{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/octobre-2019.html", "url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/octobre-2019.html", "title": "Octobre 2019", "date_published": "2025-12-20T23:29:56Z", "date_modified": "2025-12-20T23:30:08Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

1er octobre 2019<\/strong> [R\u00c9CIT : Nabuchodonosor 1] — Retour \u00e0 la banlieue de la D\u00e9fense apr\u00e8s six mois au Portugal d\u00e9sargent\u00e9 et une s\u00e9paration. Rencontre au bar de Nabucho, \u00e9trange pr\u00e9nom aux r\u00e9sonances babyloniennes. Entre le clochard c\u00e9leste et le valet dessin\u00e9 \u00e0 la hache. Nous devenons camarades de comptoir, invoquant Pessoa d\u00e8s le pastis : « Navigar e preciso, viver nao e preciso... » Chambre minuscule donnant sur une cour avec un jeune cerisier. Livreur de paperasses en J7, victime de vell\u00e9it\u00e9s litt\u00e9raires et d’une passion pour la bouteille. Cette absurdit\u00e9 d’\u00e9crire m’avait entra\u00een\u00e9 dans un paysage d\u00e9cal\u00e9 du r\u00e9el. L’immaturit\u00e9 comme compagne de maquis dans l’\u00e2pret\u00e9 du quotidien. L’existence me prodiguait tous les soins n\u00e9cessaires \u00e0 la survie et \u00e0 pr\u00e9parer la gratitude future. Mais \u00e0 l’\u00e9poque, je pr\u00e9f\u00e9rais boire avec Nabucho. Le boxeur fit son apparition, fa\u00e7adier nantais con comme un balai mais qui gagnait bien sa vie. Grain \u00e0 moudre pour po\u00e8tes bistrotiers.<\/p>\n

2 octobre<\/strong> — Henry Miller dans Tropique du Cancer : « L’homme que j’\u00e9tais, je ne le suis plus. » Diff\u00e9rence entre savoir et conna\u00eetre. Le pass\u00e9 m’a longtemps obs\u00e9d\u00e9 comme pour maintenir une illusion d’identit\u00e9. La m\u00e9moire comme colle assemblant les fragments. Mais on s’enferme ainsi dans une prison, perp\u00e9tuant les m\u00eames fonctionnements. Le monde change \u00e0 vitesse extraordinaire. En 1986, retour d’Asie, personne ne voulait entendre mon r\u00e9cit. Le pass\u00e9 n’int\u00e9resse personne. Entre le supporter avin\u00e9 et le soldat, pas beaucoup de diff\u00e9rence de programmation. Que faire du pass\u00e9, lorsque la nuit se pose doucement \u00e0 l’avant du v\u00e9hicule qui roule vitre baiss\u00e9e dans cette soir\u00e9e d’automne ?<\/p>\n

3 octobre<\/strong> [R\u00c9CIT] — Karachi, allong\u00e9s nus, les oiseaux migrateurs dans le ciel pollu\u00e9. Sa phrase \u00e0 l’oreille me r\u00e9v\u00e8le mon inculture magistrale en mati\u00e8re de femmes. D\u00e9ployer le salaud qui gisait au fond de moi. Elle se tord comme un serpent colossal, Lilith lubrique. Distance chirurgicale, rester dur et endurant. Apr\u00e8s la sodomie, \u00e9puis\u00e9s. Son sourire aliment\u00e9 par mon d\u00e9pit. Je m’ab\u00eeme \u00e0 nouveau dans le cri des oiseaux migrateurs au-dessus de Karachi.<\/p>\n

4 octobre<\/strong> — R\u00e9capitulation par l’\u00e9criture depuis un an. Revisiter lieux et \u00eatres pour pardonner \u00e0 tous, d\u00e9nouer les n\u0153uds \u00e9nerg\u00e9tiques. Travail chamanique au rythme des battements de c\u0153ur des nuits d’insomnie. Le tapotement du clavier comme incantation. Fil d’Ariane et petit poucet. Un myst\u00e8re comme Thot ou Herm\u00e8s. Position incertaine du narrateur, ubiquit\u00e9 n\u00e9cessaire. Sacrifice sur l’autel de l’\u00e9criture. Les fant\u00f4mes s’abreuvent de vie. « Sang d’encre » de ma m\u00e8re. Laisser couler ce sang d’encre en cadeau. La mort, porte close que je veux ouvrir, anim\u00e9 par crainte, espoir et curiosit\u00e9. Tradition chamanique et portes vers divers mondes. Sans doute le syst\u00e8me capitaliste ne survivrait-il pas si nous acceptions les esprits. L’ami imaginaire de l’enfance, « un sale type », vision en n\u00e9gatif. Le d\u00e9ni des adultes permit \u00e0 notre cr\u00e9ativit\u00e9 d’\u00eatre sans bornes. \u00c0 la mort du p\u00e8re, le mur disparut. Nous sommes des amis ayant d\u00e9cid\u00e9 de nous incarner pour progresser mutuellement. Histoire d’amour devenant consciente, d\u00e9finition de la po\u00e9sie.<\/p>\n

4 octobre<\/strong> [R\u00c9CIT : Naissance] — Pr\u00e9matur\u00e9, pr\u00e9vu pour mars, arriv\u00e9 fin janvier. « Celui-l\u00e0, il veut \u00eatre arriv\u00e9 avant d’\u00eatre parti. » Couveuse, puis le long couloir parisien du 15\u1d49. Chez les grands-parents. Ma m\u00e8re surgissant de temps \u00e0 autre, son d\u00e9part provoquant confusion entre joie et douleur. Neutralit\u00e9 comme refuge. \u00c0 quatre ans, la maison de l’arri\u00e8re-grand-p\u00e8re instituteur qui conna\u00eet son dictionnaire par c\u0153ur. \u00c0 sept ans, embrasser le mort sur son lit. Cauchemars de la b\u00eate \u00e0 m\u00e2choire d\u00e9mesur\u00e9e. Le cerisier en fleurs provoquant un \u00e9vanouissement. La petite porte noire vers la cave pour entendre les voix du territoire des ombres. « Tu as le diable dans la peau. » La peur comme vecteur vers de nouvelles versions de l’amour. La peinture exprimant ces strates autrement que l’\u00e9criture.<\/p>\n

5 octobre<\/strong> [R\u00c9CIT] — Atelier chamboul\u00e9 par l’arriv\u00e9e de deux femmes. La petite brune et la grande blonde aux yeux bleus embu\u00e9s. Potins sur le peintre vicelard. « Ce qu’elle adore, c’est se faire battre. » Le fantasme d’orgie s’accentuant avec le whisky. Elles disparaissent. J’aurais pu la culbuter mais je demande o\u00f9 d\u00eener. Tornade de rage dans son regard vert.<\/p>\n

9 octobre<\/strong> [R\u00c9CIT : Castaneda] — Pas encore vingt ans, traversant Paris depuis la Bastoche. D\u00e9couverte de Castaneda chez le bouquiniste : L’herbe du diable et la petite fum\u00e9e. Enfin une porte vers le territoire immense du Nagual. D\u00e9vor\u00e9 toute l’\u0153uvre. Mais la r\u00eaverie ne suffit pas, il faut discipline et courage. L’\u00e9criture permit la r\u00e9capitulation n\u00e9cessaire, ma\u00eetresse f\u00e9roce. Chaque matin, d\u00e9verser sur la page, d\u00e9couvrir combien le narrateur ment. Travailler l’attention. Pendant l’amour, froideur \u00e9veill\u00e9e observant la partouze universelle. Cela me co\u00fbta ma premi\u00e8re compagne. Orgueil et m\u00e9pris envers ceux voulant juste « la vie active ». Errer de chambre en chambre, \u00e9crire des milliers de pages pour pardonner \u00e0 chaque monstre cr\u00e9\u00e9. Aujourd’hui attabl\u00e9 avec un ami chaman, trois chatons nous observent. Dans leurs yeux, le regard de l’\u00e9criture avec sa bonne froideur.<\/p>\n

10 octobre<\/strong> [R\u00c9CIT] — \u00c0 la lisi\u00e8re, se d\u00e9v\u00eatant, nu il entre dans la for\u00eat. Les arbres aussi nus. Pas besoin de mots dans cette nudit\u00e9 mutuelle. Le grand ch\u00eane, retrouvailles apr\u00e8s dix ans. L’enlacer doucement. Son c\u0153ur battant, bandant vigoureusement sans imagerie \u00e9rotique. La nudit\u00e9 contre la nudit\u00e9 suffisant \u00e0 d\u00e9bloquer l’\u00e9nergie sexuelle. Jusqu’au cr\u00e9puscule dans cette \u00e9treinte silencieuse. Rentrer en regardant palpiter les premi\u00e8res \u00e9toiles.<\/p>\n

11 octobre<\/strong> — « Tu prends tout par-dessus la jambe ! » Expression maternelle \u00e9rotis\u00e9e. Ce « tout » d\u00e9signant le petit sexe pendouillant. Pendant des ann\u00e9es, placer cerveau, d\u00e9sir, ambitions dans ce morceau de viande. Complicit\u00e9 malsaine, sexe au centre du je-m’en-foutisme. « Mon putain de gar\u00e7on. » Histoires d’aiguilles \u00e0 tricoter et d\u00e9sir de fille. « \u00c0 quelques centim\u00e8tres pr\u00e8s tu n’\u00e9tais qu’une crotte. » Elle aurait d\u00fb suivre son instinct de fauve et nous laisser. Derniers moments \u00e0 l’h\u00f4pital de Cr\u00e9teil. Morphine conf\u00e9rant beaut\u00e9 \u00e0 ses yeux. « Tu peux y aller maintenant. » Devant le marocain de Limeil : « Et si on allait se taper un bon couscous ? » Il pleura vraiment. C’\u00e9tait un jour creux, plein de places libres, un coup de chance.<\/p>\n

11 octobre<\/strong> [R\u00c9CIT] — Rousse au jardin arrachant les mauvaises herbes, visage rubicond. Bless\u00e9e que je l’aie rejet\u00e9e. Peau p\u00e2le qui s’empourpre, yeux verts. Mais Margot me hante toujours. D\u00e9pit confortable. Nous d\u00e9visageant \u00e0 travers la vitre. La familiarit\u00e9 se dissipant. Tout \u00e0 l’heure amants, maintenant \u00e9trangers s’\u00e9piant.<\/p>\n

12 octobre<\/strong> — Ce corps battu, mordu, d\u00e9chiquet\u00e9, \u00e9visc\u00e9r\u00e9. Tentatives vaines de le rendre immobile et muet. M\u00eame au fond d’un trou, le corps continue, rejoignant le silex, tutoyant l’\u00e9toile. Passer par le corps lui recr\u00e9e une m\u00e9moire nouvelle. Abandonner l’immortalit\u00e9 des vampires. Une seule minute vraie vaut toute une \u00e9ternit\u00e9 de mensonges.<\/p>\n

14 octobre<\/strong> — Cherch\u00e9 une rambarde contre l’anarchie des formes. « Trouve ton style », j’ai pens\u00e9 art fun\u00e9raire. Mes toiles confondues avec des planches de surf. Voyage sur les vagues. La peinture ouvrant des paysages int\u00e9rieurs. « On dirait que ce n’est pas le m\u00eame peintre. » Mais ceux que j’ai le plus entendus n’ont rien dit. En m’engouffrant dans leur silence, j’ai compris le mien. Mes toiles n’\u00e9taient que mutisme alors que je les imaginais silence. « Wouah, quel chemin ! » Je m’aime plus d\u00e9sormais, et peut-\u00eatre que je me mets \u00e0 t’aimer mieux toi aussi.<\/p>\n

15 octobre<\/strong> [R\u00c9CIT] — Le petit juif ch\u00e9tif avec son histoire de porte. R\u00eave r\u00e9current, porte close, nullit\u00e9 effroyable. J’ai tout mon temps pour l’\u00e9couter. D\u00e9cid\u00e9 d’\u00eatre juif depuis quelques ann\u00e9es. Grand-m\u00e8re estonienne \u00e9ludant toujours, Disque bleue et fum\u00e9e bleut\u00e9e. L’ex\u00e9g\u00e8se m’est cong\u00e9nitale. Une petite salope certaine que je l’\u00e9tais. N’ai jamais revu le petit juif, mais j’avais saisi le message. Les portes ne m’ont jamais pos\u00e9 probl\u00e8me, j’en ai d\u00e9fonc\u00e9 plus d’une.<\/p>\n

16 octobre<\/strong> — Hommage au doigt, celui qu’on se fourre dans le nez ou le cul. Mobile et libre. Doigt dans tous les creux, trous, fentes. Doigt dans la bouche de l’amante. Plus de couture sur la jambe pour poser le petit doigt. Tous les « je t’ai \u00e0 l’\u0153il » s’\u00e9vanouissent dans la brume des automnes qui resurgissent.<\/p>\n

17 octobre<\/strong> [R\u00c9CIT : Filippo] — J’irai en bus savourer le paysage toscan. Me souvenir de Fiesole, de ta bouche et tes yeux. Du vieux ma\u00eetre parlant d’agathe, pourpre marin, lazzulite. Ferveur d’arpette plong\u00e9e dans tes yeux comme une lame de Tol\u00e8de. Combien de fois t’ai-je peinte. Retenir la fine ride de ton sourire qui m’\u00e9chappe toujours. « Filippo » avec ton accent de Naples. Mon corps de lumi\u00e8re abolissait le temps. Voil\u00e0 bien des ann\u00e9es que nous ne sommes plus. Mais toi, ma magnifique, o\u00f9 donc es-tu que j’ai perdue ?<\/p>\n

17 octobre<\/strong> — Pandore et Ulysse. H\u00e9siode confondant Zeus et le tout-puissant. Dieux fa\u00e7onnant Pandore : beaut\u00e9, musique, mensonge, curiosit\u00e9, jalousie. La bo\u00eete interdite. Curiosit\u00e9 pr\u00e9sent\u00e9e comme d\u00e9faut f\u00e9minin. Mais Ulysse errant par sa propre curiosit\u00e9 masculine ? Si l’on joignait ces deux curiosit\u00e9s ? Seule vraie raison des complots divins. Le divin s’ennuyant ne trouve amusement qu’\u00e0 travers les jeux des mortels.<\/p>\n

18 octobre<\/strong> [R\u00c9CIT] — Un matin, il s’aper\u00e7ut qu’il marchait \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de sa vie. S\u00e9par\u00e9 d’elle par la haie de la m\u00e9moire. Id\u00e9e simple : avancer \u00e0 reculons. Modifier l’habitude confortable. Journ\u00e9e test : bonsoir au lieu de bonjour, miche au lieu de baguette. Lire le journal de la derni\u00e8re page. Quelques jours ainsi, nouvelle routine mena\u00e7ant. Devant la glace pour se raser, il sursauta : un inconnu se tenait devant lui.<\/p>\n

20 octobre<\/strong> — Au-del\u00e0 de l’art et du mensonge, l’\u00eatre immobile dans une attente ang\u00e9lique. Fumer avec l’ange, faire des ronds de fum\u00e9e. Le brouhaha s’\u00e9vanouit, tinte la clochette de la ros\u00e9e. Plus d’urgence, plus de temporalit\u00e9. Un dessin d’enfant vaut celui des grands ma\u00eetres. Au-del\u00e0 de l’art, n’est-ce pas le paradis finalement ?<\/p>\n

20 octobre<\/strong> [R\u00c9CIT] — SDF sur le banc, grosse canette. Je lui fais un doigt d’honneur. Mais je reviens m’asseoir. « Personne ne me regarde. » On fume ensemble regardant passer les gens. « Les bourgeoises tu les traites comme des salopes et les salopes comme des princesses. » \u00c7a me fait chier, ce petit jeu. « C’est moi qui ai choisi d’\u00eatre sur ce banc. » L\u00e9gion \u00e9trang\u00e8re. En partant, il me dit : « L’important c’est de savoir traverser le miroir. »<\/p>\n

21 octobre<\/strong> [R\u00c9CIT : Nabucho 2] — Nabucho, po\u00e8te exil\u00e9, masques en papier m\u00e2ch\u00e9 dans les \u00e9coles. Gros nounours noir de Salvador de Bahia. Syncr\u00e9tisme cathoyorubesque. Gilberto Gil au t\u00e9l\u00e9phone, je l’accompagne. Leurs regards d’amiti\u00e9, tendresse \u00e9norme. Pauvret\u00e9 provoquant crises conjugales. Le boxeur me propose une chambre. Compris l’expression « mieux vaut un petit chez soi ». Satisfaire sexuellement sa compagne ogresse. Job param\u00e9dical : culs-de-jatte, bonbonnes d’oxyg\u00e8ne aux mourants. Patrons sectaires voulant me pr\u00e9senter \u00e0 leur magicienne.<\/p>\n

25 octobre<\/strong> — Fuite, errance, sabotage. R\u00eave d’enfance : monde gris, petits personnages informes m’entravant. « Je sais que c’est un r\u00eave. » Je m’\u00e9vade en me r\u00e9veillant. Capsule de toutes les amertumes. Chambre trouv\u00e9e, automne, quatre heures du matin. Caf\u00e9 chez Tati. Grande table ronde, feuilles, crayons. Urgence de mettre de l’ordre. \u00c9crire sans relire. Nabucho : « Ton esprit est malheureux, il faut le nourrir ! » Cette phrase peut-\u00eatre adress\u00e9e \u00e0 lui tout autant. D\u00e9go\u00fbt de ne pas glisser vers la fiction pure. Ch\u00f4mage, solitude. Technique respiratoire. Le soir, Montmartre, bars, alcool pour d\u00e9sinhibe. Masques en papier m\u00e2ch\u00e9 la nuit. \u00c9criture imposant la justesse. Remonter le fil des mensonges. \u00c0 Montrouge, reconnu la voix de l’\u00e9pouse de Nabucho. Elle m’invita conna\u00eetre la fin de l’histoire.<\/p>\n

27 octobre<\/strong> — Tous les mois \u00e0 partir du 15, le d\u00e9couvert. Rituel du matin, caf\u00e9, elle s’impatiente. Rage contre lui-m\u00eame. Au tabac, les deux jeunes Turcs ne rigolent plus. Kangoo refus\u00e9 au contr\u00f4le technique, pas de p\u00e8lerinage cette ann\u00e9e. Fin octobre, retour des morts, Samain. Le brouillard au coin de la rue. Vers le grand caf\u00e9 ouvrant son rideau de fer.<\/p>\n

28 octobre<\/strong> — Dessiner. Enfant, tu dessinais sans te soucier de savoir. « Bien dessiner » par rapport \u00e0 qui ? L\u00e9onard c’est d\u00e9j\u00e0 fait. Dessiner c’est s’exprimer avec justesse, montrer qui on est. Garde tout, date et signature. Tout est pr\u00e9cieux. L’estime de soi est importante. Dans quelques ann\u00e9es tu verras les pr\u00e9mices. « Bien dessiner » souvent un mensonge qu’on se fait. Faux probl\u00e8me. Dessiner comme tu es. « Venez comme vous \u00eates. »<\/p>\n

28 octobre<\/strong> [R\u00c9CIT] — Toutes les possibilit\u00e9s de sa vie continuant sans lui. L’univers \u00e9cartant les voiles. Tous ceux qui \u00e9taient lui sur des routes parall\u00e8les : le chanteur, l’\u00e9crivain irlandais, ceux rest\u00e9s avec leurs compagnes. Don d’ubiquit\u00e9. Il se mit \u00e0 rire remerciant le vieil univers. Tous se valaient d\u00e9sormais. La soixantaine apportant s\u00e9r\u00e9nit\u00e9 in\u00e9dite. Plus de p\u00e8re. En premi\u00e8re ligne pour la d\u00e9gringolade dans le n\u00e9ant.<\/p>\n

28 octobre<\/strong> [R\u00c9CIT : Monsieur Paul, 1908] — Endormi avec la chatte. La repose d\u00e9licatement. Remplit le po\u00eale, la neige dehors. Toilette sommaire, galurin caboss\u00e9 et pardessus. Salon chaotique avec chiens, chats, lapins, perroquet. Vers la mairie de Fontenay-aux-Roses esp\u00e9rant que le 86 sera en service malgr\u00e9 les intemp\u00e9ries. Nous sommes en 1908.<\/p>", "content_text": " **1er octobre 2019** [R\u00c9CIT : Nabuchodonosor 1] \u2014 Retour \u00e0 la banlieue de la D\u00e9fense apr\u00e8s six mois au Portugal d\u00e9sargent\u00e9 et une s\u00e9paration. Rencontre au bar de Nabucho, \u00e9trange pr\u00e9nom aux r\u00e9sonances babyloniennes. Entre le clochard c\u00e9leste et le valet dessin\u00e9 \u00e0 la hache. Nous devenons camarades de comptoir, invoquant Pessoa d\u00e8s le pastis : \u00ab Navigar e preciso, viver nao e preciso... \u00bb Chambre minuscule donnant sur une cour avec un jeune cerisier. Livreur de paperasses en J7, victime de vell\u00e9it\u00e9s litt\u00e9raires et d'une passion pour la bouteille. Cette absurdit\u00e9 d'\u00e9crire m'avait entra\u00een\u00e9 dans un paysage d\u00e9cal\u00e9 du r\u00e9el. L'immaturit\u00e9 comme compagne de maquis dans l'\u00e2pret\u00e9 du quotidien. L'existence me prodiguait tous les soins n\u00e9cessaires \u00e0 la survie et \u00e0 pr\u00e9parer la gratitude future. Mais \u00e0 l'\u00e9poque, je pr\u00e9f\u00e9rais boire avec Nabucho. Le boxeur fit son apparition, fa\u00e7adier nantais con comme un balai mais qui gagnait bien sa vie. Grain \u00e0 moudre pour po\u00e8tes bistrotiers. **2 octobre** \u2014 Henry Miller dans Tropique du Cancer : \u00ab L'homme que j'\u00e9tais, je ne le suis plus. \u00bb Diff\u00e9rence entre savoir et conna\u00eetre. Le pass\u00e9 m'a longtemps obs\u00e9d\u00e9 comme pour maintenir une illusion d'identit\u00e9. La m\u00e9moire comme colle assemblant les fragments. Mais on s'enferme ainsi dans une prison, perp\u00e9tuant les m\u00eames fonctionnements. Le monde change \u00e0 vitesse extraordinaire. En 1986, retour d'Asie, personne ne voulait entendre mon r\u00e9cit. Le pass\u00e9 n'int\u00e9resse personne. Entre le supporter avin\u00e9 et le soldat, pas beaucoup de diff\u00e9rence de programmation. Que faire du pass\u00e9, lorsque la nuit se pose doucement \u00e0 l'avant du v\u00e9hicule qui roule vitre baiss\u00e9e dans cette soir\u00e9e d'automne ? **3 octobre** [R\u00c9CIT] \u2014 Karachi, allong\u00e9s nus, les oiseaux migrateurs dans le ciel pollu\u00e9. Sa phrase \u00e0 l'oreille me r\u00e9v\u00e8le mon inculture magistrale en mati\u00e8re de femmes. D\u00e9ployer le salaud qui gisait au fond de moi. Elle se tord comme un serpent colossal, Lilith lubrique. Distance chirurgicale, rester dur et endurant. Apr\u00e8s la sodomie, \u00e9puis\u00e9s. Son sourire aliment\u00e9 par mon d\u00e9pit. Je m'ab\u00eeme \u00e0 nouveau dans le cri des oiseaux migrateurs au-dessus de Karachi. **4 octobre** \u2014 R\u00e9capitulation par l'\u00e9criture depuis un an. Revisiter lieux et \u00eatres pour pardonner \u00e0 tous, d\u00e9nouer les n\u0153uds \u00e9nerg\u00e9tiques. Travail chamanique au rythme des battements de c\u0153ur des nuits d'insomnie. Le tapotement du clavier comme incantation. Fil d'Ariane et petit poucet. Un myst\u00e8re comme Thot ou Herm\u00e8s. Position incertaine du narrateur, ubiquit\u00e9 n\u00e9cessaire. Sacrifice sur l'autel de l'\u00e9criture. Les fant\u00f4mes s'abreuvent de vie. \u00ab Sang d'encre \u00bb de ma m\u00e8re. Laisser couler ce sang d'encre en cadeau. La mort, porte close que je veux ouvrir, anim\u00e9 par crainte, espoir et curiosit\u00e9. Tradition chamanique et portes vers divers mondes. Sans doute le syst\u00e8me capitaliste ne survivrait-il pas si nous acceptions les esprits. L'ami imaginaire de l'enfance, \u00ab un sale type \u00bb, vision en n\u00e9gatif. Le d\u00e9ni des adultes permit \u00e0 notre cr\u00e9ativit\u00e9 d'\u00eatre sans bornes. \u00c0 la mort du p\u00e8re, le mur disparut. Nous sommes des amis ayant d\u00e9cid\u00e9 de nous incarner pour progresser mutuellement. Histoire d'amour devenant consciente, d\u00e9finition de la po\u00e9sie. **4 octobre** [R\u00c9CIT : Naissance] \u2014 Pr\u00e9matur\u00e9, pr\u00e9vu pour mars, arriv\u00e9 fin janvier. \u00ab Celui-l\u00e0, il veut \u00eatre arriv\u00e9 avant d'\u00eatre parti. \u00bb Couveuse, puis le long couloir parisien du 15\u1d49. Chez les grands-parents. Ma m\u00e8re surgissant de temps \u00e0 autre, son d\u00e9part provoquant confusion entre joie et douleur. Neutralit\u00e9 comme refuge. \u00c0 quatre ans, la maison de l'arri\u00e8re-grand-p\u00e8re instituteur qui conna\u00eet son dictionnaire par c\u0153ur. \u00c0 sept ans, embrasser le mort sur son lit. Cauchemars de la b\u00eate \u00e0 m\u00e2choire d\u00e9mesur\u00e9e. Le cerisier en fleurs provoquant un \u00e9vanouissement. La petite porte noire vers la cave pour entendre les voix du territoire des ombres. \u00ab Tu as le diable dans la peau. \u00bb La peur comme vecteur vers de nouvelles versions de l'amour. La peinture exprimant ces strates autrement que l'\u00e9criture. **5 octobre** [R\u00c9CIT] \u2014 Atelier chamboul\u00e9 par l'arriv\u00e9e de deux femmes. La petite brune et la grande blonde aux yeux bleus embu\u00e9s. Potins sur le peintre vicelard. \u00ab Ce qu'elle adore, c'est se faire battre. \u00bb Le fantasme d'orgie s'accentuant avec le whisky. Elles disparaissent. J'aurais pu la culbuter mais je demande o\u00f9 d\u00eener. Tornade de rage dans son regard vert. **9 octobre** [R\u00c9CIT : Castaneda] \u2014 Pas encore vingt ans, traversant Paris depuis la Bastoche. D\u00e9couverte de Castaneda chez le bouquiniste : L'herbe du diable et la petite fum\u00e9e. Enfin une porte vers le territoire immense du Nagual. D\u00e9vor\u00e9 toute l'\u0153uvre. Mais la r\u00eaverie ne suffit pas, il faut discipline et courage. L'\u00e9criture permit la r\u00e9capitulation n\u00e9cessaire, ma\u00eetresse f\u00e9roce. Chaque matin, d\u00e9verser sur la page, d\u00e9couvrir combien le narrateur ment. Travailler l'attention. Pendant l'amour, froideur \u00e9veill\u00e9e observant la partouze universelle. Cela me co\u00fbta ma premi\u00e8re compagne. Orgueil et m\u00e9pris envers ceux voulant juste \u00ab la vie active \u00bb. Errer de chambre en chambre, \u00e9crire des milliers de pages pour pardonner \u00e0 chaque monstre cr\u00e9\u00e9. Aujourd'hui attabl\u00e9 avec un ami chaman, trois chatons nous observent. Dans leurs yeux, le regard de l'\u00e9criture avec sa bonne froideur. **10 octobre** [R\u00c9CIT] \u2014 \u00c0 la lisi\u00e8re, se d\u00e9v\u00eatant, nu il entre dans la for\u00eat. Les arbres aussi nus. Pas besoin de mots dans cette nudit\u00e9 mutuelle. Le grand ch\u00eane, retrouvailles apr\u00e8s dix ans. L'enlacer doucement. Son c\u0153ur battant, bandant vigoureusement sans imagerie \u00e9rotique. La nudit\u00e9 contre la nudit\u00e9 suffisant \u00e0 d\u00e9bloquer l'\u00e9nergie sexuelle. Jusqu'au cr\u00e9puscule dans cette \u00e9treinte silencieuse. Rentrer en regardant palpiter les premi\u00e8res \u00e9toiles. **11 octobre** \u2014 \u00ab Tu prends tout par-dessus la jambe ! \u00bb Expression maternelle \u00e9rotis\u00e9e. Ce \u00ab tout \u00bb d\u00e9signant le petit sexe pendouillant. Pendant des ann\u00e9es, placer cerveau, d\u00e9sir, ambitions dans ce morceau de viande. Complicit\u00e9 malsaine, sexe au centre du je-m'en-foutisme. \u00ab Mon putain de gar\u00e7on. \u00bb Histoires d'aiguilles \u00e0 tricoter et d\u00e9sir de fille. \u00ab \u00c0 quelques centim\u00e8tres pr\u00e8s tu n'\u00e9tais qu'une crotte. \u00bb Elle aurait d\u00fb suivre son instinct de fauve et nous laisser. Derniers moments \u00e0 l'h\u00f4pital de Cr\u00e9teil. Morphine conf\u00e9rant beaut\u00e9 \u00e0 ses yeux. \u00ab Tu peux y aller maintenant. \u00bb Devant le marocain de Limeil : \u00ab Et si on allait se taper un bon couscous ? \u00bb Il pleura vraiment. C'\u00e9tait un jour creux, plein de places libres, un coup de chance. **11 octobre** [R\u00c9CIT] \u2014 Rousse au jardin arrachant les mauvaises herbes, visage rubicond. Bless\u00e9e que je l'aie rejet\u00e9e. Peau p\u00e2le qui s'empourpre, yeux verts. Mais Margot me hante toujours. D\u00e9pit confortable. Nous d\u00e9visageant \u00e0 travers la vitre. La familiarit\u00e9 se dissipant. Tout \u00e0 l'heure amants, maintenant \u00e9trangers s'\u00e9piant. **12 octobre** \u2014 Ce corps battu, mordu, d\u00e9chiquet\u00e9, \u00e9visc\u00e9r\u00e9. Tentatives vaines de le rendre immobile et muet. M\u00eame au fond d'un trou, le corps continue, rejoignant le silex, tutoyant l'\u00e9toile. Passer par le corps lui recr\u00e9e une m\u00e9moire nouvelle. Abandonner l'immortalit\u00e9 des vampires. Une seule minute vraie vaut toute une \u00e9ternit\u00e9 de mensonges. **14 octobre** \u2014 Cherch\u00e9 une rambarde contre l'anarchie des formes. \u00ab Trouve ton style \u00bb, j'ai pens\u00e9 art fun\u00e9raire. Mes toiles confondues avec des planches de surf. Voyage sur les vagues. La peinture ouvrant des paysages int\u00e9rieurs. \u00ab On dirait que ce n'est pas le m\u00eame peintre. \u00bb Mais ceux que j'ai le plus entendus n'ont rien dit. En m'engouffrant dans leur silence, j'ai compris le mien. Mes toiles n'\u00e9taient que mutisme alors que je les imaginais silence. \u00ab Wouah, quel chemin ! \u00bb Je m'aime plus d\u00e9sormais, et peut-\u00eatre que je me mets \u00e0 t'aimer mieux toi aussi. **15 octobre** [R\u00c9CIT] \u2014 Le petit juif ch\u00e9tif avec son histoire de porte. R\u00eave r\u00e9current, porte close, nullit\u00e9 effroyable. J'ai tout mon temps pour l'\u00e9couter. D\u00e9cid\u00e9 d'\u00eatre juif depuis quelques ann\u00e9es. Grand-m\u00e8re estonienne \u00e9ludant toujours, Disque bleue et fum\u00e9e bleut\u00e9e. L'ex\u00e9g\u00e8se m'est cong\u00e9nitale. Une petite salope certaine que je l'\u00e9tais. N'ai jamais revu le petit juif, mais j'avais saisi le message. Les portes ne m'ont jamais pos\u00e9 probl\u00e8me, j'en ai d\u00e9fonc\u00e9 plus d'une. **16 octobre** \u2014 Hommage au doigt, celui qu'on se fourre dans le nez ou le cul. Mobile et libre. Doigt dans tous les creux, trous, fentes. Doigt dans la bouche de l'amante. Plus de couture sur la jambe pour poser le petit doigt. Tous les \u00ab je t'ai \u00e0 l'\u0153il \u00bb s'\u00e9vanouissent dans la brume des automnes qui resurgissent. **17 octobre** [R\u00c9CIT : Filippo] \u2014 J'irai en bus savourer le paysage toscan. Me souvenir de Fiesole, de ta bouche et tes yeux. Du vieux ma\u00eetre parlant d'agathe, pourpre marin, lazzulite. Ferveur d'arpette plong\u00e9e dans tes yeux comme une lame de Tol\u00e8de. Combien de fois t'ai-je peinte. Retenir la fine ride de ton sourire qui m'\u00e9chappe toujours. \u00ab Filippo \u00bb avec ton accent de Naples. Mon corps de lumi\u00e8re abolissait le temps. Voil\u00e0 bien des ann\u00e9es que nous ne sommes plus. Mais toi, ma magnifique, o\u00f9 donc es-tu que j'ai perdue ? **17 octobre** \u2014 Pandore et Ulysse. H\u00e9siode confondant Zeus et le tout-puissant. Dieux fa\u00e7onnant Pandore : beaut\u00e9, musique, mensonge, curiosit\u00e9, jalousie. La bo\u00eete interdite. Curiosit\u00e9 pr\u00e9sent\u00e9e comme d\u00e9faut f\u00e9minin. Mais Ulysse errant par sa propre curiosit\u00e9 masculine ? Si l'on joignait ces deux curiosit\u00e9s ? Seule vraie raison des complots divins. Le divin s'ennuyant ne trouve amusement qu'\u00e0 travers les jeux des mortels. **18 octobre** [R\u00c9CIT] \u2014 Un matin, il s'aper\u00e7ut qu'il marchait \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de sa vie. S\u00e9par\u00e9 d'elle par la haie de la m\u00e9moire. Id\u00e9e simple : avancer \u00e0 reculons. Modifier l'habitude confortable. Journ\u00e9e test : bonsoir au lieu de bonjour, miche au lieu de baguette. Lire le journal de la derni\u00e8re page. Quelques jours ainsi, nouvelle routine mena\u00e7ant. Devant la glace pour se raser, il sursauta : un inconnu se tenait devant lui. **20 octobre** \u2014 Au-del\u00e0 de l'art et du mensonge, l'\u00eatre immobile dans une attente ang\u00e9lique. Fumer avec l'ange, faire des ronds de fum\u00e9e. Le brouhaha s'\u00e9vanouit, tinte la clochette de la ros\u00e9e. Plus d'urgence, plus de temporalit\u00e9. Un dessin d'enfant vaut celui des grands ma\u00eetres. Au-del\u00e0 de l'art, n'est-ce pas le paradis finalement ? **20 octobre** [R\u00c9CIT] \u2014 SDF sur le banc, grosse canette. Je lui fais un doigt d'honneur. Mais je reviens m'asseoir. \u00ab Personne ne me regarde. \u00bb On fume ensemble regardant passer les gens. \u00ab Les bourgeoises tu les traites comme des salopes et les salopes comme des princesses. \u00bb \u00c7a me fait chier, ce petit jeu. \u00ab C'est moi qui ai choisi d'\u00eatre sur ce banc. \u00bb L\u00e9gion \u00e9trang\u00e8re. En partant, il me dit : \u00ab L'important c'est de savoir traverser le miroir. \u00bb **21 octobre** [R\u00c9CIT : Nabucho 2] \u2014 Nabucho, po\u00e8te exil\u00e9, masques en papier m\u00e2ch\u00e9 dans les \u00e9coles. Gros nounours noir de Salvador de Bahia. Syncr\u00e9tisme cathoyorubesque. Gilberto Gil au t\u00e9l\u00e9phone, je l'accompagne. Leurs regards d'amiti\u00e9, tendresse \u00e9norme. Pauvret\u00e9 provoquant crises conjugales. Le boxeur me propose une chambre. Compris l'expression \u00ab mieux vaut un petit chez soi \u00bb. Satisfaire sexuellement sa compagne ogresse. Job param\u00e9dical : culs-de-jatte, bonbonnes d'oxyg\u00e8ne aux mourants. Patrons sectaires voulant me pr\u00e9senter \u00e0 leur magicienne. **25 octobre** \u2014 Fuite, errance, sabotage. R\u00eave d'enfance : monde gris, petits personnages informes m'entravant. \u00ab Je sais que c'est un r\u00eave. \u00bb Je m'\u00e9vade en me r\u00e9veillant. Capsule de toutes les amertumes. Chambre trouv\u00e9e, automne, quatre heures du matin. Caf\u00e9 chez Tati. Grande table ronde, feuilles, crayons. Urgence de mettre de l'ordre. \u00c9crire sans relire. Nabucho : \u00ab Ton esprit est malheureux, il faut le nourrir ! \u00bb Cette phrase peut-\u00eatre adress\u00e9e \u00e0 lui tout autant. D\u00e9go\u00fbt de ne pas glisser vers la fiction pure. Ch\u00f4mage, solitude. Technique respiratoire. Le soir, Montmartre, bars, alcool pour d\u00e9sinhibe. Masques en papier m\u00e2ch\u00e9 la nuit. \u00c9criture imposant la justesse. Remonter le fil des mensonges. \u00c0 Montrouge, reconnu la voix de l'\u00e9pouse de Nabucho. Elle m'invita conna\u00eetre la fin de l'histoire. **27 octobre** \u2014 Tous les mois \u00e0 partir du 15, le d\u00e9couvert. Rituel du matin, caf\u00e9, elle s'impatiente. Rage contre lui-m\u00eame. Au tabac, les deux jeunes Turcs ne rigolent plus. Kangoo refus\u00e9 au contr\u00f4le technique, pas de p\u00e8lerinage cette ann\u00e9e. Fin octobre, retour des morts, Samain. Le brouillard au coin de la rue. Vers le grand caf\u00e9 ouvrant son rideau de fer. **28 octobre** \u2014 Dessiner. Enfant, tu dessinais sans te soucier de savoir. \u00ab Bien dessiner \u00bb par rapport \u00e0 qui ? L\u00e9onard c'est d\u00e9j\u00e0 fait. Dessiner c'est s'exprimer avec justesse, montrer qui on est. Garde tout, date et signature. Tout est pr\u00e9cieux. L'estime de soi est importante. Dans quelques ann\u00e9es tu verras les pr\u00e9mices. \u00ab Bien dessiner \u00bb souvent un mensonge qu'on se fait. Faux probl\u00e8me. Dessiner comme tu es. \u00ab Venez comme vous \u00eates. \u00bb **28 octobre** [R\u00c9CIT] \u2014 Toutes les possibilit\u00e9s de sa vie continuant sans lui. L'univers \u00e9cartant les voiles. Tous ceux qui \u00e9taient lui sur des routes parall\u00e8les : le chanteur, l'\u00e9crivain irlandais, ceux rest\u00e9s avec leurs compagnes. Don d'ubiquit\u00e9. Il se mit \u00e0 rire remerciant le vieil univers. Tous se valaient d\u00e9sormais. La soixantaine apportant s\u00e9r\u00e9nit\u00e9 in\u00e9dite. Plus de p\u00e8re. En premi\u00e8re ligne pour la d\u00e9gringolade dans le n\u00e9ant. **28 octobre** [R\u00c9CIT : Monsieur Paul, 1908] \u2014 Endormi avec la chatte. La repose d\u00e9licatement. Remplit le po\u00eale, la neige dehors. Toilette sommaire, galurin caboss\u00e9 et pardessus. Salon chaotique avec chiens, chats, lapins, perroquet. Vers la mairie de Fontenay-aux-Roses esp\u00e9rant que le 86 sera en service malgr\u00e9 les intemp\u00e9ries. Nous sommes en 1908. ", "image": "", "tags": ["Carnet mensuel r\u00e9sum\u00e9"] } ] }