{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/mis-a-part.html", "url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/mis-a-part.html", "title": "Mis \u00e0 part ", "date_published": "2025-12-16T07:37:08Z", "date_modified": "2025-12-16T07:39:28Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

La cuisine sent le citron chimique, le produit d\u2019entretien. \u00c7a laisse une trace dans la gorge. Je suis assis \u00e0 table, j\u2019ai renvers\u00e9 du lait. Ma m\u00e8re range l\u2019\u00e9ponge sous l\u2019\u00e9vier et dit, sans se retourner : « On va s\u2019occuper de toi. » La phrase tombe, neutre. Je ne sais pas si c\u2019est bon ou mauvais.<\/p>\n

Dans le couloir, j\u2019entends mon pr\u00e9nom. Je ne bouge pas. J\u2019entends aussi : « encore », « toujours », « tu vois bien ». \u00c7a ne raconte rien, mais \u00e7a tombe toujours du m\u00eame c\u00f4t\u00e9. Quand j\u2019entre dans le salon, ils se taisent. Quand je ressors, ils reprennent.<\/p>\n

Je commence \u00e0 observer. La fa\u00e7on dont une voix monte. La fa\u00e7on dont elle coupe. Le moment o\u00f9 une porte claque. Le bruit d\u2019un pas dans le couloir. Je m\u2019accroche \u00e0 \u00e7a. La curiosit\u00e9 ne demande pas la permission. Quand ma m\u00e8re et mon p\u00e8re ne disent pas la m\u00eame chose, je ne cherche pas qui a raison. Je cherche quand \u00e7a bascule. Hier, elle a pos\u00e9 son assiette trop fort. Aujourd\u2019hui, le tiroir a claqu\u00e9. Demain, quelque chose va c\u00e9der.<\/p>\n

Dans ma t\u00eate, je refais chaque sc\u00e8ne. Je fais une deuxi\u00e8me version. Dans cette deuxi\u00e8me version, « on va s\u2019occuper de toi » veut dire quelque chose de pr\u00e9cis, avec un d\u00e9but et une fin. Dans cette deuxi\u00e8me version, il y a des r\u00e8gles. Dans la leur, les r\u00e8gles changent.<\/p>\n

Le soir, dans mon lit, je fais un r\u00eave qui revient. Des petites cr\u00e9atures s\u2019approchent. Je suis ligot\u00e9 au sol. Elles ne frappent pas. Elles tournent autour de moi. Elles s\u2019arr\u00eatent. Elles repartent. Elles posent d\u2019abord des choses petites : un d\u00e9tail, une phrase, une remarque plate. Puis elles reculent. Puis elles reviennent. Elles attendent ma r\u00e9action. Elles testent.<\/p>\n

Dans ce r\u00eave, j\u2019ai une arme. Je sais que c\u2019est un r\u00eave. Je leur dis : « Vous n\u2019\u00eates qu\u2019un r\u00eave, je peux m\u2019enfuir quand je veux. » Je le dis comme une formule. Parfois \u00e7a marche. Elles reculent d\u2019un pas. Pas parce qu\u2019elles ont peur. Parce que la phrase casse quelque chose.<\/p>\n

Le lendemain, \u00e0 l\u2019\u00e9cole, je raconte le r\u00eave \u00e0 la ma\u00eetresse. Elle me regarde par-dessus ses lunettes et dit : « Il faut grandir. » Le soir, ma m\u00e8re ferme la porte de ma chambre en disant : « Arr\u00eate ton cin\u00e9ma. » Je ne comprends pas quel cin\u00e9ma.<\/p>\n

« Grandir », « cin\u00e9ma ». Ces mots me restent. On les dit et je me sens d\u00e9j\u00e0 mis \u00e0 part, comme si on m\u2019avait rang\u00e9 quelque part.<\/p>\n

Le jour suivant, dans la cour, un gar\u00e7on me bouscule. Je ne dis pas « arr\u00eate ». Je dis, tr\u00e8s calmement : « Tu n\u2019es qu\u2019un r\u00eave. » Il me regarde, il rit, il s\u2019en va. Il ne recule pas, mais il h\u00e9site. \u00c7a me suffit.<\/p>\n

Je commence \u00e0 essayer des phrases. Pas pour gagner. Pour voir l\u2019effet. Il y a des phrases qui calment. Il y a des phrases qui font partir. Il y a des phrases qui font l\u2019inverse. Je ne les teste pas \u00e0 voix haute \u00e0 la maison. Je les garde dedans, pr\u00eates.<\/p>\n

\u00c0 table, l\u2019odeur de citron revient matin et soir. Ma m\u00e8re dit « d\u00e9p\u00eache-toi » comme si c\u2019\u00e9tait une r\u00e8gle. Mon p\u00e8re dit « tu vois bien » comme si c\u2019\u00e9tait une preuve. J\u2019apprends \u00e0 rep\u00e9rer le moment o\u00f9 ils passent de « nous » \u00e0 « toi ». Avant, je suis juste l\u00e0. Apr\u00e8s, je deviens le sujet.<\/p>\n

Parfois je les surprends. Je suis dans le couloir, je m\u2019arr\u00eate avant le salon. J\u2019entends mon pr\u00e9nom, puis un silence, puis un verre pos\u00e9. Je colle l\u2019oreille contre le mur. J\u2019entends « fragile ». J\u2019entends « comme son grand-p\u00e8re ». J\u2019entends « on va faire ce qu\u2019il faut ». J\u2019entends encore : « on va s\u2019occuper de toi ». Et je comprends que « s\u2019occuper » peut vouloir dire plusieurs choses. \u00c7a peut vouloir dire aider. \u00c7a peut vouloir dire prendre en main. \u00c7a peut vouloir dire tenir.<\/p>\n

Je retourne dans ma chambre, je ferme doucement. Je m\u2019assois sur le lit. Je refais encore une deuxi\u00e8me version. Dans ma t\u00eate, leurs mots ont une logique, leurs gestes aussi. Dans cette version-l\u00e0, une phrase reste \u00e0 sa place. Dans la leur, elle revient plus tard, autrement.<\/p>\n

La nuit, les petites cr\u00e9atures reviennent. Elles ont l\u2019air de jouets. Elles s\u2019approchent pourtant comme si j\u2019\u00e9tais d\u00e9j\u00e0 fini. Elles posent une main sur ma cheville ligot\u00e9e. Elles touchent le n\u0153ud. Elles attendent mon regard. Elles attendent que je les reconnaisse.<\/p>\n

Je dis : « Vous n\u2019\u00eates qu\u2019un r\u00eave. » Et elles r\u00e9pondent autrement. Elles me montrent le banal. Le lait renvers\u00e9. L\u2019\u00e9ponge sous l\u2019\u00e9vier. Le citron dans la gorge. La ma\u00eetresse : « il faut grandir ». Ma m\u00e8re : « arr\u00eate ton cin\u00e9ma ». Elles alignent tout \u00e7a, sans parler, comme si c\u2019\u00e9tait des preuves.<\/p>\n

Je recommence : « Je peux m\u2019enfuir quand je veux. » Elles reculent d\u2019un pas, puis elles reviennent. Cette fois, elles ne tournent plus. Elles restent en face.<\/p>\n

Au r\u00e9veil, la phrase est moins forte. Je la r\u00e9p\u00e8te en allant \u00e0 l\u2019\u00e9cole : « Vous n\u2019\u00eates qu\u2019un r\u00eave. » Sur le trottoir, une vieille dame me sourit. Je me demande une seconde si je pourrais dire la phrase l\u00e0, comme \u00e7a, dans la journ\u00e9e. Je ne la dis pas.<\/p>\n

En classe, la ma\u00eetresse \u00e9crit au tableau. La craie grince. La poussi\u00e8re tombe. Elle tombe partout.<\/p>\n

\u00c0 la r\u00e9cr\u00e9ation, on joue \u00e0 se poursuivre. Ils crient, ils rient, ils tombent. Moi aussi je cours. Mais je regarde les bords. Je regarde le moment o\u00f9 le jeu change, o\u00f9 un rire devient autre chose. Je vois venir ce moment une seconde avant les autres, et cette seconde me sert.<\/p>\n

Le soir, en rentrant, je fais tomber un verre. Pas expr\u00e8s. Jamais expr\u00e8s. Mais le mot « expr\u00e8s » est d\u00e9j\u00e0 l\u00e0, pr\u00eat dans la bouche des adultes. Je regarde l\u2019eau qui s\u2019\u00e9tale. Je regarde la main de ma m\u00e8re qui cherche l\u2019\u00e9ponge. Je reviens \u00e0 la curiosit\u00e9. Je regarde le geste, le rythme, la pause.<\/p>\n

Elle dit de nouveau : « On va s\u2019occuper de toi. »<\/p>\n

Illustration<\/strong> Bernard Buffet, Ulysse et les sir\u00e8nes<\/p>", "content_text": " La cuisine sent le citron chimique, le produit d\u2019entretien. \u00c7a laisse une trace dans la gorge. Je suis assis \u00e0 table, j\u2019ai renvers\u00e9 du lait. Ma m\u00e8re range l\u2019\u00e9ponge sous l\u2019\u00e9vier et dit, sans se retourner : \u00ab On va s\u2019occuper de toi. \u00bb La phrase tombe, neutre. Je ne sais pas si c\u2019est bon ou mauvais. Dans le couloir, j\u2019entends mon pr\u00e9nom. Je ne bouge pas. J\u2019entends aussi : \u00ab encore \u00bb, \u00ab toujours \u00bb, \u00ab tu vois bien \u00bb. \u00c7a ne raconte rien, mais \u00e7a tombe toujours du m\u00eame c\u00f4t\u00e9. Quand j\u2019entre dans le salon, ils se taisent. Quand je ressors, ils reprennent. Je commence \u00e0 observer. La fa\u00e7on dont une voix monte. La fa\u00e7on dont elle coupe. Le moment o\u00f9 une porte claque. Le bruit d\u2019un pas dans le couloir. Je m\u2019accroche \u00e0 \u00e7a. La curiosit\u00e9 ne demande pas la permission. Quand ma m\u00e8re et mon p\u00e8re ne disent pas la m\u00eame chose, je ne cherche pas qui a raison. Je cherche quand \u00e7a bascule. Hier, elle a pos\u00e9 son assiette trop fort. Aujourd\u2019hui, le tiroir a claqu\u00e9. Demain, quelque chose va c\u00e9der. Dans ma t\u00eate, je refais chaque sc\u00e8ne. Je fais une deuxi\u00e8me version. Dans cette deuxi\u00e8me version, \u00ab on va s\u2019occuper de toi \u00bb veut dire quelque chose de pr\u00e9cis, avec un d\u00e9but et une fin. Dans cette deuxi\u00e8me version, il y a des r\u00e8gles. Dans la leur, les r\u00e8gles changent. Le soir, dans mon lit, je fais un r\u00eave qui revient. Des petites cr\u00e9atures s\u2019approchent. Je suis ligot\u00e9 au sol. Elles ne frappent pas. Elles tournent autour de moi. Elles s\u2019arr\u00eatent. Elles repartent. Elles posent d\u2019abord des choses petites : un d\u00e9tail, une phrase, une remarque plate. Puis elles reculent. Puis elles reviennent. Elles attendent ma r\u00e9action. Elles testent. Dans ce r\u00eave, j\u2019ai une arme. Je sais que c\u2019est un r\u00eave. Je leur dis : \u00ab Vous n\u2019\u00eates qu\u2019un r\u00eave, je peux m\u2019enfuir quand je veux. \u00bb Je le dis comme une formule. Parfois \u00e7a marche. Elles reculent d\u2019un pas. Pas parce qu\u2019elles ont peur. Parce que la phrase casse quelque chose. Le lendemain, \u00e0 l\u2019\u00e9cole, je raconte le r\u00eave \u00e0 la ma\u00eetresse. Elle me regarde par-dessus ses lunettes et dit : \u00ab Il faut grandir. \u00bb Le soir, ma m\u00e8re ferme la porte de ma chambre en disant : \u00ab Arr\u00eate ton cin\u00e9ma. \u00bb Je ne comprends pas quel cin\u00e9ma. \u00ab Grandir \u00bb, \u00ab cin\u00e9ma \u00bb. Ces mots me restent. On les dit et je me sens d\u00e9j\u00e0 mis \u00e0 part, comme si on m\u2019avait rang\u00e9 quelque part. Le jour suivant, dans la cour, un gar\u00e7on me bouscule. Je ne dis pas \u00ab arr\u00eate \u00bb. Je dis, tr\u00e8s calmement : \u00ab Tu n\u2019es qu\u2019un r\u00eave. \u00bb Il me regarde, il rit, il s\u2019en va. Il ne recule pas, mais il h\u00e9site. \u00c7a me suffit. Je commence \u00e0 essayer des phrases. Pas pour gagner. Pour voir l\u2019effet. Il y a des phrases qui calment. Il y a des phrases qui font partir. Il y a des phrases qui font l\u2019inverse. Je ne les teste pas \u00e0 voix haute \u00e0 la maison. Je les garde dedans, pr\u00eates. \u00c0 table, l\u2019odeur de citron revient matin et soir. Ma m\u00e8re dit \u00ab d\u00e9p\u00eache-toi \u00bb comme si c\u2019\u00e9tait une r\u00e8gle. Mon p\u00e8re dit \u00ab tu vois bien \u00bb comme si c\u2019\u00e9tait une preuve. J\u2019apprends \u00e0 rep\u00e9rer le moment o\u00f9 ils passent de \u00ab nous \u00bb \u00e0 \u00ab toi \u00bb. Avant, je suis juste l\u00e0. Apr\u00e8s, je deviens le sujet. Parfois je les surprends. Je suis dans le couloir, je m\u2019arr\u00eate avant le salon. J\u2019entends mon pr\u00e9nom, puis un silence, puis un verre pos\u00e9. Je colle l\u2019oreille contre le mur. J\u2019entends \u00ab fragile \u00bb. J\u2019entends \u00ab comme son grand-p\u00e8re \u00bb. J\u2019entends \u00ab on va faire ce qu\u2019il faut \u00bb. J\u2019entends encore : \u00ab on va s\u2019occuper de toi \u00bb. Et je comprends que \u00ab s\u2019occuper \u00bb peut vouloir dire plusieurs choses. \u00c7a peut vouloir dire aider. \u00c7a peut vouloir dire prendre en main. \u00c7a peut vouloir dire tenir. Je retourne dans ma chambre, je ferme doucement. Je m\u2019assois sur le lit. Je refais encore une deuxi\u00e8me version. Dans ma t\u00eate, leurs mots ont une logique, leurs gestes aussi. Dans cette version-l\u00e0, une phrase reste \u00e0 sa place. Dans la leur, elle revient plus tard, autrement. La nuit, les petites cr\u00e9atures reviennent. Elles ont l\u2019air de jouets. Elles s\u2019approchent pourtant comme si j\u2019\u00e9tais d\u00e9j\u00e0 fini. Elles posent une main sur ma cheville ligot\u00e9e. Elles touchent le n\u0153ud. Elles attendent mon regard. Elles attendent que je les reconnaisse. Je dis : \u00ab Vous n\u2019\u00eates qu\u2019un r\u00eave. \u00bb Et elles r\u00e9pondent autrement. Elles me montrent le banal. Le lait renvers\u00e9. L\u2019\u00e9ponge sous l\u2019\u00e9vier. Le citron dans la gorge. La ma\u00eetresse : \u00ab il faut grandir \u00bb. Ma m\u00e8re : \u00ab arr\u00eate ton cin\u00e9ma \u00bb. Elles alignent tout \u00e7a, sans parler, comme si c\u2019\u00e9tait des preuves. Je recommence : \u00ab Je peux m\u2019enfuir quand je veux. \u00bb Elles reculent d\u2019un pas, puis elles reviennent. Cette fois, elles ne tournent plus. Elles restent en face. Au r\u00e9veil, la phrase est moins forte. Je la r\u00e9p\u00e8te en allant \u00e0 l\u2019\u00e9cole : \u00ab Vous n\u2019\u00eates qu\u2019un r\u00eave. \u00bb Sur le trottoir, une vieille dame me sourit. Je me demande une seconde si je pourrais dire la phrase l\u00e0, comme \u00e7a, dans la journ\u00e9e. Je ne la dis pas. En classe, la ma\u00eetresse \u00e9crit au tableau. La craie grince. La poussi\u00e8re tombe. Elle tombe partout. \u00c0 la r\u00e9cr\u00e9ation, on joue \u00e0 se poursuivre. Ils crient, ils rient, ils tombent. Moi aussi je cours. Mais je regarde les bords. Je regarde le moment o\u00f9 le jeu change, o\u00f9 un rire devient autre chose. Je vois venir ce moment une seconde avant les autres, et cette seconde me sert. Le soir, en rentrant, je fais tomber un verre. Pas expr\u00e8s. Jamais expr\u00e8s. Mais le mot \u00ab expr\u00e8s \u00bb est d\u00e9j\u00e0 l\u00e0, pr\u00eat dans la bouche des adultes. Je regarde l\u2019eau qui s\u2019\u00e9tale. Je regarde la main de ma m\u00e8re qui cherche l\u2019\u00e9ponge. Je reviens \u00e0 la curiosit\u00e9. Je regarde le geste, le rythme, la pause. Elle dit de nouveau : \u00ab On va s\u2019occuper de toi. \u00bb **Illustration** Bernard Buffet, Ulysse et les sir\u00e8nes ", "image": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/IMG\/logo\/b_b_ulysse.webp?1765870589", "tags": ["fictions br\u00e8ves", "r\u00eaves", "hontes"] } ,{ "id": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/nommer-croire-survivre-aux-formes.html", "url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/nommer-croire-survivre-aux-formes.html", "title": "nommer, croire, survivre aux formes", "date_published": "2025-12-15T10:01:08Z", "date_modified": "2025-12-15T10:01:08Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

s\u00e9rie de textes ( extrait ) prise de conscience, changements de narration. Rester dans la perplexit\u00e9 d’une \u00e9motion, d’un \u00e9v\u00e9nement, d’une honte.<\/strong><\/p>\n

3011 — Nommer la chose<\/em> (2025-04-22)<\/strong><\/p>\n

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\"\u00c9crire ce que l\u2019on ne peut pas dire. Nommer la chose, m\u00eame si elle fait peur. Surtout si elle fait peur.\"— M\u00e9thode Olbren, notes internes<\/p>\n<\/blockquote>\n

Angle : nommer = prendre le risque de fixer, donc honte de “mal nommer”, et peur d\u2019\u00eatre captur\u00e9 par le mot.<\/p>\n

Dispositif : texte construit sur une s\u00e9rie de tentatives de nomination (A \/ B \/ C) \u2192 aucune ne tient \u2192 la chute est un geste.<\/p>\n

824 — Ressassement<\/em> (2025-03-20)<\/strong><\/p>\n

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D\u2019abord, ce n\u2019\u00e9tait qu\u2019un doute fugace, une perplexit\u00e9 vague. Puis, au fil des heures, cela s\u2019\u00e9tait \u00e9paissi, charg\u00e9 d\u2019un poids singulier, s\u2019\u00e9tait infiltr\u00e9 dans ma journ\u00e9e jusqu\u2019\u00e0 devenir une inqui\u00e9tude nette, un petit tourment install\u00e9. Alors j\u2019envoyai un autre mail. Une relance, neutre, mesur\u00e9e. Et rien. Pas un mot, pas un accus\u00e9 de r\u00e9ception. Rien.<\/p>\n<\/blockquote>\n

Angle : ressasser = rester vivant en rond : c\u2019est une perplexit\u00e9 active “en cage”.<\/p>\n

Dispositif : spirale contr\u00f4l\u00e9e : chaque reprise doit ajouter un d\u00e9tail concret (objet \/ odeur \/ bruit), sinon tu coupes.<\/p>\n

773 — Tenir t\u00eate<\/em> (2025-03-01)<\/strong><\/p>\n

\n

Mais cette fois, il y a du vacarme. Une \u00e9poque qui grince, qui tangue, secou\u00e9e par des secousses violentes, des fissures profondes. Ce qui semblait stable ne l\u2019est plus. Ce qui passait inaper\u00e7u s\u2019impose \u00e0 nous avec la brutalit\u00e9 de l\u2019\u00e9vidence. Il y a du bouleversement dans l\u2019air \u2013 et pas seulement dans l\u2019air, dans la chair des choses, dans le langage, dans les silences que l\u2019on voudrait imposer. \u00c9crire devient plus qu\u2019une habitude, une n\u00e9cessit\u00e9. Car si les mots vacillent, c\u2019est que quelque chose cherche \u00e0 les faire taire.\nAngle : tenir t\u00eate \u00e0 quoi ? au r\u00e9cit automatique. Ici tu peux faire de la honte un moteur d\u2019attention.<\/p>\n<\/blockquote>\n

Dispositif : phrase-pivot r\u00e9p\u00e9t\u00e9e (exactement identique) ; autour, le contexte change, et c\u2019est le contexte qui avoue.<\/p>\n

1697 — Est-ce qu\u2019on peut peindre quand on est mort ?<\/em> (2022-07-03)<\/strong><\/p>\n

\n

Est-ce qu\u2019on peut peindre quand on est mort j\u2019ai demand\u00e9, il y a eut un grand silence, j\u2019ai encore eut l\u2019impression d\u2019avoir dit une b\u00eatise\u2026 mais comme personne ne me r\u00e9pondait j\u2019ai redemand\u00e9 est-ce qu\u2019on peut peindre quand on est mort et il y a eut le m\u00eame silence.<\/p>\n<\/blockquote>\n

Angle : question simple, ab\u00eeme imm\u00e9diat : honte d\u2019\u00eatre vivant \/ honte d\u2019\u00eatre “d\u00e9j\u00e0 fini”.<\/p>\n

Dispositif : dialogue int\u00e9rieur minimal : 6 questions, 6 r\u00e9ponses qui ne r\u00e9pondent pas.<\/p>\n

3554 — 3 f\u00e9vrier 2019<\/em> (2019-02-03)<\/strong><\/p>\n

\n

J\u2019ai toujours cru aux fractales parce que ce sont elles qui me tiennent : un \u00e9clat minuscule contient le reste, un \u00e9pisode en dit autant qu\u2019une vie enti\u00e8re, alors je ne vois pas comment raconter autrement qu\u2019en attrapant un morceau et en le laissant irradier. Dans l\u2019adolescence il y eut cette jeune fille sicilienne que je retrouvais les soirs d\u2019\u00e9t\u00e9 au bord de l\u2019Oise, du c\u00f4t\u00e9 de L\u2019Isle-Adam, avec son chien immense, toujours l\u00e0 comme une garde rapproch\u00e9e et un secret en m\u00eame temps ; elle venait en cachette de ses parents, disait que \u00e7a leur ferait de la peine, et je me faisais une histoire dans la t\u00eate, une histoire d\u2019honneur, de rivalit\u00e9, de drame plant\u00e9e au milieu des ma\u00efs de l\u2019\u00cele-de-France. <\/p>\n<\/blockquote>\n

Angle : la pens\u00e9e “fractale” comme excuse et comme v\u00e9rit\u00e9 ; parfait pour une fiction o\u00f9 la honte se cache dans la structure.<\/p>\n

Dispositif : fragments num\u00e9rot\u00e9s qui semblent autonomes mais qui r\u00e9p\u00e8tent un m\u00eame motif (un mot, un lieu, un geste).<\/p>\n

809 — Rage et g\u00e9latine<\/em> (2025-03-11)<\/strong><\/p>\n

\n

Il s\u2019avance, Marronne, temp\u00eate sous brushing, torse bomb\u00e9, sourire carnassier. La lumi\u00e8re des projecteurs l\u2019engloutit aussit\u00f4t, sculptant son ombre sur le fond criard du plateau. Devant lui, les cam\u00e9ras pivotent, les techniciens s\u2019agitent, un assistant lui tend un oreillette qu\u2019il rejette d\u2019un revers de main. Pas besoin. Il sait d\u00e9j\u00e0 ce qu\u2019il va dire, comment il va frapper. Le plateau s\u2019\u00e9lectrise aussit\u00f4t, un m\u00e9lange de nervosit\u00e9 et de cette sid\u00e9ration vaguement honteuse qu\u2019on \u00e9prouve face \u00e0 quelqu\u2019un qui n\u2019a plus de limites. Il n\u2019entre pas, il surgit. Le plateau s\u2019\u00e9lectrise aussit\u00f4t, un m\u00e9lange de nervosit\u00e9 et de cette sid\u00e9ration vaguement honteuse qu\u2019on \u00e9prouve face \u00e0 quelqu\u2019un qui n\u2019a plus de limites. Sa cha\u00eene ? Massacr\u00e9e. Lui ? Victime. Tout \u00e7a ? Une ignominie. Il brasse l\u2019air, foudroie les visages autour de la table d\u2019un regard viss\u00e9 sur l\u2019injustice dont il serait le martyr. Il faut comprendre, il faut mesurer, il faut trembler : on lui a tout pris, et il ne laissera pas passer \u00e7a.<\/p>\n<\/blockquote>\n

Angle : mati\u00e8re molle \/ col\u00e8re \/ spectacle : tu peux l\u2019orienter vers la honte d\u2019\u00eatre vu en train de r\u00e9agir.<\/p>\n

Dispositif : cam\u00e9ra (imaginaire) : chaque paragraphe commence par un cadrage (“plan large”, “gros plan”) mais sans jargon cin\u00e9ma.<\/p>\n

3468 — L\u2019Instable\u2026 Glozel<\/em> (2025-10-29)<\/strong><\/p>\n

\n

Il croyait aux faits, \u00e0 la solidit\u00e9 des d\u00e9monstrations, \u00e0 l\u2019ordre du monde tel que l\u2019exposaient les manuels. La superstition des campagnes \u00e9tait un ennemi qu\u2019il combattait avec l\u2019arme de la connaissance, une ignorance crasse qu\u2019il fallait d\u00e9fricher, patiemment, chaque jour. C\u2019est pourquoi, lorsque les premi\u00e8res rumeurs sur Glozel lui parvinrent, il n\u2019y vit d\u2019abord qu\u2019une de ces fables de veill\u00e9e, une histoire de revenants ou de tr\u00e9sor cach\u00e9, bonne \u00e0 effrayer les enfants.<\/p>\n<\/blockquote>\n

Angle : \u00e9nigme \/ faux-vrai \/ croyance : la honte ici, c\u2019est de vouloir croire, et la perplexit\u00e9 active, c\u2019est de ne pas trancher.<\/p>\n

Dispositif : dossier (pi\u00e8ces 1\u20137) : chaque pi\u00e8ce contredit la pr\u00e9c\u00e9dente, et tu ne conclus pas.<\/p>\n

1041 — Courroucer\u2026<\/em> une seconde fois <\/strong><\/p>\n

\n

Le plus honteux, au fond, ne serait pas d\u2019avoir trahi les autres, mais de s\u2019\u00eatre trahi soi-m\u00eame ; les deux s\u2019emm\u00ealent, d\u2019o\u00f9 cette d\u00e9marche de crabe qui nous fait dire oui au merde et continuer quand m\u00eame. Comme disait un grand-oncle rebouteux en me toisant, gamin : « Ne fais pas l\u2019\u00e2ne pour avoir du foin, mais courrouce les dieux et tu verras\u2026 <\/p>\n<\/blockquote>\n

Parce qu\u2019il peut devenir le “texte-m\u00e8re” : honte = moteur, perplexit\u00e9 = m\u00e9thode.<\/p>\n

Illustration<\/strong> Andr\u00e9 Fougeron Les paysans fran\u00e7ais d\u00e9fendent leur terre<\/p>\n

1953<\/p>", "content_text": " **s\u00e9rie de textes ( extrait ) prise de conscience, changements de narration. Rester dans la perplexit\u00e9 d'une \u00e9motion, d'un \u00e9v\u00e9nement, d'une honte.** **3011 \u2014 *Nommer la chose* (2025-04-22)** >\"\u00c9crire ce que l\u2019on ne peut pas dire. Nommer la chose, m\u00eame si elle fait peur. Surtout si elle fait peur.\"\u2014 M\u00e9thode Olbren, notes internes Angle : nommer = prendre le risque de fixer, donc honte de \u201cmal nommer\u201d, et peur d\u2019\u00eatre captur\u00e9 par le mot. Dispositif : texte construit sur une s\u00e9rie de tentatives de nomination (A \/ B \/ C) \u2192 aucune ne tient \u2192 la chute est un geste. **824 \u2014 *Ressassement* (2025-03-20)** >D\u2019abord, ce n\u2019\u00e9tait qu\u2019un doute fugace, une perplexit\u00e9 vague. Puis, au fil des heures, cela s\u2019\u00e9tait \u00e9paissi, charg\u00e9 d\u2019un poids singulier, s\u2019\u00e9tait infiltr\u00e9 dans ma journ\u00e9e jusqu\u2019\u00e0 devenir une inqui\u00e9tude nette, un petit tourment install\u00e9. Alors j\u2019envoyai un autre mail. Une relance, neutre, mesur\u00e9e. Et rien. Pas un mot, pas un accus\u00e9 de r\u00e9ception. Rien. Angle : ressasser = rester vivant en rond : c\u2019est une perplexit\u00e9 active \u201cen cage\u201d. Dispositif : spirale contr\u00f4l\u00e9e : chaque reprise doit ajouter un d\u00e9tail concret (objet \/ odeur \/ bruit), sinon tu coupes. **773 \u2014 *Tenir t\u00eate* (2025-03-01)** >Mais cette fois, il y a du vacarme. Une \u00e9poque qui grince, qui tangue, secou\u00e9e par des secousses violentes, des fissures profondes. Ce qui semblait stable ne l\u2019est plus. Ce qui passait inaper\u00e7u s\u2019impose \u00e0 nous avec la brutalit\u00e9 de l\u2019\u00e9vidence. Il y a du bouleversement dans l\u2019air \u2013 et pas seulement dans l\u2019air, dans la chair des choses, dans le langage, dans les silences que l\u2019on voudrait imposer. \u00c9crire devient plus qu\u2019une habitude, une n\u00e9cessit\u00e9. Car si les mots vacillent, c\u2019est que quelque chose cherche \u00e0 les faire taire. Angle : tenir t\u00eate \u00e0 quoi ? au r\u00e9cit automatique. Ici tu peux faire de la honte un moteur d\u2019attention. Dispositif : phrase-pivot r\u00e9p\u00e9t\u00e9e (exactement identique) ; autour, le contexte change, et c\u2019est le contexte qui avoue. **1697 \u2014 *Est-ce qu\u2019on peut peindre quand on est mort ?* (2022-07-03)** >Est-ce qu\u2019on peut peindre quand on est mort j\u2019ai demand\u00e9, il y a eut un grand silence, j\u2019ai encore eut l\u2019impression d\u2019avoir dit une b\u00eatise\u2026 mais comme personne ne me r\u00e9pondait j\u2019ai redemand\u00e9 est-ce qu\u2019on peut peindre quand on est mort et il y a eut le m\u00eame silence. Angle : question simple, ab\u00eeme imm\u00e9diat : honte d\u2019\u00eatre vivant \/ honte d\u2019\u00eatre \u201cd\u00e9j\u00e0 fini\u201d. Dispositif : dialogue int\u00e9rieur minimal : 6 questions, 6 r\u00e9ponses qui ne r\u00e9pondent pas. **3554 \u2014 *3 f\u00e9vrier 2019* (2019-02-03)** >J\u2019ai toujours cru aux fractales parce que ce sont elles qui me tiennent : un \u00e9clat minuscule contient le reste, un \u00e9pisode en dit autant qu\u2019une vie enti\u00e8re, alors je ne vois pas comment raconter autrement qu\u2019en attrapant un morceau et en le laissant irradier. Dans l\u2019adolescence il y eut cette jeune fille sicilienne que je retrouvais les soirs d\u2019\u00e9t\u00e9 au bord de l\u2019Oise, du c\u00f4t\u00e9 de L\u2019Isle-Adam, avec son chien immense, toujours l\u00e0 comme une garde rapproch\u00e9e et un secret en m\u00eame temps ; elle venait en cachette de ses parents, disait que \u00e7a leur ferait de la peine, et je me faisais une histoire dans la t\u00eate, une histoire d\u2019honneur, de rivalit\u00e9, de drame plant\u00e9e au milieu des ma\u00efs de l\u2019\u00cele-de-France. Angle : la pens\u00e9e \u201cfractale\u201d comme excuse et comme v\u00e9rit\u00e9 ; parfait pour une fiction o\u00f9 la honte se cache dans la structure. Dispositif : fragments num\u00e9rot\u00e9s qui semblent autonomes mais qui r\u00e9p\u00e8tent un m\u00eame motif (un mot, un lieu, un geste). **809 \u2014 *Rage et g\u00e9latine* (2025-03-11)** >Il s\u2019avance, Marronne, temp\u00eate sous brushing, torse bomb\u00e9, sourire carnassier. La lumi\u00e8re des projecteurs l\u2019engloutit aussit\u00f4t, sculptant son ombre sur le fond criard du plateau. Devant lui, les cam\u00e9ras pivotent, les techniciens s\u2019agitent, un assistant lui tend un oreillette qu\u2019il rejette d\u2019un revers de main. Pas besoin. Il sait d\u00e9j\u00e0 ce qu\u2019il va dire, comment il va frapper. Le plateau s\u2019\u00e9lectrise aussit\u00f4t, un m\u00e9lange de nervosit\u00e9 et de cette sid\u00e9ration vaguement honteuse qu\u2019on \u00e9prouve face \u00e0 quelqu\u2019un qui n\u2019a plus de limites. Il n\u2019entre pas, il surgit. Le plateau s\u2019\u00e9lectrise aussit\u00f4t, un m\u00e9lange de nervosit\u00e9 et de cette sid\u00e9ration vaguement honteuse qu\u2019on \u00e9prouve face \u00e0 quelqu\u2019un qui n\u2019a plus de limites. Sa cha\u00eene ? Massacr\u00e9e. Lui ? Victime. Tout \u00e7a ? Une ignominie. Il brasse l\u2019air, foudroie les visages autour de la table d\u2019un regard viss\u00e9 sur l\u2019injustice dont il serait le martyr. Il faut comprendre, il faut mesurer, il faut trembler : on lui a tout pris, et il ne laissera pas passer \u00e7a. Angle : mati\u00e8re molle \/ col\u00e8re \/ spectacle : tu peux l\u2019orienter vers la honte d\u2019\u00eatre vu en train de r\u00e9agir. Dispositif : cam\u00e9ra (imaginaire) : chaque paragraphe commence par un cadrage (\u201cplan large\u201d, \u201cgros plan\u201d) mais sans jargon cin\u00e9ma. **3468 \u2014 *L\u2019Instable\u2026 Glozel* (2025-10-29)** >Il croyait aux faits, \u00e0 la solidit\u00e9 des d\u00e9monstrations, \u00e0 l\u2019ordre du monde tel que l\u2019exposaient les manuels. La superstition des campagnes \u00e9tait un ennemi qu\u2019il combattait avec l\u2019arme de la connaissance, une ignorance crasse qu\u2019il fallait d\u00e9fricher, patiemment, chaque jour. C\u2019est pourquoi, lorsque les premi\u00e8res rumeurs sur Glozel lui parvinrent, il n\u2019y vit d\u2019abord qu\u2019une de ces fables de veill\u00e9e, une histoire de revenants ou de tr\u00e9sor cach\u00e9, bonne \u00e0 effrayer les enfants. Angle : \u00e9nigme \/ faux-vrai \/ croyance : la honte ici, c\u2019est de vouloir croire, et la perplexit\u00e9 active, c\u2019est de ne pas trancher. Dispositif : dossier (pi\u00e8ces 1\u20137) : chaque pi\u00e8ce contredit la pr\u00e9c\u00e9dente, et tu ne conclus pas. **1041 \u2014 *Courroucer\u2026* une seconde fois ** >Le plus honteux, au fond, ne serait pas d\u2019avoir trahi les autres, mais de s\u2019\u00eatre trahi soi-m\u00eame ; les deux s\u2019emm\u00ealent, d\u2019o\u00f9 cette d\u00e9marche de crabe qui nous fait dire oui au merde et continuer quand m\u00eame. Comme disait un grand-oncle rebouteux en me toisant, gamin : \u00ab Ne fais pas l\u2019\u00e2ne pour avoir du foin, mais courrouce les dieux et tu verras\u2026 Parce qu\u2019il peut devenir le \u201ctexte-m\u00e8re\u201d : honte = moteur, perplexit\u00e9 = m\u00e9thode. **Illustration** Andr\u00e9 Fougeron Les paysans fran\u00e7ais d\u00e9fendent leur terre 1953 ", "image": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/IMG\/logo\/5h12306.jpg?1765792809", "tags": ["dispositif", "hontes"] } ,{ "id": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/honte-sociale.html", "url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/honte-sociale.html", "title": "Honte sociale", "date_published": "2025-12-15T09:46:23Z", "date_modified": "2025-12-15T09:46:48Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

seconde s\u00e9rie de textes sur la honte ( extraits) cette fois la honte sociale<\/strong><\/p>\n

1284 — Chercher un emploi<\/em> (2021-12-26)<\/strong><\/p>\n

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Dans le fond chercher un emploi demande une dose certaine de pragmatisme, tout \u00e0 fait comme cr\u00e9er un personnage de nouvelle ou de roman. Il faut poser un cadre strict et avoir un minimum d\u2019exigences. Et g\u00e9n\u00e9ralement il faut que les choses se passent mal pour apprendre gr\u00e2ce \u00e0 l\u2019exp\u00e9rience et ainsi r\u00e9duire la voilure.<\/p>\n<\/blockquote>\n

Angle : humiliation administrative + perplexit\u00e9 (“comment ce monde tient-il debout avec \u00e7a ?”).<\/p>\n

Dispositif : montage de dialogues (phrases d\u2019entretien) + pens\u00e9es en italique qui ne r\u00e9pondent jamais aux dialogues.<\/p>\n

235 — 21 ao\u00fbt 2024<\/em> (2024-08-21)<\/strong> ( \u00e0 revoir ) <\/p>\n

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Lecture de Penser librement d\u2019Hannah Arendt cette nuit et matin, notamment l\u2019essai sur Nathalie Sarraute et travail, l\u2019oeuvre, l\u2019action. Ce qui me ram\u00e8ne \u00e0 la lecture tr\u00e8s ancienne de Dostoievsky- notamment \u00e0 partir d\u2019un livre de Ren\u00e9 Girard ( peut-\u00eatre critique dans un souterrain ) et bien s\u00fbr de Kafka, le Journal puis, sans encha\u00eenement \u00e0 2019, \u00e0 la pand\u00e9mie de Covid. Le fait est que je commence vraiment \u00e0 reprendre l\u2019\u00e9criture quotidienne r\u00e9guli\u00e8rement \u00e0 partir de ce moment-(octobre 2019 ?) Le r\u00e9sultat sera la publication de Propos sur la peinture, un ensemble de textes mis bout \u00e0 bout r\u00e9dig\u00e9s sur peinture chamanique entre 2018 et 2019. Ouvrage mal fagot\u00e9, qu\u2019il faudrait reprendre et am\u00e9liorer ou bien compl\u00e8tement oublier. L\u2019isolement social obligeant \u00e0 « faire » absolument quelque chose de soi pour ne pas sombrer. Il y a aussi eu les vid\u00e9os sur la cha\u00eene YouTube, plusieurs fois par semaine parfois. Une sorte de f\u00e9brilit\u00e9, d\u2019euphorie. Surtout lors du tout premier confinement. D\u00e8s le second, la lassitude, l\u2019angoisse, notamment li\u00e9e au fonctionnement de l\u2019atelier, aux charges, me tombent dessus. Au troisi\u00e8me confinement, j\u2019ai arr\u00eat\u00e9 de publier des vid\u00e9os, me suis retir\u00e9 des r\u00e9seaux sociaux.<\/p>\n<\/blockquote>\n

Angle : beaucoup de mati\u00e8re “atelier \/ cadre \/ r\u00e8gle \/ groupe” : parfait pour un r\u00e9cit sur la honte dans un dispositif collectif<\/strong>.<\/p>\n

Dispositif : r\u00e9cit en “tours de parole” (comme AA\/Zoom) : chaque tour avance d\u2019un millim\u00e8tre, et c\u2019est \u00e7a l\u2019action.<\/p>\n

1878 — Bilan<\/em> (2022-09-17)<\/strong><\/p>\n

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Depuis le passage de la Covid, les diverses canicules, la crise, l\u2019atmosph\u00e8re mortif\u00e8re qui en r\u00e9sulte nous a tous affaibli. Que l\u2019on trouve de plus en plus insupportable la moindre injustice, la moindre mesquinerie ? Enfin, je m\u2019en aper\u00e7ois de mon c\u00f4t\u00e9. Peut-\u00eatre parce que l\u2019on a tant esp\u00e9r\u00e9. Que tous ces \u00e9v\u00e9nements surtout, n\u2019interviennent pas de mani\u00e8re insens\u00e9e, qu\u2019ils puissent permettre de r\u00e9fl\u00e9chir \u00e0 notre fa\u00e7on de vivre et de travailler, de tirer un certain enseignement de tout cela ? Mais, on voit bien que la d\u00e9ception, une fois encore, remplit l\u2019espace laiss\u00e9e par ces espoirs. <\/p>\n<\/blockquote>\n

Angle : honte diffuse = addition de petites l\u00e2chet\u00e9s (sans “grand crime”), donc perplexit\u00e9 : “o\u00f9 est la faute ?”.<\/p>\n

Dispositif : comptabilit\u00e9 (colonnes invisibles) : “entr\u00e9es” \/ “sorties” \/ “reste \u00e0 payer” — sans chiffres, juste le vocabulaire.<\/p>\n

2461 — Le temps d\u2019une rencontre<\/em> (2023-02-14)<\/strong><\/p>\n

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-Je vous ai vu tout \u00e0 l\u2019heure au Parc Guell, r\u00e9pondit-t\u2019elle , comme mise en garde il y a mieux, vous m\u2019avez plut\u00f4t effray\u00e9e. j\u2019ai vu que vous m\u2019aviez suivie jusqu\u2019ici. Pourquoi ne pas m\u2019aborder plus t\u00f4t, j\u2019ai pens\u00e9 \u00e0 un d\u00e9traqu\u00e9 ou \u00e0 un dragueur ajouta t\u2019elle. Elle s\u2019exprimait dans un fran\u00e7ais impeccable sans accent.<\/p>\n<\/blockquote>\n

-Je suis d\u00e9sol\u00e9 je ne voulais pas vous effrayer je cherchais seulement une fa\u00e7on de vous aborder qui ne soit pas ...ambigu\u00eb...<\/p>\n

Angle : la rencontre comme pi\u00e8ge moral : on croit agir librement, mais on est d\u00e9j\u00e0 en train d\u2019ob\u00e9ir<\/strong> \u00e0 un r\u00f4le.<\/p>\n

Dispositif : r\u00e9cit \u00e0 deux voix, mais l\u2019une des voix n\u2019appara\u00eet que par les formules (“bonjour”, “merci”, “comme convenu”).<\/p>\n

994 — La procrastination va se d\u00e9velopper.<\/em> (2020-05-24)<\/strong><\/p>\n

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Personnage, seul en sc\u00e8ne.\n(Lumi\u00e8re crue. Une chaise. Un cendrier plein. Silence au d\u00e9but.)<\/p>\n<\/blockquote>\n

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J\u2019allume. (Il tire.) Rien.\nLa fen\u00eatre. Le ciel. Rien.<\/p>\n<\/blockquote>\n

\n

(Il tourne en rond.)\nJe monte. Je descends. Je remonte. Je redescends.\nLa chaise. (Il montre.) Toujours la chaise.\nTu la vois ? Tu la vois, toi ? Moi je la vois trop.<\/p>\n<\/blockquote>\n

\n

Facebook. Mails. Slogans. Rien.\nBranler ? M\u00eame pas \u00e7a.\nMais toi, qu\u2019est-ce que tu branles ?\nLui, qu\u2019est-ce qu\u2019il branle ?\nMoi, qu\u2019est-ce que je branle ?\nRien.<\/p>\n<\/blockquote>\n

\n

(Lent, presque chuchot\u00e9.)\nL\u2019olivier bourgeonne.\nLe figuier cr\u00e8ve.\nDeux arbres. Deux destins.\nEt moi, plant\u00e9 entre les deux.<\/p>\n<\/blockquote>\n

Angle : procrastination = honte anticip\u00e9e + peur d\u2019\u00eatre r\u00e9duit \u00e0 une fonction (ton th\u00e8me “mission”).<\/p>\n

Dispositif : monologue-sc\u00e8ne unique (th\u00e9\u00e2tre) avec un seul accessoire r\u00e9current (chaise \/ cendrier \/ ticket) = “preuve”.<\/p>\n

596 — 31 d\u00e9cembre 2024<\/em> (2024-12-31)<\/strong><\/p>\n

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Mon habit est fait de cambouis, de boue, de baves et de bu\u00e9es. Il p\u00e8se. Il poisse. Il bat. Est-ce que je choisis de le porter ? Peut-\u00eatre. Mais le choix, c\u2019est quoi ? Ce n\u2019est rien d\u2019autre que se souvenir qu\u2019il n\u2019y a pas d\u2019autre chemin. Rev\u00eatir ces oripeaux, tiss\u00e9s par des mains de femme, par la souffrance d\u2019un homme. Par les perdrix, les faisans, les corbeaux. Par les cumulo-nimbus, les tornades, les ouragans, les cyclones. Et par ces petits matins clairs, aussi, o\u00f9 l\u2019on regarde par la fen\u00eatre et l\u2019on d\u00e9couvre la neige sur les toits de terre cuite.\nAngle : fin d\u2019ann\u00e9e = inventaire, donc honte possible ; mais tu peux la traiter comme une m\u00e9t\u00e9orologie de d\u00e9cisions<\/strong>.<\/p>\n<\/blockquote>\n

Dispositif : inventaire “sans opinion” (comme tu l\u2019aimes) puis, \u00e0 la fin, une seule phrase qui trahit l\u2019opinion.<\/p>\n

3123 — 15 juin 2025<\/em> (2025-06-15)<\/strong><\/p>\n

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Il mit la vid\u00e9o en pause et descendit se chercher un caf\u00e9. Tout cela \u00e9tait encore tellement confus. Sans doute faudrait-il visionner une seconde puis une troisi\u00e8me fois le film pour s\u2019extraire de l\u2019hypnose. Cette hypnose n\u00e9e du m\u00e9lange de souvenirs d\u2019enfance que les images en noir et blanc rappelaient. Fa\u00e7ades d\u2019immeubles, int\u00e9rieurs de caf\u00e9, taches de vin rouge sur les tables, v\u00eatements d\u00e9j\u00e0 vus jadis ou plut\u00f4t entrevus. Ces vestes, mon dieu, ces vestes qui vous posaient l\u00e0. L\u2019entraper\u00e7u devenant meilleur vecteur soudain que ce qui un jour fut vu. Sous la vid\u00e9o, les commentaires s\u2019entassaient. <\/p>\n<\/blockquote>\n

Angle : format court id\u00e9al pour une fiction “mission minuscule” : un acte simple qui te fait basculer.<\/p>\n

Dispositif : protocole (\u00e9tapes num\u00e9rot\u00e9es) qui se d\u00e9r\u00e8gle \u00e0 l\u2019\u00e9tape 4 — et c\u2019est l\u00e0 que la honte surgit.<\/p>\n

246 — 1er septembre 2024<\/em> (2024-09-01)<\/strong><\/p>\n

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Ce n\u2019est pas facile, on pourrait le croire, \u00e7a va chercher quand m\u00eame tr\u00e8s loin \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur du ressort humain, c\u2019est forc\u00e9ment des reliquats tr\u00e8s anciens, des choses qu\u2019on dirait \u00e9sot\u00e9riques, une sorte d\u2019enseignement cach\u00e9 r\u00e9serv\u00e9 aux initi\u00e9s, le reste \u00e9tant en gros des b\u00e9otiens, quand on ne vous traite pas de con tout \u00e0 fait ouvertement d\u00e9sormais. C\u2019est l\u2019\u00e9poque, on navigue ainsi entre f\u00e9licitations pour rien et m\u00e9pris pour tout. Un vieux manich\u00e9isme mal dig\u00e9r\u00e9, du nazisme, ni plus ni moins, tr\u00e8s fatiguant de s\u2019en rendre compte. On s\u2019en rend de plus en plus compte, je ne sais pas si vous le remarquez, \u00e7a devient d\u2019une limpidit\u00e9 aveuglante, une tarte \u00e0 la cr\u00e8me, un poncif, un clich\u00e9.\nAngle : anniversaire \/ seuil \/ “\u00e7a fait un an” \u2192 parfait pour articuler perplexit\u00e9 active : “qu\u2019est-ce qui a chang\u00e9, exactement ?”.<\/p>\n<\/blockquote>\n

Dispositif : trois dates, m\u00eame sc\u00e8ne, trois interpr\u00e9tations incompatibles.<\/p>\n

Illustration<\/strong> Nord-africains aux portes de la ville (Tryptique de la honte I), 1953. Huile sur toile, 195 x 130 cm, Mus\u00e9e de l\u2019Histoire de l\u2019immigration<\/p>", "content_text": " **seconde s\u00e9rie de textes sur la honte ( extraits) cette fois la honte sociale** **1284 \u2014 *Chercher un emploi* (2021-12-26)** >Dans le fond chercher un emploi demande une dose certaine de pragmatisme, tout \u00e0 fait comme cr\u00e9er un personnage de nouvelle ou de roman. Il faut poser un cadre strict et avoir un minimum d\u2019exigences. Et g\u00e9n\u00e9ralement il faut que les choses se passent mal pour apprendre gr\u00e2ce \u00e0 l\u2019exp\u00e9rience et ainsi r\u00e9duire la voilure. Angle : humiliation administrative + perplexit\u00e9 (\u201ccomment ce monde tient-il debout avec \u00e7a ?\u201d). Dispositif : montage de dialogues (phrases d\u2019entretien) + pens\u00e9es en italique qui ne r\u00e9pondent jamais aux dialogues. **235 \u2014 *21 ao\u00fbt 2024* (2024-08-21)** ( \u00e0 revoir ) >Lecture de Penser librement d\u2019Hannah Arendt cette nuit et matin, notamment l\u2019essai sur Nathalie Sarraute et travail, l\u2019oeuvre, l\u2019action. Ce qui me ram\u00e8ne \u00e0 la lecture tr\u00e8s ancienne de Dostoievsky- notamment \u00e0 partir d\u2019un livre de Ren\u00e9 Girard ( peut-\u00eatre critique dans un souterrain ) et bien s\u00fbr de Kafka, le Journal puis, sans encha\u00eenement \u00e0 2019, \u00e0 la pand\u00e9mie de Covid. Le fait est que je commence vraiment \u00e0 reprendre l\u2019\u00e9criture quotidienne r\u00e9guli\u00e8rement \u00e0 partir de ce moment-(octobre 2019 ?) Le r\u00e9sultat sera la publication de Propos sur la peinture, un ensemble de textes mis bout \u00e0 bout r\u00e9dig\u00e9s sur peinture chamanique entre 2018 et 2019. Ouvrage mal fagot\u00e9, qu\u2019il faudrait reprendre et am\u00e9liorer ou bien compl\u00e8tement oublier. L\u2019isolement social obligeant \u00e0 \u00ab faire \u00bb absolument quelque chose de soi pour ne pas sombrer. Il y a aussi eu les vid\u00e9os sur la cha\u00eene YouTube, plusieurs fois par semaine parfois. Une sorte de f\u00e9brilit\u00e9, d\u2019euphorie. Surtout lors du tout premier confinement. D\u00e8s le second, la lassitude, l\u2019angoisse, notamment li\u00e9e au fonctionnement de l\u2019atelier, aux charges, me tombent dessus. Au troisi\u00e8me confinement, j\u2019ai arr\u00eat\u00e9 de publier des vid\u00e9os, me suis retir\u00e9 des r\u00e9seaux sociaux. Angle : beaucoup de mati\u00e8re \u201catelier \/ cadre \/ r\u00e8gle \/ groupe\u201d : parfait pour un r\u00e9cit sur la honte **dans un dispositif collectif**. Dispositif : r\u00e9cit en \u201ctours de parole\u201d (comme AA\/Zoom) : chaque tour avance d\u2019un millim\u00e8tre, et c\u2019est \u00e7a l\u2019action. **1878 \u2014 *Bilan* (2022-09-17)** >Depuis le passage de la Covid, les diverses canicules, la crise, l\u2019atmosph\u00e8re mortif\u00e8re qui en r\u00e9sulte nous a tous affaibli. Que l\u2019on trouve de plus en plus insupportable la moindre injustice, la moindre mesquinerie ? Enfin, je m\u2019en aper\u00e7ois de mon c\u00f4t\u00e9. Peut-\u00eatre parce que l\u2019on a tant esp\u00e9r\u00e9. Que tous ces \u00e9v\u00e9nements surtout, n\u2019interviennent pas de mani\u00e8re insens\u00e9e, qu\u2019ils puissent permettre de r\u00e9fl\u00e9chir \u00e0 notre fa\u00e7on de vivre et de travailler, de tirer un certain enseignement de tout cela ? Mais, on voit bien que la d\u00e9ception, une fois encore, remplit l\u2019espace laiss\u00e9e par ces espoirs. Angle : honte diffuse = addition de petites l\u00e2chet\u00e9s (sans \u201cgrand crime\u201d), donc perplexit\u00e9 : \u201co\u00f9 est la faute ?\u201d. Dispositif : comptabilit\u00e9 (colonnes invisibles) : \u201centr\u00e9es\u201d \/ \u201csorties\u201d \/ \u201creste \u00e0 payer\u201d \u2014 sans chiffres, juste le vocabulaire. **2461 \u2014 *Le temps d\u2019une rencontre* (2023-02-14)** >-Je vous ai vu tout \u00e0 l\u2019heure au Parc Guell, r\u00e9pondit-t\u2019elle , comme mise en garde il y a mieux, vous m\u2019avez plut\u00f4t effray\u00e9e. j\u2019ai vu que vous m\u2019aviez suivie jusqu\u2019ici. Pourquoi ne pas m\u2019aborder plus t\u00f4t, j\u2019ai pens\u00e9 \u00e0 un d\u00e9traqu\u00e9 ou \u00e0 un dragueur ajouta t\u2019elle. Elle s\u2019exprimait dans un fran\u00e7ais impeccable sans accent. -Je suis d\u00e9sol\u00e9 je ne voulais pas vous effrayer je cherchais seulement une fa\u00e7on de vous aborder qui ne soit pas ...ambigu\u00eb... Angle : la rencontre comme pi\u00e8ge moral : on croit agir librement, mais on est d\u00e9j\u00e0 **en train d\u2019ob\u00e9ir** \u00e0 un r\u00f4le. Dispositif : r\u00e9cit \u00e0 deux voix, mais l\u2019une des voix n\u2019appara\u00eet que par les formules (\u201cbonjour\u201d, \u201cmerci\u201d, \u201ccomme convenu\u201d). **994 \u2014 *La procrastination va se d\u00e9velopper.* (2020-05-24)** >Personnage, seul en sc\u00e8ne. >(Lumi\u00e8re crue. Une chaise. Un cendrier plein. Silence au d\u00e9but.) >J\u2019allume. (Il tire.) Rien. >La fen\u00eatre. Le ciel. Rien. >(Il tourne en rond.) >Je monte. Je descends. Je remonte. Je redescends. >La chaise. (Il montre.) Toujours la chaise. >Tu la vois ? Tu la vois, toi ? Moi je la vois trop. >Facebook. Mails. Slogans. Rien. >Branler ? M\u00eame pas \u00e7a. >Mais toi, qu\u2019est-ce que tu branles ? >Lui, qu\u2019est-ce qu\u2019il branle ? >Moi, qu\u2019est-ce que je branle ? >Rien. >(Lent, presque chuchot\u00e9.) >L\u2019olivier bourgeonne. >Le figuier cr\u00e8ve. >Deux arbres. Deux destins. >Et moi, plant\u00e9 entre les deux. Angle : procrastination = honte anticip\u00e9e + peur d\u2019\u00eatre r\u00e9duit \u00e0 une fonction (ton th\u00e8me \u201cmission\u201d). Dispositif : monologue-sc\u00e8ne unique (th\u00e9\u00e2tre) avec un seul accessoire r\u00e9current (chaise \/ cendrier \/ ticket) = \u201cpreuve\u201d. **596 \u2014 *31 d\u00e9cembre 2024* (2024-12-31)** >Mon habit est fait de cambouis, de boue, de baves et de bu\u00e9es. Il p\u00e8se. Il poisse. Il bat. Est-ce que je choisis de le porter ? Peut-\u00eatre. Mais le choix, c\u2019est quoi ? Ce n\u2019est rien d\u2019autre que se souvenir qu\u2019il n\u2019y a pas d\u2019autre chemin. Rev\u00eatir ces oripeaux, tiss\u00e9s par des mains de femme, par la souffrance d\u2019un homme. Par les perdrix, les faisans, les corbeaux. Par les cumulo-nimbus, les tornades, les ouragans, les cyclones. Et par ces petits matins clairs, aussi, o\u00f9 l\u2019on regarde par la fen\u00eatre et l\u2019on d\u00e9couvre la neige sur les toits de terre cuite. Angle : fin d\u2019ann\u00e9e = inventaire, donc honte possible ; mais tu peux la traiter comme une **m\u00e9t\u00e9orologie de d\u00e9cisions**. Dispositif : inventaire \u201csans opinion\u201d (comme tu l\u2019aimes) puis, \u00e0 la fin, une seule phrase qui trahit l\u2019opinion. **3123 \u2014 *15 juin 2025* (2025-06-15)** >Il mit la vid\u00e9o en pause et descendit se chercher un caf\u00e9. Tout cela \u00e9tait encore tellement confus. Sans doute faudrait-il visionner une seconde puis une troisi\u00e8me fois le film pour s\u2019extraire de l\u2019hypnose. Cette hypnose n\u00e9e du m\u00e9lange de souvenirs d\u2019enfance que les images en noir et blanc rappelaient. Fa\u00e7ades d\u2019immeubles, int\u00e9rieurs de caf\u00e9, taches de vin rouge sur les tables, v\u00eatements d\u00e9j\u00e0 vus jadis ou plut\u00f4t entrevus. Ces vestes, mon dieu, ces vestes qui vous posaient l\u00e0. L\u2019entraper\u00e7u devenant meilleur vecteur soudain que ce qui un jour fut vu. Sous la vid\u00e9o, les commentaires s\u2019entassaient. Angle : format court id\u00e9al pour une fiction \u201cmission minuscule\u201d : un acte simple qui te fait basculer. Dispositif : protocole (\u00e9tapes num\u00e9rot\u00e9es) qui se d\u00e9r\u00e8gle \u00e0 l\u2019\u00e9tape 4 \u2014 et c\u2019est l\u00e0 que la honte surgit. **246 \u2014 *1er septembre 2024* (2024-09-01)** > Ce n\u2019est pas facile, on pourrait le croire, \u00e7a va chercher quand m\u00eame tr\u00e8s loin \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur du ressort humain, c\u2019est forc\u00e9ment des reliquats tr\u00e8s anciens, des choses qu\u2019on dirait \u00e9sot\u00e9riques, une sorte d\u2019enseignement cach\u00e9 r\u00e9serv\u00e9 aux initi\u00e9s, le reste \u00e9tant en gros des b\u00e9otiens, quand on ne vous traite pas de con tout \u00e0 fait ouvertement d\u00e9sormais. C\u2019est l\u2019\u00e9poque, on navigue ainsi entre f\u00e9licitations pour rien et m\u00e9pris pour tout. Un vieux manich\u00e9isme mal dig\u00e9r\u00e9, du nazisme, ni plus ni moins, tr\u00e8s fatiguant de s\u2019en rendre compte. On s\u2019en rend de plus en plus compte, je ne sais pas si vous le remarquez, \u00e7a devient d\u2019une limpidit\u00e9 aveuglante, une tarte \u00e0 la cr\u00e8me, un poncif, un clich\u00e9. Angle : anniversaire \/ seuil \/ \u201c\u00e7a fait un an\u201d \u2192 parfait pour articuler perplexit\u00e9 active : \u201cqu\u2019est-ce qui a chang\u00e9, exactement ?\u201d. Dispositif : trois dates, m\u00eame sc\u00e8ne, trois interpr\u00e9tations incompatibles. **Illustration** Nord-africains aux portes de la ville (Tryptique de la honte I), 1953. Huile sur toile, 195 x 130 cm, Mus\u00e9e de l\u2019Histoire de l\u2019immigration ", "image": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/IMG\/logo\/nord-africains_aux_portes_de_la_ville_andre_fougeron.jpg?1765791876", "tags": ["Narration et Exp\u00e9rimentation", "dispositif", "hontes"] } ,{ "id": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/honte-comme-organe-de-survie.html", "url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/honte-comme-organe-de-survie.html", "title": "Honte comme « organe » de survie", "date_published": "2025-12-15T09:26:18Z", "date_modified": "2025-12-24T14:43:33Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

Liste de textes en relation avec plusieurs types de hontes. Trois familles de r\u00e9cits avec pour chacun de ces textes un angle + un dispositif, pour l’ essentiel une contrainte formelle simple qui “installe” l\u2019entre-deux sans psychologie.<\/p>\n

premi\u00e8re s\u00e9rie de textes<\/strong><\/p>\n

Honte comme « organe » de survie (micro-panique, ridicule, effacement)<\/h2>\n

1041 — Courroucer les dieux pour avoir du foin.<\/em> (2021-04-12)<\/a><\/strong><\/p>\n

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Tant qu\u2019il y a de la honte, tout n\u2019est pas perdu : elle sert de plan, de balises et de griffures pour se rep\u00e9rer dans le labyrinthe qu\u2019avec l\u2019\u00e2ge on baptise \u00e9pop\u00e9e, histoire de quitter ce monde sans regret, en croyant lui avoir donn\u00e9 un sens et, qui sait, devenir soi-m\u00eame un peu sens\u00e9. <\/p>\n<\/blockquote>\n

Angle : la honte non comme morale, mais comme preuve de vie<\/strong> (tant qu\u2019elle pique, on n\u2019est pas enti\u00e8rement anesth\u00e9si\u00e9).<\/p>\n

Dispositif : refrain qui revient 4\u20135 fois avec une nuance (“tant qu\u2019il y a\u2026”) + une sc\u00e8ne minuscule qui contredit le refrain.<\/p>\n

1879 — Explorer le ridicule<\/em> (2022-09-17)<\/a><\/strong><\/p>\n

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Toutes ces choses que l\u2019on s\u2019emp\u00eacherait de faire juste en raison d\u2019une peur d\u2019appara\u00eetre ridicule. N\u2019a-t-on jamais envie de l\u2019\u00e9carter cette peur ? De lui dire va t\u2019en, tu es la chose la plus p\u00e9nible, la plus ennuyeuse que je connaisse ici-bas sur la terre. Mais non. Elle se tient toujours ici ou l\u00e0 comme une lancinante blessure qui se rouvre encore et encore. Et, ce m\u00eame quand on pense en avoir fini avec elle.<\/p>\n<\/blockquote>\n

Angle : peur du ridicule = peur d\u2019\u00eatre assign\u00e9 \u00e0 une forme<\/strong> (donc d\u00e9j\u00e0 mort socialement).<\/p>\n

Dispositif : liste d\u2019actions “ridicules” + \u00e0 chaque item, un contre-item “h\u00e9ro\u00efque” qui est en fait plus ridicule.<\/p>\n

3218 — paupi\u00e8re tombante<\/em> (2025-07-28)<\/a><\/strong><\/p>\n

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Voir la honte au moment m\u00eame o\u00f9 elle vous prend, c\u2019est voir par en-dessous. Par d\u00e9faut. \u00c0 rebours. Ce n\u2019est plus une image, c\u2019est un voile.<\/p>\n<\/blockquote>\n

Angle : honte comme filtre optique (le monde “bistre”, opaque) : la honte alt\u00e8re la perception<\/strong> avant d\u2019alt\u00e9rer le r\u00e9cit.<\/p>\n

Dispositif : narration par d\u00e9gradations visuelles<\/strong> (net \u2192 brouill\u00e9 \u2192 \u00e9cran) sans expliquer “pourquoi”.<\/p>\n

551 — Relecture de la honte<\/em> (2024-12-08)<\/a><\/strong><\/p>\n

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En lisant Ernaux, Duras, Woolf ou m\u00eame Cioran, je vois que leur honte est aussi la mienne. Que leurs failles sont les miennes. Et c\u2019est peut-\u00eatre \u00e7a, la plus grande le\u00e7on de mes lectures : \u00e9crire, ce n\u2019est pas gu\u00e9rir. C\u2019est habiter ce qui nous fait mal. C\u2019est br\u00fbler, un peu moins seul.<\/p>\n<\/blockquote>\n

Angle : la honte revient comme une mise \u00e0 jour<\/strong> (pas un souvenir, un patch).<\/p>\n

Dispositif : 3 couches : (1) sc\u00e8ne brute, (2) note de marge froide, (3) “erreur syst\u00e8me” (une phrase tr\u00e8s s\u00e8che).<\/p>\n

742 — 8 f\u00e9vrier 2025<\/em> (2025-02-08)<\/a><\/strong><\/p>\n

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Des fois, j\u2019ai honte, des fois non. \u00c7a d\u00e9pend de la r\u00e9sonance du monde. Si j\u2019ouvre la fen\u00eatre et que j\u2019entends les oiseaux, oui. Si j\u2019entends le camion-poubelle, non. La honte ne d\u00e9pend pas que de moi. C\u2019est la r\u00e9sultante d\u2019une mise en sc\u00e8ne, \u00e0 la fois c\u00f4t\u00e9 cour et c\u00f4t\u00e9 jardin. Il est assez rare d\u2019avoir honte assis dans une salle de cin\u00e9ma. Cela ne m\u2019est arriv\u00e9 que trois fois, au coll\u00e8ge, lorsqu\u2019on m\u2019infligea la vision d\u2019Auschwitz, le p\u00e8re Kolbe se sacrifiant \u00e0 la place d\u2019un autre. Mais honte pour nous tous. Pour l\u2019esp\u00e8ce.<\/p>\n<\/blockquote>\n

Angle : honte variable selon la “r\u00e9sonance du monde” : tu poses la honte comme un ph\u00e9nom\u00e8ne physique<\/strong>.<\/p>\n

Dispositif : trois reprises de la m\u00eame phrase, chaque fois avec un param\u00e8tre diff\u00e9rent (lieu \/ heure \/ t\u00e9moin).<\/p>\n

1968 — Blocage<\/em> (2022-10-16)<\/a><\/strong><\/p>\n

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Se bloquer, se braquer, \u00e0 ban donner, saut poser, se rat masser, se re croque vriller, s\u2019enfouir, fuite, fuguer, ne plus rien vouloir savoir, d\u00e9tourner le regard, panser autre chose que \u00e7a l\u2019impensable, paniquer, aller dans tous les sens \u00e0 partir du point d\u2019impact, circonvolutions alambiqu\u00e9es, l\u2019esprit bat la campagne sans autre but que de battre la campagne, diverger, \u00eatre paralys\u00e9 simultan\u00e9ment le corps ici ou l\u00e0, la t\u00eate ailleurs, faire attention impossible, humiliation \u00e9prouv\u00e9e aussi comme r\u00e9flexe, impression d\u2019\u00eatre idiot, de ne pas valoir tripette, s\u2019en vouloir de ne pas \u00eatre comme les autres qui comprennent au quart de tour, les d\u00e9tester pour exister tout de m\u00eame, les r\u00e9inventer pires encore qu\u2019ils sont, et se r\u00e9inventer en creux par la m\u00eame occasion, se distraire pour oublier. Encha\u00eener les \u00e9checs. Perdre confiance, se m\u00e9sestimer, se ha\u00efr, s\u2019isoler, vouloir mourir. Manquer d\u2019humilit\u00e9. \u00catre orgueilleux, pr\u00e9tentieux, vaniteux. Marcher \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de ses pompes. Ne pas vouloir rentrer dans le moule.<\/p>\n<\/blockquote>\n

Angle : blocage = strat\u00e9gie honteuse pour ne pas faire face \u00e0 une cons\u00e9quence.<\/p>\n

Dispositif : dictionnaire personnel (entr\u00e9e “bloquer”) \u2192 exemples \u2192 une seule sc\u00e8ne qui prouve que le dictionnaire ment.<\/p>\n

910 — 02 novembre 2023<\/em> (2023-11-02)<\/a><\/strong><\/p>\n

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Les chemises blanches. Relire Barthes — \"Saponides et d\u00e9tergents\". Cette blancheur id\u00e9alis\u00e9e, m\u00e9diatis\u00e9e. Paic, Omo, Persil : les marques ressurgissent avec leurs parfums. Mais rien n\u2019\u00e9tait jamais aussi blanc qu\u2019\u00e0 la t\u00e9l\u00e9vision. Sauf les chemises de mon p\u00e8re. Le col, les poignets. Mais \u00e0 quel prix. Ma m\u00e8re, au-dessus de l\u2019\u00e9vier, frottant, K2R en main. Le blanc impeccable \u00e9tait une ascension. Une victoire quotidienne.<\/p>\n<\/blockquote>\n

Angle : la honte “arrive” comme un \u00e9v\u00e9nement m\u00e9t\u00e9o (sans cause claire), donc perplexit\u00e9 active imm\u00e9diate.<\/p>\n

Dispositif : temps r\u00e9el + interruptions (micro-coupures, comme un Zoom qui freeze).<\/p>\n

[149 — 02 juin 2024<\/em> (2024-07-26)<\/a><\/strong><\/p>\n

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Vertige de la chute, ralentissement du temps, des lueurs dans l\u2019obscurit\u00e9, chaleureuses, aimantes et qui ont le pouvoir de soulager la gravit\u00e9. Des anges. Qu\u2019as-tu fait de ta vie ? Et c\u2019est la projection d\u2019un film en acc\u00e9l\u00e9r\u00e9, un \u00e9vier qui se vide. Rien. « Ne te juge pas si s\u00e9v\u00e8rement », me dit l\u2019une avec gentillesse, « il y a aussi tout ce que tu ne dis pas, le silence entre les images. » Au r\u00e9veil, l\u2019interstice est le gibier que j\u2019entrevois \u00e0 peine qu\u2019il s\u2019enfuit doucement dans le sous-bois.<\/p>\n<\/blockquote>\n

Angle : honte + t\u00e9moin (r\u00e9el ou imaginaire) : tu peux en faire une m\u00e9canique de tribunal int\u00e9rieur.<\/p>\n

Dispositif : “proc\u00e8s-verbal” : phrases courtes, constat, aucune psychologie, seulement des faits et des formulations.<\/p>\n

Illustration<\/strong> Andr\u00e9 Fougeron Massacre \u00e0 Sakiet (Tryptique de la honte III), 1958. Huile sur toile, 97 x 195 cm, Tate Modern London<\/p>", "content_text": " Liste de textes en relation avec plusieurs types de hontes. Trois familles de r\u00e9cits avec pour chacun de ces textes un angle + un dispositif, pour l' essentiel une contrainte formelle simple qui \u201cinstalle\u201d l\u2019entre-deux sans psychologie. **premi\u00e8re s\u00e9rie de textes** ## Honte comme \u00aborgane\u00bb de survie (micro-panique, ridicule, effacement) **[1041 \u2014 *Courroucer les dieux pour avoir du foin.* (2021-04-12)->https:\/\/ledibbouk.net\/courroucer-les-dieux-pour-avoir-du-foin.html]** >Tant qu\u2019il y a de la honte, tout n\u2019est pas perdu : elle sert de plan, de balises et de griffures pour se rep\u00e9rer dans le labyrinthe qu\u2019avec l\u2019\u00e2ge on baptise \u00e9pop\u00e9e, histoire de quitter ce monde sans regret, en croyant lui avoir donn\u00e9 un sens et, qui sait, devenir soi-m\u00eame un peu sens\u00e9. Angle : la honte non comme morale, mais comme **preuve de vie** (tant qu\u2019elle pique, on n\u2019est pas enti\u00e8rement anesth\u00e9si\u00e9). Dispositif : refrain qui revient 4\u20135 fois avec une nuance (\u201ctant qu\u2019il y a\u2026\u201d) + une sc\u00e8ne minuscule qui contredit le refrain. **[1879 \u2014 *Explorer le ridicule* (2022-09-17)->https:\/\/ledibbouk.net\/explorer-le-ridicule.html]** >Toutes ces choses que l\u2019on s\u2019emp\u00eacherait de faire juste en raison d\u2019une peur d\u2019appara\u00eetre ridicule. N\u2019a-t-on jamais envie de l\u2019\u00e9carter cette peur ? De lui dire va t\u2019en, tu es la chose la plus p\u00e9nible, la plus ennuyeuse que je connaisse ici-bas sur la terre. Mais non. Elle se tient toujours ici ou l\u00e0 comme une lancinante blessure qui se rouvre encore et encore. Et, ce m\u00eame quand on pense en avoir fini avec elle. Angle : peur du ridicule = peur d\u2019\u00eatre **assign\u00e9 \u00e0 une forme** (donc d\u00e9j\u00e0 mort socialement). Dispositif : liste d\u2019actions \u201cridicules\u201d + \u00e0 chaque item, un contre-item \u201ch\u00e9ro\u00efque\u201d qui est en fait plus ridicule. **[3218 \u2014 *paupi\u00e8re tombante* (2025-07-28)->https:\/\/ledibbouk.net\/paupiere-tombante.html]** >Voir la honte au moment m\u00eame o\u00f9 elle vous prend, c\u2019est voir par en-dessous. Par d\u00e9faut. \u00c0 rebours. Ce n\u2019est plus une image, c\u2019est un voile. Angle : honte comme filtre optique (le monde \u201cbistre\u201d, opaque) : la honte **alt\u00e8re la perception** avant d\u2019alt\u00e9rer le r\u00e9cit. Dispositif : narration par **d\u00e9gradations visuelles** (net \u2192 brouill\u00e9 \u2192 \u00e9cran) sans expliquer \u201cpourquoi\u201d. **[551 \u2014 *Relecture de la honte* (2024-12-08)->https:\/\/ledibbouk.net\/relecture-de-la-honte.html]** >En lisant Ernaux, Duras, Woolf ou m\u00eame Cioran, je vois que leur honte est aussi la mienne. Que leurs failles sont les miennes. Et c\u2019est peut-\u00eatre \u00e7a, la plus grande le\u00e7on de mes lectures : \u00e9crire, ce n\u2019est pas gu\u00e9rir. C\u2019est habiter ce qui nous fait mal. C\u2019est br\u00fbler, un peu moins seul. Angle : la honte revient comme une **mise \u00e0 jour** (pas un souvenir, un patch). Dispositif : 3 couches : (1) sc\u00e8ne brute, (2) note de marge froide, (3) \u201cerreur syst\u00e8me\u201d (une phrase tr\u00e8s s\u00e8che). **[742 \u2014 *8 f\u00e9vrier 2025* (2025-02-08)->https:\/\/ledibbouk.net\/8-fevrier-2025.html]** >Des fois, j\u2019ai honte, des fois non. \u00c7a d\u00e9pend de la r\u00e9sonance du monde. Si j\u2019ouvre la fen\u00eatre et que j\u2019entends les oiseaux, oui. Si j\u2019entends le camion-poubelle, non. La honte ne d\u00e9pend pas que de moi. C\u2019est la r\u00e9sultante d\u2019une mise en sc\u00e8ne, \u00e0 la fois c\u00f4t\u00e9 cour et c\u00f4t\u00e9 jardin. Il est assez rare d\u2019avoir honte assis dans une salle de cin\u00e9ma. Cela ne m\u2019est arriv\u00e9 que trois fois, au coll\u00e8ge, lorsqu\u2019on m\u2019infligea la vision d\u2019Auschwitz, le p\u00e8re Kolbe se sacrifiant \u00e0 la place d\u2019un autre. Mais honte pour nous tous. Pour l\u2019esp\u00e8ce. Angle : honte variable selon la \u201cr\u00e9sonance du monde\u201d : tu poses la honte comme un **ph\u00e9nom\u00e8ne physique**. Dispositif : trois reprises de la m\u00eame phrase, chaque fois avec un param\u00e8tre diff\u00e9rent (lieu \/ heure \/ t\u00e9moin). **[1968 \u2014 *Blocage* (2022-10-16)->https:\/\/ledibbouk.net\/blocage.html]** >Se bloquer, se braquer, \u00e0 ban donner, saut poser, se rat masser, se re croque vriller, s\u2019enfouir, fuite, fuguer, ne plus rien vouloir savoir, d\u00e9tourner le regard, panser autre chose que \u00e7a l\u2019impensable, paniquer, aller dans tous les sens \u00e0 partir du point d\u2019impact, circonvolutions alambiqu\u00e9es, l\u2019esprit bat la campagne sans autre but que de battre la campagne, diverger, \u00eatre paralys\u00e9 simultan\u00e9ment le corps ici ou l\u00e0, la t\u00eate ailleurs, faire attention impossible, humiliation \u00e9prouv\u00e9e aussi comme r\u00e9flexe, impression d\u2019\u00eatre idiot, de ne pas valoir tripette, s\u2019en vouloir de ne pas \u00eatre comme les autres qui comprennent au quart de tour, les d\u00e9tester pour exister tout de m\u00eame, les r\u00e9inventer pires encore qu\u2019ils sont, et se r\u00e9inventer en creux par la m\u00eame occasion, se distraire pour oublier. Encha\u00eener les \u00e9checs. Perdre confiance, se m\u00e9sestimer, se ha\u00efr, s\u2019isoler, vouloir mourir. Manquer d\u2019humilit\u00e9. \u00catre orgueilleux, pr\u00e9tentieux, vaniteux. Marcher \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de ses pompes. Ne pas vouloir rentrer dans le moule. Angle : blocage = strat\u00e9gie honteuse pour ne pas faire face \u00e0 une cons\u00e9quence. Dispositif : dictionnaire personnel (entr\u00e9e \u201cbloquer\u201d) \u2192 exemples \u2192 une seule sc\u00e8ne qui prouve que le dictionnaire ment. **[910 \u2014 *02 novembre 2023* (2023-11-02)->https:\/\/ledibbouk.net\/02-novembre-2023.html]** >Les chemises blanches. Relire Barthes \u2014 \"Saponides et d\u00e9tergents\". Cette blancheur id\u00e9alis\u00e9e, m\u00e9diatis\u00e9e. Paic, Omo, Persil : les marques ressurgissent avec leurs parfums. Mais rien n\u2019\u00e9tait jamais aussi blanc qu\u2019\u00e0 la t\u00e9l\u00e9vision. Sauf les chemises de mon p\u00e8re. Le col, les poignets. Mais \u00e0 quel prix. Ma m\u00e8re, au-dessus de l\u2019\u00e9vier, frottant, K2R en main. Le blanc impeccable \u00e9tait une ascension. Une victoire quotidienne. Angle : la honte \u201carrive\u201d comme un \u00e9v\u00e9nement m\u00e9t\u00e9o (sans cause claire), donc perplexit\u00e9 active imm\u00e9diate. Dispositif : temps r\u00e9el + interruptions (micro-coupures, comme un Zoom qui freeze). **[[149 \u2014 *02 juin 2024* (2024-07-26)->https:\/\/ledibbouk.net\/02-juin-2024.html]** >Vertige de la chute, ralentissement du temps, des lueurs dans l\u2019obscurit\u00e9, chaleureuses, aimantes et qui ont le pouvoir de soulager la gravit\u00e9. Des anges. Qu\u2019as-tu fait de ta vie ? Et c\u2019est la projection d\u2019un film en acc\u00e9l\u00e9r\u00e9, un \u00e9vier qui se vide. Rien. \u00ab Ne te juge pas si s\u00e9v\u00e8rement \u00bb, me dit l\u2019une avec gentillesse, \u00ab il y a aussi tout ce que tu ne dis pas, le silence entre les images. \u00bb Au r\u00e9veil, l\u2019interstice est le gibier que j\u2019entrevois \u00e0 peine qu\u2019il s\u2019enfuit doucement dans le sous-bois. Angle : honte + t\u00e9moin (r\u00e9el ou imaginaire) : tu peux en faire une m\u00e9canique de tribunal int\u00e9rieur. Dispositif : \u201cproc\u00e8s-verbal\u201d : phrases courtes, constat, aucune psychologie, seulement des faits et des formulations. **Illustration** Andr\u00e9 Fougeron Massacre \u00e0 Sakiet (Tryptique de la honte III), 1958. Huile sur toile, 97 x 195 cm, Tate Modern London ", "image": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/IMG\/logo\/massacre_a_sakiet_1958.jpg?1765790673", "tags": ["r\u00e9flexions sur l'art", "hontes"] } ] }