{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/creativite-et-serendipite.html", "url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/creativite-et-serendipite.html", "title": "Cr\u00e9ativit\u00e9 et Serendipit\u00e9", "date_published": "2022-09-29T12:56:51Z", "date_modified": "2025-11-03T14:29:08Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Lorsque l’on parle des \" cr\u00e9atifs\", \u00e0 quoi pense tu imm\u00e9diatement ? Est ce que tu n’es pas en train de penser \u00e0 ces personnes stress\u00e9es qui boivent des litres de caf\u00e9, fument comme des pompiers, s’agitent dans tous les sens de fa\u00e7on apparemment d\u00e9sordonn\u00e9es ? Tu les vois peut-\u00eatre aussi se pr\u00e9lasser sur un divan pendant des heures en ayant l’impression qu’ils ne fichent rien ? Ou alors tu as des images de grandes salles open-space avec des types qui jouent au baby pendant que d’autres ont la t\u00eate dans leur \u00e9cran les yeux explos\u00e9s et une barbe de 3 jours ? Voil\u00e0 quelques clich\u00e9s concernant la cr\u00e9ativit\u00e9. Quand \u00e0 la d\u00e9finition que donne par exemple Wikip\u00e9dia : \"La cr\u00e9ativit\u00e9 d\u00e9crit — de fa\u00e7on g\u00e9n\u00e9rale — la capacit\u00e9 d’un individu ou d’un groupe \u00e0 imaginer ou construire et mettre en \u0153uvre un concept neuf, un objet nouveau ou \u00e0 d\u00e9couvrir une solution originale \u00e0 un probl\u00e8me. Elle peut \u00eatre plus pr\u00e9cis\u00e9ment d\u00e9finie comme « un processus psychologique ou psycho-sociologique par lequel un individu ou un groupe d’individus t\u00e9moigne [d’imagination et] d’originalit\u00e9 dans la mani\u00e8re d’associer des choses, des id\u00e9es, des situations et, par la publication du r\u00e9sultat concret de ce processus, change, modifie ou transforme la perception, l’usage ou la mat\u00e9rialit\u00e9 aupr\u00e8s d’un public donn\u00e9 ». Elle croise notamment la cr\u00e9ativit\u00e9 individuelle avec la s\u00e9rendipit\u00e9 ; l’aptitude \u00e0 utiliser des \u00e9l\u00e9ments trouv\u00e9s alors qu’on cherchait autre chose. Op\u00e9rationnellement, la cr\u00e9ativit\u00e9 d’un individu ou d’un groupe est sa capacit\u00e9 \u00e0 imaginer et produire (g\u00e9n\u00e9ralement sur commande en un court laps de temps ou dans des d\u00e9lais donn\u00e9s), une grande quantit\u00e9 de solutions, d’id\u00e9es ou de concepts permettant de r\u00e9aliser de fa\u00e7on efficace puis efficiente et plus ou moins inattendue un effet ou une action donn\u00e9e...\" La cr\u00e9ativit\u00e9, tu l’as compris, doit avoir un but ! Et c’est l\u00e0 que l’on peut discuter des raisons pour lesquelles tu h\u00e9sites \u00e0 peindre par exemple car tu te demandes aussit\u00f4t dans quel but ? Est ce que c’est parce que \u00e7a te d\u00e9tend de peindre ? Est ce que tu penses que tu as du talent et que tu vas pouvoir vendre des tableaux ? Est ce que tu as pari\u00e9 avec toi-m\u00eame que tu \u00e9tais capable de r\u00e9aliser des tableaux ? Est ce que tu crois que tu es un g\u00e9nie et qu’il faut quand m\u00eame que tu offres au monde quelques preuves de celui ci ? Et du coup je peux te poser une question ? Et si la cr\u00e9ativit\u00e9 \u00e9tait une fonction naturelle que l’on retrouve aussi bien chez l’\u00eatre humain, la plante et l’animal ? Et si la cr\u00e9ativit\u00e9 c’\u00e9tait l’art de jouer avec les circonstances de la vie ? Et si en peinture il suffisait d’oser faire confiance \u00e0 sa main et \u00e0 ses yeux pour \u00eatre cr\u00e9atif ? La s\u00e9rendipit\u00e9 toujours d\u2019apr\u00e8s Wikip\u00e9dia : \"La s\u00e9rendipit\u00e9 est le fait de r\u00e9aliser une d\u00e9couverte scientifique ou une invention technique de fa\u00e7on inattendue \u00e0 la suite d’un concours de circonstances fortuit et tr\u00e8s souvent dans le cadre d’une recherche concernant un autre sujet. La s\u00e9rendipit\u00e9 est le fait de « trouver autre chose que ce que l’on cherchait », comme Christophe Colomb cherchant la route de l’Ouest vers les Indes, et d\u00e9couvrant un continent inconnu des Europ\u00e9ens. Selon la d\u00e9finition de Sylvie Catellin, c’est « l’art de pr\u00eater attention \u00e0 ce qui surprend et d’en imaginer une interpr\u00e9tation pertinente ». En France, le concept de s\u00e9rendipit\u00e9 adopt\u00e9 dans les ann\u00e9es 1980, prend parfois un sens tr\u00e8s large de « r\u00f4le du hasard dans les d\u00e9couvertes ». Alain Peyrefitte avait fait un usage sans rapport du conte oriental Voyages et aventures des trois princes de Serendip de Louis de Mailly en 1976, dans Le Mal fran\u00e7ais. Sa g\u00e9n\u00e9ralisation a fait l’objet de remises en cause, le hasard intervenant toujours, par d\u00e9finition, dans une d\u00e9couverte ou une invention. On ne peut conna\u00eetre que ce qui existe d\u00e9j\u00e0, et le sentiment \u00e0 la vue d’une chose nouvelle se confond ais\u00e9ment avec la surprise d’un \u00e9v\u00e9nement fortuit. D’un autre c\u00f4t\u00e9, on ne trouve jamais que ce qu’on est pr\u00e9par\u00e9 \u00e0 voir. Parmi les nombreux exemples de d\u00e9couvertes et inventions li\u00e9es au hasard, figurent notamment le four \u00e0 micro-ondes, la p\u00e9nicilline, la dynamite, le Post-it, le T\u00e9flon, l’aspartame, le Viagra, ou encore le super-amas galactique Laniakea. L’existence de la s\u00e9rendipit\u00e9 est un argument fr\u00e9quent dans le d\u00e9bat public pour d\u00e9fendre des options d’organisations interdisciplinaires contre la tendance \u00e0 la sp\u00e9cialisation croissante des champs qui r\u00e9sulte de l’approfondissement des recherches. Cet argument se trouve particuli\u00e8rement \u00e0 propos de l’organisation de la recherche.\" Alors pourquoi je te parle de s\u00e9rendipit\u00e9. Si tu d\u00e9butes en peinture tu vas trouver que ce que tu fais est souvent moche et bon \u00e0 jeter \u00e0 la poubelle ... parce que tu te compares \u00e0 des tableaux connus. Si tu faisais abstraction de ce que tu connais tu verrais ton travail compl\u00e8tement diff\u00e9remment. Ensuite il faudra affronter le regard des autres mais maintenant, tu connais la musique, c’est pas bien grave n’est ce pas ...?<\/p>", "content_text": "Lorsque l'on parle des \" cr\u00e9atifs\", \u00e0 quoi pense tu imm\u00e9diatement ? Est ce que tu n'es pas en train de penser \u00e0 ces personnes stress\u00e9es qui boivent des litres de caf\u00e9, fument comme des pompiers, s'agitent dans tous les sens de fa\u00e7on apparemment d\u00e9sordonn\u00e9es? Tu les vois peut-\u00eatre aussi se pr\u00e9lasser sur un divan pendant des heures en ayant l'impression qu'ils ne fichent rien ? Ou alors tu as des images de grandes salles open-space avec des types qui jouent au baby pendant que d'autres ont la t\u00eate dans leur \u00e9cran les yeux explos\u00e9s et une barbe de 3 jours? Voil\u00e0 quelques clich\u00e9s concernant la cr\u00e9ativit\u00e9. Quand \u00e0 la d\u00e9finition que donne par exemple Wikip\u00e9dia : \"La cr\u00e9ativit\u00e9 d\u00e9crit \u2014 de fa\u00e7on g\u00e9n\u00e9rale \u2014 la capacit\u00e9 d'un individu ou d'un groupe \u00e0 imaginer ou construire et mettre en \u0153uvre un concept neuf, un objet nouveau ou \u00e0 d\u00e9couvrir une solution originale \u00e0 un probl\u00e8me. Elle peut \u00eatre plus pr\u00e9cis\u00e9ment d\u00e9finie comme \u00ab un processus psychologique ou psycho-sociologique par lequel un individu ou un groupe d'individus t\u00e9moigne [d'imagination et] d'originalit\u00e9 dans la mani\u00e8re d'associer des choses, des id\u00e9es, des situations et, par la publication du r\u00e9sultat concret de ce processus, change, modifie ou transforme la perception, l'usage ou la mat\u00e9rialit\u00e9 aupr\u00e8s d'un public donn\u00e9 \u00bb. Elle croise notamment la cr\u00e9ativit\u00e9 individuelle avec la s\u00e9rendipit\u00e9 ; l'aptitude \u00e0 utiliser des \u00e9l\u00e9ments trouv\u00e9s alors qu'on cherchait autre chose. Op\u00e9rationnellement, la cr\u00e9ativit\u00e9 d'un individu ou d'un groupe est sa capacit\u00e9 \u00e0 imaginer et produire (g\u00e9n\u00e9ralement sur commande en un court laps de temps ou dans des d\u00e9lais donn\u00e9s), une grande quantit\u00e9 de solutions, d'id\u00e9es ou de concepts permettant de r\u00e9aliser de fa\u00e7on efficace puis efficiente et plus ou moins inattendue un effet ou une action donn\u00e9e...\" La cr\u00e9ativit\u00e9, tu l'as compris, doit avoir un but ! Et c'est l\u00e0 que l'on peut discuter des raisons pour lesquelles tu h\u00e9sites \u00e0 peindre par exemple car tu te demandes aussit\u00f4t dans quel but ? Est ce que c'est parce que \u00e7a te d\u00e9tend de peindre ? Est ce que tu penses que tu as du talent et que tu vas pouvoir vendre des tableaux ? Est ce que tu as pari\u00e9 avec toi-m\u00eame que tu \u00e9tais capable de r\u00e9aliser des tableaux ? Est ce que tu crois que tu es un g\u00e9nie et qu'il faut quand m\u00eame que tu offres au monde quelques preuves de celui ci ? Et du coup je peux te poser une question ? Et si la cr\u00e9ativit\u00e9 \u00e9tait une fonction naturelle que l'on retrouve aussi bien chez l'\u00eatre humain, la plante et l'animal ? Et si la cr\u00e9ativit\u00e9 c'\u00e9tait l'art de jouer avec les circonstances de la vie ? Et si en peinture il suffisait d'oser faire confiance \u00e0 sa main et \u00e0 ses yeux pour \u00eatre cr\u00e9atif ? La s\u00e9rendipit\u00e9 toujours d\u2019apr\u00e8s Wikip\u00e9dia : \"La s\u00e9rendipit\u00e9 est le fait de r\u00e9aliser une d\u00e9couverte scientifique ou une invention technique de fa\u00e7on inattendue \u00e0 la suite d'un concours de circonstances fortuit et tr\u00e8s souvent dans le cadre d'une recherche concernant un autre sujet. La s\u00e9rendipit\u00e9 est le fait de \u00ab trouver autre chose que ce que l'on cherchait \u00bb, comme Christophe Colomb cherchant la route de l'Ouest vers les Indes, et d\u00e9couvrant un continent inconnu des Europ\u00e9ens. Selon la d\u00e9finition de Sylvie Catellin, c'est \u00ab l'art de pr\u00eater attention \u00e0 ce qui surprend et d'en imaginer une interpr\u00e9tation pertinente \u00bb. En France, le concept de s\u00e9rendipit\u00e9 adopt\u00e9 dans les ann\u00e9es 1980, prend parfois un sens tr\u00e8s large de \u00ab r\u00f4le du hasard dans les d\u00e9couvertes \u00bb. Alain Peyrefitte avait fait un usage sans rapport du conte oriental Voyages et aventures des trois princes de Serendip de Louis de Mailly en 1976, dans Le Mal fran\u00e7ais. Sa g\u00e9n\u00e9ralisation a fait l'objet de remises en cause, le hasard intervenant toujours, par d\u00e9finition, dans une d\u00e9couverte ou une invention. On ne peut conna\u00eetre que ce qui existe d\u00e9j\u00e0, et le sentiment \u00e0 la vue d'une chose nouvelle se confond ais\u00e9ment avec la surprise d'un \u00e9v\u00e9nement fortuit. D'un autre c\u00f4t\u00e9, on ne trouve jamais que ce qu'on est pr\u00e9par\u00e9 \u00e0 voir. Parmi les nombreux exemples de d\u00e9couvertes et inventions li\u00e9es au hasard, figurent notamment le four \u00e0 micro-ondes, la p\u00e9nicilline, la dynamite, le Post-it, le T\u00e9flon, l'aspartame, le Viagra, ou encore le super-amas galactique Laniakea. L'existence de la s\u00e9rendipit\u00e9 est un argument fr\u00e9quent dans le d\u00e9bat public pour d\u00e9fendre des options d'organisations interdisciplinaires contre la tendance \u00e0 la sp\u00e9cialisation croissante des champs qui r\u00e9sulte de l'approfondissement des recherches. Cet argument se trouve particuli\u00e8rement \u00e0 propos de l'organisation de la recherche.\" Alors pourquoi je te parle de s\u00e9rendipit\u00e9. 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Toutes ces choses que l\u2019on s\u2019emp\u00eacherait de faire juste en raison d\u2019une peur d\u2019appara\u00eetre ridicule. N\u2019a-t-on jamais envie de l\u2019\u00e9carter cette peur ? De lui dire va t\u2019en, tu es la chose la plus p\u00e9nible, la plus ennuyeuse que je connaisse ici-bas sur la terre. Mais non. Elle se tient toujours ici ou l\u00e0 comme une lancinante blessure qui se rouvre encore et encore. Et, ce m\u00eame quand on pense en avoir fini avec elle. Presque toujours, elle trouvera un moyen de refaire son apparition, et lorsque l’on s\u2019y attendra le moins. Peut-\u00eatre parce qu\u2019elle est en lien avec l\u2019enfance, un des derniers liens que l\u2019on chercherait co\u00fbte que co\u00fbte \u00e0 conserver quand tous les autres semblent s\u2019\u00eatre dissous au fur et \u00e0 mesure des ann\u00e9es. Le seul lien avec mon enfance, c’est la peur du ridicule et ce combat que j\u2019ai toujours maintenu contre elle. En n\u2019h\u00e9sitant pas \u00e0 me plonger souvent dans les situations les plus ridicules qu\u2019il soit \u00e9videmment. Est-ce du courage, de l\u2019inconscience, un sentiment omnipr\u00e9sent d\u2019injustice que j\u2019ai constamment voulu \u00e9tudier ? Je ne saurais pas le dire. Sans doute la configuration globale de petites failles per\u00e7ues tr\u00e8s t\u00f4t dans la solidit\u00e9 apparente d\u2019une r\u00e9alit\u00e9 morne. Et, ce combat m\u2019aura men\u00e9 sur une route \u00e9trange, sur laquelle en me regardant agir dans le reflet des miroirs, j’ai \u00e9t\u00e9 tour \u00e0 tour h\u00e9ro\u00efque ou compl\u00e8tement con. Ce qui m\u2019aura d\u2019ailleurs permis de mettre en doute s\u00e9rieusement la ruse, l\u2019intelligence du h\u00e9ros<\/em> d\u00e8s que l\u2019occasion m\u2019\u00e9tait donn\u00e9e de les \u00e9tudier. Ainsi, je dois \u00eatre un des rares lecteurs \u00e0 \u00e9clater d\u2019un rire franc en suivant les p\u00e9rip\u00e9ties des h\u00e9ros de Dostoyevsky. Peut-\u00eatre que cette hilarit\u00e9 ne m\u2019est pas venue naturellement. Soyons honn\u00eate aussi, la lecture de Ren\u00e9 Girard y aura \u00e9t\u00e9 pour beaucoup sans que je me souvienne des raisons pour lesquelles j\u2019effectue d\u00e9sormais cette association. Par contre, je reste encore fermement \u00e9mu \u00e0 la lecture des romans de Panait Istrati. \u00c0 chaque fois, je retombe dans le m\u00eame pi\u00e8ge de l\u2019\u00e9motion \u00e0 leur lecture. Probablement parce que je me suis cr\u00e9e une image, une histoire de l\u2019auteur que j\u2019aurais d\u00e9sir\u00e9 proche de la mienne tout simplement. Une simple affaire d\u2019identification. Ce c\u00f4t\u00e9 fleur bleu exacerb\u00e9 d\u2019autant que la lucidit\u00e9 me flanque la paix, m\u2019octroie une pause. La mani\u00e8re que j\u2019ai de me ruer l\u00e0-dedans comme dans un feuilleton de s\u00e9rie B. Bon public. Capable m\u00eame d\u2019en verser des larmes. Slave pas pour rien. Cette grandiloquence de la trag\u00e9die n\u2019\u00e9gale que celle de la com\u00e9die. Allez savoir le vrai du faux, difficile quand on a baign\u00e9 l\u00e0-dedans depuis les tout premiers jours de sa vie. Ma m\u00e8re \u00e9tait ainsi, elle savait passer du rire aux larmes sans cligner d\u2019un \u0153il. Comme elle respirait. Ce qui m\u2019a donn\u00e9, je crois, l\u2019habitude de consid\u00e9rer trag\u00e9die et com\u00e9die comme des moyens de communiquer quelque chose tout en ne sachant jamais v\u00e9ritablement quoi. Peut-\u00eatre l\u2019ineffable de la vie tout bonnement. Cette grande stupeur lorsqu\u2019on y songe.<\/p>\n

Nul doute donc, je suis un homme parfaitement ridicule. Non pour m\u2019en plaindre, mais en toute connaissance de cause. \u00c0 la fois pour \u00e9loigner de moi les g\u00eaneurs, les emp\u00eacheurs de tourner en rond, mais \u00e9galement pour rester dans une impression d\u2019exil perp\u00e9tuel, sans doute le principal legs de ma m\u00e8re, de toute cette famille, de son c\u00f4t\u00e9 \u00e0 elle que je n\u2019ai jamais pu oublier. Qui prend une place importante dans la structure m\u00eame de ma pens\u00e9e comme de mes agissements. Une sorte de dette jamais totalement rembours\u00e9e. Si je suis ce que je suis, le pire comme le meilleur c\u2019est certainement aussi gr\u00e2ce \u00e0 tous ces gens qui ont eu le courage de sortir du ridicule, de l\u2019abject, de l\u2019insoutenable \u00e0 un moment donn\u00e9 de leur existence. Qui ont tout perdu en partant. Et, qui, du moins les rares que j\u2019ai connus, prenaient la vie d\u00e9sormais avec un certain recul, beaucoup de d\u00e9sillusions dig\u00e9r\u00e9es, une acuit\u00e9 ph\u00e9nom\u00e9nale \u00e0 tout ce qui cloche pour en faire presque aussit\u00f4t une occasion d\u2019en rire.<\/p>\n

Le ridicule et la fiert\u00e9, l\u2019orgueil, la peur du qu\u2019en dira-t-on. La peur animale de rompre tous les liens qui nous constituent de fa\u00e7on identitaire, ils l\u2019ont tous v\u00e9cue \u00e0 leur mani\u00e8re, avec leurs qualit\u00e9s et leurs travers. Alchimiquement si j\u2019ose dire, ils auront transform\u00e9 cette peur du ridicule en or. C\u2019est sans doute aussi cette charge que j\u2019ai d\u00e9cid\u00e9 de prendre un jour sur les \u00e9paules. N\u2019est-ce pas tout aussi ridicule que de ne pas le faire finalement ? Dans le rire, il y a quelque chose d\u2019autre encore que j\u2019ai parfois pu entrevoir, mais jamais h\u00e9las durablement m\u2019y installer. Comme une connexion avec le sacr\u00e9, \u00e7a va forc\u00e9ment para\u00eetre ridicule cela aussi. Rire pour rejoindre le divin. Ensuite, ne jamais l\u2019atteindre, en revanche seulement l\u2019entrevoir. Suffisant pour adorer lire Rabelais autant que Saint-Jean de La Croix.<\/p>\n

D\u2019une certaine mani\u00e8re, je ne suis pas loin de penser que je poss\u00e8de une fameuse maitrise de ce ridicule aussi. Que je pourrais m\u00eame l\u2019enseigner, enseigner \u00e0 se d\u00e9tacher de tous ces liens qui nous enserrent par le recours \u00e0 la peinture, comme au ridicule. C\u2019est un peu ce que je fais souvent inconsciemment. De moins en moins inconsciemment.<\/p>", "content_text": "\n\nToutes ces choses que l\u2019on s\u2019emp\u00eacherait de faire juste en raison d\u2019une peur d\u2019appara\u00eetre ridicule. N\u2019a-t-on jamais envie de l\u2019\u00e9carter cette peur ? De lui dire va t\u2019en, tu es la chose la plus p\u00e9nible, la plus ennuyeuse que je connaisse ici-bas sur la terre. Mais non. Elle se tient toujours ici ou l\u00e0 comme une lancinante blessure qui se rouvre encore et encore. Et, ce m\u00eame quand on pense en avoir fini avec elle. Presque toujours, elle trouvera un moyen de refaire son apparition, et lorsque l'on s\u2019y attendra le moins. Peut-\u00eatre parce qu\u2019elle est en lien avec l\u2019enfance, un des derniers liens que l\u2019on chercherait co\u00fbte que co\u00fbte \u00e0 conserver quand tous les autres semblent s\u2019\u00eatre dissous au fur et \u00e0 mesure des ann\u00e9es. Le seul lien avec mon enfance, c'est la peur du ridicule et ce combat que j\u2019ai toujours maintenu contre elle. En n\u2019h\u00e9sitant pas \u00e0 me plonger souvent dans les situations les plus ridicules qu\u2019il soit \u00e9videmment. Est-ce du courage, de l\u2019inconscience, un sentiment omnipr\u00e9sent d\u2019injustice que j\u2019ai constamment voulu \u00e9tudier ? Je ne saurais pas le dire. Sans doute la configuration globale de petites failles per\u00e7ues tr\u00e8s t\u00f4t dans la solidit\u00e9 apparente d\u2019une r\u00e9alit\u00e9 morne. Et, ce combat m\u2019aura men\u00e9 sur une route \u00e9trange, sur laquelle en me regardant agir dans le reflet des miroirs, j'ai \u00e9t\u00e9 tour \u00e0 tour h\u00e9ro\u00efque ou compl\u00e8tement con. Ce qui m\u2019aura d\u2019ailleurs permis de mettre en doute s\u00e9rieusement la ruse, l\u2019intelligence du h\u00e9ros d\u00e8s que l\u2019occasion m\u2019\u00e9tait donn\u00e9e de les \u00e9tudier. Ainsi, je dois \u00eatre un des rares lecteurs \u00e0 \u00e9clater d\u2019un rire franc en suivant les p\u00e9rip\u00e9ties des h\u00e9ros de Dostoyevsky. Peut-\u00eatre que cette hilarit\u00e9 ne m\u2019est pas venue naturellement. Soyons honn\u00eate aussi, la lecture de Ren\u00e9 Girard y aura \u00e9t\u00e9 pour beaucoup sans que je me souvienne des raisons pour lesquelles j\u2019effectue d\u00e9sormais cette association. Par contre, je reste encore fermement \u00e9mu \u00e0 la lecture des romans de Panait Istrati. \u00c0 chaque fois, je retombe dans le m\u00eame pi\u00e8ge de l\u2019\u00e9motion \u00e0 leur lecture. Probablement parce que je me suis cr\u00e9e une image, une histoire de l\u2019auteur que j\u2019aurais d\u00e9sir\u00e9 proche de la mienne tout simplement. Une simple affaire d\u2019identification. Ce c\u00f4t\u00e9 fleur bleu exacerb\u00e9 d\u2019autant que la lucidit\u00e9 me flanque la paix, m\u2019octroie une pause. La mani\u00e8re que j\u2019ai de me ruer l\u00e0-dedans comme dans un feuilleton de s\u00e9rie B. Bon public. Capable m\u00eame d\u2019en verser des larmes. Slave pas pour rien. Cette grandiloquence de la trag\u00e9die n\u2019\u00e9gale que celle de la com\u00e9die. Allez savoir le vrai du faux, difficile quand on a baign\u00e9 l\u00e0-dedans depuis les tout premiers jours de sa vie. Ma m\u00e8re \u00e9tait ainsi, elle savait passer du rire aux larmes sans cligner d\u2019un \u0153il. Comme elle respirait. Ce qui m\u2019a donn\u00e9, je crois, l\u2019habitude de consid\u00e9rer trag\u00e9die et com\u00e9die comme des moyens de communiquer quelque chose tout en ne sachant jamais v\u00e9ritablement quoi. Peut-\u00eatre l\u2019ineffable de la vie tout bonnement. Cette grande stupeur lorsqu\u2019on y songe.\n\nNul doute donc, je suis un homme parfaitement ridicule. Non pour m\u2019en plaindre, mais en toute connaissance de cause. \u00c0 la fois pour \u00e9loigner de moi les g\u00eaneurs, les emp\u00eacheurs de tourner en rond, mais \u00e9galement pour rester dans une impression d\u2019exil perp\u00e9tuel, sans doute le principal legs de ma m\u00e8re, de toute cette famille, de son c\u00f4t\u00e9 \u00e0 elle que je n\u2019ai jamais pu oublier. Qui prend une place importante dans la structure m\u00eame de ma pens\u00e9e comme de mes agissements. Une sorte de dette jamais totalement rembours\u00e9e. Si je suis ce que je suis, le pire comme le meilleur c\u2019est certainement aussi gr\u00e2ce \u00e0 tous ces gens qui ont eu le courage de sortir du ridicule, de l\u2019abject, de l\u2019insoutenable \u00e0 un moment donn\u00e9 de leur existence. Qui ont tout perdu en partant. Et, qui, du moins les rares que j\u2019ai connus, prenaient la vie d\u00e9sormais avec un certain recul, beaucoup de d\u00e9sillusions dig\u00e9r\u00e9es, une acuit\u00e9 ph\u00e9nom\u00e9nale \u00e0 tout ce qui cloche pour en faire presque aussit\u00f4t une occasion d\u2019en rire.\n\nLe ridicule et la fiert\u00e9, l\u2019orgueil, la peur du qu\u2019en dira-t-on. La peur animale de rompre tous les liens qui nous constituent de fa\u00e7on identitaire, ils l\u2019ont tous v\u00e9cue \u00e0 leur mani\u00e8re, avec leurs qualit\u00e9s et leurs travers. Alchimiquement si j\u2019ose dire, ils auront transform\u00e9 cette peur du ridicule en or. C\u2019est sans doute aussi cette charge que j\u2019ai d\u00e9cid\u00e9 de prendre un jour sur les \u00e9paules. N\u2019est-ce pas tout aussi ridicule que de ne pas le faire finalement ? Dans le rire, il y a quelque chose d\u2019autre encore que j\u2019ai parfois pu entrevoir, mais jamais h\u00e9las durablement m\u2019y installer. Comme une connexion avec le sacr\u00e9, \u00e7a va forc\u00e9ment para\u00eetre ridicule cela aussi. Rire pour rejoindre le divin. Ensuite, ne jamais l\u2019atteindre, en revanche seulement l\u2019entrevoir. Suffisant pour adorer lire Rabelais autant que Saint-Jean de La Croix. \n\nD\u2019une certaine mani\u00e8re, je ne suis pas loin de penser que je poss\u00e8de une fameuse maitrise de ce ridicule aussi. Que je pourrais m\u00eame l\u2019enseigner, enseigner \u00e0 se d\u00e9tacher de tous ces liens qui nous enserrent par le recours \u00e0 la peinture, comme au ridicule. C\u2019est un peu ce que je fais souvent inconsciemment. 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Si l\u2019ennui<\/a> a un c\u0153ur, c\u2019est bien l\u00e0 qu\u2019il faut se rendre. Car l\u2019\u00e9lan qui cr\u00e9e l’agitation pour s’en enfuir est vain. Ce n’est pas l\u00e0 la vraie vie.
\nC’est un tout petit chemin, peu engageant, bord\u00e9 de ronces, de m\u00fbres, de prunelles et de gratte-cul, dans lequel \u00e0 nouveau je m’engage pourtant, dans cette campagne bourbonnaise \u00e0 la fois si d\u00e9test\u00e9e et tant aim\u00e9e.
\nL’ennui qui me tombe dessus comme autrefois n’a rien \u00e0 voir avec l’ennui. Car autrefois c’\u00e9tait bien plus une affaire d’avenir. Qu’allais-je donc faire pour entrer dans la danse ? Pour rejoindre le troupeau ? Pour participer au concert ? Pour \u00eatre heureux comme on se doit de l’\u00eatre pour honorer p\u00e8re et m\u00e8re, le Bon Dieu et tous ses saints ?
\nLa lourdeur du ciel gris s’appuyant pesamment sur la rotondit\u00e9 des collines au loin ne pr\u00e9sageait rien de bon pour ma tranquillit\u00e9 personnelle. Inconsciemment, encore et toujours le p\u00e8re, la m\u00e8re.
\nJe ne comprenais rien, ce qui me dotait d’un don d’ubiquit\u00e9 fabuleux. La proph\u00e9tie montait comme une source intarissable, chant\u00e9e par les insectes, les hirondelles, elle s’inscrivait en griffures noires sur le tronc blanc des bouleaux, et je n’avais qu’\u00e0 zoomer au c\u0153ur m\u00eame de la confusion pour en d\u00e9chiffrer le message n\u00e9faste. Toujours le m\u00eame ou \u00e0 peu pr\u00e8s.
\nTu n’es pas bon \u00e0 grand-chose ni v\u00e9ritablement mauvais en rien.
\nDans le fond des choses comprends la chose, t’es moyen. Moi y’en, moignon, Moi rien, comprenais-je alors que je pouvais aussi \u00eatre tout autant moyeu ou moyen de faire diff\u00e9remment ce que j’appris par la suite.
\nEt je me d\u00e9battais dans une folie furieuse de mots-cl\u00e9s.
\nAmour am\u00e9liorer amabilit\u00e9 amertume amarres amaryllis marre-toi
\nCette fille en robe blanche qui surgit de son jardinet au cr\u00e9puscule me rend fou, je la veux, sans elle il n’y a rien d’autre, il n’y a que cet ennui. Sans elle je ne peux vivre, rien ne peut vibrer.
\nC’\u00e9tait l\u00e0 le v\u00e9ritable ennui. Un ennui peut tout \u00e0 fait en cacher un autre.
\nSon c\u0153ur est plus froid encore que le mien, c’est peu dire.
\nSes baisers d\u00e9pourvus de langue. Ses baisers vides comme les miens. Mais ma langue vide aussi, un point partout, \u00e9galit\u00e9.
\nTout est vide et on fait comme tout le monde, on fait bien semblant d’y voir du plein.
\nMais que sait-on vraiment de toutes ces choses lorsqu’on n’a que quinze ans ? On n’en sait rien, \u00e9videmment.
\nJ’ai mis le doigt dans une brune par d\u00e9pit, par malheur, par vengeance aussi.
\nC’est assez d\u00e9gueulasse au d\u00e9but. Un doigt qui touille de la bave d’escargot ou de limace, un doigt abruti par la d\u00e9couverte d’une anatomie \u00e9trang\u00e8re. Pas de Game Boy \u00e0 l’\u00e9poque dont je vous parle, juste des flippers sur lesquels on commence \u00e0 s’exercer au game over.
\nLe d\u00e9go\u00fbt m\u00e8ne \u00e0 l’ennui aussi, \u00e0 cet ennui qui n’a rien \u00e0 voir avec l’ennui, le vrai.
\nOn croit obtenir quelque chose, on ne sait quoi, un bon point, une image surtout et on a les doigts poisseux, c’est tout.\n
— Parle-moi d’amour juste un tout petit peu pour que tout \u00e7a passe un peu mieux, soupire-t-elle.
\nJ’ai toujours \u00e9t\u00e9 nul aussi de ce c\u00f4t\u00e9-l\u00e0. Je veux dire que j’en parle tellement bien, j’ai tellement lu de romans \u00e0 l’eau de rose que c’est devenu un programme, un vrai show, j’appuie sur le bouton et je laisse d\u00e9filer. Je d\u00e9connecte ma cervelle et je m’y perds \u00e9perdument.
\nAlors que je pensais, j’esp\u00e9rais, je me faisais cette id\u00e9e que l’amour vrai pouvait exister vraiment. Car il n’y a pas de fum\u00e9e sans feu, nom de Dieu, n’est-ce pas ?
\nMais faute de grive, on broie du merle.
\nJ’\u00e9tais plus celui qui aime l’id\u00e9e d’aimer qu’aimer tout court.
\nJe ne sais qu’en parler. Je ne sais qu’imiter surtout ceux qui imitent d’autres qui en parlent.
\nJe me demande m\u00eame si je n’ai pas parl\u00e9 d’amour uniquement pour me venger de ne jamais parvenir \u00e0 aimer vraiment. Me venger de qui, de quoi, allez savoir...
\nCela fait souffrir a\u00efe a\u00efe a\u00efe.
\nMais tout bien pes\u00e9, la souffrance aussi est une sorte de r\u00e9flexe pavlovien, rien que de l’imitation aussi, du mim\u00e9tisme. Il y a aussi une diff\u00e9rence notoire entre s’imaginer souffrir, et souffrir pour de bon.
\nLe mieux pour distinguer est de se taper un bon coup sur les doigts avec un marteau.
\nAlors qu’en fait, \u00e0 part \u00e7a, je veux dire, j’aurais vu le ciel autrement, et les collines aussi et toute cette joie, tout ce d\u00e9sir ardent qui se loge au fond de l’\u0153il, \u00e0 la surface de l’\u00e9piderme sit\u00f4t qu’on change de mot, oui, sit\u00f4t que l’on octroie \u00e0 l’ennui l’inou\u00efe possibilit\u00e9 d’avoir du c\u0153ur, et que l’on finit par d\u00e9couvrir que ce c\u0153ur, c’est le tien, c’est le mien.
\nLorsque je peins, lorsque je m’oublie, c’est dans ce que j’appelais l’ennui autrefois que je p\u00e9n\u00e8tre, et qui ressemble \u00e0 une transe \u00e0 l’envers de ce qu’on imagine toujours qu’elle soit. Le fruit de cet abandon, la toile recouverte de peinture aussit\u00f4t que je recouvre mes esprits ne me dit pas grand-chose, \u00e0 part l’\u00e9tonnement souvent. J’ai tr\u00e8s peu de temps pour voir qu’il s’enfuit d\u00e9j\u00e0 dans le labyrinthe des jugements, des pens\u00e9es, des opinions. Je m’y perds \u00e0 nouveau enti\u00e8rement.<\/p>", "content_text": "Si [l\u2019ennui->https:\/\/ledibbouk.net\/le-desoeuvrement.html] a un c\u0153ur, c\u2019est bien l\u00e0 qu\u2019il faut se rendre. Car l\u2019\u00e9lan qui cr\u00e9e l'agitation pour s'en enfuir est vain. Ce n'est pas l\u00e0 la vraie vie. C'est un tout petit chemin, peu engageant, bord\u00e9 de ronces, de m\u00fbres, de prunelles et de gratte-cul, dans lequel \u00e0 nouveau je m'engage pourtant, dans cette campagne bourbonnaise \u00e0 la fois si d\u00e9test\u00e9e et tant aim\u00e9e. L'ennui qui me tombe dessus comme autrefois n'a rien \u00e0 voir avec l'ennui. Car autrefois c'\u00e9tait bien plus une affaire d'avenir. Qu'allais-je donc faire pour entrer dans la danse ? Pour rejoindre le troupeau ? Pour participer au concert ? Pour \u00eatre heureux comme on se doit de l'\u00eatre pour honorer p\u00e8re et m\u00e8re, le Bon Dieu et tous ses saints ? La lourdeur du ciel gris s'appuyant pesamment sur la rotondit\u00e9 des collines au loin ne pr\u00e9sageait rien de bon pour ma tranquillit\u00e9 personnelle. Inconsciemment, encore et toujours le p\u00e8re, la m\u00e8re. Je ne comprenais rien, ce qui me dotait d'un don d'ubiquit\u00e9 fabuleux. La proph\u00e9tie montait comme une source intarissable, chant\u00e9e par les insectes, les hirondelles, elle s'inscrivait en griffures noires sur le tronc blanc des bouleaux, et je n'avais qu'\u00e0 zoomer au c\u0153ur m\u00eame de la confusion pour en d\u00e9chiffrer le message n\u00e9faste. Toujours le m\u00eame ou \u00e0 peu pr\u00e8s. Tu n'es pas bon \u00e0 grand-chose ni v\u00e9ritablement mauvais en rien. Dans le fond des choses comprends la chose, t'es moyen. Moi y'en, moignon, Moi rien, comprenais-je alors que je pouvais aussi \u00eatre tout autant moyeu ou moyen de faire diff\u00e9remment ce que j'appris par la suite. Et je me d\u00e9battais dans une folie furieuse de mots-cl\u00e9s. Amour am\u00e9liorer amabilit\u00e9 amertume amarres amaryllis marre-toi Cette fille en robe blanche qui surgit de son jardinet au cr\u00e9puscule me rend fou, je la veux, sans elle il n'y a rien d'autre, il n'y a que cet ennui. Sans elle je ne peux vivre, rien ne peut vibrer. C'\u00e9tait l\u00e0 le v\u00e9ritable ennui. Un ennui peut tout \u00e0 fait en cacher un autre. Son c\u0153ur est plus froid encore que le mien, c'est peu dire. Ses baisers d\u00e9pourvus de langue. Ses baisers vides comme les miens. Mais ma langue vide aussi, un point partout, \u00e9galit\u00e9. Tout est vide et on fait comme tout le monde, on fait bien semblant d'y voir du plein. Mais que sait-on vraiment de toutes ces choses lorsqu'on n'a que quinze ans ? On n'en sait rien, \u00e9videmment. J'ai mis le doigt dans une brune par d\u00e9pit, par malheur, par vengeance aussi. C'est assez d\u00e9gueulasse au d\u00e9but. Un doigt qui touille de la bave d'escargot ou de limace, un doigt abruti par la d\u00e9couverte d'une anatomie \u00e9trang\u00e8re. Pas de Game Boy \u00e0 l'\u00e9poque dont je vous parle, juste des flippers sur lesquels on commence \u00e0 s'exercer au game over. Le d\u00e9go\u00fbt m\u00e8ne \u00e0 l'ennui aussi, \u00e0 cet ennui qui n'a rien \u00e0 voir avec l'ennui, le vrai. On croit obtenir quelque chose, on ne sait quoi, un bon point, une image surtout et on a les doigts poisseux, c'est tout. \u2014 Parle-moi d'amour juste un tout petit peu pour que tout \u00e7a passe un peu mieux, soupire-t-elle. J'ai toujours \u00e9t\u00e9 nul aussi de ce c\u00f4t\u00e9-l\u00e0. Je veux dire que j'en parle tellement bien, j'ai tellement lu de romans \u00e0 l'eau de rose que c'est devenu un programme, un vrai show, j'appuie sur le bouton et je laisse d\u00e9filer. Je d\u00e9connecte ma cervelle et je m'y perds \u00e9perdument. Alors que je pensais, j'esp\u00e9rais, je me faisais cette id\u00e9e que l'amour vrai pouvait exister vraiment. Car il n'y a pas de fum\u00e9e sans feu, nom de Dieu, n'est-ce pas ? Mais faute de grive, on broie du merle. J'\u00e9tais plus celui qui aime l'id\u00e9e d'aimer qu'aimer tout court. Je ne sais qu'en parler. Je ne sais qu'imiter surtout ceux qui imitent d'autres qui en parlent. Je me demande m\u00eame si je n'ai pas parl\u00e9 d'amour uniquement pour me venger de ne jamais parvenir \u00e0 aimer vraiment. Me venger de qui, de quoi, allez savoir... Cela fait souffrir a\u00efe a\u00efe a\u00efe. Mais tout bien pes\u00e9, la souffrance aussi est une sorte de r\u00e9flexe pavlovien, rien que de l'imitation aussi, du mim\u00e9tisme. Il y a aussi une diff\u00e9rence notoire entre s'imaginer souffrir, et souffrir pour de bon. Le mieux pour distinguer est de se taper un bon coup sur les doigts avec un marteau. Alors qu'en fait, \u00e0 part \u00e7a, je veux dire, j'aurais vu le ciel autrement, et les collines aussi et toute cette joie, tout ce d\u00e9sir ardent qui se loge au fond de l'\u0153il, \u00e0 la surface de l'\u00e9piderme sit\u00f4t qu'on change de mot, oui, sit\u00f4t que l'on octroie \u00e0 l'ennui l'inou\u00efe possibilit\u00e9 d'avoir du c\u0153ur, et que l'on finit par d\u00e9couvrir que ce c\u0153ur, c'est le tien, c'est le mien. Lorsque je peins, lorsque je m'oublie, c'est dans ce que j'appelais l'ennui autrefois que je p\u00e9n\u00e8tre, et qui ressemble \u00e0 une transe \u00e0 l'envers de ce qu'on imagine toujours qu'elle soit. Le fruit de cet abandon, la toile recouverte de peinture aussit\u00f4t que je recouvre mes esprits ne me dit pas grand-chose, \u00e0 part l'\u00e9tonnement souvent. J'ai tr\u00e8s peu de temps pour voir qu'il s'enfuit d\u00e9j\u00e0 dans le labyrinthe des jugements, des pens\u00e9es, des opinions. Je m'y perds \u00e0 nouveau enti\u00e8rement.", "image": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/IMG\/logo\/p1040068-modifie-34b34a1c.jpg?1763542304", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/Negatifs.html", "url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/Negatifs.html", "title": "N\u00e9gatifs", "date_published": "2022-09-06T01:48:00Z", "date_modified": "2025-11-03T14:30:01Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Route menant \u00e0 rien. Cuba Patrick Blanchon<\/p>\n

C\u2019est la m\u00eame r\u00e9sistance, la m\u00eame entrave qui se repr\u00e9sente encore et encore lorsqu\u2019il s\u2019agit de vouloir revenir en arri\u00e8re pour trier, ranger, organiser et tirer parti d\u2019un travail effectu\u00e9. Comme si, en t\u00e2che de fond, j\u2019\u00e9prouvais la sensation p\u00e9nible de devoir me mettre \u00e0 bricoler, esp\u00e9rer, r\u00e9cup\u00e9rer quelque chose de fichu, d\u2019irr\u00e9parable. Tirer parti de toutes ces ann\u00e9es dites « perdues ». Tenter de r\u00e9tribuer le sacrifice, l\u2019abandon, l\u2019\u00e9chec, dans un acte qui tirerait de toutes ces ombres, une lumi\u00e8re. Peut-\u00eatre une nostalgie de cette chambre noire que je n\u2019ai jamais eu ni le courage, ni l\u2019envie suffisante de reconstituer. Je poss\u00e8de pourtant l\u2019essentiel, un carton rempli de n\u00e9gatifs noir et blanc que j\u2019ai trimball\u00e9 dans tous mes d\u00e9m\u00e9nagements. Une quinzaine d\u2019ann\u00e9es de prises de vue. Comme si le hasard voulait me titiller, renforcer encore plus la tentation, j\u2019ai r\u00e9cup\u00e9r\u00e9 un agrandisseur que l\u2019association dans laquelle je donnais depuis quelques ann\u00e9es des cours de peinture m\u2019a offert gracieusement. Ils me l\u2019ont offert plut\u00f4t que d\u2019avoir \u00e0 le jeter \u00e0 la benne, car ils changeaient tout leur mat\u00e9riel devenu obsol\u00e8te pour se mettre au num\u00e9rique<\/em>. Revenir au laboratoire, \u00e0 la chambre noire, je crois que je pr\u00e9f\u00e8re caresser cette id\u00e9e en imagination que de la concr\u00e9tiser v\u00e9ritablement. Sans doute que j\u2019y trouve une sorte d\u2019avantage. Il y en a forc\u00e9ment un. Peut-\u00eatre seulement conserver cette envie, recr\u00e9er une chambre noire, afin qu\u2019elle reste dans le domaine du d\u00e9sir uniquement, du fantasme, plut\u00f4t que de passer \u00e0 l\u2019acte et d\u2019avoir une nouvelle fois \u00e0 affronter les cons\u00e9quences d\u2019un tel passage. Cons\u00e9quences que j\u2019imagine forc\u00e9ment douloureuses, d\u00e9cevantes. J\u2019ai finalement peine \u00e0 croire que le temps pass\u00e9 poss\u00e8de le pouvoir de r\u00e9parer ce qui est bris\u00e9, de redresser ce qui est tordu depuis son origine.<\/p>\n

Ainsi, le th\u00e8me de ce nouvel atelier d\u2019\u00e9criture #photofiction<\/a> me semble-t-il \u00eatre \u00e0 premi\u00e8re vue une aubaine. Une bonne partie du travail n\u2019est-il pas d\u00e9j\u00e0 fait\u202f ? Je n\u2019aurais qu\u2019\u00e0 fouiller un peu sur ce blog \u00e0 l\u2019aide de quelques mots clefs pour extraire quantit\u00e9 de textes traitant de mon histoire avec la photographie. C\u2019est d\u2019ailleurs ce que je tente de faire ce matin. Cependant, m\u00eame d\u00e9ception qu\u2019autrefois lorsque je voulais retirer des n\u00e9gatifs. Englu\u00e9 dans la r\u00e9p\u00e9tition malgr\u00e9 les diff\u00e9rentes versions du m\u00eame, plus ou moins de contraste, changement imperceptible de la composition, rien n\u2019y faisait. Comme si finalement le jugement \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 pr\u00e9sent depuis toujours et cela quels que soient mes efforts pour le contrer, lui donner tort. Et bien s\u00fbr, je rapprocherais cette r\u00e9flexion, trouver de bonnes raisons \u00e0 celle-ci en me rem\u00e9morant une multitude de phrases assassines. Tu n\u2019y arriveras pas, tu r\u00eaves, tu marches compl\u00e8tement \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de tes pompes disait mon p\u00e8re lorsque je lui faisais part de cette volont\u00e9 d\u2019\u00eatre photographe. Comme auparavant, je lui avais fait part de vouloir \u00eatre po\u00e8te, chanteur, \u00e9crivain, chercheur d\u2019or. Une usure s\u2019\u00e9tait ainsi cr\u00e9\u00e9e simultan\u00e9ment qu\u2019une perte de foi mutuelle. \u00c7a ne partait certainement pas d\u2019un bon sentiment de ma part et il l\u2019avait compris bien avant moi. Vouloir \u00eatre artiste, c’\u00e9tait nier tout ce que lui avait \u00e9chafaud\u00e9 comme croyances, comme valeurs pour devenir ce qu\u2019il \u00e9tait. Un homme qui s\u2019\u00e9tait \u00e9lev\u00e9 gr\u00e2ce \u00e0 la t\u00e9nacit\u00e9, gr\u00e2ce au travail, un homme qui ne reculait pas devant la difficult\u00e9, et au contraire fon\u00e7ait sur elle pour l\u2019aplanir, pour continuer son ascension. Un homme qui s\u2019\u00e9tait donn\u00e9 des buts et les avait atteints. Mais, qui lui procurait d\u00e9sormais cette sorte d\u2019omnipotence qui nous \u00e9crasait tous sans exception. Ce devait \u00eatre la ran\u00e7on \u00e0 payer et qu\u2019il avait finalement d\u00fb accepter par une \u00e9trange sagesse paysanne. D\u2019avoir autant gravi de marche pour se retrouver au bout du compte si seul au sein de sa propre famille. Et, cette solitude lui procurait comme un sixi\u00e8me sens pour d\u00e9tecter la moindre entourloupe en mati\u00e8re de logique, de calcul, de strat\u00e9gie. Comme meneur d’hommes, rien ne pouvait lui \u00e9chapper de leurs faiblesses cong\u00e9nitales. Ainsi, j’avais l\u2019impression moi, son fils, que je n\u2019\u00e9tais constitu\u00e9 que de ces faiblesses qu\u2019il n\u2019avait de cesse de pourchasser. Faiblesses que je jurais bien s\u00fbr, int\u00e9rieurement, de transformer en force. Juste pour lui prouver qu\u2019il \u00e9tait possible de ne pas toujours avoir raison. Cet enjeu s\u2019incarnait dans les feuilles de papier baryt\u00e9 argentique que je plongeais dans la bassine de r\u00e9v\u00e9lateur. D\u00e9sir contradictoire de donner simultan\u00e9ment raison et tort \u00e0 ce p\u00e8re tout-puissant, trop puissant pour que ce soit r\u00e9el. Vaincre ainsi par l\u2019\u00e9rosion, forme de t\u00e9nacit\u00e9 aussi s\u2019il en est, par la faiblesse de croire que cette puissance \u00e9tait l\u2019obstacle principal \u00e0 notre rencontre. Des milliers de n\u00e9gatifs noirs et blancs par cons\u00e9quent, tir\u00e9s sur du papier vierge dans une presque obscurit\u00e9 en qu\u00eate du meilleur \u00e9quilibre, du meilleur contraste, de toute la richesse que peuvent apporter, \u00e0 force de les \u00e9tudier, les gris.<\/p>\n

La question aujourd\u2019hui est devenue de plus en plus pr\u00e9cise. Est-ce que l\u2019art sert \u00e0 r\u00e9gler des probl\u00e8mes personnels ou bien faut-il trouver en eux, dans ce minuscule, un point d\u2019appui pour s\u2019ouvrir, pour \u00e9tablir une connexion \u00e0 une sph\u00e8re plus vaste, plus g\u00e9n\u00e9rale ? Comme pour l\u2019\u00e9criture se pose le probl\u00e8me de l\u2019int\u00e9r\u00eat autobiographique. Ce n\u2019est pas en modifiant l\u2019ordre, l\u2019usage des pronoms personnels, en inventant soi-disant des histoires et des personnages que le point gris peut passer par-dessus lui-m\u00eame. Je crois qu\u2019il faut beaucoup plus que cette croyance un peu simpliste. Et par ailleurs, comme les choses doivent \u00eatre plus ais\u00e9es, que d\u2019en \u00eatre totalement inconscient. La difficult\u00e9 r\u00e9elle est d\u2019\u00eatre coinc\u00e9 dans une sorte de no man\u2019s land entre conscience et inconscience, de ne pas savoir effectuer un choix.<\/p>\n

Exactement, la m\u00eame chose pour effectuer un tirage en noir et blanc. A un moment donn\u00e9, on s’aper\u00e7oit que les diff\u00e9rentes versions d\u2019un m\u00eame n\u00e9gatif se valent tout autant. Ce qui nous d\u00e9cide pour une version en particulier plut\u00f4t qu\u2019une autre tient \u00e0 une id\u00e9e subjective d\u2019\u00e9quilibre, de beaut\u00e9, de sens , de perfection, ou tout simplement \u00e0 la fatigue, \u00e0 la lassitude, \u00e0 une forme salutaire de renoncement. C\u2019est tout ce mouvement que l’on ne voit pas au bout du compte dans une photographie que l\u2019on propose au monde. Ce non-dit. C\u2019est aussi une difficult\u00e9 \u00e0 surmonter que de n\u2019obtenir aucun avis ou si peu. Voire tellement \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de tout ce que l’on a pu imaginer y avoir plac\u00e9 comme joie ou peine. Une habitude \u00e0 prendre aussi. Avec le temps, on donne et l’on dispara\u00eet progressivement. On s\u2019efface par les actes. Ainsi, il me semble qu\u2019il n\u2019y a rien de plus naturel. Ou du moins en observant un tant soit peu la ronde des saisons, il arrive qu\u2019\u00e0 un moment, on se sente \u00e9troitement en accord avec elle. C\u2019est sans doute la seule vraie forme de r\u00e9tribution de tout l\u2019ouvrage effectu\u00e9. Il faudrait, ce n\u2019est pas toujours le cas. Mais, s\u2019y contraindre, se tenir \u00e0 y trouver le contentement sous la forme de cette paix qui vient tout doucement nous consoler.<\/p>\n

On dit que choisir c\u2019est renoncer. En revanche, que se passe-t-il en sens inverse. Est-ce que le renoncement offre alors le meilleur choix qu\u2019il nous est permis d\u2019effectuer \u00e0 un instant T ? Sans doute est-ce la raison dont, intuitivement, je me sers pour \u00e9crire \u00e0 chaque fois un nouveau texte plut\u00f4t que de vouloir ravauder de plus anciens ? La raison pour laquelle ces n\u00e9gatifs restent rang\u00e9s dans leur carton, n\u2019est-elle pas parce que je crois que je ne pourrais pas faire autrement que de reprendre les memes donn\u00e9es et faire du nouveau. Il me faudrait alors retrouver un vieux Leica M42 du film argentique noir et blanc, repartir en qu\u00eate de nouvelles images tout en sachant qu\u2019elles seraient nouvelles<\/em> que pour mieux encore me leurrer, me replonger dans l\u2019inconscience. Cependant, il me faudrait plusieurs vies et ce serait contraire \u00e0 l\u2019ordre des choses.<\/p>\n

Finalement, cette sagesse paysanne, je la poss\u00e8de s\u00fbrement au fond de moi aussi. Cette rencontre tant souhait\u00e9e jadis, elle peut s\u2019effectuer d\u00e9sormais presque \u00e0 chaque instant o\u00f9 j\u2019\u00e9cris. Mieux encore, l\u2019\u00e9criture, la peinture sont le lieu par excellence de cette rencontre dor\u00e9navant. Le laboratoire que je cherchais \u00e0 reconstituer se sera transform\u00e9, agrandi. Et, chaque jour, que puis-je faire d\u2019autre vraiment dans ma journ\u00e9e\u202f ? C\u2019est comme une nature \u00e0 pr\u00e9sent que de saisir ainsi, entre deux doigts, un n\u00e9gatif pour l\u2019\u00e9tudier en long, en large et en travers, puis le passer sous une lumi\u00e8re et en extraire un positif. Quelque chose se sera aussi modifi\u00e9 quant \u00e0 la vision de l\u2019art. Encore un relent de cette fameuse sagesse rurale qui dit, on ne peut pas mettre la charrue avant les b\u0153ufs<\/em> que d\u2019abord apprend \u00e0 vivre avant tout. Ensuite, s’il reste un peu de temps, pour l\u2019art entre autres, il ne faut pas le consid\u00e9rer de fa\u00e7on exag\u00e9r\u00e9e. Parce que tout ce qui est exag\u00e9r\u00e9 est souvent faux, c’est-\u00e0-dire mal \u00e9quilibr\u00e9, injuste essentiellement.<\/p>", "content_text": "Route menant \u00e0 rien. Cuba Patrick Blanchon\n\nC\u2019est la m\u00eame r\u00e9sistance, la m\u00eame entrave qui se repr\u00e9sente encore et encore lorsqu\u2019il s\u2019agit de vouloir revenir en arri\u00e8re pour trier, ranger, organiser et tirer parti d\u2019un travail effectu\u00e9. Comme si, en t\u00e2che de fond, j\u2019\u00e9prouvais la sensation p\u00e9nible de devoir me mettre \u00e0 bricoler, esp\u00e9rer, r\u00e9cup\u00e9rer quelque chose de fichu, d\u2019irr\u00e9parable. Tirer parti de toutes ces ann\u00e9es dites \u00ab perdues \u00bb. Tenter de r\u00e9tribuer le sacrifice, l\u2019abandon, l\u2019\u00e9chec, dans un acte qui tirerait de toutes ces ombres, une lumi\u00e8re. Peut-\u00eatre une nostalgie de cette chambre noire que je n\u2019ai jamais eu ni le courage, ni l\u2019envie suffisante de reconstituer. Je poss\u00e8de pourtant l\u2019essentiel, un carton rempli de n\u00e9gatifs noir et blanc que j\u2019ai trimball\u00e9 dans tous mes d\u00e9m\u00e9nagements. Une quinzaine d\u2019ann\u00e9es de prises de vue. Comme si le hasard voulait me titiller, renforcer encore plus la tentation, j\u2019ai r\u00e9cup\u00e9r\u00e9 un agrandisseur que l\u2019association dans laquelle je donnais depuis quelques ann\u00e9es des cours de peinture m\u2019a offert gracieusement. Ils me l\u2019ont offert plut\u00f4t que d\u2019avoir \u00e0 le jeter \u00e0 la benne, car ils changeaient tout leur mat\u00e9riel devenu obsol\u00e8te pour se mettre au num\u00e9rique. Revenir au laboratoire, \u00e0 la chambre noire, je crois que je pr\u00e9f\u00e8re caresser cette id\u00e9e en imagination que de la concr\u00e9tiser v\u00e9ritablement. Sans doute que j\u2019y trouve une sorte d\u2019avantage. Il y en a forc\u00e9ment un. Peut-\u00eatre seulement conserver cette envie, recr\u00e9er une chambre noire, afin qu\u2019elle reste dans le domaine du d\u00e9sir uniquement, du fantasme, plut\u00f4t que de passer \u00e0 l\u2019acte et d\u2019avoir une nouvelle fois \u00e0 affronter les cons\u00e9quences d\u2019un tel passage. Cons\u00e9quences que j\u2019imagine forc\u00e9ment douloureuses, d\u00e9cevantes. J\u2019ai finalement peine \u00e0 croire que le temps pass\u00e9 poss\u00e8de le pouvoir de r\u00e9parer ce qui est bris\u00e9, de redresser ce qui est tordu depuis son origine. \n\nAinsi, le th\u00e8me de ce nouvel atelier d\u2019\u00e9criture #photofiction me semble-t-il \u00eatre \u00e0 premi\u00e8re vue une aubaine. Une bonne partie du travail n\u2019est-il pas d\u00e9j\u00e0 fait ? Je n\u2019aurais qu\u2019\u00e0 fouiller un peu sur ce blog \u00e0 l\u2019aide de quelques mots clefs pour extraire quantit\u00e9 de textes traitant de mon histoire avec la photographie. C\u2019est d\u2019ailleurs ce que je tente de faire ce matin. Cependant, m\u00eame d\u00e9ception qu\u2019autrefois lorsque je voulais retirer des n\u00e9gatifs. Englu\u00e9 dans la r\u00e9p\u00e9tition malgr\u00e9 les diff\u00e9rentes versions du m\u00eame, plus ou moins de contraste, changement imperceptible de la composition, rien n\u2019y faisait. Comme si finalement le jugement \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 pr\u00e9sent depuis toujours et cela quels que soient mes efforts pour le contrer, lui donner tort. Et bien s\u00fbr, je rapprocherais cette r\u00e9flexion, trouver de bonnes raisons \u00e0 celle-ci en me rem\u00e9morant une multitude de phrases assassines. Tu n\u2019y arriveras pas, tu r\u00eaves, tu marches compl\u00e8tement \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de tes pompes disait mon p\u00e8re lorsque je lui faisais part de cette volont\u00e9 d\u2019\u00eatre photographe. Comme auparavant, je lui avais fait part de vouloir \u00eatre po\u00e8te, chanteur, \u00e9crivain, chercheur d\u2019or. Une usure s\u2019\u00e9tait ainsi cr\u00e9\u00e9e simultan\u00e9ment qu\u2019une perte de foi mutuelle. \u00c7a ne partait certainement pas d\u2019un bon sentiment de ma part et il l\u2019avait compris bien avant moi. Vouloir \u00eatre artiste, c'\u00e9tait nier tout ce que lui avait \u00e9chafaud\u00e9 comme croyances, comme valeurs pour devenir ce qu\u2019il \u00e9tait. Un homme qui s\u2019\u00e9tait \u00e9lev\u00e9 gr\u00e2ce \u00e0 la t\u00e9nacit\u00e9, gr\u00e2ce au travail, un homme qui ne reculait pas devant la difficult\u00e9, et au contraire fon\u00e7ait sur elle pour l\u2019aplanir, pour continuer son ascension. Un homme qui s\u2019\u00e9tait donn\u00e9 des buts et les avait atteints. Mais, qui lui procurait d\u00e9sormais cette sorte d\u2019omnipotence qui nous \u00e9crasait tous sans exception. Ce devait \u00eatre la ran\u00e7on \u00e0 payer et qu\u2019il avait finalement d\u00fb accepter par une \u00e9trange sagesse paysanne. D\u2019avoir autant gravi de marche pour se retrouver au bout du compte si seul au sein de sa propre famille. Et, cette solitude lui procurait comme un sixi\u00e8me sens pour d\u00e9tecter la moindre entourloupe en mati\u00e8re de logique, de calcul, de strat\u00e9gie. Comme meneur d'hommes, rien ne pouvait lui \u00e9chapper de leurs faiblesses cong\u00e9nitales. Ainsi, j'avais l\u2019impression moi, son fils, que je n\u2019\u00e9tais constitu\u00e9 que de ces faiblesses qu\u2019il n\u2019avait de cesse de pourchasser. Faiblesses que je jurais bien s\u00fbr, int\u00e9rieurement, de transformer en force. Juste pour lui prouver qu\u2019il \u00e9tait possible de ne pas toujours avoir raison. Cet enjeu s\u2019incarnait dans les feuilles de papier baryt\u00e9 argentique que je plongeais dans la bassine de r\u00e9v\u00e9lateur. D\u00e9sir contradictoire de donner simultan\u00e9ment raison et tort \u00e0 ce p\u00e8re tout-puissant, trop puissant pour que ce soit r\u00e9el. Vaincre ainsi par l\u2019\u00e9rosion, forme de t\u00e9nacit\u00e9 aussi s\u2019il en est, par la faiblesse de croire que cette puissance \u00e9tait l\u2019obstacle principal \u00e0 notre rencontre. Des milliers de n\u00e9gatifs noirs et blancs par cons\u00e9quent, tir\u00e9s sur du papier vierge dans une presque obscurit\u00e9 en qu\u00eate du meilleur \u00e9quilibre, du meilleur contraste, de toute la richesse que peuvent apporter, \u00e0 force de les \u00e9tudier, les gris.\n\nLa question aujourd\u2019hui est devenue de plus en plus pr\u00e9cise. Est-ce que l\u2019art sert \u00e0 r\u00e9gler des probl\u00e8mes personnels ou bien faut-il trouver en eux, dans ce minuscule, un point d\u2019appui pour s\u2019ouvrir, pour \u00e9tablir une connexion \u00e0 une sph\u00e8re plus vaste, plus g\u00e9n\u00e9rale ? Comme pour l\u2019\u00e9criture se pose le probl\u00e8me de l\u2019int\u00e9r\u00eat autobiographique. Ce n\u2019est pas en modifiant l\u2019ordre, l\u2019usage des pronoms personnels, en inventant soi-disant des histoires et des personnages que le point gris peut passer par-dessus lui-m\u00eame. Je crois qu\u2019il faut beaucoup plus que cette croyance un peu simpliste. Et par ailleurs, comme les choses doivent \u00eatre plus ais\u00e9es, que d\u2019en \u00eatre totalement inconscient. La difficult\u00e9 r\u00e9elle est d\u2019\u00eatre coinc\u00e9 dans une sorte de no man\u2019s land entre conscience et inconscience, de ne pas savoir effectuer un choix.\n\nExactement, la m\u00eame chose pour effectuer un tirage en noir et blanc. A un moment donn\u00e9, on s'aper\u00e7oit que les diff\u00e9rentes versions d\u2019un m\u00eame n\u00e9gatif se valent tout autant. Ce qui nous d\u00e9cide pour une version en particulier plut\u00f4t qu\u2019une autre tient \u00e0 une id\u00e9e subjective d\u2019\u00e9quilibre, de beaut\u00e9, de sens , de perfection, ou tout simplement \u00e0 la fatigue, \u00e0 la lassitude, \u00e0 une forme salutaire de renoncement. C\u2019est tout ce mouvement que l'on ne voit pas au bout du compte dans une photographie que l\u2019on propose au monde. Ce non-dit. C\u2019est aussi une difficult\u00e9 \u00e0 surmonter que de n\u2019obtenir aucun avis ou si peu. Voire tellement \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de tout ce que l'on a pu imaginer y avoir plac\u00e9 comme joie ou peine. Une habitude \u00e0 prendre aussi. Avec le temps, on donne et l'on dispara\u00eet progressivement. On s\u2019efface par les actes. Ainsi, il me semble qu\u2019il n\u2019y a rien de plus naturel. Ou du moins en observant un tant soit peu la ronde des saisons, il arrive qu\u2019\u00e0 un moment, on se sente \u00e9troitement en accord avec elle. C\u2019est sans doute la seule vraie forme de r\u00e9tribution de tout l\u2019ouvrage effectu\u00e9. Il faudrait, ce n\u2019est pas toujours le cas. Mais, s\u2019y contraindre, se tenir \u00e0 y trouver le contentement sous la forme de cette paix qui vient tout doucement nous consoler.\n\nOn dit que choisir c\u2019est renoncer. En revanche, que se passe-t-il en sens inverse. Est-ce que le renoncement offre alors le meilleur choix qu\u2019il nous est permis d\u2019effectuer \u00e0 un instant T ? Sans doute est-ce la raison dont, intuitivement, je me sers pour \u00e9crire \u00e0 chaque fois un nouveau texte plut\u00f4t que de vouloir ravauder de plus anciens ? La raison pour laquelle ces n\u00e9gatifs restent rang\u00e9s dans leur carton, n\u2019est-elle pas parce que je crois que je ne pourrais pas faire autrement que de reprendre les memes donn\u00e9es et faire du nouveau. Il me faudrait alors retrouver un vieux Leica M42 du film argentique noir et blanc, repartir en qu\u00eate de nouvelles images tout en sachant qu\u2019elles seraient nouvelles que pour mieux encore me leurrer, me replonger dans l\u2019inconscience. Cependant, il me faudrait plusieurs vies et ce serait contraire \u00e0 l\u2019ordre des choses. \n\nFinalement, cette sagesse paysanne, je la poss\u00e8de s\u00fbrement au fond de moi aussi. Cette rencontre tant souhait\u00e9e jadis, elle peut s\u2019effectuer d\u00e9sormais presque \u00e0 chaque instant o\u00f9 j\u2019\u00e9cris. Mieux encore, l\u2019\u00e9criture, la peinture sont le lieu par excellence de cette rencontre dor\u00e9navant. Le laboratoire que je cherchais \u00e0 reconstituer se sera transform\u00e9, agrandi. Et, chaque jour, que puis-je faire d\u2019autre vraiment dans ma journ\u00e9e ? C\u2019est comme une nature \u00e0 pr\u00e9sent que de saisir ainsi, entre deux doigts, un n\u00e9gatif pour l\u2019\u00e9tudier en long, en large et en travers, puis le passer sous une lumi\u00e8re et en extraire un positif. Quelque chose se sera aussi modifi\u00e9 quant \u00e0 la vision de l\u2019art. Encore un relent de cette fameuse sagesse rurale qui dit, on ne peut pas mettre la charrue avant les b\u0153ufs que d\u2019abord apprend \u00e0 vivre avant tout. Ensuite, s'il reste un peu de temps, pour l\u2019art entre autres, il ne faut pas le consid\u00e9rer de fa\u00e7on exag\u00e9r\u00e9e. Parce que tout ce qui est exag\u00e9r\u00e9 est souvent faux, c'est-\u00e0-dire mal \u00e9quilibr\u00e9, injuste essentiellement.", "image": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_6797jpgw1000-91d9f15b.jpg?1762180188", "tags": [] } ] }