{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/octobre-2025-3880.html", "url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/octobre-2025-3880.html", "title": "Octobre 2025-Synth\u00e8se du mois", "date_published": "2025-12-22T17:06:35Z", "date_modified": "2025-12-23T16:14:52Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

1er octobre<\/a><\/strong> — Lecture nocturne de Perturbation. Rien n\u2019y est apaisant, pourtant cette crudit\u00e9 calme. C\u2019est l\u2019absence d\u2019illusion qui agit. Papiers, devis, dents arrach\u00e9es. L\u2019arrogance des gestionnaires me coupe le souffle. Je serre les dents pour ne pas \u00eatre blessant. Ma fragilit\u00e9 dentaire vient peut-\u00eatre de l\u00e0. Inutile de nier qu\u2019on est un num\u00e9ro : vous l\u2019\u00eates. L\u2019histoire ne se d\u00e9cide pas en amont. Elle surgit une fois \u00e9crite.<\/p>\n

2 octobre<\/a><\/strong> — Je d\u00e9cide de modifier le rythme en supprimant la ponctuation. Cela devient une psalmodie. L\u2019\u00e9motion ne vient plus de ce que j\u2019\u00e9cris, mais de la mani\u00e8re dont je le lis. D\u00e9jeuner avec M. et B. Les conversations s\u2019orientent vers les maladies. L\u2019ennui s\u2019installent. Double mouvement de gratitude pour la pr\u00e9sence des amis et de fuite vers un silence qui m\u2019appartient seul.<\/p>\n

3 octobre<\/a><\/strong> — \u00c9crire est d\u2019abord une affaire avec soi-m\u00eame. J\u2019en fais un dossier sans t\u00e9moin, porte close. Parler de ce que j\u2019\u00e9cris m\u2019appara\u00eet obsc\u00e8ne. Peinture : deux heures \u00e0 chercher des clairs. \u00c0 la fin, j\u2019ai recul\u00e9 : j\u2019avais d\u00e9truit une grande part de ce qui tenait. Je ne m\u2019installe plus. Ni dans la peinture, ni dans l\u2019\u00e9criture. Je marche d\u2019un point immobile vers un point immobile.<\/p>\n

4 octobre<\/a><\/strong> — Mon p\u00e8re dans le couloir. Je vois sa bouche s\u2019ouvrir et se fermer sur l\u2019absence de dents. Hier je me suis regard\u00e9 dans la glace et j\u2019ai ouvert la bouche. Nous sommes pareils. \u00catre pareil ne m\u2019appara\u00eet plus aussi monstrueux. C\u2019est m\u00eame apaisant d\u2019une certaine fa\u00e7on. Je sais ce que c\u2019est que ne pas tomber.<\/p>\n

5 octobre<\/a><\/strong> — Je me r\u00e9veille d\u2019un coup. La masse arrive, d\u00e9j\u00e0 sur moi. Mon p\u00e8re revient comme \u00e7a. Sans pr\u00e9venir. Ancien militaire sans uniforme. Dans ma sueur, la sienne. Sel. Tabac. Cuir. Il se rue. M\u2019empoigne. Me couche au sol. Je bois br\u00fblant. Tasse. Table. Torchon. Align\u00e9s. \u00c7a tient.<\/p>\n

6 octobre<\/a><\/strong> — Plusieurs fois que je reprends le m\u00eame texte et, \u00e0 la fin, je l\u2019efface. Peut-\u00eatre qu\u2019aujourd\u2019hui il ne faut rien \u00e9crire. Seulement ce que je fais sur le site. Consid\u00e9rer le journal comme une sismographie. Retour \u00e0 mon c\u0153ur de m\u00e9tier : image, peinture, ligne, forme, vide et plein.<\/p>\n

7 octobre<\/a><\/strong> — Quelqu\u2019un a dit que c\u2019\u00e9tait un cauchemar et qu\u2019on allait se r\u00e9veiller. J\u2019ai fait hmm. Quand les gens dorment debout, il ne faut pas les contredire. Au point o\u00f9 nous en sommes, l\u2019\u00e9tonnement serait encore un pr\u00e9texte pour fabriquer du r\u00e9el. Cheap. Une lucidit\u00e9 qui peut vous p\u00e9ter entre les mains \u00e0 tout instant. Un genre de lampe-torche pour se diriger dans les t\u00e9n\u00e8bres.<\/p>\n

8 octobre<\/a><\/strong> — Si nos raisons sont des figures, le dialogue consiste \u00e0 proposer une meilleure mise en forme du vrai. Simenon : un crime pour ouvrir l\u2019humain. Le meurtre n\u2019est pas une fin mais un levier. La honte comme moteur. Simenon montre, il commente tr\u00e8s peu. Le r\u00e9el parle.<\/p>\n

9 octobre<\/a><\/strong> — Mal dormi, mauvaise humeur. L\u2019immense camion plant\u00e9 devant la maison. Le march\u00e9 quasi vide. Les gens au volant encore moins mis\u00e9ricordieux que d\u2019habitude. Parfois je pense \u00e0 la mort. Mourir, ne plus voir tout \u00e7a, bon d\u00e9barras.<\/p>\n

10 octobre<\/a><\/strong> — Je dis que je reconnais la fa\u00e7ade par trois signes simples : un vieux num\u00e9ro, un joint jauni, une tache. Je dis que c\u2019est incontestable, et je retire ma certitude. La m\u00e9moire adore les trajets courts et les gestes ronds. Je dis, pour finir en le d\u00e9faisant, que la v\u00e9rit\u00e9 de ces souvenirs tient dans la mani\u00e8re m\u00eame dont ils m\u2019\u00e9chappent.<\/p>\n

11 octobre<\/a><\/strong> — Page nue, marge large, blancs bloqu\u00e9s. Ici, j\u2019ai supprim\u00e9 les verbes pour \u00e9prouver l\u2019hypostase du nom. La page sert d\u2019unit\u00e9, non la phrase. Revenir sur les lieux par l\u2019imagination. Rester dans l\u2019ignorance et s\u2019y tenir, non dans l\u2019accablement mais dans la disponibilit\u00e9.<\/p>\n

12 octobre<\/a><\/strong> — On dit vivre au pr\u00e9sent. Le pr\u00e9sent n\u2019a pas lieu. Il se soutient d\u2019une lacune qu\u2019on nomme instant. Nommer l\u2019instant le retire. Rien \u00e0 retenir. Aller sans objet. Il y a, peut-\u00eatre, urgence. Non \u00e0 comprendre. \u00c0 sortir. Un pas se fait, sans direction.<\/p>\n

13 octobre<\/a><\/strong> — Pas \u00e9crit. La mise \u00e0 jour du site a pris le relais. L\u2019urgence d\u2019une bonne soupe m\u2019a d\u00e9tourn\u00e9. Lecture de Gros \u0153uvre de Joy Sorman. Rousseau revient : « les fruits \u00e0 tous, la terre \u00e0 personne ». Facture d\u2019eau : on paie pour confirmer qu\u2019on a pay\u00e9.<\/p>\n

14 octobre<\/a><\/strong> — Mon cousin C. est mort hier en pleine conversation t\u00e9l\u00e9phonique. La litt\u00e9rature para\u00eet tellement futile soudain. Comme si j\u2019\u00e9tais en col\u00e8re de ne pas l\u2019avoir mieux connu. D\u00e9part Lyon, m\u00e9decin. Une h\u00e9morragie. « Rendez \u00e0 C\u00e9sar » : se r\u00e9jouir du manque d\u2019argent, cela permet, parfois, de penser \u00e0 autre chose.<\/p>\n

15 octobre<\/a><\/strong> — Nous pensons revendre la maison. Pas de tristesse. Avoir un projet tient. Sur la route, vertige : il y a plus de morts que de vivants. J\u2019essaie d\u2019imaginer ma tombe. D\u00e9j\u00e0 un peu mort, je regarde sans rien dire. \u00c0 Caluire, je revois la dalle vide et un pot de chrysanth\u00e8mes.<\/p>\n

16 octobre<\/a><\/strong> — Elle choisit une photographie. Il dit : « Oublie tout. Peins le moment. » Elle fabrique sa palette, peint. Ils regardent sans parler. Il pose la tasse sur la soucoupe, exactement au point. L\u00e0 o\u00f9, tout \u00e0 l\u2019heure, il avait cru que la place bougeait.<\/p>\n

17 octobre<\/a><\/strong> — Je suis reparti en apn\u00e9e. Ce que j\u2019\u00e9cris ne me semble pas partageable. Pourtant je m\u2019acharne \u00e0 tenir le rythme. Comme un gardon qui gigote au bout d\u2019une ligne. Hier, sur le parking, trois feuilles jaunes en triangle. Cette \u00e9motion semblait m\u2019emporter vers un autre monde. Par la fiction, recr\u00e9er une r\u00e9alit\u00e9 plus acceptable.<\/p>\n

18 octobre<\/a><\/strong> — \u00c9prouver physiquement la vitesse du temps me terrifie autant qu\u2019elle me soulage. Au bout du compte il faut accepter de crever, d\u2019\u00eatre devenu quantit\u00e9 n\u00e9gligeable. Qu\u2019y a-t-il de plus attristant que voir ce que d\u2019autres ne voient pas et vivre parmi des somnambules ? La nuit, les r\u00eaves insistent : nous traversons la cour vide d\u2019un camp d\u2019extermination. Au r\u00e9veil, il reste une phrase : tant pis, au moins aurons-nous essay\u00e9.<\/p>\n

19 octobre<\/a><\/strong> — \u00c9tymologie de « suffoquer » : \u00e9touffer par la fum\u00e9e. Cela m\u2019a ramen\u00e9 \u00e0 l\u2019enfance, o\u00f9 nous braquions le soleil dans une loupe pour voir l\u2019herbe gr\u00e9siller. L\u2019empilement des taxes et des injustices produira le m\u00eame effet et fera lever une parole qui dise clairement non.<\/p>\n

20 octobre<\/a><\/strong> — L\u2019accumulation des r\u00eaves lucides semble corr\u00e9l\u00e9e \u00e0 la nourriture, aux soupes riches en vitamine B6. Tout ceci d\u00e9coulant des ennuis dentaires. Un mal pour un bien. Lorsque je vois l\u2019\u00e9tendue de mon ignorance en mati\u00e8re d\u2019outils informatiques, il arrive que je me d\u00e9prime. Et pourtant c\u2019est un plaisir, toujours, de se gratter les cro\u00fbtes.<\/p>\n

21 octobre<\/a><\/strong> — J\u2019ai tent\u00e9 de saisir les premi\u00e8res images hypnagogiques, mais l\u2019anesth\u00e9sie m\u2019a pris de vitesse. Dommage. Quand je me suis r\u00e9veill\u00e9, il y avait un plafond cr\u00e8me assez laid. Vie qui est ainsi faite : le pire et le meilleur se c\u00f4toyant sans cesse. Il para\u00eet que l\u2019univers n\u2019a pas seulement de l\u2019humour, il serait aussi conscient.<\/p>\n

22 octobre<\/a><\/strong> — J\u2019ai \u00e9crit sept petits textes d\u2019affil\u00e9e. Il se peut que cela ait un rapport avec le mot sept comme avec le mot r\u00eaves. Sensation p\u00e9nible d\u2019\u00eatre dans une suite de r\u00eaves s\u2019embo\u00eetant comme des poup\u00e9es russes. Publier est pour s\u2019en d\u00e9barrasser, comme on retourne un tableau contre un mur pour ne plus le voir.<\/p>\n

23 octobre<\/a><\/strong> — Adorno regarde les signes de ponctuation comme des petites figures. Pour lui, ce sont des gestes qui r\u00e8glent la respiration. Bruce Andrews soutient que lire Gertrude Stein, c\u2019est l\u00e2cher l\u2019id\u00e9e que les mots « repr\u00e9sentent » : la langue agit directement, par sons et rythmes.<\/p>\n

25 octobre<\/a><\/strong> — Le code et la composition des textes se r\u00e9pondent : qu\u2019une seule classe CSS soit modifi\u00e9e et tout l\u2019\u00e9difice se d\u00e9place. J\u2019ai parfois l\u2019impression de me r\u00e9fugier dans le code par crainte. C\u2019est sans doute plus proche du d\u00e9sir : je veux quelque chose et je redoute de l\u2019obtenir. J\u2019ai essay\u00e9 d\u2019\u00e9carter le d\u00e9sir ; le plus attristant fut la disparition de l\u2019humour.<\/p>\n

26 octobre<\/a><\/strong> — Re\u00e7u M. et C. C. me parle de sa chimio et m\u2019annonce qu\u2019il y renonce. « Quatre-vingts ans, je n\u2019ai plus envie d\u2019y retourner ». Cela me ram\u00e8ne \u00e0 Henri-Mondor, l\u2019op\u00e9ration de mon p\u00e8re. C\u2019est l\u00e0 que s\u2019est \u00e9vanoui quelque chose que je croyais \u00eatre la r\u00e9alit\u00e9. Ma g\u00e9n\u00e9ration a pu \u00eatre bern\u00e9e par le d\u00e9versement de grands id\u00e9aux, d\u00e9j\u00e0 produit par une \u00e9lite \u00e0 la solde des fabricants de r\u00e9alit\u00e9.<\/p>\n

27 octobre<\/a><\/strong> — Chez Gertrude Stein, le point n\u2019est pas un signal de fin mais un organe. Il permet au mouvement de continuer apr\u00e8s une prise d\u2019appui nette. La virgule aide, donc elle affaiblit. Le point ne materne pas, il d\u00e9cide. Tension descendue \u00e0 10. L\u2019infirmi\u00e8re me dit que c\u2019est pas mal. Tout ce qu\u2019il faut bricoler pour tenir. \u00c9conomie de respiration. Des points comme des paliers.<\/p>\n

28 octobre<\/a><\/strong> — Insupportable, la moindre exigence administrative. Toute cette morgue affich\u00e9e, cette farce grotesque. Le dibbouk me charrie : — Tu veux parler des cinq personnes de plus qui lisent tes articles ? — J\u2019ai quand m\u00eame doubl\u00e9 mon score, je r\u00e9torque. — Dispersion, tout \u00e7a ; tu \u00e9cris quand ton roman ? L\u00e0 je ne dis plus rien.<\/p>\n

29 octobre<\/a><\/strong> — Je ne dors toujours pas. J\u2019ai lu quelques livres de Gustave Le Rouge. Je pense \u00e0 FB, plong\u00e9 de son c\u00f4t\u00e9 dans la vie de Lovecraft. Chacun faisant comme il peut pour \u00e9chapper \u00e0 l\u2019imminence d\u2019une catastrophe. Ce chaos, ces peurs que l\u2019on ne cesse de nous brandir. Je crois que cet immense th\u00e9\u00e2tre de guignol montre \u00e0 quel point le syst\u00e8me est malade.<\/p>\n

30 octobre<\/a><\/strong> — J\u2019ouvre les yeux. Quelques secondes durant, le monde est neuf, propre, \u00e9tincelant. Puis quelqu\u2019un ricane de ce que j\u2019\u00e9cris, et tout redevient terne, sale, puant. La petite vengeance de l\u2019ordinaire sur l\u2019intact. En parcourant de nombreux sites hier : personne n\u2019\u00e9tale ses \u00e9tats d\u2019\u00e2me comme moi. Je dois \u00eatre une sorte de monstruosit\u00e9, une anomalie litt\u00e9raire.<\/p>\n

31 octobre<\/a><\/strong> — Impression d\u2019acc\u00e9l\u00e9ration du rythme enthousiasme\/d\u00e9pression. Sensation d\u2019\u00eatre balanc\u00e9 contre les murs. J\u2019imagine \u00eatre battu, rou\u00e9 de coups, sans pour autant broncher. Ce n\u2019est pas moi qu\u2019ils rouent de coups, c\u2019est eux-m\u00eames. Quand je discute avec les gens, ils sont ulc\u00e9r\u00e9s. Il va falloir que \u00e7a change, disent-ils, puis surgit un propos d\u00e9cal\u00e9. Vision de rats serr\u00e9s les uns contre les autres dans l\u2019obscurit\u00e9. Je n\u2019avais pas peur. Je pense que la chaleur humaine n\u2019est pas l\u2019apanage de sapiens.<\/p>", "content_text": " **[1er octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/1er-octobre-2025.html)** \u2014 Lecture nocturne de Perturbation. Rien n\u2019y est apaisant, pourtant cette crudit\u00e9 calme. C\u2019est l\u2019absence d\u2019illusion qui agit. Papiers, devis, dents arrach\u00e9es. L\u2019arrogance des gestionnaires me coupe le souffle. Je serre les dents pour ne pas \u00eatre blessant. Ma fragilit\u00e9 dentaire vient peut-\u00eatre de l\u00e0. Inutile de nier qu\u2019on est un num\u00e9ro : vous l\u2019\u00eates. L\u2019histoire ne se d\u00e9cide pas en amont. Elle surgit une fois \u00e9crite. **[2 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/2-octobre-2025.html)** \u2014 Je d\u00e9cide de modifier le rythme en supprimant la ponctuation. Cela devient une psalmodie. L\u2019\u00e9motion ne vient plus de ce que j\u2019\u00e9cris, mais de la mani\u00e8re dont je le lis. D\u00e9jeuner avec M. et B. Les conversations s\u2019orientent vers les maladies. L\u2019ennui s\u2019installent. Double mouvement de gratitude pour la pr\u00e9sence des amis et de fuite vers un silence qui m\u2019appartient seul. **[3 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/3-octobre-2025.html)** \u2014 \u00c9crire est d\u2019abord une affaire avec soi-m\u00eame. J\u2019en fais un dossier sans t\u00e9moin, porte close. Parler de ce que j\u2019\u00e9cris m\u2019appara\u00eet obsc\u00e8ne. Peinture : deux heures \u00e0 chercher des clairs. \u00c0 la fin, j\u2019ai recul\u00e9 : j\u2019avais d\u00e9truit une grande part de ce qui tenait. Je ne m\u2019installe plus. Ni dans la peinture, ni dans l\u2019\u00e9criture. Je marche d\u2019un point immobile vers un point immobile. **[4 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/4-octobre-2025.html)** \u2014 Mon p\u00e8re dans le couloir. Je vois sa bouche s\u2019ouvrir et se fermer sur l\u2019absence de dents. Hier je me suis regard\u00e9 dans la glace et j\u2019ai ouvert la bouche. Nous sommes pareils. \u00catre pareil ne m\u2019appara\u00eet plus aussi monstrueux. C\u2019est m\u00eame apaisant d\u2019une certaine fa\u00e7on. Je sais ce que c\u2019est que ne pas tomber. **[5 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/05-octobre-2025.html)** \u2014 Je me r\u00e9veille d\u2019un coup. La masse arrive, d\u00e9j\u00e0 sur moi. Mon p\u00e8re revient comme \u00e7a. Sans pr\u00e9venir. Ancien militaire sans uniforme. Dans ma sueur, la sienne. Sel. Tabac. Cuir. Il se rue. M\u2019empoigne. Me couche au sol. Je bois br\u00fblant. Tasse. Table. Torchon. Align\u00e9s. \u00c7a tient. **[6 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/06-octobre-2025.html)** \u2014 Plusieurs fois que je reprends le m\u00eame texte et, \u00e0 la fin, je l\u2019efface. Peut-\u00eatre qu\u2019aujourd\u2019hui il ne faut rien \u00e9crire. Seulement ce que je fais sur le site. Consid\u00e9rer le journal comme une sismographie. Retour \u00e0 mon c\u0153ur de m\u00e9tier : image, peinture, ligne, forme, vide et plein. **[7 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/07-octobre-2025.html)** \u2014 Quelqu\u2019un a dit que c\u2019\u00e9tait un cauchemar et qu\u2019on allait se r\u00e9veiller. J\u2019ai fait hmm. Quand les gens dorment debout, il ne faut pas les contredire. Au point o\u00f9 nous en sommes, l\u2019\u00e9tonnement serait encore un pr\u00e9texte pour fabriquer du r\u00e9el. Cheap. Une lucidit\u00e9 qui peut vous p\u00e9ter entre les mains \u00e0 tout instant. Un genre de lampe-torche pour se diriger dans les t\u00e9n\u00e8bres. **[8 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/08-octobre-2025.html)** \u2014 Si nos raisons sont des figures, le dialogue consiste \u00e0 proposer une meilleure mise en forme du vrai. Simenon : un crime pour ouvrir l\u2019humain. Le meurtre n\u2019est pas une fin mais un levier. La honte comme moteur. Simenon montre, il commente tr\u00e8s peu. Le r\u00e9el parle. **[9 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/09-octobre-2025.html)** \u2014 Mal dormi, mauvaise humeur. L\u2019immense camion plant\u00e9 devant la maison. Le march\u00e9 quasi vide. Les gens au volant encore moins mis\u00e9ricordieux que d\u2019habitude. Parfois je pense \u00e0 la mort. Mourir, ne plus voir tout \u00e7a, bon d\u00e9barras. **[10 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/10-octobre-2025.html)** \u2014 Je dis que je reconnais la fa\u00e7ade par trois signes simples : un vieux num\u00e9ro, un joint jauni, une tache. Je dis que c\u2019est incontestable, et je retire ma certitude. La m\u00e9moire adore les trajets courts et les gestes ronds. Je dis, pour finir en le d\u00e9faisant, que la v\u00e9rit\u00e9 de ces souvenirs tient dans la mani\u00e8re m\u00eame dont ils m\u2019\u00e9chappent. **[11 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/11-octobre-2025.html)** \u2014 Page nue, marge large, blancs bloqu\u00e9s. Ici, j\u2019ai supprim\u00e9 les verbes pour \u00e9prouver l\u2019hypostase du nom. La page sert d\u2019unit\u00e9, non la phrase. Revenir sur les lieux par l\u2019imagination. Rester dans l\u2019ignorance et s\u2019y tenir, non dans l\u2019accablement mais dans la disponibilit\u00e9. **[12 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/12-octobre-2025.html)** \u2014 On dit vivre au pr\u00e9sent. Le pr\u00e9sent n\u2019a pas lieu. Il se soutient d\u2019une lacune qu\u2019on nomme instant. Nommer l\u2019instant le retire. Rien \u00e0 retenir. Aller sans objet. Il y a, peut-\u00eatre, urgence. Non \u00e0 comprendre. \u00c0 sortir. Un pas se fait, sans direction. **[13 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/13-octobre-2025.html)** \u2014 Pas \u00e9crit. La mise \u00e0 jour du site a pris le relais. L\u2019urgence d\u2019une bonne soupe m\u2019a d\u00e9tourn\u00e9. Lecture de Gros \u0153uvre de Joy Sorman. Rousseau revient : \u00ab les fruits \u00e0 tous, la terre \u00e0 personne \u00bb. Facture d\u2019eau : on paie pour confirmer qu\u2019on a pay\u00e9. **[14 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/14-octobre-2025.html)** \u2014 Mon cousin C. est mort hier en pleine conversation t\u00e9l\u00e9phonique. La litt\u00e9rature para\u00eet tellement futile soudain. Comme si j\u2019\u00e9tais en col\u00e8re de ne pas l\u2019avoir mieux connu. D\u00e9part Lyon, m\u00e9decin. Une h\u00e9morragie. \u00ab Rendez \u00e0 C\u00e9sar \u00bb : se r\u00e9jouir du manque d\u2019argent, cela permet, parfois, de penser \u00e0 autre chose. **[15 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/15-octobre-2025.html)** \u2014 Nous pensons revendre la maison. Pas de tristesse. Avoir un projet tient. Sur la route, vertige : il y a plus de morts que de vivants. J\u2019essaie d\u2019imaginer ma tombe. D\u00e9j\u00e0 un peu mort, je regarde sans rien dire. \u00c0 Caluire, je revois la dalle vide et un pot de chrysanth\u00e8mes. **[16 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/16-octobre-2025.html)** \u2014 Elle choisit une photographie. Il dit : \u00ab Oublie tout. Peins le moment. \u00bb Elle fabrique sa palette, peint. Ils regardent sans parler. Il pose la tasse sur la soucoupe, exactement au point. L\u00e0 o\u00f9, tout \u00e0 l\u2019heure, il avait cru que la place bougeait. **[17 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/17-octobre-2025.html)** \u2014 Je suis reparti en apn\u00e9e. Ce que j\u2019\u00e9cris ne me semble pas partageable. Pourtant je m\u2019acharne \u00e0 tenir le rythme. Comme un gardon qui gigote au bout d\u2019une ligne. Hier, sur le parking, trois feuilles jaunes en triangle. Cette \u00e9motion semblait m\u2019emporter vers un autre monde. Par la fiction, recr\u00e9er une r\u00e9alit\u00e9 plus acceptable. **[18 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/18-octobre-2025.html)** \u2014 \u00c9prouver physiquement la vitesse du temps me terrifie autant qu\u2019elle me soulage. Au bout du compte il faut accepter de crever, d\u2019\u00eatre devenu quantit\u00e9 n\u00e9gligeable. Qu\u2019y a-t-il de plus attristant que voir ce que d\u2019autres ne voient pas et vivre parmi des somnambules ? La nuit, les r\u00eaves insistent : nous traversons la cour vide d\u2019un camp d\u2019extermination. Au r\u00e9veil, il reste une phrase : tant pis, au moins aurons-nous essay\u00e9. **[19 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/19-octobre-2025.html)** \u2014 \u00c9tymologie de \u00ab suffoquer \u00bb : \u00e9touffer par la fum\u00e9e. Cela m\u2019a ramen\u00e9 \u00e0 l\u2019enfance, o\u00f9 nous braquions le soleil dans une loupe pour voir l\u2019herbe gr\u00e9siller. L\u2019empilement des taxes et des injustices produira le m\u00eame effet et fera lever une parole qui dise clairement non. **[20 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/20-ocotbre-2025.html)** \u2014 L\u2019accumulation des r\u00eaves lucides semble corr\u00e9l\u00e9e \u00e0 la nourriture, aux soupes riches en vitamine B6. Tout ceci d\u00e9coulant des ennuis dentaires. Un mal pour un bien. Lorsque je vois l\u2019\u00e9tendue de mon ignorance en mati\u00e8re d\u2019outils informatiques, il arrive que je me d\u00e9prime. Et pourtant c\u2019est un plaisir, toujours, de se gratter les cro\u00fbtes. **[21 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/21-octobre-2025.html)** \u2014 J\u2019ai tent\u00e9 de saisir les premi\u00e8res images hypnagogiques, mais l\u2019anesth\u00e9sie m\u2019a pris de vitesse. Dommage. Quand je me suis r\u00e9veill\u00e9, il y avait un plafond cr\u00e8me assez laid. Vie qui est ainsi faite : le pire et le meilleur se c\u00f4toyant sans cesse. Il para\u00eet que l\u2019univers n\u2019a pas seulement de l\u2019humour, il serait aussi conscient. **[22 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/22-octobre-2025-3450.html)** \u2014 J\u2019ai \u00e9crit sept petits textes d\u2019affil\u00e9e. Il se peut que cela ait un rapport avec le mot sept comme avec le mot r\u00eaves. Sensation p\u00e9nible d\u2019\u00eatre dans une suite de r\u00eaves s\u2019embo\u00eetant comme des poup\u00e9es russes. Publier est pour s\u2019en d\u00e9barrasser, comme on retourne un tableau contre un mur pour ne plus le voir. **[23 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/23-octobre-2025.html)** \u2014 Adorno regarde les signes de ponctuation comme des petites figures. Pour lui, ce sont des gestes qui r\u00e8glent la respiration. Bruce Andrews soutient que lire Gertrude Stein, c\u2019est l\u00e2cher l\u2019id\u00e9e que les mots \u00ab repr\u00e9sentent \u00bb : la langue agit directement, par sons et rythmes. **[25 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/25-octobre-2025.html)** \u2014 Le code et la composition des textes se r\u00e9pondent : qu\u2019une seule classe CSS soit modifi\u00e9e et tout l\u2019\u00e9difice se d\u00e9place. J\u2019ai parfois l\u2019impression de me r\u00e9fugier dans le code par crainte. C\u2019est sans doute plus proche du d\u00e9sir : je veux quelque chose et je redoute de l\u2019obtenir. J\u2019ai essay\u00e9 d\u2019\u00e9carter le d\u00e9sir ; le plus attristant fut la disparition de l\u2019humour. **[26 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/26-octobre-2025.html)** \u2014 Re\u00e7u M. et C. C. me parle de sa chimio et m\u2019annonce qu\u2019il y renonce. \u00ab Quatre-vingts ans, je n\u2019ai plus envie d\u2019y retourner \u00bb. Cela me ram\u00e8ne \u00e0 Henri-Mondor, l\u2019op\u00e9ration de mon p\u00e8re. C\u2019est l\u00e0 que s\u2019est \u00e9vanoui quelque chose que je croyais \u00eatre la r\u00e9alit\u00e9. Ma g\u00e9n\u00e9ration a pu \u00eatre bern\u00e9e par le d\u00e9versement de grands id\u00e9aux, d\u00e9j\u00e0 produit par une \u00e9lite \u00e0 la solde des fabricants de r\u00e9alit\u00e9. **[27 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/27-octobre-2025.html)** \u2014 Chez Gertrude Stein, le point n\u2019est pas un signal de fin mais un organe. Il permet au mouvement de continuer apr\u00e8s une prise d\u2019appui nette. La virgule aide, donc elle affaiblit. Le point ne materne pas, il d\u00e9cide. Tension descendue \u00e0 10. L\u2019infirmi\u00e8re me dit que c\u2019est pas mal. Tout ce qu\u2019il faut bricoler pour tenir. \u00c9conomie de respiration. Des points comme des paliers. **[28 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/28-octobre-2025.html)** \u2014 Insupportable, la moindre exigence administrative. Toute cette morgue affich\u00e9e, cette farce grotesque. Le dibbouk me charrie : \u2014 Tu veux parler des cinq personnes de plus qui lisent tes articles ? \u2014 J\u2019ai quand m\u00eame doubl\u00e9 mon score, je r\u00e9torque. \u2014 Dispersion, tout \u00e7a ; tu \u00e9cris quand ton roman ? L\u00e0 je ne dis plus rien. **[29 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/29-octobre-2025.html)** \u2014 Je ne dors toujours pas. J\u2019ai lu quelques livres de Gustave Le Rouge. Je pense \u00e0 FB, plong\u00e9 de son c\u00f4t\u00e9 dans la vie de Lovecraft. Chacun faisant comme il peut pour \u00e9chapper \u00e0 l\u2019imminence d\u2019une catastrophe. Ce chaos, ces peurs que l\u2019on ne cesse de nous brandir. Je crois que cet immense th\u00e9\u00e2tre de guignol montre \u00e0 quel point le syst\u00e8me est malade. **[30 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/30-octobre-2025.html)** \u2014 J\u2019ouvre les yeux. Quelques secondes durant, le monde est neuf, propre, \u00e9tincelant. Puis quelqu\u2019un ricane de ce que j\u2019\u00e9cris, et tout redevient terne, sale, puant. La petite vengeance de l\u2019ordinaire sur l\u2019intact. En parcourant de nombreux sites hier : personne n\u2019\u00e9tale ses \u00e9tats d\u2019\u00e2me comme moi. Je dois \u00eatre une sorte de monstruosit\u00e9, une anomalie litt\u00e9raire. **[31 octobre](https:\/\/ledibbouk.net\/31-octobre-2025.html)** \u2014 Impression d\u2019acc\u00e9l\u00e9ration du rythme enthousiasme\/d\u00e9pression. Sensation d\u2019\u00eatre balanc\u00e9 contre les murs. J\u2019imagine \u00eatre battu, rou\u00e9 de coups, sans pour autant broncher. Ce n\u2019est pas moi qu\u2019ils rouent de coups, c\u2019est eux-m\u00eames. Quand je discute avec les gens, ils sont ulc\u00e9r\u00e9s. Il va falloir que \u00e7a change, disent-ils, puis surgit un propos d\u00e9cal\u00e9. Vision de rats serr\u00e9s les uns contre les autres dans l\u2019obscurit\u00e9. Je n\u2019avais pas peur. Je pense que la chaleur humaine n\u2019est pas l\u2019apanage de sapiens. ", "image": "", "tags": ["Carnet mensuel r\u00e9sum\u00e9"] } ] }