{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/avril-2025-3873.html", "url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/avril-2025-3873.html", "title": "Avril 2025", "date_published": "2025-12-21T22:06:31Z", "date_modified": "2025-12-21T22:33:44Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "
1er avril<\/strong> — L’id\u00e9e que le temps ait une \u00e9paisseur. Qu’il ralentisse quand on m\u00e9dite. Ou plut\u00f4t qu’il s’absente. Cette r\u00e9bellion ancienne contre l’oisivet\u00e9, ce refus des injonctions. Quand j’ai tout mon temps, je le gaspille. D\u00e9lib\u00e9r\u00e9ment. Une vengeance d\u00e9risoire qui me blesse autant qu’elle vise. Mais c’est la seule fa\u00e7on de reprendre possession du temps vol\u00e9.<\/p>\n \u2192 Texte avec triple voix (texte \/ sous-conversation \/ note de travail) sur le temps, l’oisivet\u00e9, le refus<\/em><\/p>\n 2 avril<\/strong> — S’entendre parler, ce frottement insupportable. J’ai commenc\u00e9 \u00e0 enregistrer mes textes. Pour m’irriter mieux. J’ai balis\u00e9 mes lectures : \/\/ pour souffler, \/\/\/ pour sombrer. Ma voix a chang\u00e9 depuis les vid\u00e9os de peinture. L’absence de dents n’aide pas. J’ai \u00e9cout\u00e9 P.A. lire L’Illiade. Deux minutes. Moi, douze minutes sur Mi\u00e9ville. Toujours trop. Cette foutue limite que je ne sens pas. S. revient jeudi. Il faudra r\u00e9int\u00e9grer le monde.<\/p>\n 3 avril<\/strong> — L’\u00e9lite fabrique en m\u00eame temps l’oppression et son opposition. Cette \u00e9vidence a pris un air weird. Le mot culture<\/em>, son autorit\u00e9 tranquille, m’a toujours mis mal \u00e0 l’aise. Le son, surtout. Les voix. Il y avait du faux. Depuis la maternelle. Une oreille morale pr\u00e9coce, intuitive. Comme si le corps savait avant l’intellect.<\/p>\n \u2192 Texte avec analyse r\u00e9flexive de la m\u00e9thode qui s’auto-analyse : \"Retour sur la m\u00e9thode\"<\/em><\/p>\n \u2192 R\u00e9f\u00e9rence au Facteur Cheval et son Palais id\u00e9al<\/em><\/p>\n 4 avril<\/strong> — S. de retour. Pas un \u00e9v\u00e9nement. Une sensation rance. L’\u00e9touffement. Le trop. Le rien. Alternance : haine de soi \/ d\u00e9sespoir de soi. Mis X en priv\u00e9. « 40 jours \/ La ville » : nettoyage int\u00e9gral. R\u00e9\u00e9criture de Gor en panne. Nouvelle id\u00e9e : un livre priv\u00e9. Pas pour \u00eatre lu. Pour \u00eatre rang\u00e9. Une bo\u00eete. Un plan. \u00c9crire, ce n’est pas raconter, c’est ranger le chaos.<\/p>\n 6 avril<\/strong> — C’en est fini du travail de r\u00e9\u00e9criture. Cette fatigue blanche, cette limaille dans la t\u00eate. Je devrais faire cela chaque jour, mais il y a ce double \u00e9cueil : le ralentissement d’abord, puis l’empressement. S. me dit que je devrais peindre. Plus elle le dit, moins je peins. Une sourde r\u00e9sistance. Hier, acheter des plantes pour la cour. Un vrai plaisir. Les noms m’ont \u00e9chapp\u00e9 aussit\u00f4t. Puis l’\u00e9puisement est tomb\u00e9 d’un seul coup. Et cette plaque min\u00e9ralogique. Le monde vous retient par des riens. Un soulagement si total qu’il ressemblait \u00e0 une d\u00e9faillance.<\/p>\n 7 avril<\/strong> — Cette nuit, le mot ritournelle<\/em> s’est mis \u00e0 battre. J’ai descendu chercher Mille Plateaux<\/em>. Mais je poss\u00e9dais d\u00e9j\u00e0 le mot, avant toute lecture. Un afflux d’images : marelles, enfants qui sautillent, feuilles mortes, cartes grav\u00e9es dans l’\u00e9corce. Un paysage d’enfance composite. L’odeur de l’automne — humus, bois pourri. Nous \u00e9tions au printemps. Je relis. On dirait presque du Bergounioux. Panique l\u00e9g\u00e8re. \u00c0 quel point suis-je influenc\u00e9 par ce que je lis ? Mais j’ai ma voix. Les mots tenue<\/em> et rel\u00e2chement<\/em> sont arriv\u00e9s comme deux ivrognes dans un bar tranquille. Bergounioux : une langue min\u00e9rale, de s\u00e9dentaire. La mienne : langue de vagabond, d’exil\u00e9 perp\u00e9tuel. Toujours p\u00e2teuse, grasse, fertile mais anarchique.<\/p>\n 8 avril<\/strong> — Parler encore. De ce mot. G\u00e9n\u00e9rosit\u00e9.<\/p>\n \u2192 Long texte en trois mouvements (\u2042) sur la g\u00e9n\u00e9rosit\u00e9 : le mot us\u00e9, les attentes mill\u00e9naires (ciel, corps, sexe, nature), puis le flux final \"Je donne tout\"<\/em><\/p>\n \u2192 \"Double Voyage \u2013 Vers un objet litt\u00e9raire\" : notes d’avril sur la r\u00e9\u00e9criture de textes de 2023, structure sous-jacente, motifs r\u00e9currents (figures paternelles, lieux, objets-souvenirs, boucle du d\u00e9part avort\u00e9, m\u00e9lancolie du temps flottant)<\/em><\/p>\n 9 avril<\/strong> —<\/p>\n \u2192 \"Double voyage\" : dix propositions d’\u00e9criture<\/em><\/p>\n \u2192 \"Figures d’absence, premi\u00e8re trame\" : Dans le train Lyon-Paris, relecture des textes de l’an dernier. Les figures absentes. Les p\u00e8res. Les morts. Johannes Musti (le grand-p\u00e8re estonien jamais connu). Vania (le rempla\u00e7ant, le petit moujik devenu barin). Le p\u00e8re dans l’\u00e9tang (qui nage vers l’horizon). L’arri\u00e8re-grand-p\u00e8re de Bourganeuf (mort le dernier jour de la Grande Guerre). Robert aux deux visages (le conteur jovial et l’ombre inqui\u00e9tante). L’arri\u00e8re-grand-p\u00e8re lecteur de Victor Hugo. \"Au moment de refermer la tablette je m’aper\u00e7ois que je n’ai \u00e9voqu\u00e9 que des figures d’hommes.\"<\/em><\/p>\n Ce que ces journ\u00e9es de r\u00e9\u00e9criture m’apprennent, c’est \u00e0 dispara\u00eetre. Une certaine paix \u00e0 s’effacer. Suivre presque chaque jour le journal de H.P.L. sur YouTube. Des phrases maigres, serr\u00e9es. \u00c7a me parle. Caf\u00e9. S. m’apprend que M. s’est achet\u00e9 une machine \u00e0 moudre les grains. Direction Darty. Fond de l’\u0153il chez l’ophtalmo. D\u00e9jeuner chez E., couscous r\u00e9chauff\u00e9. Givors pour le micro-ondes. Chanas pour les lunettes. 82 euros de diff\u00e9rence, S. paie. Je me sens minable.<\/p>\n Lu Thierry Crouzet sur les outils de l’\u00e9criture. Le Markdown. Pendant longtemps, j’ai noirci les interfaces WordPress. Puis SPIP. Puis Obsidian. Maintenant je vois des diff\u00e9rences sur les sites : typographie pens\u00e9e ou improvis\u00e9e.<\/p>\n 11 avril<\/strong> — Tous pensent pareil. Prison sans promenade. Un moment d’\u00e9lan, puis non : c’est encore la prison. Le service de l’\u00e9vasion fait partie de l’administration carc\u00e9rale. Ennui en lisant quelques articles d’EAN. Le probl\u00e8me, c’est moi. Si au moins je pouvais m’atteler \u00e0 quelque chose de solide. Mais l’enthousiasme se dissipe. Cette lucidit\u00e9 carnassi\u00e8re, fausse amie. Elle me regarde de travers. On dirait mon p\u00e8re.<\/p>\n Ces arm\u00e9es de cyniques, je les ai crois\u00e9es. Haillons sur le dos, champ de bataille du bureau. Parfois, j’ai envie de dessiner une machine \u00e0 caf\u00e9 de deux m\u00e8tres de haut sur le mur de mon atelier. L’odeur rance des moquettes, la transparence des cloisons, l’\u00e9tendue affolante de l’open space. Oppression g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9e.<\/p>\n Pourquoi vous prenez-vous, jeune homme ? Ce vieux professeur d’allemand de S.S. Osny. Saint-Stanislas. Le rapprochement est gros comme une enseigne en n\u00e9on. Ces anciens d\u00e9port\u00e9s revenus jouant les kapos en blouse grise. Poinsard. L’inf\u00e2me Poinsard. Merde. Qu’on me foute la paix.<\/p>\n Un roman noir serait parfait. Un tueur en s\u00e9rie. \u00c0 la fin, un gamin de sept ans. Du sang aux l\u00e8vres. Un vol d’oies sauvages. Puis en bas la voix d’un sale lutin : aller on rentre c’est l’heure de la soupe, p\u00e9p\u00e8re.<\/p>\n 12 avril<\/strong> — Si j’\u00e9cris : elle faisait partie de ces r\u00eaves dans lesquels on croit que l’on peut encore se sauver, s’enfuir mais dont on s’aper\u00e7oit avec stup\u00e9faction, col\u00e8re, d\u00e9sespoir qu’on n’avance pas<\/em> — est-ce une phrase qui tient debout ? Ou faut-il des contreforts de tous les c\u00f4t\u00e9s ?<\/p>\n Ce que je veux dire : elle \u00e9tait d’une telle profondeur de mollesse qu’elle m’\u00e9touffait. Et cet \u00e9touffement me plaisait. Peu \u00e0 peu les neurones s’avachissaient. Me munissant d’un couteau \u00e0 trancher le pain, je tranchais dans le vif. La 4L s’\u00e9lan\u00e7a. Pas loin, plus de carburant, mais suffisant. Je m’\u00e9tais mis sur orbite.<\/p>\n On ne doit pas dire de mal ainsi, surtout des femmes. Je restais ind\u00e9cis durant des ann\u00e9es. Fallait-il le dire ? Mais l’\u00eatre humain est tout autant d\u00e9sesp\u00e9rant, m\u00e2le ou femelle. Il y a un petit c\u00f4t\u00e9 j’ai tout lu j’en peux plus que je ne cacherai plus.<\/p>\n Est-ce que je crois \u00e0 tout ce que j’\u00e9cris ? Pas s\u00fbr. Mais j’y crois — pleinement — le temps que \u00e7a s’\u00e9crit. J’ai acquis une endurance. Pas \u00e0 la douleur — au doute.<\/p>\n 13 avril<\/strong> — Ranger, classer. Chantier monumental. Classer tous les textes du carnet par th\u00e9matiques. J’ai cr\u00e9\u00e9 11 th\u00e8mes : Miroir manquant \/ Le livre refus\u00e9 \/ Corps flous, identit\u00e9s mouvantes \/ Fatigue du je \/ \u00c9crire sans garantie \/ Fragments de croyance \/ Survie syntaxique \/ Les nuits dans SPIP \/ M\u00e9moire d\u00e9sordonn\u00e9e \/ Ce qui reste quand on se tait \/ Vers une fiction possible.<\/p>\n Des centaines d’articles. Indigeste. L’essai sur la fatigue comporte 46 textes. Peut-\u00eatre supprimer compl\u00e8tement les dates, les url. Si c’est un objet, il faut qu’il soit \u00e0 part. Le sortir de la cuisine.<\/p>\n Les petits-enfants sont arriv\u00e9s hier soir. Pause donc. Dimanche L. et N. viennent d\u00e9jeuner. Deux gros poulets, un sac de pommes de terre. Il pleut. Dommage pour la promenade.<\/p>\n 14 avril<\/strong> —<\/p>\n \u2192 \"Carum et garum\" : texte sur les lettres C et G, le son [k] et [g], l’origine du F, les alphabets abjads ph\u00e9niciens, la ville de Tyr (\u1e62\u016br), la lecture de l’invisible. \"Je suis une consonne oubli\u00e9e d’un alphabet sans voyelles. Pour me lire, il faut deviner.\"<\/em><\/p>\n -- Bergounioux. Je lis et je me dis : voil\u00e0 quelqu’un qui sait ce qu’il fait. Pas de fioriture. Juste la langue, dense, pr\u00e9cise. Et moi ? Je tourne en rond.<\/p>\n 15 avril<\/strong> — La fatigue est revenue. Pas spectaculaire. Juste l\u00e0. Une pr\u00e9sence sourde.<\/p>\n 16 avril<\/strong> — Travail sur le site. R\u00e9organisation des rubriques. Cr\u00e9ation d’un agenda de publication pour Gor. Mise en place d’une licence Creative Commons.<\/p>\n 17 avril<\/strong> — [MICRO-FICTION]<\/strong> — Texte sur l’attente.<\/p>\n 18 avril<\/strong> — [MICRO-FICTION]<\/strong> — Suite.<\/p>\n 19 avril<\/strong> — Conversation avec C. sur l’enseignement. Il me dit : tu devrais peut-\u00eatre ralentir. Je r\u00e9ponds : j’ai d\u00e9j\u00e0 arr\u00eat\u00e9.<\/p>\n 20 avril<\/strong> — [ATELIER suite Malt Olbren]<\/strong> — Nouveaux exercices de variations.<\/p>\n 21 avril<\/strong> — Relu Lovecraft. Je me demande ce qui reste aujourd’hui du fantastique tel qu’il l’a con\u00e7u. Peut-\u00eatre rien. Ou peut-\u00eatre tout, mais autrement.<\/p>\n 22 avril<\/strong> — [FICTION EXP\u00c9RIMENTALE]<\/strong> — Texte sur la dislocation du r\u00e9cit.<\/p>\n 23 avril<\/strong> — Repris Gor. Avanc\u00e9 sur le chapitre 3. Mais je sens que quelque chose cloche. Le rythme ? La voix ? Je ne sais pas.<\/p>\n 24 avril<\/strong> — Knausgaard encore. Je me demande si l’autofiction n’est pas juste une mani\u00e8re de ne pas avoir \u00e0 inventer. Ou au contraire : une mani\u00e8re d’inventer autrement.<\/p>\n 25 avril<\/strong> — [ATELIER suite]<\/strong> — Derniers exercices de la s\u00e9rie Malt Olbren.<\/p>\n 26 avril<\/strong> — [MICRO-FICTION]<\/strong> — Texte sur la disparition.<\/p>\n 27 avril<\/strong> — Bilan du mois. Fatigue. R\u00e9organisation. Lectures. \u00c9critures par \u00e0-coups. D\u00e9cision d’arr\u00eater les cours. Travail sur Double Voyage et Gor. Mais surtout : une sensation de flottement. Comme si tout \u00e9tait en suspens.<\/p>",
"content_text": " **1er avril** \u2014 L'id\u00e9e que le temps ait une \u00e9paisseur. Qu'il ralentisse quand on m\u00e9dite. Ou plut\u00f4t qu'il s'absente. Cette r\u00e9bellion ancienne contre l'oisivet\u00e9, ce refus des injonctions. Quand j'ai tout mon temps, je le gaspille. D\u00e9lib\u00e9r\u00e9ment. Une vengeance d\u00e9risoire qui me blesse autant qu'elle vise. Mais c'est la seule fa\u00e7on de reprendre possession du temps vol\u00e9. \u2192 *Texte avec triple voix (texte \/ sous-conversation \/ note de travail) sur le temps, l'oisivet\u00e9, le refus* **2 avril** \u2014 S'entendre parler, ce frottement insupportable. J'ai commenc\u00e9 \u00e0 enregistrer mes textes. Pour m'irriter mieux. J'ai balis\u00e9 mes lectures : \/\/ pour souffler, \/\/\/ pour sombrer. Ma voix a chang\u00e9 depuis les vid\u00e9os de peinture. L'absence de dents n'aide pas. J'ai \u00e9cout\u00e9 P.A. lire L'Illiade. Deux minutes. Moi, douze minutes sur Mi\u00e9ville. Toujours trop. Cette foutue limite que je ne sens pas. S. revient jeudi. Il faudra r\u00e9int\u00e9grer le monde. **3 avril** \u2014 L'\u00e9lite fabrique en m\u00eame temps l'oppression et son opposition. Cette \u00e9vidence a pris un air weird. Le mot *culture*, son autorit\u00e9 tranquille, m'a toujours mis mal \u00e0 l'aise. Le son, surtout. Les voix. Il y avait du faux. Depuis la maternelle. Une oreille morale pr\u00e9coce, intuitive. Comme si le corps savait avant l'intellect. \u2192 *Texte avec analyse r\u00e9flexive de la m\u00e9thode qui s'auto-analyse : \"Retour sur la m\u00e9thode\"* \u2192 *R\u00e9f\u00e9rence au Facteur Cheval et son Palais id\u00e9al* **4 avril** \u2014 S. de retour. Pas un \u00e9v\u00e9nement. Une sensation rance. L'\u00e9touffement. Le trop. Le rien. Alternance : haine de soi \/ d\u00e9sespoir de soi. Mis X en priv\u00e9. \u00ab 40 jours \/ La ville \u00bb : nettoyage int\u00e9gral. R\u00e9\u00e9criture de Gor en panne. Nouvelle id\u00e9e : un livre priv\u00e9. Pas pour \u00eatre lu. Pour \u00eatre rang\u00e9. Une bo\u00eete. Un plan. \u00c9crire, ce n'est pas raconter, c'est ranger le chaos. **6 avril** \u2014 C'en est fini du travail de r\u00e9\u00e9criture. Cette fatigue blanche, cette limaille dans la t\u00eate. Je devrais faire cela chaque jour, mais il y a ce double \u00e9cueil : le ralentissement d'abord, puis l'empressement. S. me dit que je devrais peindre. Plus elle le dit, moins je peins. Une sourde r\u00e9sistance. Hier, acheter des plantes pour la cour. Un vrai plaisir. Les noms m'ont \u00e9chapp\u00e9 aussit\u00f4t. Puis l'\u00e9puisement est tomb\u00e9 d'un seul coup. Et cette plaque min\u00e9ralogique. Le monde vous retient par des riens. Un soulagement si total qu'il ressemblait \u00e0 une d\u00e9faillance. **7 avril** \u2014 Cette nuit, le mot *ritournelle* s'est mis \u00e0 battre. J'ai descendu chercher *Mille Plateaux*. Mais je poss\u00e9dais d\u00e9j\u00e0 le mot, avant toute lecture. Un afflux d'images : marelles, enfants qui sautillent, feuilles mortes, cartes grav\u00e9es dans l'\u00e9corce. Un paysage d'enfance composite. L'odeur de l'automne \u2014 humus, bois pourri. Nous \u00e9tions au printemps. Je relis. On dirait presque du Bergounioux. Panique l\u00e9g\u00e8re. \u00c0 quel point suis-je influenc\u00e9 par ce que je lis ? Mais j'ai ma voix. Les mots *tenue* et *rel\u00e2chement* sont arriv\u00e9s comme deux ivrognes dans un bar tranquille. Bergounioux : une langue min\u00e9rale, de s\u00e9dentaire. La mienne : langue de vagabond, d'exil\u00e9 perp\u00e9tuel. Toujours p\u00e2teuse, grasse, fertile mais anarchique. **8 avril** \u2014 Parler encore. De ce mot. G\u00e9n\u00e9rosit\u00e9. \u2192 *Long texte en trois mouvements (\u2042) sur la g\u00e9n\u00e9rosit\u00e9 : le mot us\u00e9, les attentes mill\u00e9naires (ciel, corps, sexe, nature), puis le flux final \"Je donne tout\"* \u2192 *\"Double Voyage \u2013 Vers un objet litt\u00e9raire\" : notes d'avril sur la r\u00e9\u00e9criture de textes de 2023, structure sous-jacente, motifs r\u00e9currents (figures paternelles, lieux, objets-souvenirs, boucle du d\u00e9part avort\u00e9, m\u00e9lancolie du temps flottant)* **9 avril** \u2014 \u2192 *\"Double voyage\" : dix propositions d'\u00e9criture* - *00. Prologue : deux listes de dix lieux (r\u00e9els\/imaginaires) avec un intrus* - *01. La nuit d'avant : lieu qui hante* - *02. L'arriv\u00e9e dans la ville : deux fragments (m\u00e9moire\/invention)* - *03. L'impossible retour : \u00e0 la mani\u00e8re de Michaux* - *04. \u00c9tapes : m\u00eame halte, r\u00e9elle puis invent\u00e9e* - *05. Usages du monde : neuf rep\u00e8res d'un voyage (limbes, luxure, gourmandise... trahison)* - *06. Qui raconte, \u00e0 qui ? : dialogue entre voyageur et auditeur* - *07. Un tout petit voyage : Saint-Bonnet, l'\u00e9tang, le p\u00e8re qui nage* - *08. Reconstitutions : fragments disjoints sur Johannes Musti* - *09. Tout le monde raconte l'histoire : \u00e0 la mani\u00e8re de Wittig* - *10. Trois cartes postales & une fiction : Self Place Clichy* \u2192 *\"Figures d'absence, premi\u00e8re trame\" : Dans le train Lyon-Paris, relecture des textes de l'an dernier. Les figures absentes. Les p\u00e8res. Les morts. Johannes Musti (le grand-p\u00e8re estonien jamais connu). Vania (le rempla\u00e7ant, le petit moujik devenu barin). Le p\u00e8re dans l'\u00e9tang (qui nage vers l'horizon). L'arri\u00e8re-grand-p\u00e8re de Bourganeuf (mort le dernier jour de la Grande Guerre). Robert aux deux visages (le conteur jovial et l'ombre inqui\u00e9tante). L'arri\u00e8re-grand-p\u00e8re lecteur de Victor Hugo. \"Au moment de refermer la tablette je m'aper\u00e7ois que je n'ai \u00e9voqu\u00e9 que des figures d'hommes.\"* Ce que ces journ\u00e9es de r\u00e9\u00e9criture m'apprennent, c'est \u00e0 dispara\u00eetre. Une certaine paix \u00e0 s'effacer. Suivre presque chaque jour le journal de H.P.L. sur YouTube. Des phrases maigres, serr\u00e9es. \u00c7a me parle. Caf\u00e9. S. m'apprend que M. s'est achet\u00e9 une machine \u00e0 moudre les grains. Direction Darty. Fond de l'\u0153il chez l'ophtalmo. D\u00e9jeuner chez E., couscous r\u00e9chauff\u00e9. Givors pour le micro-ondes. Chanas pour les lunettes. 82 euros de diff\u00e9rence, S. paie. Je me sens minable. Lu Thierry Crouzet sur les outils de l'\u00e9criture. Le Markdown. Pendant longtemps, j'ai noirci les interfaces WordPress. Puis SPIP. Puis Obsidian. Maintenant je vois des diff\u00e9rences sur les sites : typographie pens\u00e9e ou improvis\u00e9e. **11 avril** \u2014 Tous pensent pareil. Prison sans promenade. Un moment d'\u00e9lan, puis non : c'est encore la prison. Le service de l'\u00e9vasion fait partie de l'administration carc\u00e9rale. Ennui en lisant quelques articles d'EAN. Le probl\u00e8me, c'est moi. Si au moins je pouvais m'atteler \u00e0 quelque chose de solide. Mais l'enthousiasme se dissipe. Cette lucidit\u00e9 carnassi\u00e8re, fausse amie. Elle me regarde de travers. On dirait mon p\u00e8re. Ces arm\u00e9es de cyniques, je les ai crois\u00e9es. Haillons sur le dos, champ de bataille du bureau. Parfois, j'ai envie de dessiner une machine \u00e0 caf\u00e9 de deux m\u00e8tres de haut sur le mur de mon atelier. L'odeur rance des moquettes, la transparence des cloisons, l'\u00e9tendue affolante de l'open space. Oppression g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9e. Pourquoi vous prenez-vous, jeune homme ? Ce vieux professeur d'allemand de S.S. Osny. Saint-Stanislas. Le rapprochement est gros comme une enseigne en n\u00e9on. Ces anciens d\u00e9port\u00e9s revenus jouant les kapos en blouse grise. Poinsard. L'inf\u00e2me Poinsard. Merde. Qu'on me foute la paix. Un roman noir serait parfait. Un tueur en s\u00e9rie. \u00c0 la fin, un gamin de sept ans. Du sang aux l\u00e8vres. Un vol d'oies sauvages. Puis en bas la voix d'un sale lutin : aller on rentre c'est l'heure de la soupe, p\u00e9p\u00e8re. **12 avril** \u2014 Si j'\u00e9cris : *elle faisait partie de ces r\u00eaves dans lesquels on croit que l'on peut encore se sauver, s'enfuir mais dont on s'aper\u00e7oit avec stup\u00e9faction, col\u00e8re, d\u00e9sespoir qu'on n'avance pas* \u2014 est-ce une phrase qui tient debout ? Ou faut-il des contreforts de tous les c\u00f4t\u00e9s ? Ce que je veux dire : elle \u00e9tait d'une telle profondeur de mollesse qu'elle m'\u00e9touffait. Et cet \u00e9touffement me plaisait. Peu \u00e0 peu les neurones s'avachissaient. Me munissant d'un couteau \u00e0 trancher le pain, je tranchais dans le vif. La 4L s'\u00e9lan\u00e7a. Pas loin, plus de carburant, mais suffisant. Je m'\u00e9tais mis sur orbite. On ne doit pas dire de mal ainsi, surtout des femmes. Je restais ind\u00e9cis durant des ann\u00e9es. Fallait-il le dire ? Mais l'\u00eatre humain est tout autant d\u00e9sesp\u00e9rant, m\u00e2le ou femelle. Il y a un petit c\u00f4t\u00e9 j'ai tout lu j'en peux plus que je ne cacherai plus. Est-ce que je crois \u00e0 tout ce que j'\u00e9cris ? Pas s\u00fbr. Mais j'y crois \u2014 pleinement \u2014 le temps que \u00e7a s'\u00e9crit. J'ai acquis une endurance. Pas \u00e0 la douleur \u2014 au doute. **13 avril** \u2014 Ranger, classer. Chantier monumental. Classer tous les textes du carnet par th\u00e9matiques. J'ai cr\u00e9\u00e9 11 th\u00e8mes : Miroir manquant \/ Le livre refus\u00e9 \/ Corps flous, identit\u00e9s mouvantes \/ Fatigue du je \/ \u00c9crire sans garantie \/ Fragments de croyance \/ Survie syntaxique \/ Les nuits dans SPIP \/ M\u00e9moire d\u00e9sordonn\u00e9e \/ Ce qui reste quand on se tait \/ Vers une fiction possible. Des centaines d'articles. Indigeste. L'essai sur la fatigue comporte 46 textes. Peut-\u00eatre supprimer compl\u00e8tement les dates, les url. Si c'est un objet, il faut qu'il soit \u00e0 part. Le sortir de la cuisine. Les petits-enfants sont arriv\u00e9s hier soir. Pause donc. Dimanche L. et N. viennent d\u00e9jeuner. Deux gros poulets, un sac de pommes de terre. Il pleut. Dommage pour la promenade. **14 avril** \u2014 \u2192 *\"Carum et garum\" : texte sur les lettres C et G, le son [k] et [g], l'origine du F, les alphabets abjads ph\u00e9niciens, la ville de Tyr (\u1e62\u016br), la lecture de l'invisible. \"Je suis une consonne oubli\u00e9e d'un alphabet sans voyelles. Pour me lire, il faut deviner.\"* \u2014 Bergounioux. Je lis et je me dis : voil\u00e0 quelqu'un qui sait ce qu'il fait. Pas de fioriture. Juste la langue, dense, pr\u00e9cise. Et moi ? Je tourne en rond. **15 avril** \u2014 La fatigue est revenue. Pas spectaculaire. Juste l\u00e0. Une pr\u00e9sence sourde. **16 avril** \u2014 Travail sur le site. R\u00e9organisation des rubriques. Cr\u00e9ation d'un agenda de publication pour Gor. Mise en place d'une licence Creative Commons. **17 avril** \u2014 **[MICRO-FICTION]** \u2014 Texte sur l'attente. **18 avril** \u2014 **[MICRO-FICTION]** \u2014 Suite. **19 avril** \u2014 Conversation avec C. sur l'enseignement. Il me dit : tu devrais peut-\u00eatre ralentir. Je r\u00e9ponds : j'ai d\u00e9j\u00e0 arr\u00eat\u00e9. **20 avril** \u2014 **[ATELIER suite Malt Olbren]** \u2014 Nouveaux exercices de variations. **21 avril** \u2014 Relu Lovecraft. Je me demande ce qui reste aujourd'hui du fantastique tel qu'il l'a con\u00e7u. Peut-\u00eatre rien. Ou peut-\u00eatre tout, mais autrement. **22 avril** \u2014 **[FICTION EXP\u00c9RIMENTALE]** \u2014 Texte sur la dislocation du r\u00e9cit. **23 avril** \u2014 Repris Gor. Avanc\u00e9 sur le chapitre 3. Mais je sens que quelque chose cloche. Le rythme ? La voix ? Je ne sais pas. **24 avril** \u2014 Knausgaard encore. Je me demande si l'autofiction n'est pas juste une mani\u00e8re de ne pas avoir \u00e0 inventer. Ou au contraire : une mani\u00e8re d'inventer autrement. **25 avril** \u2014 **[ATELIER suite]** \u2014 Derniers exercices de la s\u00e9rie Malt Olbren. **26 avril** \u2014 **[MICRO-FICTION]** \u2014 Texte sur la disparition. **27 avril** \u2014 Bilan du mois. Fatigue. R\u00e9organisation. Lectures. \u00c9critures par \u00e0-coups. D\u00e9cision d'arr\u00eater les cours. Travail sur Double Voyage et Gor. Mais surtout : une sensation de flottement. Comme si tout \u00e9tait en suspens. ",
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