Grange.net<\/a>. Ce qui m’attire, c’est sa mani\u00e8re de tenir ses carnets. Depuis 2000. En 2001, apr\u00e8s le 11 septembre, j’ai jet\u00e9 tous mes carnets. Un week-end vers Mo\u00fbtiers. J’avais pr\u00e9par\u00e9 mon coup. J’ai fait un feu. Cercle de pierres. J’ai d\u00e9vers\u00e9 les carnets sur les flammes. J’ai essay\u00e9 d’\u00eatre attentif \u00e0 ce que \u00e7a me faisait. Toutes ces ann\u00e9es \u00e0 \u00e9crire des petites choses. Peut-\u00eatre y voyais-je un calcul. Un sacrifice. Puis je suis all\u00e9 chercher du bois. Et nous sommes pass\u00e9s \u00e0 autre chose. Ce divorce \u00e0 l’amiable.<\/p>\n23 mai<\/strong> —<\/p>\n\u2192 Trois versions d’un m\u00eame texte sur la disparition : \"Dispara\u00eetre est d’une facilit\u00e9 d\u00e9concertante. Les objets, les \u00eatres, leur m\u00e9moire m\u00eame. Tout s’efface. La stupeur reste. Peut-\u00eatre la stupeur est-elle la forme m\u00eame de la disparition. Nous vivons d\u00e9sormais dans un monde de stupeur. Stup\u00e9fi\u00e9, p\u00e9trifi\u00e9 : comme la femme de Lot. Elle se retourne et la catastrophe la fige. On reste immobile. Dos au devenir. Dans la stupeur, le temps se fige. Et cette gel\u00e9e r\u00e9v\u00e8le sa fiction. De l\u00e0, on ne peut plus faire semblant.\" (+ versions \"compression\" et variations)<\/em><\/p>\n24 mai<\/strong> —<\/p>\n\u2192 Deux textes : \"Un texte de carnet devrait pouvoir s’\u00e9laborer comme une recette\" + texte sur Monet et Toussaint : \"Il y a un moment que l’on voudrait saisir. Celui o\u00f9 Claude Monet pousse la porte de son atelier. Toussaint ne parle pas de Monet. Il le regarde. L’art est cette tension vers l’inachevable. Je pense \u00e0 nos propres ateliers. \u00c0 ces instants o\u00f9 l’on s’arr\u00eate \u00e0 la porte de quelque chose.\" (+ version anglaise)<\/em><\/p>\n25 mai<\/strong> —<\/p>\n\u2192 Texte \u00e0 deux voix (fran\u00e7ais + anglais) : \"Une r\u00e9gularit\u00e9 de m\u00e9tronome. Pour le reste, rien n’est r\u00e9gulier. Erratique. Il \u00e9crit. Tous les jours. De quatre \u00e0 huit. Ce matin, le mot maillage. Puis mailler, maillet. Plus l’absurdit\u00e9 le cerne, plus il s’acharne. Abattre le mur entre l’int\u00e9rieur et l’ext\u00e9rieur. Le corps ne dit pas je. Il dirait le corps. Hier, lors de la marche pour chercher du pain, le corps et le trottoir ne faisaient plus qu’un. Les martinets criaient. Ce qui \u00e9tait senti venait de loin. Des silex. Quelque chose d’avant.\"<\/em><\/p>\n26 mai<\/strong> —<\/p>\n\u2192 Texte sur l’\u00e9criture et le site : \"Au d\u00e9part, l’id\u00e9e \u00e9tait simple. \u00c9crire, publier, recommencer. \u00c7a tenait du r\u00e9flexe. Je croyais que les textes passeraient. Mais non. Ils s’accumulent. Ils reviennent. Je me suis mis \u00e0 les reprendre. Le site n’est pas un journal. Plut\u00f4t un entrep\u00f4t. Ce serait plus simple si les titres n’\u00e9taient pas des dates. Je me suis aussi demand\u00e9 si je risquais de me plagier. C’est une id\u00e9e \u00e9trange. \u00c0 part \u00e7a, nous avons sorti la t\u00eate et le pied du lit conjugal. Je suis mauvais bricoleur, mais tr\u00e8s lent \u00e0 jeter. J’ai ce rapport ambigu aux choses. Comme avec les textes.\" (+ version anglaise)<\/em><\/p>\n27 mai<\/strong> —<\/p>\n\u2192 Texte bilingue sur le pr\u00e9sent et le r\u00eave : \"Le pr\u00e9sent impose une pression constante. Tout se plaque. Cette nuit j’ai \u00e9rafl\u00e9 un mur dans un r\u00eave gris. J’ai vu une couche de cendres s’effacer. Au fond, une luminosit\u00e9 rouge-or. J’avais enfreint quelque chose. Les ombres me regardent avec des orbites vides. S. commence \u00e0 ne plus avoir de regard. Le chat n’est qu’un estomac sur pattes. Qui cr\u00e9e de la nouveaut\u00e9 ? Qui rompt ce ph\u00e9nom\u00e8ne de r\u00e9p\u00e9tition ? J’ouvrirais la fen\u00eatre et je crierais ’Ne sentez-vous donc pas que quelque chose vous suce la moelle ?’ Le casse-cro\u00fbte des vampires. Tous collaborent depuis la nuit des temps.\"<\/em><\/p>\n28 mai<\/strong> —<\/p>\n\u2192 Texte lovecraftien bilingue : \"Je suis enclin \u00e0 croire qu’il existe un lien entre l’acte d’\u00e9crire et l’art de composer du code. Nos propres cr\u00e9ations deviennent \u00e9trang\u00e8res sous notre propre regard. Un texte qui me semblait solide devient grossier, faible. Ce n’est pas la fatigue. C’est une loi. Un rythme ancien. Le Kybalion : ’Le balancement du pendule se manifeste en toute chose.’ J’ai pens\u00e9 \u00e0 Nyarlathotep. Lovecraft n’a pas \u00e9crit ce texte. Il l’a re\u00e7u. Cette nuit, j’ai r\u00eav\u00e9 d’une lettre de Providence...\" (+ lettre de Lovecraft en r\u00eave : \"Ce que vous d\u00e9crivez est une loi. Une force cyclique. Nous ne sommes pas des cr\u00e9ateurs. Nous sommes des passages. J’ai entrevu ce dieu sans nom. Je l’ai appel\u00e9 Nyarlathotep. Continuez votre \u0153uvre. Pour accompagner le retour.\")<\/em><\/p>\n29 mai<\/strong> —<\/p>\n\u2192 Texte bilingue minimaliste : \"Tais-toi, me dit-elle. Puis elle entra. Dans ses bras, des gla\u00efeuls. Si simple que toutes mes complexit\u00e9s s’effondr\u00e8rent. Elle trouva un vase, commen\u00e7a \u00e0 arranger les fleurs. La lumi\u00e8re s’infiltrait. Les contours des choses se dissolv\u00e8rent. C’\u00e9tait. Un silence d’un autre ordre. Maintenant les fleurs se dressaient dans le vase, et c’\u00e9tait tout ce que je pouvais voir. Elle avait disparu. De la fen\u00eatre montaient les bruits de la rue. Tout ce qui avait \u00e9t\u00e9, et tout ce qui viendrait, n’\u00e9tait que silence — un espace blanc entre deux mots.\"<\/em><\/p>\n30 mai<\/strong> — Installer une IA locale. Mistral, 4,1 Go, via Ollama. Avant lui, un mod\u00e8le plus l\u00e9ger, presque analphab\u00e8te. Il fallait Docker, WebUI, de la place. J’en manquais. Le plan : reprendre mes dossiers Obsidian, leur demander de m’expliquer ce qu’ils faisaient l\u00e0. Je me complique la vie. C’est une habitude. Le RAG local. Pour faire tourner un script, une cargaison de d\u00e9pendances. J’ai tout install\u00e9, tout supprim\u00e9. Ce temps que j’y passe, c’est de l’\u00e9vitement. Mais \u00e9viter quoi ? Finir ? Ce serait f\u00e2cheux. Finir, c’est enterrer. Je m’entra\u00eene. Pour ce qui ne se r\u00e9p\u00e8te pas. La fatigue est l\u00e0. Et pourtant, \u00e7a continue. Avec moi. Sans moi.<\/p>\n31 mai<\/strong> — Mai s’ach\u00e8ve sur un constat bancal. Trop de code, pas assez de mots. Encore moins de couleurs sur la toile. Cette solitude technique. Personne \u00e0 qui demander. Peut-\u00eatre que j’aime buter contre les choses. Cette r\u00e9sistance du monde, cette inertie. Et derri\u00e8re, le fantasme du d\u00e9finitif. Sauf que seule la mort tient ses promesses. Le reste flotte, perp\u00e9tuellement. Cette instabilit\u00e9 ne m’effraie plus. Mes r\u00eaves de grandeur ? \u00c9vapor\u00e9s. Grand peintre, grand \u00e9crivain — tout \u00e7a s’est dilu\u00e9. Pourtant, il suffit parfois de s’illusionner suffisamment pour le devenir. \u00c7a demande une na\u00efvet\u00e9 d’enfant. Puis vient l’autre na\u00efvet\u00e9, celle du second degr\u00e9, apr\u00e8s les ann\u00e9es de lucidit\u00e9. C’est elle qui me pousse \u00e0 \u00e9crire exactement ce que je viens d’\u00e9crire.<\/p>",
"content_text": " **1er mai** \u2014 Lancement de la version trois du site. En ligne. Pas tout \u00e0 fait au point mais \u00e0 ce stade, la qu\u00eate de la perfection relevait de la divagation technique. Le principe : organiser la navigation selon des th\u00e9matiques. Il reste deux mille articles \u00e0 trier, r\u00e9\u00e9crire. Je bosse, donc, ce qui tombe bien : les vacances m'ennuient. Visc\u00e9ralement. J'ai d\u00e9velopp\u00e9 une forme d'indiff\u00e9rence aux voyages. J'y vais \u00e0 reculons, puis je m'emmure dans un mutisme. La plupart des discussions sont des monologues altern\u00e9s. Je pr\u00e9f\u00e8re faire le mien ici. **2 mai** \u2014 Revu Twin Peaks. Pas tant une histoire qu'une atmosph\u00e8re. Une contamination. Une lente hyst\u00e9rie. Le sexe est l\u00e0, partout, mais \u00e0 c\u00f4t\u00e9. Un rictus, jamais un souffle. Une sorte de porno triste. Ce n'est pas que Twin Peaks soit toxique en soi. C'est que la vision qu'elle propose du monde est elle-m\u00eame parasit\u00e9e. Le bien, le mal, \u00e7a se superpose, \u00e7a se confond. Le spectateur est pi\u00e9g\u00e9 entre le soup\u00e7on et l'attente. Une parano\u00efa mod\u00e9r\u00e9e. Mais continue. On regarde encore un \u00e9pisode. Et on se r\u00e9veille avec cette impression que quelque chose a \u00e9t\u00e9 colonis\u00e9. Une beaut\u00e9 st\u00e9rile, un r\u00eave froid. Les plateformes de diffusion fonctionnent comme des armes douces de destruction massive des imaginaires singuliers. L'imagination se ratatine. On devient personnage secondaire d'un feuilleton global. **4 mai** \u2014 Rien \u00e9crit depuis deux jours. Aval\u00e9 par le code. Puis ce message de D. : \u00e7a finirait en juin. J'ai pens\u00e9 \u00e0 *L'\u00c2ge de cristal*. De mon c\u00f4t\u00e9, la trouille de devenir \"marteau\". Cette certitude, revenue ce matin : celle d'\u00eatre exactement \u00e0 la lisi\u00e8re \u2014 entre l'idiotie et le g\u00e9nie. Castaneda dit qu'en r\u00e9capitulant on peut rejoindre le point o\u00f9 l'\u00e9nergie de vivre s'est fig\u00e9e. Je n'ai jamais dout\u00e9 que cette phrase dise vrai. R\u00e9capituler, c'est \u00e9crire. Saisir une trace d'une souffrance travers\u00e9e. L'amour me manque. Ce manque est devenu un trou noir. Et pourtant, m'offrirait-on tout l'amour du monde que je ne saurais quoi en faire. Hier, dans la cour, je fixais une fleur bordeaux. Elle grandissait. Devenait gigantesque. Mon propre trou noir, mat\u00e9rialis\u00e9 sous forme v\u00e9g\u00e9tale. **5 mai** \u2014 Depuis que j'ai de nouvelles lunettes, j'ai plus de mal \u00e0 lire. Lunettes au rabais. Cette nuit, j'ai m\u00eame roul\u00e9 dessus. Durant trois ans, je me suis content\u00e9 de simples loupes achet\u00e9es partout. J'\u00e9prouve une col\u00e8re de tous les instants \u00e0 comprendre \u00e0 quel point je vieillis mal. Parfois, je me dis qu'il faudrait que je trouve la fameuse pilule rose. Puis un ricanement me flanque au sol. Il faudra aller jusqu'au bout du film. Ce qui est une grosse diff\u00e9rence par rapport \u00e0 il y a encore un an. Parfois, je pourrais \u00e9crire des histoires romantiques, amusantes. Mais non, je n'\u00e9prouve aucune envie de divertir. **6 mai** \u2014 Est-ce un je ou un jeu. \u00eele est peau cible qu'il soit possible d'\u00e9crire de la soie de soi \u00e7a va de soi. Revenir \u00e0 une fiente ou fente. Tu prends la langue au mot. Tu la fends phon\u00e9tiquement, tu l'\u00e9corches, afin qu'elle dise ce qu'elle ne voulait pas dire. L'\u00eele devient une peau \u00e0 viser, la cible mouvante du sujet. \u00c7a va de soi, soie de soi. La fiente : r\u00e9sidu, rejet. La fente : lieu d'\u00e9mergence, de d\u00e9chirure. L'\u00e9criture sort par l\u00e0 \u2014 par la fissure, pas par la r\u00e8gle. La merde et l'\u00eatre dans la lettre. **7 mai** \u2014 La forme po\u00e9tique, je ne sais pas vraiment ce qu'elle est. J'en retiens une musique, un rythme, d'une mani\u00e8re intuitive. Mieux vaut ne pas trop s'engager dans cette qu\u00eate. Le binaire : pour ou contre. Je reviens \u00e0 la sonorit\u00e9. Prenez un marteau-piqueur : ajoutez-lui quelques arrangements, et il pourrait finir dans un top cinquante. Quand je vivais dans cette rue bruyante du 11e, j'ai d\u00e9cid\u00e9 de c\u00e9der au bruit plut\u00f4t qu'\u00e0 la chaleur. Peu \u00e0 peu, je m'y suis habitu\u00e9. J'ai commenc\u00e9 \u00e0 discerner des rythmes. La forme est ce que l'on fabrique par n\u00e9cessit\u00e9, jamais par loisir. **8 mai** \u2014 \u2192 *Texte sur le don : \"La conscience du don est d\u00e9j\u00e0 une forme de retour. Le v\u00e9ritable don ne devrait pas passer par la conscience. On ne devrait pas prendre conscience de ce que l'on donne. Toute gratitude annule le don. C'est l\u00e0 tout le paradoxe lorsque j'\u00e9cris. Consulter les statistiques de visite n'est pas anodin : c'est v\u00e9rifier si la bouteille lanc\u00e9e \u00e0 la mer a touch\u00e9 une rive. Derrida dirait que cette recherche d'\u00e9cho prouve l'impossibilit\u00e9 d'un don litt\u00e9raire absolument gratuit. Se poser en \u00e9crivain d\u00e9sint\u00e9ress\u00e9, c'est vouloir le beurre et l'argent du beurre. L'\u00e9criture reste ancr\u00e9e, souill\u00e9e dans et par l'h\u00e9moglobine du monde.\"* **9 mai** \u2014 Il est difficile de parler de ce journal sans retomber sur les traces d'un propos d\u00e9j\u00e0 tenu. Difficile de contourner la question des religions, et plus encore le catholicisme. Hier soir, ce vacarme pour un nouveau pape. J'ai compt\u00e9 : huit papes en soixante-cinq ans. Le double pour quelqu'un n\u00e9 en 1900. Les papes sont devenus des figures obsol\u00e8tes, consommables, soumis \u00e0 la d\u00e9gradation programm\u00e9e. Comment croire en Dieu, aujourd'hui. Apr\u00e8s Auschwitz, apr\u00e8s Gaza, apr\u00e8s l'Ukraine. Cette effusion diffuse, j'ai pens\u00e9 au mot *tendret\u00e9*. Comme la viande qu'on frappe pour la rendre plus souple. L'\u00e9cran diffusait cette clameur qui m'a suivi comme un caniche d\u00e9glingu\u00e9. Et j'ai ressenti la compassion. Compassion et tristesse. Moi qui ne suis pas croyant pour deux sous. **10 mai** \u2014 L'effort me d\u00e9go\u00fbte. Non pas tout effort, mais l'exig\u00e9. Ce qui vient d'ailleurs, qui p\u00e8se. Un effort venant de l'ext\u00e9rieur. Ce n'est pas que je sois r\u00e9fractaire au mouvement. C'est que l'effort int\u00e9rieur me co\u00fbte tant qu'il ne me reste rien pour l'ext\u00e9rieur. Je m'oppose doucement. Pas de violence apparente. Mais en dedans, c'est la d\u00e9vastation. La col\u00e8re ne prend pas la forme de l'\u00e9clat. Elle monte sans qu'on la sente venir, reste coinc\u00e9e entre la cage thoracique et la gorge. Je ne crie pas. Mais la retenue finit par co\u00fbter plus cher que l'explosion. Ce silence est ce qui p\u00e8se le plus. \u00c0 force de contenir, je me disloque. **11 mai** \u2014 La pens\u00e9e m'a cueilli en pleine poitrine. Plus on est libre, plus on a de responsabilit\u00e9s. L'id\u00e9e \u00e9tait l\u00e0, en descendant l'escalier. \u00c0 mesure qu'elle se d\u00e9ployait, l'\u00e9tau se resserrait. Un bruit \u00e9trange, un glapissement venu de loin. Un for int\u00e9rieur. Peut-\u00eatre un bunker. Qui est enferm\u00e9 dans ce bunker ? Le reflet m'a renvoy\u00e9 le visage de mon p\u00e8re. Il me hurlait dessus, mais c'\u00e9tait un cri sans voix. Quelque chose frappait contre la porte. J'ai coll\u00e9 mon oreille. Des pleurs d'enfants m\u00eal\u00e9s \u00e0 un grondement rauque. La B\u00eate du G\u00e9vaudan. J'ai ouvert la porte. Rien. Le vide. Une b\u00e9ance muette. La libert\u00e9 m'a submerg\u00e9, avec une violence renouvel\u00e9e. J'\u00e9tais libre, terriblement libre. La vie nouvelle \u00e9tait l\u00e0. Plus rude, moins joyeuse. **12 mai** \u2014 Peut-on s'en passer, et \u00e0 quel prix. La famille, l'\u00e9cole, l'entreprise, l'\u00e9glise. Du d\u00e9but \u00e0 la fin, ce m\u00eame mouvement. Chaque fois que je ressens l'attrait pour l'un de ces groupes, cela finit mal. Cette joie initiale d'\u00eatre accept\u00e9. Puis le d\u00e9senchantement. \u00c0 la chorale d\u00e9j\u00e0, je d\u00e9chantais. Chanter faux, chanter fort : un acte presque instinctif. Ne pas me fondre. Refuser d'\u00eatre ce mouton docile. La voix du mauvais larron. Moi, du chagrin, j'ai fait une joie. Du rire solitaire, un graal. De la folie, une sagesse. Aller seul, r\u00e9solument. Une fois que tu as accept\u00e9 cette solitude, tu peux traverser tous les groupes sans que rien ne t'atteigne. **13 mai** \u2014 L'agacement qui surgit aussit\u00f4t que je lis cet auteur est chaque jour une \u00e9preuve. C'est cet agacement qu'il faut traverser quotidiennement. Mais une fois que c'est fait, on peut acc\u00e9der au texte. Chaud et froid. Ces textes tournent autour de la m\u00eame chose : une d\u00e9b\u00e2cle contempl\u00e9e lentement. Et faire quelque chose de cette contemplation. Voir le monde continuer comme il le fait toujours ajoute une dimension surr\u00e9aliste. La boulangerie du coin est toujours ouverte, sauf le lundi. Ce que l'on note dans un carnet est toujours un peu d\u00e9cevant. Bien des \u00e9v\u00e9nements ont sombr\u00e9 dans l'oubli. Le carnet est un d\u00e9fouloir, une gymnastique musculaire. Tracer sa route sans trop savoir pourquoi. **14 mai** \u2014 \u2192 *\"Le bon vieux temps\" : texte sur la conversation qui revient toujours vers le pass\u00e9. \"Avant, c'\u00e9tait quand m\u00eame autre chose.\" On se met \u00e0 parler des lieux d'avant, des objets disparus, des habitudes perdues. Ce bon vieux temps, c'est une mani\u00e8re de r\u00e9sister au sentiment d'inutilit\u00e9. On s'y accroche parce que le pr\u00e9sent fatigue. Cette enceinte de ressentiment est aussi une mani\u00e8re de tenir la nuit \u00e0 distance. On b\u00e2tit ce mur ensemble. \u00c0 l'int\u00e9rieur, le ressentiment grandit. Qu'est-ce qui finira par na\u00eetre de cette enceinte ? Une r\u00e9volte ? Quelque chose d'indicible qui nous emportera peut-\u00eatre. On veille ce foyer fragile, persuad\u00e9s que tant qu'il reste enferm\u00e9, on a encore un semblant de contr\u00f4le.* **15 mai** \u2014 S. ronflait. J'essayais de me concentrer sur Knausgaard. La tension s'installait dans ma nuque. Peut-\u00eatre que l'agacement n'\u00e9tait pas vraiment d\u00fb au ronflement mais \u00e0 ce passage du livre qui r\u00e9sonnait trop. Je me suis lev\u00e9, j'ai migr\u00e9 vers la chambre d'amis. R\u00e9veill\u00e9 \u00e0 4h. Ce matin, la fatigue avait une texture particuli\u00e8re. Cette lourdeur me rappelait les jours o\u00f9 je me levais \u00e0 cinq heures pour attraper le bus. Ces boulots d'int\u00e9rim. Je ne voulais pas \u00eatre fatigu\u00e9 intellectuellement. J'\u00e9crivais le soir. La journ\u00e9e, c'\u00e9tait les bras, les jambes. La vraie vie commen\u00e7ait le soir. Cette raideur est l'h\u00e9ritage de cette \u00e9poque. La trace de cette r\u00e9sistance farouche \u00e0 m'engager dans n'importe quel projet de vie. **16 mai** \u2014 \u2192 *Long texte narratif sur une journ\u00e9e ordinaire : nouvelles lunettes, poils blancs, fen\u00eatre oscillo-battante, attroupement devant l'\u00e9picerie turque, barri\u00e8res, document administratif (travaux de remise en \u00e9tat sous trois mois, sinon d\u00e9molition), cours de peinture au foyer Henri Barbusse, Dacia encombr\u00e9e par le bric-\u00e0-brac du vide-grenier de S., r\u00e9servoir dans l'orange, b\u00e9ret rouge oubli\u00e9 dans un sac plastique, m\u00e9dailles, mot de Bigeard. Le plombier arrive. Cinq minutes. \"J'aurais d\u00fb \u00eatre plombier.\" Les \u00e9l\u00e8ves du jeudi r\u00e9cup\u00e8rent leurs toiles. Fin de cycle. Pas d'explication. Pas d'excuse.* **17 mai** \u2014 En d\u00e9cidant d'abolir toute hi\u00e9rarchie d'importance entre les \u00e9l\u00e9ments narratifs, je me retrouvai projet\u00e9 vingt ans en arri\u00e8re. Ce que je pratiquais avec l'\u00e9criture n'\u00e9tait pas si diff\u00e9rent de ce que je faisais avec la peinture. Je vis appara\u00eetre un r\u00e9sultat d'une platitude exemplaire. Mais ce jugement appartenait \u00e0 un moi d'il y a vingt ans. Le moi d'aujourd'hui temp\u00e9ra. Ce que je percevais comme platitude \u00e9tait en r\u00e9alit\u00e9 une forme de r\u00e9sistance. En repassant devant l'\u00e9picerie turque, je ralentis. Une p\u00e9tition contre la d\u00e9molition avait \u00e9t\u00e9 ajout\u00e9e. Au foyer Henri Barbusse, cinq \u00e9l\u00e8ves arriv\u00e8rent. Exercice du jour : accumulation et gammes de verts. En refermant la porte, je me suis souvenu du prix du beurre, 4,50 \u20ac. \"\u00c7a n'a pas le go\u00fbt de beurre.\" Le syst\u00e8me d'irrigation : goutte-\u00e0-goutte avec bouteilles perc\u00e9es. Pi\u00e8ces de plastique de qualit\u00e9 m\u00e9diocre. **18 mai** \u2014 S. s'est lev\u00e9e de bonne heure pour partir vendre ses bricoles. J'avais travaill\u00e9 toute la nuit. Vers 4 heures, je me suis endormi. La porte qui s'est referm\u00e9e m'a apport\u00e9 une tranquillit\u00e9, presque une jouissance. Puis la culpabilit\u00e9. \u00c0 sept heures, un bruit. La porte d'entr\u00e9e pas ferm\u00e9e ? Quelqu'un pouvait monter et me poignarder. Enfant, je faisais souvent ce r\u00eave : \u00eatre poignard\u00e9 par une ombre. Ce ne pouvait \u00eatre que la m\u00e9tempsycose. Ou l'imagination. Trop fertile. Ce dimanche pouvait \u00eatre une bonne journ\u00e9e, \u00e0 condition de l'accepter. On a toujours le choix. J'ai relu certains textes. J'ai cru y trouver une structure autour de l'id\u00e9e des fen\u00eatres. Mais aucune progression. Chaque texte restait le m\u00eame, oscillant. En v\u00e9rifiant le goutte-\u00e0-goutte, toutes les bouteilles \u00e9taient vides. \u00c0 peine 24 heures. \"Vous pouvez vous absenter 10 jours.\" Mon cul. **20 mai** \u2014 La pens\u00e9e m'a cueilli : ce n'est pas le fait de vouloir raconter une histoire, c'est de la raconter toujours de la m\u00eame fa\u00e7on. Si on ne la dit pas telle qu'on s'y attend, l'histoire devient incongrue. J'ai referm\u00e9 *Hors les murs* de Jacques R\u00e9da. Un peu mieux saisi le texte d'Herv\u00e9 Micolet. L'angoisse est rest\u00e9e l\u00e0, de 11 heures \u00e0 22 heures. Ce ne peut pas \u00eatre une langue artificielle. Une langue n\u00e9e du refus de dire les choses comme on les dit toujours. Sit\u00f4t que je me d\u00e9prime, je deviens idiot. L'idiotie est le seul refuge confortable. Le site est d\u00e9sormais coup\u00e9 du monde. Mal param\u00e9tr\u00e9 le script, la Search Console refuse d'indexer. Finalement, \u00eatre planqu\u00e9 dans le trou du cul du web me va bien. Hors de l'\u00e9criture, je n'ai rien \u00e0 voir avec ce que j'\u00e9cris. Je suis personne. Pas Ulysse. **21 mai** \u2014 Lev\u00e9 t\u00f4t. D\u00e9chargement de la Dacia. Lecture de Compagnon, *Un \u00e9t\u00e9 avec Montaigne*. Relecture et publication. Code. Trouvaille : compilations mensuelles possibles. Une seule ligne \u00e0 ins\u00e9rer. Merci Spip ! Je ne vais pas partager sur les r\u00e9seaux. Relire d'abord, corriger. Je ne proposerai rien \u00e0 Minuit. Je n'aimerais pas prendre l'ap\u00e9ro avec les lecteurs de Minuit. \u00c0 part si Echenoz est l\u00e0. On pourrait rester assis sans rien dire. \u00c0 part \u00e7a, j'ai vid\u00e9 le lave-vaisselle. Fait bouillir de l'eau avec de l'acide citrique pour d\u00e9tartrer les m\u00e8ches rouill\u00e9es. L'id\u00e9e de me remettre \u00e0 peindre est encore n\u00e9buleuse. Mais j'ai pris plaisir \u00e0 faire quatre toiles. N'est-ce pas l\u00e0 le plus important ? Je me suis demand\u00e9 si j'aurais envie de prendre l'ap\u00e9ro avec moi. Je suis un homme triste. Mon humour vient de cette tristesse. Un humour qui fait fuir. **22 mai** \u2014 Ce qui distingue la patience de l'obstination. Dans certains domaines. Sans doute, l'int\u00e9r\u00eat. Ce qui ne m'int\u00e9resse pas ne demande ni patience ni obstination. Mais comment \u00e7a vient, l'int\u00e9r\u00eat. Le sport, par exemple. Je n'y vois rien. \u00c0 part dans *Courir*, d'Echenoz, sur Zatopek. Peut-\u00eatre que l'int\u00e9r\u00eat vient en s'int\u00e9ressant. Apr\u00e8s le d\u00eener, j'ai relu des articles sur La [Grange.net](http:\/\/Grange.net). Ce qui m'attire, c'est sa mani\u00e8re de tenir ses carnets. Depuis 2000. En 2001, apr\u00e8s le 11 septembre, j'ai jet\u00e9 tous mes carnets. Un week-end vers Mo\u00fbtiers. J'avais pr\u00e9par\u00e9 mon coup. J'ai fait un feu. Cercle de pierres. J'ai d\u00e9vers\u00e9 les carnets sur les flammes. J'ai essay\u00e9 d'\u00eatre attentif \u00e0 ce que \u00e7a me faisait. Toutes ces ann\u00e9es \u00e0 \u00e9crire des petites choses. Peut-\u00eatre y voyais-je un calcul. Un sacrifice. Puis je suis all\u00e9 chercher du bois. Et nous sommes pass\u00e9s \u00e0 autre chose. Ce divorce \u00e0 l'amiable. **23 mai** \u2014 \u2192 *Trois versions d'un m\u00eame texte sur la disparition : \"Dispara\u00eetre est d'une facilit\u00e9 d\u00e9concertante. Les objets, les \u00eatres, leur m\u00e9moire m\u00eame. Tout s'efface. La stupeur reste. Peut-\u00eatre la stupeur est-elle la forme m\u00eame de la disparition. Nous vivons d\u00e9sormais dans un monde de stupeur. Stup\u00e9fi\u00e9, p\u00e9trifi\u00e9 : comme la femme de Lot. Elle se retourne et la catastrophe la fige. On reste immobile. Dos au devenir. Dans la stupeur, le temps se fige. Et cette gel\u00e9e r\u00e9v\u00e8le sa fiction. De l\u00e0, on ne peut plus faire semblant.\" (+ versions \"compression\" et variations)* **24 mai** \u2014 \u2192 *Deux textes : \"Un texte de carnet devrait pouvoir s'\u00e9laborer comme une recette\" + texte sur Monet et Toussaint : \"Il y a un moment que l'on voudrait saisir. Celui o\u00f9 Claude Monet pousse la porte de son atelier. Toussaint ne parle pas de Monet. Il le regarde. L'art est cette tension vers l'inachevable. Je pense \u00e0 nos propres ateliers. \u00c0 ces instants o\u00f9 l'on s'arr\u00eate \u00e0 la porte de quelque chose.\" (+ version anglaise)* **25 mai** \u2014 \u2192 *Texte \u00e0 deux voix (fran\u00e7ais + anglais) : \"Une r\u00e9gularit\u00e9 de m\u00e9tronome. Pour le reste, rien n'est r\u00e9gulier. Erratique. Il \u00e9crit. Tous les jours. De quatre \u00e0 huit. Ce matin, le mot maillage. Puis mailler, maillet. Plus l'absurdit\u00e9 le cerne, plus il s'acharne. Abattre le mur entre l'int\u00e9rieur et l'ext\u00e9rieur. Le corps ne dit pas je. Il dirait le corps. Hier, lors de la marche pour chercher du pain, le corps et le trottoir ne faisaient plus qu'un. Les martinets criaient. Ce qui \u00e9tait senti venait de loin. Des silex. Quelque chose d'avant.\"* **26 mai** \u2014 \u2192 *Texte sur l'\u00e9criture et le site : \"Au d\u00e9part, l'id\u00e9e \u00e9tait simple. \u00c9crire, publier, recommencer. \u00c7a tenait du r\u00e9flexe. Je croyais que les textes passeraient. Mais non. Ils s'accumulent. Ils reviennent. Je me suis mis \u00e0 les reprendre. Le site n'est pas un journal. Plut\u00f4t un entrep\u00f4t. Ce serait plus simple si les titres n'\u00e9taient pas des dates. Je me suis aussi demand\u00e9 si je risquais de me plagier. C'est une id\u00e9e \u00e9trange. \u00c0 part \u00e7a, nous avons sorti la t\u00eate et le pied du lit conjugal. Je suis mauvais bricoleur, mais tr\u00e8s lent \u00e0 jeter. J'ai ce rapport ambigu aux choses. Comme avec les textes.\" (+ version anglaise)* **27 mai** \u2014 \u2192 *Texte bilingue sur le pr\u00e9sent et le r\u00eave : \"Le pr\u00e9sent impose une pression constante. Tout se plaque. Cette nuit j'ai \u00e9rafl\u00e9 un mur dans un r\u00eave gris. J'ai vu une couche de cendres s'effacer. Au fond, une luminosit\u00e9 rouge-or. J'avais enfreint quelque chose. Les ombres me regardent avec des orbites vides. S. commence \u00e0 ne plus avoir de regard. Le chat n'est qu'un estomac sur pattes. Qui cr\u00e9e de la nouveaut\u00e9 ? Qui rompt ce ph\u00e9nom\u00e8ne de r\u00e9p\u00e9tition ? J'ouvrirais la fen\u00eatre et je crierais 'Ne sentez-vous donc pas que quelque chose vous suce la moelle ?' Le casse-cro\u00fbte des vampires. Tous collaborent depuis la nuit des temps.\"* **28 mai** \u2014 \u2192 *Texte lovecraftien bilingue : \"Je suis enclin \u00e0 croire qu'il existe un lien entre l'acte d'\u00e9crire et l'art de composer du code. Nos propres cr\u00e9ations deviennent \u00e9trang\u00e8res sous notre propre regard. Un texte qui me semblait solide devient grossier, faible. Ce n'est pas la fatigue. C'est une loi. Un rythme ancien. Le Kybalion : 'Le balancement du pendule se manifeste en toute chose.' J'ai pens\u00e9 \u00e0 Nyarlathotep. Lovecraft n'a pas \u00e9crit ce texte. Il l'a re\u00e7u. Cette nuit, j'ai r\u00eav\u00e9 d'une lettre de Providence...\" (+ lettre de Lovecraft en r\u00eave : \"Ce que vous d\u00e9crivez est une loi. Une force cyclique. Nous ne sommes pas des cr\u00e9ateurs. Nous sommes des passages. J'ai entrevu ce dieu sans nom. Je l'ai appel\u00e9 Nyarlathotep. Continuez votre \u0153uvre. Pour accompagner le retour.\")* **29 mai** \u2014 \u2192 *Texte bilingue minimaliste : \"Tais-toi, me dit-elle. Puis elle entra. Dans ses bras, des gla\u00efeuls. Si simple que toutes mes complexit\u00e9s s'effondr\u00e8rent. Elle trouva un vase, commen\u00e7a \u00e0 arranger les fleurs. La lumi\u00e8re s'infiltrait. Les contours des choses se dissolv\u00e8rent. C'\u00e9tait. Un silence d'un autre ordre. Maintenant les fleurs se dressaient dans le vase, et c'\u00e9tait tout ce que je pouvais voir. Elle avait disparu. De la fen\u00eatre montaient les bruits de la rue. Tout ce qui avait \u00e9t\u00e9, et tout ce qui viendrait, n'\u00e9tait que silence \u2014 un espace blanc entre deux mots.\"* **30 mai** \u2014 Installer une IA locale. Mistral, 4,1 Go, via Ollama. Avant lui, un mod\u00e8le plus l\u00e9ger, presque analphab\u00e8te. Il fallait Docker, WebUI, de la place. J'en manquais. Le plan : reprendre mes dossiers Obsidian, leur demander de m'expliquer ce qu'ils faisaient l\u00e0. Je me complique la vie. C'est une habitude. Le RAG local. Pour faire tourner un script, une cargaison de d\u00e9pendances. J'ai tout install\u00e9, tout supprim\u00e9. Ce temps que j'y passe, c'est de l'\u00e9vitement. Mais \u00e9viter quoi ? Finir ? Ce serait f\u00e2cheux. Finir, c'est enterrer. Je m'entra\u00eene. Pour ce qui ne se r\u00e9p\u00e8te pas. La fatigue est l\u00e0. Et pourtant, \u00e7a continue. Avec moi. Sans moi. **31 mai** \u2014 Mai s'ach\u00e8ve sur un constat bancal. Trop de code, pas assez de mots. Encore moins de couleurs sur la toile. Cette solitude technique. Personne \u00e0 qui demander. Peut-\u00eatre que j'aime buter contre les choses. Cette r\u00e9sistance du monde, cette inertie. Et derri\u00e8re, le fantasme du d\u00e9finitif. Sauf que seule la mort tient ses promesses. Le reste flotte, perp\u00e9tuellement. Cette instabilit\u00e9 ne m'effraie plus. Mes r\u00eaves de grandeur ? \u00c9vapor\u00e9s. Grand peintre, grand \u00e9crivain \u2014 tout \u00e7a s'est dilu\u00e9. Pourtant, il suffit parfois de s'illusionner suffisamment pour le devenir. \u00c7a demande une na\u00efvet\u00e9 d'enfant. Puis vient l'autre na\u00efvet\u00e9, celle du second degr\u00e9, apr\u00e8s les ann\u00e9es de lucidit\u00e9. C'est elle qui me pousse \u00e0 \u00e9crire exactement ce que je viens d'\u00e9crire. ",
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