{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/juin-2019.html", "url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/juin-2019.html", "title": "Juin 2019", "date_published": "2025-12-20T22:33:03Z", "date_modified": "2025-12-20T22:33:03Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "
15 juin — L’importance<\/strong><\/p>\n Bien s\u00fbr, l’importance. Aujourd’hui, \"La Recherche\" pos\u00e9e sur une \u00e9tag\u00e8re, et il y a longtemps que je ne l’ai plus ouverte. Sur YouTube, quelqu’un d\u00e9taille le prix de chaque minute de vie, revenu annuel divis\u00e9 par 525 600. Je fais le calcul : mon temps ne vaut pas assez pour que je me prive de lire, et pourtant quelque chose s’y oppose encore. Alors reviennent le fleuve, la pierre, une autre patience immobile. J’habite cet entre-deux.<\/p>\n 16 juin — Utile<\/strong><\/p>\n Les ann\u00e9es 90. Julien Clerc chante qu’il veut \u00eatre utile. La phrase me tombe dessus. Trente ans, parfaitement inutile. Autour, les amis s’installent : CDI, appartements, enfants. Ils quittent l’errance, je reste seul sur le pont. Plus tard, dans les lettres de Van Gogh \u00e0 son fr\u00e8re, la m\u00eame obsession : \u00eatre utile, justifier la peinture. On me demande \u00e0 quoi \u00e7a sert, tout \u00e7a. Ce qui me g\u00eane, ce n’est pas l’id\u00e9e d’\u00eatre utile, c’est ce qu’elle \u00e9crase de po\u00e9sie. L’utilit\u00e9, ma petite dictature de poche.<\/p>\n 20 juin — Pranisme<\/strong><\/p>\n Des \u00e9missions sur le pranisme, ces gens qui disent pouvoir vivre sans nourriture solide. L’id\u00e9e d’un monde sans abattoirs m’a bri\u00e8vement s\u00e9duit. Puis j’ai vu le prix : abandonner la mati\u00e8re alors qu’on s’est incarn\u00e9 dedans. Je me suis rendu compte que je mange rarement par faim. Ce sont les \u00e9motions qui appellent, comme des loups. Chez mes parents, la viande faisait office de langage. Cette attention se glisse dans ma peinture : poser une touche, d\u00e9cider de son poids, change la toile enti\u00e8re.<\/p>\n 30 juin — Piraillons<\/strong><\/p>\n \u00c0 la Tontine, premier repas : pizza, ros\u00e9 frais, chaleur \u00e9crasante. Yannick m’a propos\u00e9 le festival In & Off de Saint-Julien. Ce sera place des 6 Fontaines, dans l’ancien atelier des Curieux, une ancienne verrerie. Lors de la visite, la salle est sombre, poussi\u00e9reuse. Le jour venu, je nettoie, j’installe presque \u00e0 l’aveugle. Pascal tire un c\u00e2ble, serre les vis. La veille du vernissage, la lumi\u00e8re s’allume et l’atelier crade devient, d’un coup, un lieu d’exposition au milieu des piraillons.<\/p>",
"content_text": " **15 juin \u2014 L'importance** Bien s\u00fbr, l'importance. Aujourd'hui, \"La Recherche\" pos\u00e9e sur une \u00e9tag\u00e8re, et il y a longtemps que je ne l'ai plus ouverte. Sur YouTube, quelqu'un d\u00e9taille le prix de chaque minute de vie, revenu annuel divis\u00e9 par 525 600. Je fais le calcul : mon temps ne vaut pas assez pour que je me prive de lire, et pourtant quelque chose s'y oppose encore. Alors reviennent le fleuve, la pierre, une autre patience immobile. J'habite cet entre-deux. **16 juin \u2014 Utile** Les ann\u00e9es 90. Julien Clerc chante qu'il veut \u00eatre utile. La phrase me tombe dessus. Trente ans, parfaitement inutile. Autour, les amis s'installent : CDI, appartements, enfants. Ils quittent l'errance, je reste seul sur le pont. Plus tard, dans les lettres de Van Gogh \u00e0 son fr\u00e8re, la m\u00eame obsession : \u00eatre utile, justifier la peinture. On me demande \u00e0 quoi \u00e7a sert, tout \u00e7a. Ce qui me g\u00eane, ce n'est pas l'id\u00e9e d'\u00eatre utile, c'est ce qu'elle \u00e9crase de po\u00e9sie. L'utilit\u00e9, ma petite dictature de poche. **20 juin \u2014 Pranisme** Des \u00e9missions sur le pranisme, ces gens qui disent pouvoir vivre sans nourriture solide. L'id\u00e9e d'un monde sans abattoirs m'a bri\u00e8vement s\u00e9duit. Puis j'ai vu le prix : abandonner la mati\u00e8re alors qu'on s'est incarn\u00e9 dedans. Je me suis rendu compte que je mange rarement par faim. Ce sont les \u00e9motions qui appellent, comme des loups. Chez mes parents, la viande faisait office de langage. Cette attention se glisse dans ma peinture : poser une touche, d\u00e9cider de son poids, change la toile enti\u00e8re. **30 juin \u2014 Piraillons** \u00c0 la Tontine, premier repas : pizza, ros\u00e9 frais, chaleur \u00e9crasante. Yannick m'a propos\u00e9 le festival In & Off de Saint-Julien. Ce sera place des 6 Fontaines, dans l'ancien atelier des Curieux, une ancienne verrerie. Lors de la visite, la salle est sombre, poussi\u00e9reuse. Le jour venu, je nettoie, j'installe presque \u00e0 l'aveugle. Pascal tire un c\u00e2ble, serre les vis. La veille du vernissage, la lumi\u00e8re s'allume et l'atelier crade devient, d'un coup, un lieu d'exposition au milieu des piraillons. ",
"image": "",
"tags": ["Carnet mensuel r\u00e9sum\u00e9"]
}
]
}