’autre. Quelqu’un dont j’ai déjà parlé. Chomo. Un autre reclus. Plus récent. Tout aussi mort. Ils ne négocient pas. Ils sont repliés. Affamés. Indifférents. En contact direct avec le feu, la grâce, la vie, la terreur, le sublime. Leur seul axe est celui qui les relie à ces forces. Ils ont abandonné l’illusion des liens sociaux. Oui, quelque chose en eux me parle. Je t’écris cela rapidement ce matin. Parce qu’au fond, comme je l’ai dit, penser et écrire ne servent peut-être pas à grand-chose. Mieux vaut peindre. Everything could stem, at first glance, from a mythical scene, a bloody origin that, no matter how much paint one might apply to try to both recover it and forget it, will never escape either the painter or the stunned viewer contemplating the work of Chaïm Soutine. Soutine recalls a childhood memory in a letter : the knife's blade slicing expertly, cleanly, across the throat of a goose. He still sees the blood spurting out in thick, ruby-red jets. And it could stop there. Already, everything is there. But no. Because in the middle of the carnage, the painter's eye is caught by something else : the joy he sees on the butcher's face. In the act. Joy, horror, violence, and awe. That’s what you get in every Soutine painting. There’s that little book by Elie Faure about Soutine, which I should reread, or shamelessly pillage, because I remember nothing comparable being written about this Jewish-Lithuanian immigrant who came to Paris and who, for a while, found himself under the wing of that great man, the humanist doctor. Only for a while. The painter's affection for Faure’s daughter put an end to their relationship. Suddenly. I could have started at the beginning, with Soutine’s birth in Vilna. A calm, chronological approach. But I needed a trigger. A reason to write now. That reason is a vivid memory from 2013, a visit to the Musée de l’Orangerie in Paris. The exhibition was titled "Soutine, the Order of Chaos." It was the first time I saw his paintings in person. Before that, only pale, glossy reproductions. I discovered a brother. Not a battle, but a harmony made from chaos. A magnificent, disjointed harmony. The paint was liquefied, coagulated. Hard and soft at once. Reds and turquoises colliding. Whites cracked like dried plaster. How do you explain an emotion without betraying it ? I try. I do this all the time. I use words to reach what can only be touched in silence. But since I’ve begun, let’s keep going. When the Parisian avant-garde was tearing off in every direction, as it always does, Soutine locked himself away. He painted. He didn’t want to be disturbed. Marc Chagall might have been the same. Maybe Soutine hoped to inherit Chagall’s studio. To absorb the solitude and stubbornness Chagall had left behind. He didn’t. He missed the moment. So he turned to Rembrandt. He painted meat. Flesh. But more than flesh. You have to pass through disgust to reach grace. Soutine’s slabs of beef demand it. I imagine if I’d had the chance to meet him, the smell alone would have repelled me. And yet, through that smell, maybe I would have reached the miracle’s scent. Soutine’s painting reminds me of someone else. Someone I’ve written about before. Chomo. Another recluse. More recent. Just as dead. They don’t negotiate. They are curled inward. Starving. Unconcerned. In direct contact with fire, grace, life, terror, the sublime. Their only axis is the one that connects them to these forces. They have discarded illusions of social ties. Yes, something in them speaks to me. I write it to you quickly this morning. Because, in the end, as I said, thinking and writing may not be very useful. Better to paint.|couper{180}

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Chomo

À l’origine, il s’appelle Roger Chomeaux. Né le 28 janvier 1907 quelque part dans le Nord de la France, il meurt en 1999 à Achères-la-Forêt, en région parisienne. On décidera finalement de le qualifier de "sculpteur", puisqu’il faut bien ranger les choses quelque part. Je suis né un jour après lui — mais en 1960. Cette année-là, il expose pour la première fois à la galerie Jean Camion, rue des Beaux-Arts à Paris. C’est à la suite de cette exposition qu’il décide de quitter définitivement Paris pour la forêt de Fontainebleau. Son épouse a acheté là quelques hectares. Ils s’y installent. Chomo s’y retirera pour vivre, et peu à peu abandonner tout ce qui faisait, à l’époque, un "artiste reconnu". Écologiste avant la mode, il récolte le miel de ses abeilles — jusqu’à vingt ruches à cette époque. Il commence par détruire la forme conventionnelle du langage pour inventer une langue nouvelle, presque enfantine, fondée sur la phonétique. Une langue qui évoque, si l’on veut, la fameuse langue des oiseaux chère aux alchimistes. Quant aux matériaux, il délaisse le bronze, trop coûteux, ainsi que la terre cuite et le marbre qu’il pratiquait auparavant. Il s’oriente vers la récupération, cherchant ce qu’il appelle des "matériaux qui respirent". Il travaille alors le bois (ses fameux bois brûlés), les matières plastiques, la tôle, le béton cellulaire. Il dit sculpter ce dernier "comme on écrit un poème". Dans ce qu’il nomme son "village d’art préludien", il installe partout des pancartes, un peu à la manière de Cheval sur les murs de son Palais idéal. « Qèl anprint ora tu lésé sur la tèr pour qe ton Die soi qontan ? » Cette question de l’empreinte, du devenir de l’homme, le hante. Elle se répète, d’écriteau en écriteau, dans tous les recoins de son domaine. De bric et de broc aussi, les trois hangars qu’il construit pour abriter ses œuvres : le Sanctuaire des bois brûlés, l’Église des Pauvres, avec sa rosace spectaculaire faite de bouteilles de couleur, et le Refuge, recouvert de capots de voitures. C’est Clara Malraux qui attire l’attention du ministère des Affaires culturelles sur lui. Après une incursion dans la musique concrète, entre synthétiseur et poésie, Chomo devient cinéaste expérimental avec Le Débarquement spirituel, film réalisé avec Clovis Prévost et Jean-Pierre Nadau, dans lequel il se met en scène au milieu de ses œuvres. Il meurt en 1999, entouré de ses créations, veillé par sa seconde épouse. Dix ans plus tard, la Halle Saint-Pierre organise sa première grande rétrospective. Aujourd’hui, seuls les bâtiments subsistent dans la forêt. Ses œuvres transportables, elles, ont été déplacées — conservées ailleurs ou vendues. (Un Christ en croix, image torturée, est visible dans l’église de Milly-la-Forêt.) En revoyant les vidéos de Chomo sur YouTube, j’ai de nouveau été frappé par cette obsession que je retrouve chez les artistes que j’admire, et qui, de leur vivant, les fait souvent passer pour des fous. Amaigri, émacié, affûté comme une lame, son regard me traverse encore l’écran. Et chaque fois, je l’entends me répéter : "Arete de panser povre kon taka seulmant bausser" En 2013, une vente aux enchères sera organisée autour de son œuvre. illustration Chomo entre ses peintures et ses sculptures, devant l’Église des pauvres en construction, c. 1965|couper{180}

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Les fêtes

Je n'ai jamais aimé les fêtes. J'y ai détecté très tôt une férocité qui ne collait pas avec les belles images que les gens autour de moi désiraient montrer d'eux-mêmes. Même si, adulte, l'effroi premier m'en est passé et s'est transformé peu à peu en simple agacement, à chaque fois que je croise une fête quelconque j'ai tendance à bifurquer rapidement, à m'égarer comme on peut parfois par chance le faire dans les ruelles d'une Venise imaginaire. Les fêtes de fin d'année notamment sont un mauvais moment à passer. Alors pour aujourd'hui je vais faire du léger, et une fois les fêtes passées je reviendrai en meilleure forme Pour l'heure je vais m'enfouir dans un bouquin en attendant que ça passe Illustration : « Danse des Hassidim », série Dibbouk, 1924, par Samuel Cygler (Ziegler) © Photographie Grégoire Tolstoï / MAHJ|couper{180}