{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/decembre-2025-phrases.html", "url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/decembre-2025-phrases.html", "title": "d\u00e9cembre 2025 | phrases", "date_published": "2025-12-25T12:00:00Z", "date_modified": "2025-12-25T12:04:04Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

02 d\u00e9cembre 2025<\/h2>\n
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\u00c9videmment, les relations humaines \u00e9taient r\u00e9duites ; seul quelquefois, un coll\u00e8gue gymnaste grimpait jusqu\u2019\u00e0 lui en montant par l\u2019\u00e9chelle de corde ; ils s\u2019asseyaient tous les deux sur le trap\u00e8ze et restaient \u00e0 bavarder, en s\u2019appuyant sur les cordes, \u00e0 droite et \u00e0 gauche ; ou bien des ouvriers venaient r\u00e9parer le toit et \u00e9changeaient avec lui quelques mots par une fen\u00eatre ouverte ; ou bien un pompier venait v\u00e9rifier l\u2019\u00e9clairage de secours sur la galerie d\u2019en haut et lui lan\u00e7ait un mot respectueux, mais difficile \u00e0 comprendre<\/p>\n<\/blockquote>\n

-- Franz Kafka<\/strong>, le Trap\u00e9ziste, Artistes de la faim et autres r\u00e9cits, traduction Claude David.<\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : altidude, isolement, humour ]<\/p>\n

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Ainsi sommes nous \u00e0 ce point obs\u00e9d\u00e9s par nos propres vies, langage d\u00e9sormais, que l\u2019insistance s\u2019est d\u00e9plac\u00e9e. L\u2019insistance persiste centriquement, de sorte que l\u00e0 o\u00f9 l\u2019on cherchait jadis un vocabulaire pour id\u00e9es, on recherche maintenant des id\u00e9es pour vocabulaire.<\/p>\n<\/blockquote>\n

-- Lyn Hejinian<\/strong> : Si \u00e9crit c\u2019est \u00e9crire (trad.Martin Richet) Tombeau des envois \u00e9lectroniques<\/a><\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : blanc, typographie, po\u00e9sie vs pens\u00e9e]<\/p>\n

03 d\u00e9cembre 2025<\/h2>\n
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Et moi, dans ces deux minutes qu\u2019il a fallu pour que les doigts enfilent ces lignes sur le clavier blanc, c\u2019est se souvenir d\u2019une p\u00e9riode lointaine, un \u00e9t\u00e9 dans une ville pr\u00e9cise, o\u00f9 lire les russes, Dostoievski puis Tolsto\u00ef, et encore Tolsto\u00ef puis Dostoievski, avait dur\u00e9 plusieurs semaines et que de la m\u00eame fa\u00e7on parfois sortir \u00e9berlu\u00e9 dans la ville sans m\u00eame plus savoir ses heures, fin de la digression !<\/p>\n<\/blockquote>\n

-- Fran\u00e7ois Bon<\/strong>, pdf du 3 d\u00e9cembre 2025, Lovecraft carnet 1925 <\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : Radcliff, Lovecraft, roman Gothique, athmosph\u00e8re de lecture \u00e9chang\u00e9e, souvenirs de lectures personnelles, Girard et Dostoievski, critique dans un souterrain<\/em>, peut-\u00eatre 1988, chambre 30, Paris]<\/p>\n

04 d\u00e9cembre 2025<\/h2>\n
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Question de circonstance. Non pas, puisque C\u00e9sar, commentateur de ses propres guerres, lorsqu\u2019il \u00e9crit trois pages sur les m\u0153urs de ceux qu\u2019il combat, donne la plus grande place aux druides gaulois : ils connaissent l\u2019\u00e9criture et se servent, dit-il, de l\u2019alphabet grec, pour les comptes publics et priv\u00e9s. Mais ceux qui suivent l\u2019enseignement des druides doivent m\u00e9moriser par c\u0153ur des milliers de vers, dit C\u00e9sar, l\u2019ordre des mots est important : ils estiment que leur religion ne leur permet pas de confier \u00e0 l\u2019\u00e9criture la doctrine de leur enseignement. <\/p>\n<\/blockquote>\n

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Ce qui a \u00e9crit les tables que va chercher Mo\u00efse n\u2019a pas de figure ni de repr\u00e9sentation, mais on va le chercher \u00e0 travers toutes les figures r\u00e9unies de l\u2019hostilit\u00e9 et de l\u2019effroi. \u00c0 ce prix, o\u00f9 l\u2019homme se conquiert sur lui-m\u00eame, ce qu\u2019on ram\u00e8ne ne vient pas de l\u2019homme. Alors, quand on saura imprimer, \u00e0 la fin du quinzi\u00e8me si\u00e8cle, on ne doit pas s\u2019\u00e9tonner que l\u2019inventaire du vivant, planches d\u2019anatomie, flores, bestiaires, soit la premi\u00e8re t\u00e2che du livre.<\/p>\n<\/blockquote>\n

-- Fran\u00e7ois Bon, Apprendre l’invention 2011<\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : vie et mort, l’oral et l’\u00e9crit ]<\/p>\n

05 d\u00e9cembre 2025<\/h2>\n
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J\u2019ai sugg\u00e9r\u00e9 les mots « Esor umhrarum sum » mais n\u2019\u00e9tant plus s\u00fbr de rien dans ma vieillesse, je me rendis \u00e0 la biblioth\u00e8que de Brooklyn, rue Montague, pour v\u00e9rifier si ma formulation \u00e9tait aussi idiomatique que possible.<\/p>\n<\/blockquote>\n

--Howard Philipp Lovecraft<\/strong> Dans une lettre de 1926 re\u00e7u par PDF ( Une ann\u00e9e avec Lovecraft, le carnet de 1925, Fran\u00e7ois Bon<\/a><\/p>\n

[mots-cl\u00e9s :Pr\u00e9cision, effort, amiti\u00e9, orgueil ] <\/p>\n

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Quel d\u00e9but au monde, quand il a fallu des si\u00e8cles pour que seulement la question du d\u00e9but se pose comme telle.<\/p>\n<\/blockquote>\n

-- Fran\u00e7ois Bon<\/strong>, Apprendre l’invention<\/p>\n

[Mots-cl\u00e9s : Le temps, la relecture, la ( bonne ?) question]<\/p>\n

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Depuis vingt ans, Jean Vignol \u00e9crivait des romans-feuilletons pour les journaux populaires, des romans o\u00f9 il n\u2019\u00e9tait question, comme de juste, que d\u2019assassinats et d\u2019enfants substitu\u00e9s \u00e0 d\u2019autres d\u00e8s le berceau. Il n\u2019\u00e9tait vraiment pas plus maladroit que ses rivaux dans cette sp\u00e9cialit\u00e9. Si jamais vous faites une dangereuse maladie \u2013 ce dont Dieu vous garde ! \u2013 et si vous ne savez comment remplir les heures d\u2019ennui d\u2019une longue convalescence, lisez les Myst\u00e8res de M\u00e9nilmontant<\/em>, qui n\u2019ont pas moins de vingt-cinq mille lignes. Vous retrouverez l\u00e0 tous les ingr\u00e9dients accoutum\u00e9s de cette cuisine litt\u00e9raire.<\/p>\n<\/blockquote>\n

--Fran\u00e7ois Copp\u00e9e<\/strong>, Contes tout simples<\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : cuisine litt\u00e9raire, divertisssement, tromper l’ennui ]<\/p>\n

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Vous avez encore du mal \u00e0 donner des raisons cr\u00e9dibles et incarn\u00e9es aux actions de vos personnages. « Je ne sais pas ce qui m\u2019a pris » est une esquive. Dans la vie, on sait rarement, mais en litt\u00e9rature, il faut choisir une raison, m\u00eame tordue, et la sugg\u00e9rer par un d\u00e9tail. Ce n\u2019est pas de la psychologie, c\u2019est de la n\u00e9cessit\u00e9 narrative.<\/p>\n<\/blockquote>\n

--Deepseek, lors d’une r\u00e9ecriture de texte<\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : action, fonction, personnage]<\/p>\n

06 d\u00e9cembre 2025<\/h2>\n
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« Quelle scie ! se disait-il un soir de veille de No\u00ebl, en montant avec lenteur ses cinq \u00e9tages, car il devenait un peu asthmatique. Quelle scie ! Voil\u00e0 qu\u2019ils trouvent encore, au journal, que ma derni\u00e8re machine, Mazas et Compagnie<\/em>, manque de coups de couteau. Il va falloir que je ressuscite Bouffe-Toujours, mon for\u00e7at, que j\u2019ai fait pr\u00e9cipiter, il y a huit jours, du haut de la Tour Eiffel, et que je lui fournisse des victimes\u2026 Et, apr\u00e8s cette complaisance, vous verrez qu\u2019ils refuseront encore de me mettre \u00e0 vingt centimes la ligne\u2026 Ah ! la chienne de vie ! »<\/p>\n<\/blockquote>\n

--Fran\u00e7ois Copp\u00e9e<\/strong> Contes tout simples<\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : tarifs \u00e0 la ligne ]<\/p>\n

7 d\u00e9cembre 2025<\/h2>\n
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Dans ces pi\u00e8ces hautes et chaudes, des femmes en robe grise ou fonc\u00e9e vont et viennent en silence. Le long des murs, dans la profondeur de petites baignoires m\u00e9talliques, de minuscules avortons sont couch\u00e9s sans bruit, leurs yeux s\u00e9rieux tout grands ouverts. Ce sont les fruits malingres de femmes rong\u00e9es, sans \u00e2me, trapues, des femmes venant des banlieues de bois, plong\u00e9es dans le brouillard.\nLes pr\u00e9matur\u00e9s, au moment o\u00f9 on les am\u00e8ne ici, p\u00e8sent une livre, une livre et demie. \u00c0 chaque petite baignoire, on a accroch\u00e9 un tableau \u2013 c\u2019est la courbe de vie du nourrisson. D\u00e9sormais, ce n\u2019est plus une courbe. La ligne se redresse. Dans ces corps d\u2019une livre, la vie peine, irr\u00e9elle et languissante.\nNous tombons peu \u00e0 peu dans l\u2019engourdissement, et voici une autre facette imperceptible de cette mort : les femmes qui allaitent ont de moins en moins de lait.<\/p>\n<\/blockquote>\n

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D\u00e9sormais, il n\u2019y a plus ni Razoumovski, ni directrice. Dans les couloirs de Rastrelli, de leur d\u00e9marche rendue lourde par la grossesse, vont et viennent, tramant leurs savates, huit femmes aux ventres pro\u00e9minents.\nElles ne sont que huit. Mais le palais leur appartient. C\u2019est ainsi qu\u2019on l\u2019appelle : le Palais de la Maternit\u00e9.<\/p>\n<\/blockquote>\n

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Dimanche, jour de f\u00eate et de printemps, le camarade Spitzberg prononce un discours dans les salles du palais d\u2019Hiver.\nIl l\u2019a intitul\u00e9 : La personnalit\u00e9 mis\u00e9ricordieuse du Christ et les vomissures de l\u2019anath\u00e8me de la chr\u00e9tient\u00e9.\nDieu, chez le camarade Spitzberg, devient Monsieur Dieu, un pr\u00eatre devient un pope, un popeux ou, le plus souvent, un “ventripopant” (du mot ventre).\nIl traite toutes les religions de boutiques de charlatans et d\u2019exploiteurs, il vitup\u00e8re les papes, les \u00e9v\u00eaques, les archev\u00eaques, les rabbins isra\u00e9lites, et m\u00eame le dala\u00ef-lama, “dont la d\u00e9mocratie tib\u00e9taine abus\u00e9e place les excr\u00e9ments au rang de concoctions curatives”.<\/p>\n<\/blockquote>\n

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Pendant la “r\u00e9volution sociale”, nul ne se targuait d\u2019intentions plus nobles que le Commissariat \u00e0 l\u2019action sociale. Ses principes \u00e9taient empreints d\u2019une grande ambition. Des t\u00e2ches essentielles lui \u00e9taient confi\u00e9es : redressement imm\u00e9diat des \u00e2mes, r\u00e8gne de l\u2019amour \u00e9tabli par d\u00e9cret, pr\u00e9paration des citoyens \u00e0 une vie fi\u00e8re et \u00e0 la commune libre. Le commissariat n\u2019alla pas par quatre chemins pour atteindre ses objectifs.<\/p>\n<\/blockquote>\n

-- Isaac Babel<\/strong> Chroniques de l’an 18 et autres chroniques ( 1916) traduit du russe par Ir\u00e8ne Markowicz et C\u00e9cile T\u00e9rouanne sous la direction d\u2019Andr\u00e9 Markowicz<\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : pr\u00e9matur\u00e9s, nourrices, fruits malingres, une livre pour \u00eatre viable, Rastrelli, Maison de la Maternit\u00e9, l’amour par d\u00e9cret]<\/p>\n

09 d\u00e9cembre 2025<\/h2>\n
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Rapport\u00e9 aux temps verbaux, on pourrait dire que, dans la cr\u00e9ation artistique, on trouve toujours deux \u00e9tats, le « en faisant », et le « avoir fait » ou le « ayant \u00e9t\u00e9 fait ». J\u2019irais m\u00eame plus loin, on est confront\u00e9 l\u00e0 \u00e0 la diff\u00e9rence entre la vie et la mort. En faisant, on est vivant. Ayant fait, on est mort.<\/p>\n<\/blockquote>\n

-- Jean-Philippe Toussaint<\/strong> , \"C’est vous l’\u00e9crivain\" <\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : coulisses, making off, \u00eatre vivant en train d’\u00e9crire, puis mort enterr\u00e9 dans le livre ]<\/p>\n

11 d\u00e9cembre 2025<\/h2>\n
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Au fil des ans, les images que j\u2019ai conserv\u00e9es de ce monde \u00e0 l\u2019envers se sont m\u00e9lang\u00e9es \u00e0 celles de la salle des pas perdus* de la Centraal Station anversoise ; et aujourd\u2019hui, d\u00e8s que j\u2019essaie de me repr\u00e9senter cette salle d\u2019attente, je vois le Nocturama, et, quand je pense au Nocturama, j\u2019ai \u00e0 l\u2019esprit la salle d\u2019attente, vraisemblablement parce que cet apr\u00e8s-midi-l\u00e0, au sortir du parc animalier, je suis entr\u00e9 directement dans la gare ou plut\u00f4t je suis d\u2019abord rest\u00e9 un moment sur la place devant la gare, les yeux lev\u00e9s vers la fa\u00e7ade de ce b\u00e2timent fantastique que le matin, \u00e0 mon arriv\u00e9e, je n\u2019avais fait qu\u2019entrevoir.<\/p>\n<\/blockquote>\n

--Winfried Georg Maximilian Sebald<\/strong>, Austerlitz.<\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : Chiasme, antim\u00e9tabole ]<\/p>\n

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Si l\u2019on approche n\u00e9anmoins \u00e0 juste titre la juxtaposition et la coordination pour les opposer \u00e0 la subordination, c\u2019est qu\u2019ind\u00e9pendamment de la pr\u00e9sence ou de l\u2019absence d\u2019un terme de liaison, les deux premi\u00e8res op\u00e8rent sur le mode de l\u2019encha\u00eenement parataxique (qui joue \u00e9galement entre des mots et des syntagmes), alors que la troisi\u00e8me op\u00e8re par embo\u00eetement hypotaxique de propositions (\u00e0 l\u2019exclusion de tout autre constituant).<\/p>\n<\/blockquote>\n

--Martin Riegel<\/strong>, Grammaire m\u00e9thodique du fran\u00e7ais<\/p>\n

[Mots-cl\u00e9s : parataxe et hypotaxe]<\/p>\n

12 d\u00e9cembre 2025<\/h2>\n
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C\u2019est ma vie qui passe son temps \u00e0 couper (Ctrl+X) mon \u00e9criture. Je n\u2019arrive jamais \u00e0 m\u2019asseoir suffisamment longtemps pour r\u00e9diger deux ou trois pages d\u2019affil\u00e9e. Je proc\u00e8de plut\u00f4t en composant de petits paragraphes de quelques lignes, une quinzaine au maximum, que je couds ensuite entre eux. Dans ses Cahiers, Paul Val\u00e9ry d\u00e9crit une exp\u00e9rience similaire : \"Mon travail d\u2019\u00e9crivain consiste uniquement \u00e0 mettre en \u0153uvre (\u00e0 la lettre) des notes, des fragments \u00e9crits \u00e0 propos de tout, et \u00e0 toute \u00e9poque de mon histoire. Pour moi, traiter un sujet, c\u2019est amener des morceaux existants \u00e0 se grouper dans le sujet choisi bien plus tard ou impos\u00e9. (Val\u00e9ry, 1977, p. 245-246)\"<\/p>\n<\/blockquote>\n

-- Allan Deneuville<\/strong> Copier-coller : le tournant photographique de l\u2019\u00e9criture num\u00e9rique<\/a> Lu sur le site Liminaire<\/a><\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : Fragments, Val\u00e9ry (cahiers), Copie, plagiat]<\/p>\n

14 d\u00e9cembre 2025<\/h2>\n
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[...]Les « anciens » anges, rappelle-t-il, \u00e9taient des messagers, indissociables de la parole divine qu\u2019ils portaient. Ils descendaient vers les humains avec une annonce, un ordre, une promesse. Ils attestaient d\u2019un « en haut » bien r\u00e9el, structurant notre repr\u00e9sentation du monde en un axe clair : au-dessus \/ au-dessous, le ciel et la terre. Les « nouveaux » anges, ceux qui l\u2019obs\u00e8dent, n\u2019ont plus d\u2019ailes, plus de manteaux c\u00e9lestes et, surtout, plus aucun message. Ils marchent « en simples v\u00eatements de ville », parmi nous, difficilement reconnaissables, comme s\u2019ils n\u2019avaient plus de point d\u2019origine identifiable. Il ajoute m\u00eame qu\u2019il n\u2019est plus s\u00fbr qu\u2019il existe encore un « l\u00e0-haut » : cet endroit aurait c\u00e9d\u00e9 la place \u00e0 un « \u00e9ternel QUELQUE PART », colonis\u00e9 par « les structures insens\u00e9es des Elon Musk de ce monde », ces projets technologiques qui redessinent l\u2019espace et le temps. » <\/p>\n<\/blockquote>\n

--L\u00e1szl\u00f3 Krasznahorkai<\/strong> \u00e0 propos des anges sur le site Actualit\u00e9<\/a> via liminaire<\/a> <\/p>\n

[Mots-cl\u00e9s : Anges, Kabbale, verticalit\u00e9 perdue ]<\/p>\n

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Sur la premi\u00e8re photo, deux couples dansent. Clo avec son mari, \u00e0 c\u00f4t\u00e9 d\u2019eux, ma m\u00e8re et mon p\u00e8re. Ma m\u00e8re a l\u2019air d\u2019une enfant dans sa robe \u00e9cossaise, ce profil, c\u2019est celui de ma petite s\u0153ur, le temps n\u2019invente rien.<\/p>\n<\/blockquote>\n

--Caroline Diaz<\/strong>, Les heures creuses<\/a><\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : similitudes, boite en fer avec photographies de famille]<\/p>\n

21 d\u00e9cembre 2025<\/h2>\n
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\u00c0 la pharmacie, ne sachant pas quelle d\u00e9cision prendre, il t\u00e9l\u00e9phone \u00e0 sa compagne — All\u00f4 mon amour<\/em> et l\u2019irruption de ce mon amour dans l\u2019espace public \u00e9tait troublante, presque ind\u00e9cente, une intimit\u00e9 \u00e9tal\u00e9e l\u00e0, nous pla\u00e7ant dans une position de voyeuses involontaires.<\/p>\n<\/blockquote>\n

-- Caroline Diaz<\/strong> , Les heures creuses<\/a><\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : impudeur, curseur propre \u00e0 chacun(e) ]<\/p>\n

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Un po\u00e8me s\u2019\u00e9crit dans la tension, et dans l\u2019incertitude de ce qui affleure par surprise. <\/p>\n<\/blockquote>\n

--Pierre M\u00e9nard<\/strong>, Liminaire<\/a><\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : choix et [d\u00e9j\u00e0] r\u00e9v\u00e9lation]<\/p>\n

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Le patrouilleur Stephen McPhillips, 27 ans, du poste de police de Westchester dans le Bronx, a \u00e9t\u00e9 tu\u00e9 sur le coup hier soir par un choc \u00e9lectrique alors qu\u2019il tentait d\u2019ouvrir la porti\u00e8re d\u2019une berline Cadillac qui venait de\npercuter un lampadaire \u00e9lectrique \u00e0 l\u2019angle d\u2019Eastern Boulevard et de Pelham Parkwayet d\u2019endommager un c\u00e2ble alimentant un r\u00e9verb\u00e8re.<\/p>\n<\/blockquote>\n

--New York times <\/strong> du 21 d\u00e9cembre 1925 ( lu dans le pdf quotidien de F.B sur la vie de Lovecraft \u00e0 N.Y) <\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : mort idiote, Mario Puzzo , c’est idiot de mourir ]<\/p>\n

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Je suis all\u00e9, il n\u2019y a pas tr\u00e8s longtemps, sur la tombe de mon p\u00e8re, cela je le sais, et j\u2019ai relev\u00e9 la date de son d\u00e9c\u00e8s, de son d\u00e9c\u00e8s seulement, car celle de sa naissance m\u2019\u00e9tait indiff\u00e9rente, ce jour-l\u00e0.<\/p>\n<\/blockquote>\n

-- Samuel Beckett<\/strong> Premier amour<\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : Ce que l’on sait — ce jour-l\u00e0<\/em> ]<\/p>\n

22 d\u00e9cembre 2025<\/h2>\n
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Lorsque j\u2019ai remarqu\u00e9 qu\u2019il utilisait parfois l\u2019adjectif« damn », j\u2019ai craint un instant qu\u2019il ne soit grossier, mais j\u2019ai vite d\u00e9couvert que ce mot \u00e9tait sa seule forme de juron et qu\u2019il \u00e9tait totalement d\u00e9pourvu de vulgarit\u00e9.<\/p>\n<\/blockquote>\n

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Alors que les vapeurs commen\u00e7aient \u00e0 l\u2019envahir, il a griffonn\u00e9 des phrases incoh\u00e9rentes\nsur le mur avec un crayon \u00e0 papier. « Le pistolet ne fonctionne pas », pouvait-on lire\nsur l\u2019une d\u2019elles. En dessous, trois autres phrases moins lisibles : « Je suis toujours\ndebout », « Le gaz m\u2019envahit », « Je m\u2019\u00e9vanouis ». Deux mots indistincts terminaient\nses \u00e9crits : « Je dors ».<\/p>\n<\/blockquote>\n

--M\u00e9lange HP Lovecraft Fran\u00e7ois Bon, New-York-times du 22\/12\/1925<\/strong><\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : Kenneth Vrest Orton, sympathique, formidable, emphase, absurdit\u00e9]<\/p>\n

24 d\u00e9cembre 2025<\/h2>\n
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\u2013 Ha ! ha ! ha ! mais apr\u00e8s \u00e7a, vous trouverez m\u00eame du plaisir dans une rage de dents ! vous esclafferez-vous.\n\u2013 Eh quoi ? \u2013 M\u00eame dans une rage de dents, il y a du plaisir, vous r\u00e9pondrai-je. J\u2019ai eu une rage de dents pendant un mois ; je sais de quoi je parle. Sauf que, c\u2019est le cas de le dire, la rage, on ne la garde plus muette, on geint ; mais ces geignements-l\u00e0 ne sont pas sinc\u00e8res, ce sont des geignements retors, et tout le sel est l\u00e0, qu\u2019ils soient retors. Ces geignements traduisent le plaisir de celui qui souffre ; s\u2019il n\u2019en ressentait pas de plaisir, il ne geindrait pas. <\/p>\n<\/blockquote>\n

--F\u00c9DOR DOSTO\u00cfEVSKI<\/strong> LES CARNETS DU SOUS-SOL ( traduction d’Andr\u00e9 Markowitz)<\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : plaisir, rage, dedans]<\/p>\n

25 d\u00e9cembre 2025<\/h2>\n
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Vous avez foi en un palais de cristal \u00e0 jamais indestructible, c\u2019est-\u00e0-dire quelque chose \u00e0 quoi on ne pourra pas tirer la langue en douce ni dire mentalement “merde”.<\/p>\n<\/blockquote>\n

--F\u00c9DOR DOSTO\u00cfEVSKI<\/strong> LES CARNETS DU SOUS-SOL ( traduction d’Andr\u00e9 Markowitz)<\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : hachis, palais de cristal]<\/p>", "content_text": " ## 02 d\u00e9cembre 2025 >\u00c9videmment, les relations humaines \u00e9taient r\u00e9duites ; seul quelquefois, un coll\u00e8gue gymnaste grimpait jusqu\u2019\u00e0 lui en montant par l\u2019\u00e9chelle de corde ; ils s\u2019asseyaient tous les deux sur le trap\u00e8ze et restaient \u00e0 bavarder, en s\u2019appuyant sur les cordes, \u00e0 droite et \u00e0 gauche ; ou bien des ouvriers venaient r\u00e9parer le toit et \u00e9changeaient avec lui quelques mots par une fen\u00eatre ouverte ; ou bien un pompier venait v\u00e9rifier l\u2019\u00e9clairage de secours sur la galerie d\u2019en haut et lui lan\u00e7ait un mot respectueux, mais difficile \u00e0 comprendre \u2014 **Franz Kafka**, le Trap\u00e9ziste, Artistes de la faim et autres r\u00e9cits, traduction Claude David. [mots-cl\u00e9s: altidude, isolement, humour ] > Ainsi sommes nous \u00e0 ce point obs\u00e9d\u00e9s par nos propres vies, langage d\u00e9sormais, que l\u2019insistance s\u2019est d\u00e9plac\u00e9e. L\u2019insistance persiste centriquement, de sorte que l\u00e0 o\u00f9 l\u2019on cherchait jadis un vocabulaire pour id\u00e9es, on recherche maintenant des id\u00e9es pour vocabulaire. \u2014 **Lyn Hejinian** : Si \u00e9crit c\u2019est \u00e9crire (trad.Martin Richet) [Tombeau des envois \u00e9lectroniques ->http:\/\/www.doublechange.com\/issue4\/MR.pdf] [mots-cl\u00e9s : blanc, typographie, po\u00e9sie vs pens\u00e9e] ## 03 d\u00e9cembre 2025 >Et moi, dans ces deux minutes qu\u2019il a fallu pour que les doigts enfilent ces lignes sur le clavier blanc, c\u2019est se souvenir d\u2019une p\u00e9riode lointaine, un \u00e9t\u00e9 dans une ville pr\u00e9cise, o\u00f9 lire les russes, Dostoievski puis Tolsto\u00ef, et encore Tolsto\u00ef puis Dostoievski, avait dur\u00e9 plusieurs semaines et que de la m\u00eame fa\u00e7on parfois sortir \u00e9berlu\u00e9 dans la ville sans m\u00eame plus savoir ses heures, fin de la digression ! \u2014 **Fran\u00e7ois Bon**, pdf du 3 d\u00e9cembre 2025, Lovecraft carnet 1925 [mots-cl\u00e9s : Radcliff, Lovecraft, roman Gothique, athmosph\u00e8re de lecture \u00e9chang\u00e9e, souvenirs de lectures personnelles, Girard et Dostoievski, *critique dans un souterrain*, peut-\u00eatre 1988, chambre 30, Paris] ## 04 d\u00e9cembre 2025 >Question de circonstance. Non pas, puisque C\u00e9sar, commentateur de ses propres guerres, lorsqu\u2019il \u00e9crit trois pages sur les m\u0153urs de ceux qu\u2019il combat, donne la plus grande place aux druides gaulois : ils connaissent l\u2019\u00e9criture et se servent, dit-il, de l\u2019alphabet grec, pour les comptes publics et priv\u00e9s. Mais ceux qui suivent l\u2019enseignement des druides doivent m\u00e9moriser par c\u0153ur des milliers de vers, dit C\u00e9sar, l\u2019ordre des mots est important : ils estiment que leur religion ne leur permet pas de confier \u00e0 l\u2019\u00e9criture la doctrine de leur enseignement. >Ce qui a \u00e9crit les tables que va chercher Mo\u00efse n\u2019a pas de figure ni de repr\u00e9sentation, mais on va le chercher \u00e0 travers toutes les figures r\u00e9unies de l\u2019hostilit\u00e9 et de l\u2019effroi. \u00c0 ce prix, o\u00f9 l\u2019homme se conquiert sur lui-m\u00eame, ce qu\u2019on ram\u00e8ne ne vient pas de l\u2019homme. Alors, quand on saura imprimer, \u00e0 la fin du quinzi\u00e8me si\u00e8cle, on ne doit pas s\u2019\u00e9tonner que l\u2019inventaire du vivant, planches d\u2019anatomie, flores, bestiaires, soit la premi\u00e8re t\u00e2che du livre. \u2014 Fran\u00e7ois Bon, Apprendre l'invention 2011 [mots-cl\u00e9s : vie et mort, l'oral et l'\u00e9crit ] ## 05 d\u00e9cembre 2025 >J\u2019ai sugg\u00e9r\u00e9 les mots \u00ab Esor umhrarum sum \u00bb mais n\u2019\u00e9tant plus s\u00fbr de rien dans ma vieillesse, je me rendis \u00e0 la biblioth\u00e8que de Brooklyn, rue Montague, pour v\u00e9rifier si ma formulation \u00e9tait aussi idiomatique que possible. \u2014**Howard Philipp Lovecraft** Dans une lettre de 1926 re\u00e7u par PDF ( [Une ann\u00e9e avec Lovecraft, le carnet de 1925, Fran\u00e7ois Bon->https:\/\/www.tierslivre.net\/spip\/spip.php?article5362] [mots-cl\u00e9s :Pr\u00e9cision, effort, amiti\u00e9, orgueil ] >Quel d\u00e9but au monde, quand il a fallu des si\u00e8cles pour que seulement la question du d\u00e9but se pose comme telle. \u2014 **Fran\u00e7ois Bon**, Apprendre l'invention [Mots-cl\u00e9s: Le temps, la relecture, la ( bonne ?) question] >Depuis vingt ans, Jean Vignol \u00e9crivait des romans-feuilletons pour les journaux populaires, des romans o\u00f9 il n\u2019\u00e9tait question, comme de juste, que d\u2019assassinats et d\u2019enfants substitu\u00e9s \u00e0 d\u2019autres d\u00e8s le berceau. Il n\u2019\u00e9tait vraiment pas plus maladroit que ses rivaux dans cette sp\u00e9cialit\u00e9. Si jamais vous faites une dangereuse maladie \u2013 ce dont Dieu vous garde ! \u2013 et si vous ne savez comment remplir les heures d\u2019ennui d\u2019une longue convalescence, lisez les *Myst\u00e8res de M\u00e9nilmontant*, qui n\u2019ont pas moins de vingt-cinq mille lignes. Vous retrouverez l\u00e0 tous les ingr\u00e9dients accoutum\u00e9s de cette cuisine litt\u00e9raire. \u2014**Fran\u00e7ois Copp\u00e9e**, Contes tout simples [mots-cl\u00e9s: cuisine litt\u00e9raire, divertisssement, tromper l'ennui ] >Vous avez encore du mal \u00e0 donner des raisons cr\u00e9dibles et incarn\u00e9es aux actions de vos personnages. \u00ab Je ne sais pas ce qui m\u2019a pris \u00bb est une esquive. Dans la vie, on sait rarement, mais en litt\u00e9rature, il faut choisir une raison, m\u00eame tordue, et la sugg\u00e9rer par un d\u00e9tail. Ce n\u2019est pas de la psychologie, c\u2019est de la n\u00e9cessit\u00e9 narrative. \u2014Deepseek, lors d'une r\u00e9ecriture de texte [mots-cl\u00e9s: action, fonction, personnage] ## 06 d\u00e9cembre 2025 >\u00ab Quelle scie ! se disait-il un soir de veille de No\u00ebl, en montant avec lenteur ses cinq \u00e9tages, car il devenait un peu asthmatique. Quelle scie ! Voil\u00e0 qu\u2019ils trouvent encore, au journal, que ma derni\u00e8re machine, *Mazas et Compagnie*, manque de coups de couteau. Il va falloir que je ressuscite Bouffe-Toujours, mon for\u00e7at, que j\u2019ai fait pr\u00e9cipiter, il y a huit jours, du haut de la Tour Eiffel, et que je lui fournisse des victimes\u2026 Et, apr\u00e8s cette complaisance, vous verrez qu\u2019ils refuseront encore de me mettre \u00e0 vingt centimes la ligne\u2026 Ah ! la chienne de vie ! \u00bb \u2014**Fran\u00e7ois Copp\u00e9e** Contes tout simples [mots-cl\u00e9s: tarifs \u00e0 la ligne ] ## 7 d\u00e9cembre 2025 >Dans ces pi\u00e8ces hautes et chaudes, des femmes en robe grise ou fonc\u00e9e vont et viennent en silence. Le long des murs, dans la profondeur de petites baignoires m\u00e9talliques, de minuscules avortons sont couch\u00e9s sans bruit, leurs yeux s\u00e9rieux tout grands ouverts. Ce sont les fruits malingres de femmes rong\u00e9es, sans \u00e2me, trapues, des femmes venant des banlieues de bois, plong\u00e9es dans le brouillard. Les pr\u00e9matur\u00e9s, au moment o\u00f9 on les am\u00e8ne ici, p\u00e8sent une livre, une livre et demie. \u00c0 chaque petite baignoire, on a accroch\u00e9 un tableau \u2013 c\u2019est la courbe de vie du nourrisson. D\u00e9sormais, ce n\u2019est plus une courbe. La ligne se redresse. Dans ces corps d\u2019une livre, la vie peine, irr\u00e9elle et languissante. Nous tombons peu \u00e0 peu dans l\u2019engourdissement, et voici une autre facette imperceptible de cette mort : les femmes qui allaitent ont de moins en moins de lait. >D\u00e9sormais, il n\u2019y a plus ni Razoumovski, ni directrice. Dans les couloirs de Rastrelli, de leur d\u00e9marche rendue lourde par la grossesse, vont et viennent, tramant leurs savates, huit femmes aux ventres pro\u00e9minents. Elles ne sont que huit. Mais le palais leur appartient. C\u2019est ainsi qu\u2019on l\u2019appelle : le Palais de la Maternit\u00e9. >Dimanche, jour de f\u00eate et de printemps, le camarade Spitzberg prononce un discours dans les salles du palais d\u2019Hiver. Il l\u2019a intitul\u00e9 : La personnalit\u00e9 mis\u00e9ricordieuse du Christ et les vomissures de l\u2019anath\u00e8me de la chr\u00e9tient\u00e9. Dieu, chez le camarade Spitzberg, devient Monsieur Dieu, un pr\u00eatre devient un pope, un popeux ou, le plus souvent, un \u201cventripopant\u201d (du mot ventre). Il traite toutes les religions de boutiques de charlatans et d\u2019exploiteurs, il vitup\u00e8re les papes, les \u00e9v\u00eaques, les archev\u00eaques, les rabbins isra\u00e9lites, et m\u00eame le dala\u00ef-lama, \u201cdont la d\u00e9mocratie tib\u00e9taine abus\u00e9e place les excr\u00e9ments au rang de concoctions curatives\u201d. >Pendant la \u201cr\u00e9volution sociale\u201d, nul ne se targuait d\u2019intentions plus nobles que le Commissariat \u00e0 l\u2019action sociale. Ses principes \u00e9taient empreints d\u2019une grande ambition. Des t\u00e2ches essentielles lui \u00e9taient confi\u00e9es : redressement imm\u00e9diat des \u00e2mes, r\u00e8gne de l\u2019amour \u00e9tabli par d\u00e9cret, pr\u00e9paration des citoyens \u00e0 une vie fi\u00e8re et \u00e0 la commune libre. Le commissariat n\u2019alla pas par quatre chemins pour atteindre ses objectifs. \u2014 **Isaac Babel** Chroniques de l'an 18 et autres chroniques ( 1916) traduit du russe par Ir\u00e8ne Markowicz et C\u00e9cile T\u00e9rouanne sous la direction d\u2019Andr\u00e9 Markowicz [mots-cl\u00e9s : pr\u00e9matur\u00e9s, nourrices, fruits malingres, une livre pour \u00eatre viable, Rastrelli, Maison de la Maternit\u00e9, l'amour par d\u00e9cret] ## 09 d\u00e9cembre 2025 >Rapport\u00e9 aux temps verbaux, on pourrait dire que, dans la cr\u00e9ation artistique, on trouve toujours deux \u00e9tats, le \u00ab en faisant \u00bb, et le \u00ab avoir fait \u00bb ou le \u00ab ayant \u00e9t\u00e9 fait \u00bb. J\u2019irais m\u00eame plus loin, on est confront\u00e9 l\u00e0 \u00e0 la diff\u00e9rence entre la vie et la mort. En faisant, on est vivant. Ayant fait, on est mort. \u2014 **Jean-Philippe Toussaint** , \"C'est vous l'\u00e9crivain\" [mots-cl\u00e9s : coulisses, making off, \u00eatre vivant en train d'\u00e9crire, puis mort enterr\u00e9 dans le livre ] ##11 d\u00e9cembre 2025 >Au fil des ans, les images que j\u2019ai conserv\u00e9es de ce monde \u00e0 l\u2019envers se sont m\u00e9lang\u00e9es \u00e0 celles de la salle des pas perdus* de la Centraal Station anversoise ; et aujourd\u2019hui, d\u00e8s que j\u2019essaie de me repr\u00e9senter cette salle d\u2019attente, je vois le Nocturama, et, quand je pense au Nocturama, j\u2019ai \u00e0 l\u2019esprit la salle d\u2019attente, vraisemblablement parce que cet apr\u00e8s-midi-l\u00e0, au sortir du parc animalier, je suis entr\u00e9 directement dans la gare ou plut\u00f4t je suis d\u2019abord rest\u00e9 un moment sur la place devant la gare, les yeux lev\u00e9s vers la fa\u00e7ade de ce b\u00e2timent fantastique que le matin, \u00e0 mon arriv\u00e9e, je n\u2019avais fait qu\u2019entrevoir. \u2014**Winfried Georg Maximilian Sebald**, Austerlitz. [mots-cl\u00e9s: Chiasme, antim\u00e9tabole ] >Si l\u2019on approche n\u00e9anmoins \u00e0 juste titre la juxtaposition et la coordination pour les opposer \u00e0 la subordination, c\u2019est qu\u2019ind\u00e9pendamment de la pr\u00e9sence ou de l\u2019absence d\u2019un terme de liaison, les deux premi\u00e8res op\u00e8rent sur le mode de l\u2019encha\u00eenement parataxique (qui joue \u00e9galement entre des mots et des syntagmes), alors que la troisi\u00e8me op\u00e8re par embo\u00eetement hypotaxique de propositions (\u00e0 l\u2019exclusion de tout autre constituant). \u2014**Martin Riegel**, Grammaire m\u00e9thodique du fran\u00e7ais [Mots-cl\u00e9s : parataxe et hypotaxe] ## 12 d\u00e9cembre 2025 >C\u2019est ma vie qui passe son temps \u00e0 couper (Ctrl+X) mon \u00e9criture. Je n\u2019arrive jamais \u00e0 m\u2019asseoir suffisamment longtemps pour r\u00e9diger deux ou trois pages d\u2019affil\u00e9e. Je proc\u00e8de plut\u00f4t en composant de petits paragraphes de quelques lignes, une quinzaine au maximum, que je couds ensuite entre eux. Dans ses Cahiers, Paul Val\u00e9ry d\u00e9crit une exp\u00e9rience similaire : \"Mon travail d\u2019\u00e9crivain consiste uniquement \u00e0 mettre en \u0153uvre (\u00e0 la lettre) des notes, des fragments \u00e9crits \u00e0 propos de tout, et \u00e0 toute \u00e9poque de mon histoire. Pour moi, traiter un sujet, c\u2019est amener des morceaux existants \u00e0 se grouper dans le sujet choisi bien plus tard ou impos\u00e9. (Val\u00e9ry, 1977, p. 245-246)\" \u2014 **Allan Deneuville** [Copier-coller : le tournant photographique de l\u2019\u00e9criture num\u00e9rique->https:\/\/books.openedition.org\/ugaeditions\/49937] Lu sur le site [Liminaire->https:\/\/liminaire.fr\/creation\/livre-lecture\/article\/l-ecriture-a-l-ere-de-sa-reproductibilite-photographique] [mots-cl\u00e9s: Fragments, Val\u00e9ry (cahiers), Copie, plagiat] ## 14 d\u00e9cembre 2025 >[...]Les \u00ab anciens \u00bb anges, rappelle-t-il, \u00e9taient des messagers, indissociables de la parole divine qu\u2019ils portaient. Ils descendaient vers les humains avec une annonce, un ordre, une promesse. Ils attestaient d\u2019un \u00ab en haut \u00bb bien r\u00e9el, structurant notre repr\u00e9sentation du monde en un axe clair : au-dessus \/ au-dessous, le ciel et la terre. Les \u00ab nouveaux \u00bb anges, ceux qui l\u2019obs\u00e8dent, n\u2019ont plus d\u2019ailes, plus de manteaux c\u00e9lestes et, surtout, plus aucun message. Ils marchent \u00ab en simples v\u00eatements de ville \u00bb, parmi nous, difficilement reconnaissables, comme s\u2019ils n\u2019avaient plus de point d\u2019origine identifiable. Il ajoute m\u00eame qu\u2019il n\u2019est plus s\u00fbr qu\u2019il existe encore un \u00ab l\u00e0-haut \u00bb : cet endroit aurait c\u00e9d\u00e9 la place \u00e0 un \u00ab \u00e9ternel QUELQUE PART \u00bb, colonis\u00e9 par \u00ab les structures insens\u00e9es des Elon Musk de ce monde \u00bb, ces projets technologiques qui redessinent l\u2019espace et le temps. \u00bb \u2014**L\u00e1szl\u00f3 Krasznahorkai** \u00e0 propos des anges sur le site [Actualit\u00e9->https:\/\/actualitte.com\/article\/128099\/insolite\/laszlo-krasznahorkai-un-nobel-qui-parle-des-anges-faute-d-espoir] via [liminaire->https:\/\/liminaire.fr\/chronique\/entre-les-lignes\/article\/une-justesse-presque-secrete] [Mots-cl\u00e9s : Anges, Kabbale, verticalit\u00e9 perdue ] >Sur la premi\u00e8re photo, deux couples dansent. Clo avec son mari, \u00e0 c\u00f4t\u00e9 d\u2019eux, ma m\u00e8re et mon p\u00e8re. Ma m\u00e8re a l\u2019air d\u2019une enfant dans sa robe \u00e9cossaise, ce profil, c\u2019est celui de ma petite s\u0153ur, le temps n\u2019invente rien. \u2014**Caroline Diaz**, [Les heures creuses ->https:\/\/lesheurescreuses.net\/2025\/12\/07\/le-temps-ninvente-rien\/] [mots-cl\u00e9s : similitudes, boite en fer avec photographies de famille] ## 21 d\u00e9cembre 2025 >\u00c0 la pharmacie, ne sachant pas quelle d\u00e9cision prendre, il t\u00e9l\u00e9phone \u00e0 sa compagne \u2014 *All\u00f4 mon amour* et l\u2019irruption de ce mon amour dans l\u2019espace public \u00e9tait troublante, presque ind\u00e9cente, une intimit\u00e9 \u00e9tal\u00e9e l\u00e0, nous pla\u00e7ant dans une position de voyeuses involontaires. \u2014 **Caroline Diaz** , [Les heures creuses->https:\/\/lesheurescreuses.net\/2025\/12\/21\/ces-proximites-invisibles\/] [mots-cl\u00e9s : impudeur, curseur propre \u00e0 chacun(e) ] > Un po\u00e8me s\u2019\u00e9crit dans la tension, et dans l\u2019incertitude de ce qui affleure par surprise. \u2014**Pierre M\u00e9nard**, [Liminaire->https:\/\/liminaire.fr\/chronique\/entre-les-lignes\/article\/rien-a-gagner-ou-a-perdre] [mots-cl\u00e9s: choix et [d\u00e9j\u00e0] r\u00e9v\u00e9lation] >Le patrouilleur Stephen McPhillips, 27 ans, du poste de police de Westchester dans le Bronx, a \u00e9t\u00e9 tu\u00e9 sur le coup hier soir par un choc \u00e9lectrique alors qu\u2019il tentait d\u2019ouvrir la porti\u00e8re d\u2019une berline Cadillac qui venait de percuter un lampadaire \u00e9lectrique \u00e0 l\u2019angle d\u2019Eastern Boulevard et de Pelham Parkwayet d\u2019endommager un c\u00e2ble alimentant un r\u00e9verb\u00e8re. \u2014**New York times ** du 21 d\u00e9cembre 1925 ( lu dans le pdf quotidien de F.B sur la vie de Lovecraft \u00e0 N.Y) [mots-cl\u00e9s : mort idiote, Mario Puzzo , c'est idiot de mourir ] >Je suis all\u00e9, il n\u2019y a pas tr\u00e8s longtemps, sur la tombe de mon p\u00e8re, cela je le sais, et j\u2019ai relev\u00e9 la date de son d\u00e9c\u00e8s, de son d\u00e9c\u00e8s seulement, car celle de sa naissance m\u2019\u00e9tait indiff\u00e9rente, ce jour-l\u00e0. \u2014** Samuel Beckett** Premier amour [mots-cl\u00e9s: Ce que l'on sait \u2014 *ce jour-l\u00e0* ] ## 22 d\u00e9cembre 2025 >Lorsque j\u2019ai remarqu\u00e9 qu\u2019il utilisait parfois l\u2019adjectif\u00ab damn \u00bb, j\u2019ai craint un instant qu\u2019il ne soit grossier, mais j\u2019ai vite d\u00e9couvert que ce mot \u00e9tait sa seule forme de juron et qu\u2019il \u00e9tait totalement d\u00e9pourvu de vulgarit\u00e9. >Alors que les vapeurs commen\u00e7aient \u00e0 l\u2019envahir, il a griffonn\u00e9 des phrases incoh\u00e9rentes sur le mur avec un crayon \u00e0 papier. \u00ab Le pistolet ne fonctionne pas \u00bb, pouvait-on lire sur l\u2019une d\u2019elles. En dessous, trois autres phrases moins lisibles : \u00ab Je suis toujours debout \u00bb, \u00ab Le gaz m\u2019envahit \u00bb, \u00ab Je m\u2019\u00e9vanouis \u00bb. Deux mots indistincts terminaient ses \u00e9crits : \u00ab Je dors \u00bb. \u2014**M\u00e9lange HP Lovecraft Fran\u00e7ois Bon, New-York-times du 22\/12\/1925** [mots-cl\u00e9s: Kenneth Vrest Orton, sympathique, formidable, emphase, absurdit\u00e9] ## 24 d\u00e9cembre 2025 >\u2013 Ha ! ha ! ha ! mais apr\u00e8s \u00e7a, vous trouverez m\u00eame du plaisir dans une rage de dents ! vous esclafferez-vous. \u2013 Eh quoi ? \u2013 M\u00eame dans une rage de dents, il y a du plaisir, vous r\u00e9pondrai-je. J\u2019ai eu une rage de dents pendant un mois ; je sais de quoi je parle. Sauf que, c\u2019est le cas de le dire, la rage, on ne la garde plus muette, on geint ; mais ces geignements-l\u00e0 ne sont pas sinc\u00e8res, ce sont des geignements retors, et tout le sel est l\u00e0, qu\u2019ils soient retors. Ces geignements traduisent le plaisir de celui qui souffre ; s\u2019il n\u2019en ressentait pas de plaisir, il ne geindrait pas. \u2014**F\u00c9DOR DOSTO\u00cfEVSKI** LES CARNETS DU SOUS-SOL ( traduction d'Andr\u00e9 Markowitz) [mots-cl\u00e9s : plaisir, rage, dedans] ## 25 d\u00e9cembre 2025 >Vous avez foi en un palais de cristal \u00e0 jamais indestructible, c\u2019est-\u00e0-dire quelque chose \u00e0 quoi on ne pourra pas tirer la langue en douce ni dire mentalement \u201cmerde\u201d. \u2014**F\u00c9DOR DOSTO\u00cfEVSKI** LES CARNETS DU SOUS-SOL ( traduction d'Andr\u00e9 Markowitz) [mots-cl\u00e9s : hachis, palais de cristal] ", "image": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_0597.jpg?1764651083", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/novembre-2025-phrases.html", "url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/novembre-2025-phrases.html", "title": "Novembre 2025| phrases", "date_published": "2025-11-30T07:30:00Z", "date_modified": "2025-11-30T07:36:13Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

01 novembre 2025<\/h3>\n
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Le vrai Bourgeois, c\u2019est-\u00e0-dire, dans un sens moderne et aussi g\u00e9n\u00e9ral que possible, l\u2019homme qui ne fait aucun usage de la facult\u00e9 de penser et qui vit ou para\u00eet vivre sans avoir \u00e9t\u00e9 sollicit\u00e9, un seul jour, par le besoin de comprendre quoi que ce soit, l\u2019authentique et indiscutable Bourgeois est n\u00e9cessairement born\u00e9 dans son langage \u00e0 un tr\u00e8s petit nombre de formules.\n--L\u00e9on Bloy, Ex\u00e9g\u00e8se des lieux communs.\n[Mots-cl\u00e9s : borne, formule]<\/p>\n<\/blockquote>\n

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L\u2019enseignement est sup\u00e9rieur. La rentr\u00e9e est litt\u00e9raire. La dette est publique. Le secteur est priv\u00e9. La d\u00e9fense est nationale. Les t\u00eates sont chercheuses. L\u2019int\u00e9r\u00eat est g\u00e9n\u00e9ral. L\u2019intelligence est artificielle.\n-- Guillaume vissac Septembre 2025<\/a>\n[Mots-clef : Antanaclase, parataxe, parodie]<\/p>\n<\/blockquote>\n

02 novembre 2025<\/h2>\n
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L\u2019art, les pr\u00e9occupations intellectuelles, les sciences de la nature, de nombreuses formes d\u2019\u00e9rudition florissaient tr\u00e8s pr\u00e8s, dans le temps et dans l\u2019espace, des lieux de massacre et des camps de la mort. C\u2019est la nature et la signification d\u2019une telle proximit\u00e9 qu\u2019il faut examiner. Pour quelles raisons les traditions et les mod\u00e8les de conduite humanistes ont-ils si mal endigu\u00e9 la sauvagerie politique ? Ont-ils en r\u00e9alit\u00e9 constitu\u00e9 un frein, ou bien est-il plus sage de reconna\u00eetre dans la culture humaniste des appels pressants \u00e0 l\u2019autoritarisme et \u00e0 la cruaut\u00e9 ?\n-- George Steiner , Dans le ch\u00e2teau de Barbe Bleue\n[Mots-clef : Humanisme, barbarie]<\/p>\n<\/blockquote>\n

04 novembre 2025<\/h2>\n
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Et c\u2019est alors que je vis le paon. Du toit en terrasse d\u2019une maison voisine o\u00f9 flottait du linge mis \u00e0 s\u00e9cher, il sauta sur le rempart de sacs de sable, s\u2019avan\u00e7a majestueusement jusqu\u2019en son milieu, fit mine de d\u00e9ployer sa longue queue en une roue dont les nombreux yeux devaient simuler un monstre et effrayer tout agresseur potentiel, referma cependant son \u00e9ventail de plumes \u00e0 peine entrouvert, comme s\u2019il venait seulement de remarquer que la ruelle trou\u00e9e de nids-de-poule \u00e9tait d\u00e9serte, d\u00e9serte \u00e0 l\u2019exception d\u2019un taxi qui rampait en arri\u00e8re suivant une ligne serpentine, d\u00e9serte : pas un rival en vue, pas un admirateur, pas un ennemi.<\/p>\n<\/blockquote>\n

-- Christoph Ransmeyr, Atlas d’un homme inquiet.\n[mot-clef : \"je vis\", Argos, Inde, Penjab, Atelier]<\/p>\n

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Le pouvoir bourgeois fonde son lib\u00e9ralisme sur l\u2019absence de censure, mais il a constamment recours \u00e0 l\u2019abus de langage.\"\n-- Bernard No\u00ebl, blog de Joacquim Sen\u00e9<\/a>, via Karl Dubost<\/a>et Descartes\n[Mots-clef : Sensure, bon sens ]<\/p>\n<\/blockquote>\n

06 novembre 2025<\/h2>\n
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Si je me r\u00e9f\u00e8re \u00e0 ces pages, c\u2019est parce qu\u2019elles sont consacr\u00e9es \u00e0 une id\u00e9e centrale concernant la possibilit\u00e9 d\u2019une nouvelle po\u00e9tique en rupture totale avec la « dictature du discours » : « Dans toute grammaire, il y a une logique, et dans toute logique il y a une m\u00e9taphysique. Si on veut renouveler un langage, ce n\u2019est donc pas en op\u00e9rant des jongleries verbales, des vari\u00e9t\u00e9s “novatrices”, \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur de l\u2019\u00e9tat donn\u00e9 de la langue, c\u2019est en remontant jusqu\u2019\u00e0 la m\u00e9taphysique ». C\u2019est ce qu\u2019a fait Heidegger en d\u00e9celant dans les langues occidentales une pens\u00e9e m\u00e9taphysique particuli\u00e8re, « onto-th\u00e9ologique », c\u2019est-\u00e0-dire coup\u00e9e du monde et tourn\u00e9e vers les arri\u00e8re-mondes d\u00e9nonc\u00e9s par Nietzsche.\n-- Laurent Margantin sur la g\u00e9opo\u00e9tique de Kenneth White<\/a>\n[Mots-cl\u00e9s : Dictature du discours, grammaire, m\u00e9taphysique]<\/p>\n<\/blockquote>\n

08 novembre 2025<\/h2>\n
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« Aujourd\u2019hui la litt\u00e9rature est soutenue par une client\u00e8le de d\u00e9class\u00e9s ; nous sommes donc tous qui aimons la litt\u00e9rature des exil\u00e9s sociaux et nous emportons la litt\u00e9rature dans le maigre bagage de cet exil. »
\n-- Roland Barthes\n[Mots-cl\u00e9s : Nuit, gratuit\u00e9, r\u00e9sistance]<\/p>\n<\/blockquote>\n

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Bien que j\u2019aie investi beaucoup d\u2019efforts dans mon univers fictif, je ne pense pas vraiment l\u2019avoir invent\u00e9. Je l\u2019ai rencontr\u00e9 par hasard, et j\u2019ai continu\u00e9 ainsi \u00e0 t\u00e2tonner sans m\u00e9thode pr\u00e9cise \u2013 en laissant tomber un mill\u00e9naire par-ci, en oubliant une plan\u00e8te par-l\u00e0. Des gens s\u00e9rieux et consciencieux, en le baptisant l\u2019Univers de Hain, ont tent\u00e9 d\u2019en retracer l\u2019histoire et d\u2019en d\u00e9rouler le fil chronologique. Personnellement, je l\u2019appelle l\u2019Ekumen, et je pense que c\u2019est un cas d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9. Son fil chronologique ressemble \u00e0 ce qu\u2019un chaton retire du panier \u00e0 tricot, et son histoire est surtout constitu\u00e9e de trous.\n-- Ursula Le Guin L’anniversaire du monde<\/em>\n[mots-cl\u00e9s : Univers, fiiction, ansible, nommer ]<\/p>\n<\/blockquote>\n

10 novembre 2025<\/h2>\n
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« Le non savoir n\u2019est pas une ignorance, mais un acte difficile de d\u00e9passement de la connaissance ». \n--Gaston Bachelard lu sur le site de Judith Chancrin<\/a>\n[Mots-cl\u00e9s : Non savoir, connaissance]<\/p>\n<\/blockquote>\n

12 novembre 2025<\/h2>\n
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« Ces deux types, le quinteux et le « moitrinaire », ont entre eux d\u2019\u00e9tranges ressemblances. Le premier mod\u00e8le les chevauch\u00e9es \u00e0 travers l\u2019Europe et les intrigues de la Malmaison ou des Tuileries sur le flux et le reflux de son pancr\u00e9as. Le second confronte nos d\u00e9faites \u00e0 la forme de son nez ou \u00e0 la coupe de ses cheveux. Il semble que Waterloo ait eu lieu pour fournir de la copie \u00e0 Fr\u00e9d\u00e9ric et Sedan pour en fournir \u00e0 \u00c9mile. Nos d\u00e9sastres ont abouti \u00e0 ces incontinents ».\n--L\u00e9on Daudet (in Souvenirs des milieux litt\u00e9raires, politiques, artistiques et m\u00e9dicaux)\n[Mots-cl\u00e9s : Plagiat, moquerie]<\/p>\n<\/blockquote>\n

13 novembre 2025<\/h2>\n
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Ils parlaient une langue \u00e9trange, faite de mots emprunt\u00e9s, de concepts mal dig\u00e9r\u00e9s. \n-- Georges Perec, Les Choses, 1965\n[Mots-cl\u00e9s : jargon, para\u00eetre, gr\u00e9gaire]<\/p>\n<\/blockquote>\n

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Ils avaient des machines \u00e0 calculer d’une puissance incroyable, mais plus personne ne savait ce qu’il fallait calculer. \n--Jules Vernes, Paris au XXe si\u00e8cle (\u00e9crit en 1863, proph\u00e9tique)\n[mots-cl\u00e9s : blockchain, disruptif(ve)]<\/p>\n<\/blockquote>\n

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La civilisation des machines est une civilisation de l\u2019abdication\n--George Bernanos, La France et les robots. \n[mots-cl\u00e9s : responsabilit\u00e9 individuelle, fardeau de la libert\u00e9, choix, confort]<\/p>\n<\/blockquote>\n

14 novembre 2025<\/h2>\n
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La seule t\u00e2che de l\u2019artiste, c\u2019est d\u2019explorer des significations possibles, dont chacune prise \u00e0 part ne sera que mensonge (n\u00e9cessaire) mais dont la multiplicit\u00e9 sera la v\u00e9rit\u00e9 m\u00eame de l\u2019\u00e9crivain.\n--Roland Barthes ( en exergue de TUEURS DE FEMMES \u00c0 CIUDAD JU\u00c1REZ, 2666)\n[Mots-cl\u00e9s : Fiction et v\u00e9rit\u00e9]<\/p>\n<\/blockquote>\n

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Les brouillons de Monsieur Ouine nous apprennent que cette passivit\u00e9 du cr\u00e9ateur, si l\u2019on peut dire, atteignait un degr\u00e9 peu commun. Il nous est donn\u00e9, page apr\u00e8s page, d\u2019assister \u00e0 l\u2019apparition d\u2019abord\nlonguement ind\u00e9cise, puis tout \u00e0 coup identifi\u00e9e des images et des mouvements. \n--Daniel Pezeril ( Cahiers de Monsieur Ouine) \n[Mots-cl\u00e9s : Rester ind\u00e9cis le plus longtemps possible, orientation des oiseaux]<\/p>\n<\/blockquote>\n

15 novembre 2025<\/h2>\n
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Oui, mais voil\u00e0, ce qui s\u2019impose et saute aux yeux, d\u00e8s la rue, d\u00e8s cette rue du vieux Bordeaux, c\u2019est une science infus\u00e9e du paysage, ce sont des proc\u00e9dures de ruse et de lecture, ce sont des affects presque inconnus et secrets, li\u00e9s \u00e0 des lieux \u00e9prouv\u00e9s comme des territoires et parcourus depuis des si\u00e8cles : appeaux imitant la grive, la caille ou le sanglier, filets \u00e0 papillons, cordages, \u00e9puisettes et autres outils pour la p\u00eache \u00e0 pied, mais surtout filets et nasses de toutes tailles et de toutes sortes, \u00e0 grandes ou \u00e0 petites mailles, extensibles, souples, articul\u00e9s.\n-- Jean-Christophe Bailly Le D\u00e9paysement : Voyages en France\n[Mots-cl\u00e9s : retour, magasin de fourniture de p\u00eache, ruses, armes pour l’attente]<\/p>\n<\/blockquote>\n

16 novembre 2025<\/h3>\n
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Je ne puis tout bonnement pas croire aux conclusions que je tire de mon \u00e9tat actuel, qui dure d\u00e9ja depuis presque un an, il est trop grave pour cela. Je ne sais m\u00e9me pas si je puis dire que c\u2019est un \u00e9tat nouveau. Voici ce que je pense en r\u00e9alit\u00e9 : cet \u00e9tat est nouveau, j\u2019en ai connu d\u2019analogues, je n\u2019en ai pas encore connu d\u2019identique. Car je suis de pierre, je suis comme ma propre pierre tombale, il n\u2019y a la aucune faille possible pour le doute ou pour la foi, pour l’amour ou la r\u00e9pulsion, pour le courage ou pour I\u2019angoisse en particulier\nou en g\u00e9n\u00e9ral, seul vit un vague espoir, mais pas micux que ne vivent les inscriptions sur les tombes.\n--Franz Kafka, Journal, 15 novembre 1910 ( Livre de poche, biblio, traduction de Marthe Robert, page 16]<\/p>\n<\/blockquote>\n

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Du reste, y a t’il quelqu’un devant qui je ne m’incline pas ? \n--Franz Kafka, journal , 6 novembre 1916, ( Livre de poche, biblio, traduction de Marthe Robert, page 450]<\/p>\n<\/blockquote>\n

[Mots-cl\u00e9s : atteindre l’os, longueur des textes selon les ann\u00e9es ]<\/p>\n

17 novembre 2025<\/h2>\n
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Qui, parmi nos a\u00een\u00e9s, « fait face » aujourd\u2019hui ? Qui nous propose un autre monde, m\u00eame utopique, une pens\u00e9e nouvelle, m\u00eame d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9e ? Depuis quinze ans, quelle voix forte s\u2019est \u00e9lev\u00e9e pour nous assurer que nous n\u2019\u00e9tions pas seuls \u00e0 nous scandaliser des progr\u00e8s du mat\u00e9rialisme et de la b\u00eatise ? En guise de doctrine, on nous a offert quelques complots. En guise d\u2019\u00e9cole litt\u00e9raire, une technique de la ponctuation. En guise de renaissance religieuse, des abb\u00e9s psychanalystes. En guise de mystique, l\u2019absurde, et en guise de bonheur supr\u00eame, une esp\u00e8ce de confort standard. Une nouvelle revue litt\u00e9raire vient de na\u00eetre. Elle s\u2019appelle M\u00e9diation. M\u00e9diation ! Pourquoi pas Compromis ? Notre si\u00e8cle manquait d\u00e9j\u00e0 de c\u0153ur. Mais aujourd\u2019hui il y a pire : il est en train de manquer d\u2019esprit.\n--Jean-Ren\u00e9 Huguenin, \"Une autre jeunesse\"- la derni\u00e8re jeunesse r\u00e9volt\u00e9e, \u00e9dition du Seuil 1965 , page 58<\/p>\n<\/blockquote>\n

[mots-cl\u00e9s : ritournelle, m\u00e9lasse]<\/p>\n

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Je la trouvai. Elle \u00e9tait dans le dernier wagon, un des rares compartiments d\u2019o\u00f9 venait la pleine lumi\u00e8re du n\u00e9on. Belle ou non, je ne sais plus. Tr\u00e8s brune. Le double de mon \u00e2ge. En jupe noire \u00e0 grandes fleurs rouges, ses cuisses aux trois quarts d\u00e9couvertes, et me regardant fixement, comme je la regardais moi-m\u00eame, accoud\u00e9 \u00e0 la porte. J\u2019\u00e9tais blond. Les coupe-coupe du train se d\u00e9cha\u00eenaient pour nous, ils aff\u00fbtaient notre \u0153illade. Elle ne rabattit pas sa jupe sur ses genoux. Je fis durer le duel des regards jusqu\u2019\u00e0 ce qu\u2019elle ait les joues en feu. J\u2019entrai. Nous n\u2019e\u00fbmes pas un mot. Quand je tirai le rideau du compartiment, \u00e9teignis le n\u00e9on et allumai la veilleuse, j\u2019entendis seulement, derri\u00e8re mon dos, un murmure tomber d\u2019une voix coupante comme un verdict : Cosi, puis un bruit de banquette. Je me retournai vers elle : elle s\u2019\u00e9tait affal\u00e9e, cambr\u00e9e et expos\u00e9e haut \u00e0 la fa\u00e7on des b\u00eates, au milieu du si\u00e8ge o\u00f9 s\u2019enfouissaient ses cheveux de suie sur lesquels s\u00e8chement je rejetai sa jupe. Pas de temps perdu en paroles ou agaceries, l\u2019extr\u00eame, vite. L\u2019assaut, l\u2019\u00e9pouvante. Quand nos deux machettes se heurt\u00e8rent, la mienne pulsant dans le poil d\u2019or, la sienne dans la br\u00e8che de houille, elle r\u00e2la : Mamma mia. Nous jou\u00eemes presque aussit\u00f4t. Nous r\u00e9prim\u00e2mes le hurlement effroyable en grognements abjects.\n--Pierre Michon , j’\u00e9cris l’Illiade<\/strong>, 2025, Gallimard, page 12<\/p>\n<\/blockquote>\n

[Mots-cl\u00e9s : Description d’une locomotive, nuit de septembre, grande-ourse]<\/p>\n

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Comme dans J\u2019\u00e9cris l\u2019Iliade, l\u2019auteur d\u00e9boulonne l\u2019autel sur lequel on l\u2019a juch\u00e9 de fa\u00e7on anthume et r\u00e9v\u00e8le les coulisses de son \u00e9criture dramatique : « C\u2019est bien un amphigourique \u2018essai autobiographique\u2019, que vous m\u2019avez command\u00e9 ? » Avant d\u2019ajouter, r\u00e9affirmant la libert\u00e9 de l\u2019artiste, f\u00fbt-il soumis \u00e0 une commande : « Vous vouliez un Rembrandt de Hollande, d\u00e9j\u00e0 plein de gloses comme un \u0153uf, L\u2019Homme au casque ou Aristote caressant le buste d\u2019Hom\u00e8re ; et vous avez eu la malchance que je choisisse \u00e0 la place ce bronze grec dont personne n\u2019a entendu parler ».\n--Adrian Meyronnet, lu sur Diacritik<\/a><\/p>\n<\/blockquote>\n

[Mots-cl\u00e9s :anthume vs posthume, Alphonse Allais, post humius, apr\u00e8s avoir \u00e9t\u00e9 mis en terre, ante= avant ]<\/p>\n

20 novembre 2025<\/h2>\n
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J\u2019ai maintenant cent cinq ans, bon pied, bon \u0153il, excellent estomac, une femme ador\u00e9e, deux enfants septuag\u00e9naires, cinq petits-fils et petites-filles et douze arri\u00e8re-bambins qui font ma joie. Ce sont conditions d\u2019optimisme n\u00e9cessaires \u00e0 qui veut raconter sans fiel des aventures pass\u00e9es et douloureuses, car le d\u00e9faut de ces sortes d\u2019entreprises est souvent de teindre de vieux \u00e9v\u00e9nements avec une bile r\u00e9cente. <\/p>\n<\/blockquote>\n

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La premi\u00e8re impression des endroits et des \u00eatres saisit d\u00e9finitivement et cr\u00e9e une image qui ne ressemble point du tout \u00e0 celle que donne ensuite l\u2019habitude. <\/p>\n<\/blockquote>\n

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« Ici, nous dit-il gonfl\u00e9 d\u2019emphase, tous les pouvoirs, toutes les fonctions, toutes les attributions sont aux mains des docteurs. Le peuple est de malades, riches ou pauvres, de d\u00e9traqu\u00e9s, de d\u00e9ments. <\/p>\n<\/blockquote>\n

--L\u00e9on Daudet, Les morticoles.<\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : \u00e9v\u00e9nements, bile ]<\/p>\n

24 novembre 2025<\/h2>\n
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La situation ressemblait beaucoup \u00e0 une panne de voiture : on pouvait en penser tout ce qu\u2019on voulait, faire des suppositions sur ce qui ne marchait pas, en d\u00e9finitive, il fallait lever le capot et examiner le moteur pour trouver la nature exacte de la panne. Eyre r\u00e9solut de soulever le capot.<\/p>\n<\/blockquote>\n

--PhilippJos\u00e9 Farmer, Station du cauchemar 1982<\/p>\n

[Mots-cl\u00e9s : Soulever le capot, mettre les mains dans le cambouis]<\/p>\n

25 novembre 2025<\/h2>\n
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Le peintre a ceci de commun avec le barbouilleur, qu\u2019il se salit les mains. C\u2019est pr\u00e9cis\u00e9ment cela qui distingue l\u2019\u00e9crivain du journaliste.<\/p>\n<\/blockquote>\n

--Karl Krauss Pro Domo et Mondo <\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : l’\u00e9nergie perdue \u00e0 \u00e9crire des articles vs \u00e9crire, vanit\u00e9, avoir rien \u00e0 dire et l’\u00e9crire pour avoir quelque chose \u00e0 dire ]<\/p>\n

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Le capitaine Blacknaff \u00e9tait partout \u00e0 la fois. Il activait ses six hommes d’\u00e9quipage, consultait le vent et la mar\u00e9e, inspectait le large, une main sur les sourcils. C’\u00e9tait un gros gaillard, solidement construit par Bacchus et les Sil\u00e8nes. Bien que son ventre f\u00fbt un d\u00f4me, palais du liquide et du solide, sa t\u00eate \u00e9tait rest\u00e9e osseuse. Ses rides de la cinquantaine, tout ensemenc\u00e9es d’un poil roux, n’\u00e9taient que le relief et comme le moule d’une contraction hilare du visage, car le rire, large, bruyant, temp\u00e9tueux, formait la seule manifestation vitale du capitaine Blacknaff, c\u00e9l\u00e8bre tout le long de la Tamise par son in\u00e9puisable gaiet\u00e9. Ce rire \u00e9tait en trois actes : d’abord, un tressaillement de toute la personne qui partait des pieds et, par les colonnes des mollets, se transmettait \u00e0 l’\u00e9difice du torse, gonflait le cou et bleuissait les veines ; puis, une dilatation g\u00e9n\u00e9rale de la face o\u00f9 les yeux, la bouche s’\u00e9carquillaient, celle-ci d\u00e9couvrant trente-deux crocs intacts derri\u00e8re une barbe blonde comme un pot d’ale. Et cela n’allait point sans un bruit pareil au tonnerre, gras, ronflant, \u00e0 \u00e9clats successifs. Enfin, ce cataclysme s’apaisait avec lenteur, par fermeture des orifices et cessation de foudre. Or, \u00e0 peine jou\u00e9e, la pi\u00e8ce recommen\u00e7ait, pour la plus petite cause et quelquefois sans cause ou pour une cause inverse, car le rire exprimait toutes les passions du capitaine : la col\u00e8re comme l’all\u00e9gresse, et la luxure comme la crainte, le froid et le chaud, la faim et la soif, qu’il avait excessives et contradictoires et auxquelles il se laissait aller sans la moindre retenue.<\/p>\n<\/blockquote>\n

--L\u00e9on Daudet Le Voyage de Shakespeare<\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : description, rire, seule manifestation vitale]<\/p>\n

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Je suis le petit homme de verre, pas plus haut, certes, que trois pieds et demi, mais dot\u00e9 d’un grand pouvoir sur les destin\u00e9es des humains. Si tu es n\u00e9 sous une bonne \u00e9toile, monsieur le speaker, et qu’un jour, en te promenant dans la For\u00eat Noire, tu aper\u00e7ois devant toi un petit homme avec un chapeau pointu \u00e0 larges bords, un pourpoint, une culotte bouffante et des petits bas rouges, alors exprime bien vite un souhait parce que tu m’as vu.<\/p>\n<\/blockquote>\n

--Walter Benjamin, Coeur Froid, \u00c9crits radiophonique Traduit de l’allemand par PHILIPPE IVERNEL<\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : radio, voix, abstraction vs observation r\u00e9aliste]<\/p>\n

27 novembre 2025<\/h2>\n
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Je la revois dans les tiroirs de la commode \u2013 c\u2019est par ici qu\u2019il fallait commencer, j\u2019en \u00e9tais s\u00fbr, par cette commode centenaire h\u00e9rit\u00e9e de mon p\u00e8re, avec son plateau de marbre gris et rose fendu \u00e0 l\u2019angle sup\u00e9rieur gauche, son triangle presque isoc\u00e8le qui n\u2019a jamais \u00e9t\u00e9 perdu et qui reste l\u00e0, flottant comme un \u00eelot en forme de part de tarte ou de pizza \u2013 mais cass\u00e9 depuis quand et par qui ? \u2013 et qui n\u2019a jamais \u00e9t\u00e9 perdu ni jet\u00e9, m\u00eame si la commode, en un si\u00e8cle, n\u2019a sans doute pas subi un seul d\u00e9m\u00e9nagement, ou quelques-uns qu\u2019elle n\u2019aura v\u00e9cus qu\u2019\u00e0 l\u2019int\u00e9rieur de la maison, passant peut-\u00eatre, tra\u00een\u00e9e par deux saisonniers r\u00e9quisitionn\u00e9s pour l\u2019occasion, du rez-de-chauss\u00e9e au couloir de l\u2019\u00e9tage pour finir ici, dans la chambre du cerisier, qu\u2019on appelle chambre du cerisier depuis toujours, en sachant que ce toujours a commenc\u00e9 bien avant moi et avant mon p\u00e8re, qui lui aussi l\u2019appelait chambre du cerisier \u2013 depuis toujours nous a-t-il affirm\u00e9, sorte de v\u00e9rit\u00e9 ant\u00e9diluvienne nimb\u00e9e d\u2019une aura qu\u2019on percevait dans l\u2019intonation qu\u2019il avait en pronon\u00e7ant ce toujours, l\u2019air impressionn\u00e9 par le mot \u2013, surpris m\u00eame qu\u2019on lui demande confirmation, comme s\u2019il \u00e9tait indign\u00e9 qu\u2019on ait pu imaginer, nous, ses enfants, un avant le cerisier, un avant la chambre, comme si dans son esprit chambre et cerisier \u00e9taient li\u00e9s depuis l\u2019\u00e9ternit\u00e9. Pour nous, c\u2019est la chambre du cerisier et ce le sera encore longtemps, m\u00eame si plus personne n\u2019habite cette maison en hiver, les uns et les autres ne revenant s\u2019y pr\u00e9lasser que pendant les vacances scolaires en avril, parfois des week-ends avant que d\u00e9barque toute la fratrie, les femmes et les enfants d\u2019abord, mais aussi les cousins, les cousines, les amis et les amies d\u2019amis, tout ce petit peuple d\u2019\u00e9t\u00e9 qu\u2019on retrouve tous les ans, sirotant \u00e0 l\u2019ombre du cerisier ou des magnolias des Negronis et des Spritz pour les plus citadins d\u2019entre eux, du ros\u00e9 pamplemousse pour ceux qui sont rest\u00e9s vivre \u00e0 une encablure de la maison.<\/p>\n<\/blockquote>\n

--Laurent Mauvignier, La maison vide, Minuit, 2025 <\/p>\n

[mots-cl\u00e9s : exhibition, agacement, renoncement]<\/p>\n

29 novembre 2025<\/h2>\n
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Jim et moi ne parlions pas de nos \u00e9motions ou de nos pr\u00e9occupations, de nos doutes ou de nos angoisses, de nos d\u00e9sirs ou de nos r\u00eaves. Depuis que je n\u2019\u00e9tais plus enfant et qu\u2019il ne pouvait plus me punir en m\u2019emmenant \u00e0 la p\u00eache ou \u00e0 la chasse, nous ne faisions plus rien ensemble, sauf les apr\u00e8s-midi de juillet quand nous regardions le Tour de France.<\/p>\n<\/blockquote>\n

-- Thierry Crouzet, Mon p\u00e8re ce tueur. <\/p>\n

[mots cl\u00e9s : p\u00e8re et fils, m\u00eame pas le Tour, fusilliers, m\u00e9dailles, sac plastique au grenier ]<\/p>\n

30 novembre 2025<\/h2>\n
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Qu\u2019est-ce qui a arr\u00eat\u00e9 la main ? Une surprise ? Une douleur ? Un appel ? Une lassitude ? Parfois il n\u2019y a que quelques mots : « Clart\u00e9 du matin », « Peur de la nuit ». \u00c9clats d\u2019\u00e9criture !<\/p>\n<\/blockquote>\n

-- Pierre Deshusses, Avant Propos aux Cahiers In-octavo de Kafka <\/p>\n

[mots cl\u00e9s : Jankelevitch, l’inach\u00e8vement, la musique, pourquoi ?, pas de r\u00e9ponse, mais une nouvelle question ]<\/p>", "content_text": " ### 01 novembre 2025 >Le vrai Bourgeois, c\u2019est-\u00e0-dire, dans un sens moderne et aussi g\u00e9n\u00e9ral que possible, l\u2019homme qui ne fait aucun usage de la facult\u00e9 de penser et qui vit ou para\u00eet vivre sans avoir \u00e9t\u00e9 sollicit\u00e9, un seul jour, par le besoin de comprendre quoi que ce soit, l\u2019authentique et indiscutable Bourgeois est n\u00e9cessairement born\u00e9 dans son langage \u00e0 un tr\u00e8s petit nombre de formules. \u2014L\u00e9on Bloy, Ex\u00e9g\u00e8se des lieux communs. [Mots-cl\u00e9s: borne, formule] >L\u2019enseignement est sup\u00e9rieur. La rentr\u00e9e est litt\u00e9raire. La dette est publique. Le secteur est priv\u00e9. La d\u00e9fense est nationale. Les t\u00eates sont chercheuses. L\u2019int\u00e9r\u00eat est g\u00e9n\u00e9ral. L\u2019intelligence est artificielle. \u2014 Guillaume vissac [Septembre 2025->https:\/\/www.fuirestunepulsion.net\/spip.php?article7098] [Mots-clef: Antanaclase, parataxe, parodie] ## 02 novembre 2025 >L\u2019art, les pr\u00e9occupations intellectuelles, les sciences de la nature, de nombreuses formes d\u2019\u00e9rudition florissaient tr\u00e8s pr\u00e8s, dans le temps et dans l\u2019espace, des lieux de massacre et des camps de la mort. C\u2019est la nature et la signification d\u2019une telle proximit\u00e9 qu\u2019il faut examiner. Pour quelles raisons les traditions et les mod\u00e8les de conduite humanistes ont-ils si mal endigu\u00e9 la sauvagerie politique ? Ont-ils en r\u00e9alit\u00e9 constitu\u00e9 un frein, ou bien est-il plus sage de reconna\u00eetre dans la culture humaniste des appels pressants \u00e0 l\u2019autoritarisme et \u00e0 la cruaut\u00e9 ? \u2014 George Steiner , Dans le ch\u00e2teau de Barbe Bleue [Mots-clef: Humanisme, barbarie] ## 04 novembre 2025 >Et c\u2019est alors que je vis le paon. Du toit en terrasse d\u2019une maison voisine o\u00f9 flottait du linge mis \u00e0 s\u00e9cher, il sauta sur le rempart de sacs de sable, s\u2019avan\u00e7a majestueusement jusqu\u2019en son milieu, fit mine de d\u00e9ployer sa longue queue en une roue dont les nombreux yeux devaient simuler un monstre et effrayer tout agresseur potentiel, referma cependant son \u00e9ventail de plumes \u00e0 peine entrouvert, comme s\u2019il venait seulement de remarquer que la ruelle trou\u00e9e de nids-de-poule \u00e9tait d\u00e9serte, d\u00e9serte \u00e0 l\u2019exception d\u2019un taxi qui rampait en arri\u00e8re suivant une ligne serpentine, d\u00e9serte : pas un rival en vue, pas un admirateur, pas un ennemi. \u2014 Christoph Ransmeyr, Atlas d'un homme inquiet. [mot-clef: \"je vis\", Argos, Inde, Penjab, Atelier] >Le pouvoir bourgeois fonde son lib\u00e9ralisme sur l\u2019absence de censure, mais il a constamment recours \u00e0 l\u2019abus de langage.\" \u2014 Bernard No\u00ebl, blog de [Joacquim Sen\u00e9->https:\/\/jsene.net\/journal-eclate\/article\/sensure], via [Karl Dubost->https:\/\/la-grange.net\/2025\/10\/09\/descartes]et Descartes [Mots-clef: Sensure, bon sens ] ## 06 novembre 2025 >Si je me r\u00e9f\u00e8re \u00e0 ces pages, c\u2019est parce qu\u2019elles sont consacr\u00e9es \u00e0 une id\u00e9e centrale concernant la possibilit\u00e9 d\u2019une nouvelle po\u00e9tique en rupture totale avec la \u00ab dictature du discours \u00bb : \u00ab Dans toute grammaire, il y a une logique, et dans toute logique il y a une m\u00e9taphysique. Si on veut renouveler un langage, ce n\u2019est donc pas en op\u00e9rant des jongleries verbales, des vari\u00e9t\u00e9s \u201cnovatrices\u201d, \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur de l\u2019\u00e9tat donn\u00e9 de la langue, c\u2019est en remontant jusqu\u2019\u00e0 la m\u00e9taphysique \u00bb. C\u2019est ce qu\u2019a fait Heidegger en d\u00e9celant dans les langues occidentales une pens\u00e9e m\u00e9taphysique particuli\u00e8re, \u00ab onto-th\u00e9ologique \u00bb, c\u2019est-\u00e0-dire coup\u00e9e du monde et tourn\u00e9e vers les arri\u00e8re-mondes d\u00e9nonc\u00e9s par Nietzsche. \u2014 Laurent Margantin sur la [g\u00e9opo\u00e9tique de Kenneth White->https:\/\/www.poesibao.fr\/kenneth-white-le-grand-cycle-geopoetique-par-laurent-margantin-iii-6-etudes\/] [Mots-cl\u00e9s: Dictature du discours, grammaire, m\u00e9taphysique] ## 08 novembre 2025 >\u00ab Aujourd\u2019hui la litt\u00e9rature est soutenue par une client\u00e8le de d\u00e9class\u00e9s ; nous sommes donc tous qui aimons la litt\u00e9rature des exil\u00e9s sociaux et nous emportons la litt\u00e9rature dans le maigre bagage de cet exil. \u00bb \u2014 Roland Barthes [Mots-cl\u00e9s : Nuit, gratuit\u00e9, r\u00e9sistance] >Bien que j\u2019aie investi beaucoup d\u2019efforts dans mon univers fictif, je ne pense pas vraiment l\u2019avoir invent\u00e9. Je l\u2019ai rencontr\u00e9 par hasard, et j\u2019ai continu\u00e9 ainsi \u00e0 t\u00e2tonner sans m\u00e9thode pr\u00e9cise \u2013 en laissant tomber un mill\u00e9naire par-ci, en oubliant une plan\u00e8te par-l\u00e0. Des gens s\u00e9rieux et consciencieux, en le baptisant l\u2019Univers de Hain, ont tent\u00e9 d\u2019en retracer l\u2019histoire et d\u2019en d\u00e9rouler le fil chronologique. Personnellement, je l\u2019appelle l\u2019Ekumen, et je pense que c\u2019est un cas d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9. Son fil chronologique ressemble \u00e0 ce qu\u2019un chaton retire du panier \u00e0 tricot, et son histoire est surtout constitu\u00e9e de trous. \u2014 Ursula Le Guin *L'anniversaire du monde* [mots-cl\u00e9s : Univers, fiiction, ansible, nommer ] ## 10 novembre 2025 >\u00ab Le non savoir n\u2019est pas une ignorance, mais un acte difficile de d\u00e9passement de la connaissance \u00bb. \u2014Gaston Bachelard lu sur le site de [Judith Chancrin->https:\/\/judithchancrin.fr\/realisations\/encore-apres] [Mots-cl\u00e9s : Non savoir, connaissance] ## 12 novembre 2025 >\u00abCes deux types, le quinteux et le \u00abmoitrinaire\u00bb, ont entre eux d\u2019\u00e9tranges ressemblances. Le premier mod\u00e8le les chevauch\u00e9es \u00e0 travers l\u2019Europe et les intrigues de la Malmaison ou des Tuileries sur le flux et le reflux de son pancr\u00e9as. Le second confronte nos d\u00e9faites \u00e0 la forme de son nez ou \u00e0 la coupe de ses cheveux. Il semble que Waterloo ait eu lieu pour fournir de la copie \u00e0 Fr\u00e9d\u00e9ric et Sedan pour en fournir \u00e0 \u00c9mile. Nos d\u00e9sastres ont abouti \u00e0 ces incontinents\u00bb. \u2014L\u00e9on Daudet (in Souvenirs des milieux litt\u00e9raires, politiques, artistiques et m\u00e9dicaux) [Mots-cl\u00e9s: Plagiat, moquerie] ## 13 novembre 2025 > Ils parlaient une langue \u00e9trange, faite de mots emprunt\u00e9s, de concepts mal dig\u00e9r\u00e9s. \u2014 Georges Perec, Les Choses, 1965 [Mots-cl\u00e9s : jargon, para\u00eetre, gr\u00e9gaire] >Ils avaient des machines \u00e0 calculer d'une puissance incroyable, mais plus personne ne savait ce qu'il fallait calculer. \u2014Jules Vernes, Paris au XXe si\u00e8cle (\u00e9crit en 1863, proph\u00e9tique) [mots-cl\u00e9s : blockchain, disruptif(ve)] >La civilisation des machines est une civilisation de l\u2019abdication \u2014George Bernanos, La France et les robots. [mots-cl\u00e9s : responsabilit\u00e9 individuelle, fardeau de la libert\u00e9, choix, confort] ## 14 novembre 2025 >La seule t\u00e2che de l\u2019artiste, c\u2019est d\u2019explorer des significations possibles, dont chacune prise \u00e0 part ne sera que mensonge (n\u00e9cessaire) mais dont la multiplicit\u00e9 sera la v\u00e9rit\u00e9 m\u00eame de l\u2019\u00e9crivain. \u2014Roland Barthes ( en exergue de TUEURS DE FEMMES \u00c0 CIUDAD JU\u00c1REZ, 2666) [Mots-cl\u00e9s: Fiction et v\u00e9rit\u00e9] >Les brouillons de Monsieur Ouine nous apprennent que cette passivit\u00e9 du cr\u00e9ateur, si l\u2019on peut dire, atteignait un degr\u00e9 peu commun. Il nous est donn\u00e9, page apr\u00e8s page, d\u2019assister \u00e0 l\u2019apparition d\u2019abord longuement ind\u00e9cise, puis tout \u00e0 coup identifi\u00e9e des images et des mouvements. \u2014Daniel Pezeril ( Cahiers de Monsieur Ouine) [Mots-cl\u00e9s : Rester ind\u00e9cis le plus longtemps possible, orientation des oiseaux] ## 15 novembre 2025 >Oui, mais voil\u00e0, ce qui s\u2019impose et saute aux yeux, d\u00e8s la rue, d\u00e8s cette rue du vieux Bordeaux, c\u2019est une science infus\u00e9e du paysage, ce sont des proc\u00e9dures de ruse et de lecture, ce sont des affects presque inconnus et secrets, li\u00e9s \u00e0 des lieux \u00e9prouv\u00e9s comme des territoires et parcourus depuis des si\u00e8cles : appeaux imitant la grive, la caille ou le sanglier, filets \u00e0 papillons, cordages, \u00e9puisettes et autres outils pour la p\u00eache \u00e0 pied, mais surtout filets et nasses de toutes tailles et de toutes sortes, \u00e0 grandes ou \u00e0 petites mailles, extensibles, souples, articul\u00e9s. \u2014 Jean-Christophe Bailly Le D\u00e9paysement : Voyages en France [Mots-cl\u00e9s : retour, magasin de fourniture de p\u00eache, ruses, armes pour l'attente] ### 16 novembre 2025 >Je ne puis tout bonnement pas croire aux conclusions que je tire de mon \u00e9tat actuel, qui dure d\u00e9ja depuis presque un an, il est trop grave pour cela. Je ne sais m\u00e9me pas si je puis dire que c\u2019est un \u00e9tat nouveau. Voici ce que je pense en r\u00e9alit\u00e9 : cet \u00e9tat est nouveau, j\u2019en ai connu d\u2019analogues, je n\u2019en ai pas encore connu d\u2019identique. Car je suis de pierre, je suis comme ma propre pierre tombale, il n\u2019y a la aucune faille possible pour le doute ou pour la foi, pour l'amour ou la r\u00e9pulsion, pour le courage ou pour I\u2019angoisse en particulier ou en g\u00e9n\u00e9ral, seul vit un vague espoir, mais pas micux que ne vivent les inscriptions sur les tombes. \u2014Franz Kafka, Journal, 15 novembre 1910 ( Livre de poche, biblio, traduction de Marthe Robert, page 16] >Du reste, y a t'il quelqu'un devant qui je ne m'incline pas ? \u2014Franz Kafka, journal , 6 novembre 1916, ( Livre de poche, biblio, traduction de Marthe Robert, page 450] [Mots-cl\u00e9s: atteindre l'os, longueur des textes selon les ann\u00e9es ] ## 17 novembre 2025 >Qui, parmi nos a\u00een\u00e9s, \u00ab fait face \u00bb aujourd\u2019hui ? Qui nous propose un autre monde, m\u00eame utopique, une pens\u00e9e nouvelle, m\u00eame d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9e ? Depuis quinze ans, quelle voix forte s\u2019est \u00e9lev\u00e9e pour nous assurer que nous n\u2019\u00e9tions pas seuls \u00e0 nous scandaliser des progr\u00e8s du mat\u00e9rialisme et de la b\u00eatise ? En guise de doctrine, on nous a offert quelques complots. En guise d\u2019\u00e9cole litt\u00e9raire, une technique de la ponctuation. En guise de renaissance religieuse, des abb\u00e9s psychanalystes. En guise de mystique, l\u2019absurde, et en guise de bonheur supr\u00eame, une esp\u00e8ce de confort standard. Une nouvelle revue litt\u00e9raire vient de na\u00eetre. Elle s\u2019appelle M\u00e9diation. M\u00e9diation ! Pourquoi pas Compromis ? Notre si\u00e8cle manquait d\u00e9j\u00e0 de c\u0153ur. Mais aujourd\u2019hui il y a pire : il est en train de manquer d\u2019esprit. \u2014Jean-Ren\u00e9 Huguenin, \"Une autre jeunesse\"- la derni\u00e8re jeunesse r\u00e9volt\u00e9e, \u00e9dition du Seuil 1965 , page 58 [mots-cl\u00e9s: ritournelle, m\u00e9lasse] >Je la trouvai. Elle \u00e9tait dans le dernier wagon, un des rares compartiments d\u2019o\u00f9 venait la pleine lumi\u00e8re du n\u00e9on. Belle ou non, je ne sais plus. Tr\u00e8s brune. Le double de mon \u00e2ge. En jupe noire \u00e0 grandes fleurs rouges, ses cuisses aux trois quarts d\u00e9couvertes, et me regardant fixement, comme je la regardais moi-m\u00eame, accoud\u00e9 \u00e0 la porte. J\u2019\u00e9tais blond. Les coupe-coupe du train se d\u00e9cha\u00eenaient pour nous, ils aff\u00fbtaient notre \u0153illade. Elle ne rabattit pas sa jupe sur ses genoux. Je fis durer le duel des regards jusqu\u2019\u00e0 ce qu\u2019elle ait les joues en feu. J\u2019entrai. Nous n\u2019e\u00fbmes pas un mot. Quand je tirai le rideau du compartiment, \u00e9teignis le n\u00e9on et allumai la veilleuse, j\u2019entendis seulement, derri\u00e8re mon dos, un murmure tomber d\u2019une voix coupante comme un verdict : Cosi, puis un bruit de banquette. Je me retournai vers elle : elle s\u2019\u00e9tait affal\u00e9e, cambr\u00e9e et expos\u00e9e haut \u00e0 la fa\u00e7on des b\u00eates, au milieu du si\u00e8ge o\u00f9 s\u2019enfouissaient ses cheveux de suie sur lesquels s\u00e8chement je rejetai sa jupe. Pas de temps perdu en paroles ou agaceries, l\u2019extr\u00eame, vite. L\u2019assaut, l\u2019\u00e9pouvante. Quand nos deux machettes se heurt\u00e8rent, la mienne pulsant dans le poil d\u2019or, la sienne dans la br\u00e8che de houille, elle r\u00e2la : Mamma mia. Nous jou\u00eemes presque aussit\u00f4t. Nous r\u00e9prim\u00e2mes le hurlement effroyable en grognements abjects. \u2014Pierre Michon , **j'\u00e9cris l'Illiade**, 2025, Gallimard, page 12 [Mots-cl\u00e9s : Description d'une locomotive, nuit de septembre, grande-ourse] >Comme dans J\u2019\u00e9cris l\u2019Iliade, l\u2019auteur d\u00e9boulonne l\u2019autel sur lequel on l\u2019a juch\u00e9 de fa\u00e7on anthume et r\u00e9v\u00e8le les coulisses de son \u00e9criture dramatique : \u00ab C\u2019est bien un amphigourique \u2018essai autobiographique\u2019, que vous m\u2019avez command\u00e9 ? \u00bb Avant d\u2019ajouter, r\u00e9affirmant la libert\u00e9 de l\u2019artiste, f\u00fbt-il soumis \u00e0 une commande : \u00ab Vous vouliez un Rembrandt de Hollande, d\u00e9j\u00e0 plein de gloses comme un \u0153uf, L\u2019Homme au casque ou Aristote caressant le buste d\u2019Hom\u00e8re ; et vous avez eu la malchance que je choisisse \u00e0 la place ce bronze grec dont personne n\u2019a entendu parler \u00bb. \u2014Adrian Meyronnet, lu sur [Diacritik ->https:\/\/diacritik.com\/2025\/11\/17\/pierre-michon-une-epopee-du-corps-amoureux-ageladas-dargos-contre-thebes\/] [Mots-cl\u00e9s :anthume vs posthume, Alphonse Allais, post humius, apr\u00e8s avoir \u00e9t\u00e9 mis en terre, ante= avant ] ## 20 novembre 2025 >J\u2019ai maintenant cent cinq ans, bon pied, bon \u0153il, excellent estomac, une femme ador\u00e9e, deux enfants septuag\u00e9naires, cinq petits-fils et petites-filles et douze arri\u00e8re-bambins qui font ma joie. Ce sont conditions d\u2019optimisme n\u00e9cessaires \u00e0 qui veut raconter sans fiel des aventures pass\u00e9es et douloureuses, car le d\u00e9faut de ces sortes d\u2019entreprises est souvent de teindre de vieux \u00e9v\u00e9nements avec une bile r\u00e9cente. >La premi\u00e8re impression des endroits et des \u00eatres saisit d\u00e9finitivement et cr\u00e9e une image qui ne ressemble point du tout \u00e0 celle que donne ensuite l\u2019habitude. >\u00ab Ici, nous dit-il gonfl\u00e9 d\u2019emphase, tous les pouvoirs, toutes les fonctions, toutes les attributions sont aux mains des docteurs. Le peuple est de malades, riches ou pauvres, de d\u00e9traqu\u00e9s, de d\u00e9ments. \u2014L\u00e9on Daudet, Les morticoles. [mots-cl\u00e9s : \u00e9v\u00e9nements, bile ] ## 24 novembre 2025 >La situation ressemblait beaucoup \u00e0 une panne de voiture : on pouvait en penser tout ce qu\u2019on voulait, faire des suppositions sur ce qui ne marchait pas, en d\u00e9finitive, il fallait lever le capot et examiner le moteur pour trouver la nature exacte de la panne. Eyre r\u00e9solut de soulever le capot. \u2014PhilippJos\u00e9 Farmer, Station du cauchemar 1982 [Mots-cl\u00e9s : Soulever le capot, mettre les mains dans le cambouis] ## 25 novembre 2025 >Le peintre a ceci de commun avec le barbouilleur, qu\u2019il se salit les mains. C\u2019est pr\u00e9cis\u00e9ment cela qui distingue l\u2019\u00e9crivain du journaliste. \u2014Karl Krauss Pro Domo et Mondo [mots-cl\u00e9s: l'\u00e9nergie perdue \u00e0 \u00e9crire des articles vs \u00e9crire, vanit\u00e9, avoir rien \u00e0 dire et l'\u00e9crire pour avoir quelque chose \u00e0 dire ] >Le capitaine Blacknaff \u00e9tait partout \u00e0 la fois. Il activait ses six hommes d'\u00e9quipage, consultait le vent et la mar\u00e9e, inspectait le large, une main sur les sourcils. C'\u00e9tait un gros gaillard, solidement construit par Bacchus et les Sil\u00e8nes. Bien que son ventre f\u00fbt un d\u00f4me, palais du liquide et du solide, sa t\u00eate \u00e9tait rest\u00e9e osseuse. Ses rides de la cinquantaine, tout ensemenc\u00e9es d'un poil roux, n'\u00e9taient que le relief et comme le moule d'une contraction hilare du visage, car le rire, large, bruyant, temp\u00e9tueux, formait la seule manifestation vitale du capitaine Blacknaff, c\u00e9l\u00e8bre tout le long de la Tamise par son in\u00e9puisable gaiet\u00e9. Ce rire \u00e9tait en trois actes : d'abord, un tressaillement de toute la personne qui partait des pieds et, par les colonnes des mollets, se transmettait \u00e0 l'\u00e9difice du torse, gonflait le cou et bleuissait les veines ; puis, une dilatation g\u00e9n\u00e9rale de la face o\u00f9 les yeux, la bouche s'\u00e9carquillaient, celle-ci d\u00e9couvrant trente-deux crocs intacts derri\u00e8re une barbe blonde comme un pot d'ale. Et cela n'allait point sans un bruit pareil au tonnerre, gras, ronflant, \u00e0 \u00e9clats successifs. Enfin, ce cataclysme s'apaisait avec lenteur, par fermeture des orifices et cessation de foudre. Or, \u00e0 peine jou\u00e9e, la pi\u00e8ce recommen\u00e7ait, pour la plus petite cause et quelquefois sans cause ou pour une cause inverse, car le rire exprimait toutes les passions du capitaine : la col\u00e8re comme l'all\u00e9gresse, et la luxure comme la crainte, le froid et le chaud, la faim et la soif, qu'il avait excessives et contradictoires et auxquelles il se laissait aller sans la moindre retenue. \u2014L\u00e9on Daudet Le Voyage de Shakespeare [mots-cl\u00e9s: description, rire, seule manifestation vitale] >Je suis le petit homme de verre, pas plus haut, certes, que trois pieds et demi, mais dot\u00e9 d'un grand pouvoir sur les destin\u00e9es des humains. Si tu es n\u00e9 sous une bonne \u00e9toile, monsieur le speaker, et qu'un jour, en te promenant dans la For\u00eat Noire, tu aper\u00e7ois devant toi un petit homme avec un chapeau pointu \u00e0 larges bords, un pourpoint, une culotte bouffante et des petits bas rouges, alors exprime bien vite un souhait parce que tu m'as vu. \u2014Walter Benjamin, Coeur Froid, \u00c9crits radiophonique Traduit de l'allemand par PHILIPPE IVERNEL [mots-cl\u00e9s: radio, voix, abstraction vs observation r\u00e9aliste] ## 27 novembre 2025 >Je la revois dans les tiroirs de la commode \u2013 c\u2019est par ici qu\u2019il fallait commencer, j\u2019en \u00e9tais s\u00fbr, par cette commode centenaire h\u00e9rit\u00e9e de mon p\u00e8re, avec son plateau de marbre gris et rose fendu \u00e0 l\u2019angle sup\u00e9rieur gauche, son triangle presque isoc\u00e8le qui n\u2019a jamais \u00e9t\u00e9 perdu et qui reste l\u00e0, flottant comme un \u00eelot en forme de part de tarte ou de pizza \u2013 mais cass\u00e9 depuis quand et par qui ? \u2013 et qui n\u2019a jamais \u00e9t\u00e9 perdu ni jet\u00e9, m\u00eame si la commode, en un si\u00e8cle, n\u2019a sans doute pas subi un seul d\u00e9m\u00e9nagement, ou quelques-uns qu\u2019elle n\u2019aura v\u00e9cus qu\u2019\u00e0 l\u2019int\u00e9rieur de la maison, passant peut-\u00eatre, tra\u00een\u00e9e par deux saisonniers r\u00e9quisitionn\u00e9s pour l\u2019occasion, du rez-de-chauss\u00e9e au couloir de l\u2019\u00e9tage pour finir ici, dans la chambre du cerisier, qu\u2019on appelle chambre du cerisier depuis toujours, en sachant que ce toujours a commenc\u00e9 bien avant moi et avant mon p\u00e8re, qui lui aussi l\u2019appelait chambre du cerisier \u2013 depuis toujours nous a-t-il affirm\u00e9, sorte de v\u00e9rit\u00e9 ant\u00e9diluvienne nimb\u00e9e d\u2019une aura qu\u2019on percevait dans l\u2019intonation qu\u2019il avait en pronon\u00e7ant ce toujours, l\u2019air impressionn\u00e9 par le mot \u2013, surpris m\u00eame qu\u2019on lui demande confirmation, comme s\u2019il \u00e9tait indign\u00e9 qu\u2019on ait pu imaginer, nous, ses enfants, un avant le cerisier, un avant la chambre, comme si dans son esprit chambre et cerisier \u00e9taient li\u00e9s depuis l\u2019\u00e9ternit\u00e9. Pour nous, c\u2019est la chambre du cerisier et ce le sera encore longtemps, m\u00eame si plus personne n\u2019habite cette maison en hiver, les uns et les autres ne revenant s\u2019y pr\u00e9lasser que pendant les vacances scolaires en avril, parfois des week-ends avant que d\u00e9barque toute la fratrie, les femmes et les enfants d\u2019abord, mais aussi les cousins, les cousines, les amis et les amies d\u2019amis, tout ce petit peuple d\u2019\u00e9t\u00e9 qu\u2019on retrouve tous les ans, sirotant \u00e0 l\u2019ombre du cerisier ou des magnolias des Negronis et des Spritz pour les plus citadins d\u2019entre eux, du ros\u00e9 pamplemousse pour ceux qui sont rest\u00e9s vivre \u00e0 une encablure de la maison. \u2014Laurent Mauvignier, La maison vide, Minuit, 2025 [mots-cl\u00e9s: exhibition, agacement, renoncement] ## 29 novembre 2025 >Jim et moi ne parlions pas de nos \u00e9motions ou de nos pr\u00e9occupations, de nos doutes ou de nos angoisses, de nos d\u00e9sirs ou de nos r\u00eaves. Depuis que je n\u2019\u00e9tais plus enfant et qu\u2019il ne pouvait plus me punir en m\u2019emmenant \u00e0 la p\u00eache ou \u00e0 la chasse, nous ne faisions plus rien ensemble, sauf les apr\u00e8s-midi de juillet quand nous regardions le Tour de France. \u2014 Thierry Crouzet, Mon p\u00e8re ce tueur. [mots cl\u00e9s : p\u00e8re et fils, m\u00eame pas le Tour, fusilliers, m\u00e9dailles, sac plastique au grenier ] ## 30 novembre 2025 >Qu\u2019est-ce qui a arr\u00eat\u00e9 la main ? Une surprise ? Une douleur ? Un appel ? Une lassitude ? Parfois il n\u2019y a que quelques mots : \u00ab Clart\u00e9 du matin \u00bb, \u00ab Peur de la nuit \u00bb. \u00c9clats d\u2019\u00e9criture ! \u2014 Pierre Deshusses, Avant Propos aux Cahiers In-octavo de Kafka [mots cl\u00e9s: Jankelevitch, l'inach\u00e8vement, la musique, pourquoi ?, pas de r\u00e9ponse, mais une nouvelle question ] ", "image": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_20161128_104959.jpg?1761974451", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/septembre-octobre-2025-phrases.html", "url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/septembre-octobre-2025-phrases.html", "title": "Septembre-octobre 2025 | phrases", "date_published": "2025-10-30T22:40:00Z", "date_modified": "2025-10-31T08:08:34Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

29 septembre 2025<\/h3>\n
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« Faire l\u2019exp\u00e9rience qu\u2019on n\u2019est rien est une chose n\u00e9cessaire sur le chemin de la vie. »\n-- Nicolas Bouvier\n[Mots-cl\u00e9s :vide, rien] <\/p>\n<\/blockquote>\n


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30 septembre 2025<\/h3>\n
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\"Pour rendre compte d\u2019une vie soumise \u00e0 la n\u00e9cessit\u00e9, je n\u2019ai pas le droit de prendre le parti de l\u2019art, ni de chercher \u00e0 faire quelque chose de « passionnant », ou « d\u2019\u00e9mouvant »\n--Annie Ernaux\n[Mots-cl\u00e9s : justesse]<\/p>\n<\/blockquote>\n

04 octobre 2025<\/h3>\n
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\"Raconter une histoire (je pense \u00e0 C. Rihoit), c\u2019est tarte. La construction peut seule donner de l\u2019int\u00e9r\u00eat \u00e0 ce que je ferai. Les meilleurs passages dans La place sont ceux qui coupent, tranchent, le fragment est vraiment important.\"\n--Annie Ernaux\n[Mots-cl\u00e9s :histoire, fragment]<\/p>\n<\/blockquote>\n


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05 octobre 2025<\/h3>\n
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\"Le mot « persil », anciennement \u00e9crit « perresil », appara\u00eet dans la langue fran\u00e7aise vers le XIIIe si\u00e8cle. D\u00e9rivant du terme grec « petroselinon », traduit par « petroselinum » en latin, il d\u00e9signait \u00e0 l\u2019\u00e9poque le « c\u00e9leri des rochers ». Effectivement, les gens consid\u00e9raient le persil et le c\u00e9leri comme \u00e9tant de la m\u00eame esp\u00e8ce ou de la m\u00eame plante, mais issus de vari\u00e9t\u00e9s diff\u00e9rentes. L\u2019habitat naturel des plantes permettait alors de les distinguer, \u00e0 savoir les rochers pour le persil et les marais pour le c\u00e8leri.\"\n-- lu sur un site web\n[Mots-cl\u00e9s :persil , celeri].\"<\/p>\n<\/blockquote>\n


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07 octobre 2025<\/h3>\n
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\"Un cheval blanc n’est pas un cheval \"\n-- dans une conversation sur la litt\u00e9rature chinoise avec Deepseek.\n[Mots-cl\u00e9s : r\u00e9alit\u00e9, authenticit\u00e9]<\/p>\n<\/blockquote>\n


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\"Tout raisonnement n’est que figure\"\n--Joubert\n[Mots -cl\u00e9s : Forme, sh\u00e9ma, trope, modestie]<\/p>\n<\/blockquote>\n


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\"Rien n\u2019existe en France pour lui faire pi\u00e8ce ou lui disputer ce tr\u00f4ne sur quoi il est assis. Le roi, on le sait, a deux corps : un corps \u00e9ternel, dynastique, que le texte intronise et sacre, et qu\u2019on appelle arbitrairement Shakespeare, Joyce, Beckett, ou Bruno, Dante, Vico, Joyce, Beckett, mais qui est le m\u00eame corps immortel v\u00eatu de d\u00e9froques provisoires ; et il a un autre corps mortel, fonctionnel, relatif, la d\u00e9froque, qui va \u00e0 la charogne, qui s\u2019appelle et s\u2019appelle seulement Dante et porte un petit bonnet sur un nez camus, seulement Joyce et alors il a des bagues et l\u2019\u0153il myope, ahuri, seulement Shakespeare et c\u2019est un bon gros rentier \u00e0 fraise \u00e9lisab\u00e9thaine.\"\n-- Pierre Michon\n[Mots-cl\u00e9s : Duplicit\u00e9, paradoxe]<\/p>\n<\/blockquote>\n


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08 octobre 2025<\/h3>\n
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\"C\u2019est comme cela pourtant que, par des objets pr\u00e9sent\u00e9s derri\u00e8re des vitrines donnant sur la rue, s\u2019annonce cette maison et que se manifeste le pouvoir qu\u2019elle a d\u2019arr\u00eater le passant : car ce que l\u2019on y voit, et ce que l\u2019on en devine, est extraordinaire.\"\n--Jean-Christophe Bailly\n[mots-cl\u00e9s : vitrines, s’annoncer]<\/p>\n<\/blockquote>\n


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\"En admirant la Rose des sables de Jean\nNouvel lors de son inauguration, je me\nsuis demand\u00e9 combien d\u2019ouvriers \u00e9taient\nmorts sur le chantier.\"\n--Laurent Margentin<\/a> \/ Bill Jenkinson<\/a>\n[Mots-cl\u00e9s :Abr\u00fcpt<\/a> visuel qatar des morts<\/a>]<\/p>\n<\/blockquote>\n


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\"Ce qui lib\u00e8re est plus tendre que la raison\"\n--Caroline D<\/a>\n[Mots-cl\u00e9s : rivi\u00e8res, \u00e9tats, pieds terreux]<\/p>\n<\/blockquote>\n


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09 octobre 2025<\/h3>\n
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\"Chez certains « sauvages » (soci\u00e9t\u00e9 sans \u00c9tat), le chef doit prouver sa domination sur les mots : pas de silence. En m\u00eame temps, la parole du chef n\u2019est pas dite pour \u00eatre \u00e9cout\u00e9e — personne ne pr\u00eate attention \u00e0 la parole du chef, ou plut\u00f4t on feint l\u2019inattention ; et le chef, en effet, ne dit rien, r\u00e9p\u00e9tant comme la c\u00e9l\u00e9bration des normes de vie traditionnelles. \"\n--Maurice Blanchot\n[Mots-cl\u00e9s : Le d\u00e9sastre, l’\u00e9tat]<\/p>\n<\/blockquote>\n


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« Tu sais comment cela se fait, mais tu ne sais pas comment cela r\u00e9ussit. Donc,\ntu ne sais pas vraiment comment cela se fait »\n--Marina Tsvetaeva<\/a>\n[Mots-cl\u00e9s : risque, \u00e9venement]<\/p>\n<\/blockquote>\n

10 octobre 2025<\/h3>\n
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\"Il est reconnu — \u00e9crit-il (Balzac) — que [l\u2019artiste]n\u2019est pas lui-m\u00e9me dans le secret de son intelligence. Il op\u00e8re sous l’empire de certaines circonstances dont la r\u00e9union est un myst\u00e8re\"\n--Balzac \n[Mots-cl\u00e9s : Cr\u00e9ation litt\u00e9raire, G\u00e9nie, myst\u00e8re]<\/p>\n<\/blockquote>\n


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12 octobre 2025<\/h3>\n
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 \"\u00c9crivez \u00e0 l\u2019\u00e9cart. Signez. Rentrez dans l\u2019ombre\u2026 Silence autour de l\u2019homme. Solitude. Fiert\u00e9.\"\n--Pierre Lou\u00ffs\n[Mots-cl\u00e9s : Lebrun, \u00e9crire et vivre ainsi]<\/p>\n<\/blockquote>\n


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13 octobre 2025<\/h3>\n
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\"« Le premier qui ayant enclos un terrain s\u2019avisa de dire : “Ceci est \u00e0 moi”, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la soci\u00e9t\u00e9 civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de mis\u00e8res et d\u2019horreurs n\u2019e\u00fbt point \u00e9pargn\u00e9s au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le foss\u00e9, e\u00fbt cri\u00e9 \u00e0 ses semblables : “Gardez-vous d\u2019\u00e9couter cet imposteur ; vous \u00eates perdus si vous oubliez que les fruits sont \u00e0 tous, et que la terre n\u2019est \u00e0 personne !” \"\n--Jean-Jacques Rousseau ( dans Gros Oeuvre de Joy Sorman )\n[mots-cl\u00e9s : Chez-soi, habiter]<\/p>\n<\/blockquote>\n

14 octobre 2025<\/h3>\n
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\"Livide, creus\u00e9, visage luisant de fatigue et de stress quand il d\u00e9cline, retombe, mue en perles de sueur, costume en drap de laine bleu marine, chemise synth\u00e9tique blanche aur\u00e9ol\u00e9e, large n\u0153ud de cravate noire d\u00e9fait, le front contre l\u2019immense hublot de sa capsule herm\u00e9tique. Et bien s\u00fbr ce qu\u2019il voit ce qu\u2019il regarde ce sont les lumi\u00e8res de la ville comme toujours dans ces cas-l\u00e0, sauf que lui ne trouve \u00e7a ni beau ni rien, c\u2019est juste que c\u2019est la nuit et que la voie publique s\u2019\u00e9claire, et les appartements et les enseignes lumineuses, dont celles qui vantent les produits sous vide fabriqu\u00e9s par son entreprise.\"\n--Joy Sorman , c\u00e9libataire II dans Gros Oeuvre\n[Mots-cl\u00e9s : Voir, regarder, atelier d’\u00e9criture]<\/p>\n<\/blockquote>\n


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15 octobre 2025<\/h3>\n
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\"L\u2019Acad\u00e9mie, l\u2019Inspecteur, devenaient des autorit\u00e9s institu\u00e9es, seulement pour punir ; ce n\u2019\u00e9tait plus l\u2019espoir, mais le ch\u00e2timent qui \u00e9tait tenu en r\u00e9serve, l\u00e0-bas, \u00e0 la Pr\u00e9fecture.\"\n--L\u00e9on Frapi\u00e9, l’Institutrice de Province, 1897\n[Mots-cl\u00e9s : Jules Ferry, R\u00e9publique, \u00e9cole, \u00e9ducation, Antonin Lavergne, Jean Coste, P\u00e9guy]<\/p>\n<\/blockquote>\n


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16 octobre 2025<\/h3>\n
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\"C\u2019est l\u00e0 que l\u2019histoire commence, une fois d\u00e9livr\u00e9e du p\u00e8re, du p\u00e8re sous sa forme actuelle, vivante, sous sa pr\u00e9sence, parce que la figure elle vous regarde toujours du fond de la tombe ou du haut du panth\u00e9on. La mythologie du p\u00e8re elle aura servi, pour dessiner la structure, pour payer son d\u00fb \u00e0 la g\u00e9n\u00e9alogie, pour r\u00e9pondre un peu \u00e0 la sommation de ceux qui ont lu trop de livres, « d\u2019o\u00f9 parles-tu camarade ? ». Faire comme si le livre du p\u00e8re \u00e9tait \u00e9crit une bonne fois pour toutes, sauter l\u2019\u00e9tape, ne pas r\u00e9gler la note, laisser l\u2019ardoise et vivre sa vie.\"\n-- Joy Sorman, dans Boys, Boys, boys\n[Mots-cl\u00e9s : ardoise, mythologie]<\/p>\n<\/blockquote>\n


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17 octobre 2025<\/h3>\n
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\"Nous glissions comme dans le fil d\u2019un fleuve d\u2019air froid que la route poussi\u00e9reuse jalonnait de vagues p\u00e2leurs ; de part et d\u2019autre de la route, l\u2019obscurit\u00e9 se refermait opaque ; au long de ces chemins \u00e9cart\u00e9s, o\u00f9 toute rencontre paraissait d\u00e9j\u00e0 si improbable, rien n\u2019\u00e9galait le vague ind\u00e9cis des formes qui s\u2019\u00e9bauchaient de l\u2019ombre pour y rentrer aussit\u00f4t.\"<\/p>\n<\/blockquote>\n

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\" Peu \u00e0 peu, cependant, elle avait commenc\u00e9 \u00e0 se colorer pour moi d\u2019un reflet singulier ; le d\u00e9s\u0153uvrement des premiers jours tendait \u00e0 s\u2019organiser malgr\u00e9 moi autour de ce que je ne pouvais h\u00e9siter plus longtemps \u00e0 reconna\u00eetre comme un myst\u00e9rieux centre de gravit\u00e9. \"<\/p>\n<\/blockquote>\n

-- Julien Gracq, le Rivage des Syrtes\n[Mots-cl\u00e9s : Descriptions, Louis Poirier, Histoire #05, m\u00e9taphore de l’\u00e9criture]<\/p>\n


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\"La vid\u00e9o c’est tellement mieux que la vie dehors\"\n--Michel Tr\u00e9panier<\/a>\n[Mots-cl\u00e9s : honte, chagrin, retenue, lumi\u00e8re]<\/p>\n<\/blockquote>\n


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18 octobre 2025<\/h3>\n
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\"Comment chercher ce que l\u2019on ignore ? Si on le conna\u00eet, la recherche est inutile ; si on l\u2019ignore, on ne peut le reconna\u00eetre en le trouvant.\"\n--M\u00e9non, Platon\n[Mots cl\u00e9s : Noir c’est noir }<\/p>\n<\/blockquote>\n

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\"En choisissant de peindre la lumi\u00e8re plut\u00f4t que les choses, les impressionnistes ont relev\u00e9 cet enjeu : quand le soleil se l\u00e8ve, dans l\u2019inaugural tableau de Monet, c\u2019est un trou rouge qui b\u00e9e dans la surface de la peinture\n« d\u2019avant » ; et ce trou est l\u2019embl\u00e8me de la trou\u00e9e du r\u00e9el dans la coagulation des repr\u00e9sentations.<\/p>\n<\/blockquote>\n

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\"Ainsi elle ( la peinture) cr\u00e8ve l\u2019\u0153il unique (le fascinant soleil), le for\u00e7ant \u00e0 ind\u00e9finiment se coucher, c\u2019est-\u00e0-dire \u00e0 chuter au rythme d\u2019une d\u00e9b\u00e2cle des choses d\u00e9faites et refaites dans la d\u00e9clinaison de la lumi\u00e8re (du mouvement de la mati\u00e8re).\n--Prigent, Ce qui fait tenir\n[Mots-cl\u00e9s : Proust, aporie]<\/p>\n<\/blockquote>\n


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19 octobre 2025<\/h3>\n
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\"Voyez le pouvoir d\u2019un mot ! Celui qui veut convaincre ne devrait pas mettre sa confiance dans l\u2019argument valable mais dans le mot juste. Le pouvoir du SON a toujours \u00e9t\u00e9 plus grand que celui du sens. Cela n\u2019est pas p\u00e9joratif dans mon esprit. Il est pr\u00e9f\u00e9rable que l\u2019humanit\u00e9 soit plus impressionnable que r\u00e9fl\u00e9chie. Rien d\u2019humainement grand \u2013 j\u2019entends par l\u00e0 affectant toute une foule d\u2019existences \u2013 n\u2019a \u00e9t\u00e9 le fruit de la r\u00e9flexion. En revanche, on ne peut manquer de constater le pouvoir de simples mots ; des mots tels que Gloire, par exemple, ou Piti\u00e9. Je n\u2019en citerai pas d\u2019autres. Il ne serait pas difficile d\u2019en trouver. Clam\u00e9s avec pers\u00e9v\u00e9rance, avec ardeur, avec conviction, ces deux-l\u00e0, par leur seule sonorit\u00e9, ont \u00e9branl\u00e9 des nations enti\u00e8res et labour\u00e9 le sol sec et dur sur lequel repose tout notre ordre social. Il y a aussi le mot Vertu, si vous voulez !\u2026 Bien s\u00fbr, il faut veiller \u00e0 l\u2019intonation. L\u2019intonation juste. C\u2019est tr\u00e8s important. Le poumon puissant, les cordes vocales tonnantes ou tendres. Ne venez pas me parler de votre principe d\u2019Archim\u00e8de. C\u2019\u00e9tait un \u00eatre sans esprit, \u00e0 l\u2019imagination math\u00e9matique. Les math\u00e9matiques ont tout mon respect, mais je n\u2019ai nul besoin des machines. Donnez-moi le mot juste, l\u2019intonation juste, et je soul\u00e8verai des montagnes.\"<\/p>\n<\/blockquote>\n

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\"Quinze ann\u00e9es de silence ininterrompu devant le bl\u00e2me ou la louange t\u00e9moignent suffisamment de mon respect pour la critique, cette belle fleur de l\u2019expression individuelle dans le jardin des lettres.\"\n-- Conrad, Souvenirs Personnels\n[Mots-cl\u00e9s : Humour, clart\u00e9]<\/p>\n<\/blockquote>\n

21 octobre 2025<\/h3>\n
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\"Il serait trop long d\u2019expliquer la combinaison intime des contradictions de la nature humaine, qui donne parfois \u00e0 l\u2019amour lui-m\u00eame une d\u00e9sesp\u00e9rante apparence de trahison. \"\n--Conrad, Souvenirs personnels \n[mots cl\u00e9s : Ambiguit\u00e9 , d\u00e9finition ]<\/p>\n<\/blockquote>\n

23 octobre 2025<\/h3>\n
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\"La France ne fut alors sauv\u00e9e d\u2019une guerre d\u00e9sastreuse que par l\u2019intervention, rest\u00e9e longtemps inconnue des historiens, du mar\u00e9chal de Montcornet, l\u2019homme le plus fort de son si\u00e8cle apr\u00e8s Napol\u00e9on. Encore Napol\u00e9on n\u2019a-t-il pu mettre \u00e0 ex\u00e9cution son projet de descente en Angleterre, la grande pens\u00e9e de son r\u00e8gne. Napol\u00e9on, Montcornet, n\u2019y a-t-il pas entre ces deux noms comme une sorte de ressemblance myst\u00e9rieuse ? \"\n--Proust, Pastiches et M\u00e9langes\n[Mots cl\u00e9s : anaphore, \u00e9panalepse, hyperbate, mont\u00e9e oratoire]<\/p>\n<\/blockquote>\n

25 octobre 2025<\/h3>\n
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\"Il est vrai que je me souviens de ma propre jeunesse enthousiaste, qui e\u00fbt maudit l\u2019\u00e9crivain admir\u00e9, susceptible de me d\u00e9cevoir — \u00e0 ceci pr\u00e8s que, dans mes sordides chambres d\u2019h\u00f4tel successives, j\u2019\u00e9crivais sans les envoyer des lettres aux quelques \u00e9crivains dont l\u2019\u0153uvre me passionnait. In\u00e9vitablement, l\u2019emportait ma r\u00e9serve timide, frustration qui, au reste, me laissait mal \u00e0 l\u2019aise, empli d\u2019un d\u00e9sagr\u00e9able sentiment d\u2019impuissance et de ratage qui a \u00e9t\u00e9 le calvaire de ma vie d\u2019adolescent et de jeune homme. Le temps a pass\u00e9 depuis ! ... occup\u00e9 \u00e0 observer en tout la rigueur, fondement de mon caract\u00e8re.\"\n--Calaferte, Dimensions, Carnet XV, 1993<\/p>\n<\/blockquote>\n

26 octobre 2025<\/h3>\n
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\"Ce triste XXe si\u00e8cle aura \u00e9t\u00e9 celui de la r\u00e9surgence officielle de la torture (le satanique nazisme a \u00e9t\u00e9 le d\u00e9clencheur d\u2019un tel \u00e9tat de fait dans une Europe occidentale avachie par ses possessions capitalistes) ; mais songe-t-on que, parall\u00e8lement \u00e0 ces activit\u00e9s directement criminelles, auxquelles \u00e9taient m\u00eal\u00e9s soldats, officiers et m\u00e9decins, comme sur le fumier du r\u00e9gime s\u2019\u00e9difiaient les fortunes des grands industriels et des grands hommes d\u2019affaires europ\u00e9ens ?\"\n--Calaferte, Dimensions, Carnet XV, 1993<\/p>\n<\/blockquote>\n

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\"Il nous faut supporter le d\u00e9calage entre l’imagination et la r\u00e9alit\u00e9. Mieux vaut dire : \"Je souffre\" que : \"Ce paysage est laid.\" \n--Simone Weil ( citation extraite sur ce site<\/a><\/p>\n<\/blockquote>\n

29 octobre 2025<\/h3>\n
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Devant l\u2019\u00e9chec, il n\u2019y a souvent qu\u2019une r\u00e9ponse : y r\u00e9pondre en intensifiant ce qui a produit l\u2019\u00e9chec. C\u2019est imparable : une difficult\u00e9 surgit, qui semble insurmontable — \u00e9crire cette page, b\u00e2tir un gouvernement, vivre —, on l\u2019affronte malgr\u00e9 tout, malgr\u00e9 soi, on \u00e9choue \u00e9videmment ; on l\u2019affronte encore, et pour cela (c\u2019est l\u00e0 la beaut\u00e9), on r\u00e9p\u00e8te ce qui avait \u00e9chou\u00e9 une premi\u00e8re fois, mais avec plus de vigueur encore, dans la conviction in\u00e9branlable qu\u2019il suffira d\u2019\u00e9chouer davantage pour ne pas \u00e9chouer. \n--Arnaud Ma\u00efsetti<\/a><\/p>\n<\/blockquote>\n

30 octobre 2025<\/h3>\n
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M\u00eame l\u2019homme le plus triste (ou le plus joyeux) \u00e9chappe par instant \u00e0 sa tristesse (ou \u00e0 sa joie). Il songe \u00e0 un match de foot, il ach\u00e8te le pain, il se souvient de son enfance.\n-- Thierry Crouzet Carnets \/ janvier 2000<\/a>\n[mots-clef : an 2000, foisonnement]<\/p>\n<\/blockquote>\n

31 octobre 2025<\/h3>\n
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Mais tout ce que nous disait la g\u00e9ographie sur deux sortes d\u2019\u00eeles, l\u2019imagination le savait d\u00e9j\u00e0 pour son compte et d\u2019une autre fa\u00e7on. L\u2019\u00e9lan de l\u2019homme qui l\u2019entra\u00eene vers les \u00eeles reprend le double mouvement qui produit les \u00eeles en elles-m\u00eames. R\u00eaver des \u00eeles, avec angoisse ou joie peu importe, c\u2019est r\u00eaver qu\u2019on se s\u00e9pare, qu\u2019on est d\u00e9j\u00e0 s\u00e9par\u00e9, loin des continents, qu\u2019on est seul et perdu \u2013 ou bien c\u2019est r\u00eaver qu\u2019on repart \u00e0 z\u00e9ro, qu\u2019on recr\u00e9e, qu\u2019on recommence.\n-- Gilles Deleuze, l’\u00eele d\u00e9serte, textes et entretiens\n[mots-cl\u00e9s : Philosophie, antagonisme des \u00e9l\u00e9ments]<\/p>\n<\/blockquote>\n

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Au cours du XVI\u00e8me si\u00e8cle, le mot « grottesque » perd un « t » : l\u2019orthographe \u00e9volue en m\u00eame temps que le style des « grotesques » se transforme. Pouvoir englober toutes les formes imaginatives de l\u2019ornement devient la force du grotesque. Le mot se charge d\u2019un sens comique, ridicule. Des bizarreries, monstres, dr\u00f4leries et rinceaux habit\u00e9s, ou encore des singeries et chinoiseries fourmillent dans ces ornements. Deux aspects fondamentaux permettent toujours de les identifier : la n\u00e9gation de l\u2019espace - il s\u2019agit un monde sans poids o\u00f9 tous les \u00e9l\u00e9ments semblent flotter -, et la pr\u00e9sence de formes hybrides, issue de la pure fantaisie, \u00e0 moiti\u00e9 humaines, animales ou v\u00e9g\u00e9tales. L\u2019art grotesque sert \u00e0 d\u00e9corer les plafonds et les murs sur lesquels de grandes peintures ne pouvaient \u00eatre appos\u00e9es et de nombreux peintres se sp\u00e9cialisent dans ce genre, comme les c\u00e9l\u00e8bres artistes Domenico Ghirlandaio, Rapha\u00ebl et Michel-Ange. Vers 1518, Rapha\u00ebl et son atelier d\u00e9corent les fameuses Loges du Vatican, et consacrent les grotesques qui connaissent alors un extraordinaire succ\u00e8s.\n-- Lu ici<\/a>\n[mots-cl\u00e9s : fresques, bizarreries, hybride, Rapha\u00ebl]<\/p>\n<\/blockquote>", "content_text": " ### 29 septembre 2025 > \u00ab Faire l\u2019exp\u00e9rience qu\u2019on n\u2019est rien est une chose n\u00e9cessaire sur le chemin de la vie. \u00bb \u2014 Nicolas Bouvier [Mots-cl\u00e9s :vide, rien] --- ### 30 septembre 2025 > \"Pour rendre compte d\u2019une vie soumise \u00e0 la n\u00e9cessit\u00e9, je n\u2019ai pas le droit de prendre le parti de l\u2019art, ni de chercher \u00e0 faire quelque chose de \u00ab passionnant \u00bb, ou \u00ab d\u2019\u00e9mouvant \u00bb \u2014Annie Ernaux [Mots-cl\u00e9s : justesse] ### 04 octobre 2025 >\"Raconter une histoire (je pense \u00e0 C. Rihoit), c\u2019est tarte. La construction peut seule donner de l\u2019int\u00e9r\u00eat \u00e0 ce que je ferai. Les meilleurs passages dans La place sont ceux qui coupent, tranchent, le fragment est vraiment important.\" \u2014Annie Ernaux [Mots-cl\u00e9s :histoire, fragment] --- ### 05 octobre 2025 >\"Le mot \u00ab persil \u00bb, anciennement \u00e9crit \u00ab perresil \u00bb, appara\u00eet dans la langue fran\u00e7aise vers le XIIIe si\u00e8cle. D\u00e9rivant du terme grec \u00ab petroselinon \u00bb, traduit par \u00ab petroselinum \u00bb en latin, il d\u00e9signait \u00e0 l\u2019\u00e9poque le \u00ab c\u00e9leri des rochers \u00bb. Effectivement, les gens consid\u00e9raient le persil et le c\u00e9leri comme \u00e9tant de la m\u00eame esp\u00e8ce ou de la m\u00eame plante, mais issus de vari\u00e9t\u00e9s diff\u00e9rentes. L\u2019habitat naturel des plantes permettait alors de les distinguer, \u00e0 savoir les rochers pour le persil et les marais pour le c\u00e8leri.\" \u2014 lu sur un site web [Mots-cl\u00e9s :persil , celeri].\" --- ### 07 octobre 2025 >\"Un cheval blanc n'est pas un cheval \" \u2014 dans une conversation sur la litt\u00e9rature chinoise avec Deepseek. [Mots-cl\u00e9s : r\u00e9alit\u00e9, authenticit\u00e9] --- >\"Tout raisonnement n'est que figure\" \u2014Joubert [Mots -cl\u00e9s: Forme, sh\u00e9ma, trope, modestie] --- >\"Rien n\u2019existe en France pour lui faire pi\u00e8ce ou lui disputer ce tr\u00f4ne sur quoi il est assis. Le roi, on le sait, a deux corps : un corps \u00e9ternel, dynastique, que le texte intronise et sacre, et qu\u2019on appelle arbitrairement Shakespeare, Joyce, Beckett, ou Bruno, Dante, Vico, Joyce, Beckett, mais qui est le m\u00eame corps immortel v\u00eatu de d\u00e9froques provisoires ; et il a un autre corps mortel, fonctionnel, relatif, la d\u00e9froque, qui va \u00e0 la charogne, qui s\u2019appelle et s\u2019appelle seulement Dante et porte un petit bonnet sur un nez camus, seulement Joyce et alors il a des bagues et l\u2019\u0153il myope, ahuri, seulement Shakespeare et c\u2019est un bon gros rentier \u00e0 fraise \u00e9lisab\u00e9thaine.\" \u2014 Pierre Michon [Mots-cl\u00e9s: Duplicit\u00e9, paradoxe] --- ### 08 octobre 2025 >\"C\u2019est comme cela pourtant que, par des objets pr\u00e9sent\u00e9s derri\u00e8re des vitrines donnant sur la rue, s\u2019annonce cette maison et que se manifeste le pouvoir qu\u2019elle a d\u2019arr\u00eater le passant : car ce que l\u2019on y voit, et ce que l\u2019on en devine, est extraordinaire.\" \u2014Jean-Christophe Bailly [mots-cl\u00e9s: vitrines, s'annoncer] --- >\"En admirant la Rose des sables de Jean Nouvel lors de son inauguration, je me suis demand\u00e9 combien d\u2019ouvriers \u00e9taient morts sur le chantier.\" \u2014[Laurent Margentin->https:\/\/journalkafka.wordpress.com\/] \/ [Bill Jenkinson->https:\/\/oxfordstanza2.wordpress.com\/] [Mots-cl\u00e9s :[Abr\u00fcpt->https:\/\/abrupt.cc\/laurent-margantin\/qatar-des-morts\/] [visuel qatar des morts->https:\/\/www.antilivre.org\/qatar-des-morts\/]] --- >\"Ce qui lib\u00e8re est plus tendre que la raison\" \u2014[Caroline D->https:\/\/carolinedufour.com\/2025\/10\/04\/singularis\/] [Mots-cl\u00e9s: rivi\u00e8res, \u00e9tats, pieds terreux] --- ### 09 octobre 2025 >\"Chez certains \u00ab sauvages \u00bb (soci\u00e9t\u00e9 sans \u00c9tat), le chef doit prouver sa domination sur les mots : pas de silence. En m\u00eame temps, la parole du chef n\u2019est pas dite pour \u00eatre \u00e9cout\u00e9e \u2014 personne ne pr\u00eate attention \u00e0 la parole du chef, ou plut\u00f4t on feint l\u2019inattention ; et le chef, en effet, ne dit rien, r\u00e9p\u00e9tant comme la c\u00e9l\u00e9bration des normes de vie traditionnelles. \" \u2014Maurice Blanchot [Mots-cl\u00e9s : Le d\u00e9sastre, l'\u00e9tat] --- >\u00ab Tu sais comment cela se fait, mais tu ne sais pas comment cela r\u00e9ussit. Donc, tu ne sais pas vraiment comment cela se fait\u00bb \u2014[Marina Tsvetaeva->https:\/\/www.jacques-andre-editeur.eu\/livres\/variations-sur-le-poeme-de-la-fin-de-marina-tsvetaeva\/] [Mots-cl\u00e9s: risque, \u00e9venement] ### 10 octobre 2025 >\"Il est reconnu \u2014 \u00e9crit-il (Balzac) \u2014 que [l\u2019artiste]n\u2019est pas lui-m\u00e9me dans le secret de son intelligence. Il op\u00e8re sous l'empire de certaines circonstances dont la r\u00e9union est un myst\u00e8re\" \u2014Balzac [Mots-cl\u00e9s: Cr\u00e9ation litt\u00e9raire, G\u00e9nie, myst\u00e8re] --- ### 12 octobre 2025 > \"\u00c9crivez \u00e0 l\u2019\u00e9cart. Signez. Rentrez dans l\u2019ombre\u2026 Silence autour de l\u2019homme. Solitude. Fiert\u00e9.\" \u2014Pierre Lou\u00ffs [Mots-cl\u00e9s : Lebrun, \u00e9crire et vivre ainsi] --- ### 13 octobre 2025 >\"\u00ab Le premier qui ayant enclos un terrain s\u2019avisa de dire : \u201cCeci est \u00e0 moi\u201d, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la soci\u00e9t\u00e9 civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de mis\u00e8res et d\u2019horreurs n\u2019e\u00fbt point \u00e9pargn\u00e9s au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le foss\u00e9, e\u00fbt cri\u00e9 \u00e0 ses semblables : \u201cGardez-vous d\u2019\u00e9couter cet imposteur ; vous \u00eates perdus si vous oubliez que les fruits sont \u00e0 tous, et que la terre n\u2019est \u00e0 personne !\u201d \" \u2014Jean-Jacques Rousseau ( dans Gros Oeuvre de Joy Sorman ) [mots-cl\u00e9s: Chez-soi, habiter] ### 14 octobre 2025 >\"Livide, creus\u00e9, visage luisant de fatigue et de stress quand il d\u00e9cline, retombe, mue en perles de sueur, costume en drap de laine bleu marine, chemise synth\u00e9tique blanche aur\u00e9ol\u00e9e, large n\u0153ud de cravate noire d\u00e9fait, le front contre l\u2019immense hublot de sa capsule herm\u00e9tique. Et bien s\u00fbr ce qu\u2019il voit ce qu\u2019il regarde ce sont les lumi\u00e8res de la ville comme toujours dans ces cas-l\u00e0, sauf que lui ne trouve \u00e7a ni beau ni rien, c\u2019est juste que c\u2019est la nuit et que la voie publique s\u2019\u00e9claire, et les appartements et les enseignes lumineuses, dont celles qui vantent les produits sous vide fabriqu\u00e9s par son entreprise.\" \u2014Joy Sorman , c\u00e9libataire II dans Gros Oeuvre [Mots-cl\u00e9s: Voir, regarder, atelier d'\u00e9criture] --- ### 15 octobre 2025 >\"L\u2019Acad\u00e9mie, l\u2019Inspecteur, devenaient des autorit\u00e9s institu\u00e9es, seulement pour punir; ce n\u2019\u00e9tait plus l\u2019espoir, mais le ch\u00e2timent qui \u00e9tait tenu en r\u00e9serve, l\u00e0-bas, \u00e0 la Pr\u00e9fecture.\" \u2014L\u00e9on Frapi\u00e9, l'Institutrice de Province, 1897 [Mots-cl\u00e9s: Jules Ferry, R\u00e9publique, \u00e9cole, \u00e9ducation, Antonin Lavergne, Jean Coste, P\u00e9guy] --- ### 16 octobre 2025 >\"C\u2019est l\u00e0 que l\u2019histoire commence, une fois d\u00e9livr\u00e9e du p\u00e8re, du p\u00e8re sous sa forme actuelle, vivante, sous sa pr\u00e9sence, parce que la figure elle vous regarde toujours du fond de la tombe ou du haut du panth\u00e9on. La mythologie du p\u00e8re elle aura servi, pour dessiner la structure, pour payer son d\u00fb \u00e0 la g\u00e9n\u00e9alogie, pour r\u00e9pondre un peu \u00e0 la sommation de ceux qui ont lu trop de livres, \u00ab d\u2019o\u00f9 parles-tu camarade ? \u00bb. Faire comme si le livre du p\u00e8re \u00e9tait \u00e9crit une bonne fois pour toutes, sauter l\u2019\u00e9tape, ne pas r\u00e9gler la note, laisser l\u2019ardoise et vivre sa vie.\" \u2014 Joy Sorman, dans Boys, Boys, boys [Mots-cl\u00e9s: ardoise, mythologie] --- ### 17 octobre 2025 >\"Nous glissions comme dans le fil d\u2019un fleuve d\u2019air froid que la route poussi\u00e9reuse jalonnait de vagues p\u00e2leurs ; de part et d\u2019autre de la route, l\u2019obscurit\u00e9 se refermait opaque ; au long de ces chemins \u00e9cart\u00e9s, o\u00f9 toute rencontre paraissait d\u00e9j\u00e0 si improbable, rien n\u2019\u00e9galait le vague ind\u00e9cis des formes qui s\u2019\u00e9bauchaient de l\u2019ombre pour y rentrer aussit\u00f4t.\" >\" Peu \u00e0 peu, cependant, elle avait commenc\u00e9 \u00e0 se colorer pour moi d\u2019un reflet singulier ; le d\u00e9s\u0153uvrement des premiers jours tendait \u00e0 s\u2019organiser malgr\u00e9 moi autour de ce que je ne pouvais h\u00e9siter plus longtemps \u00e0 reconna\u00eetre comme un myst\u00e9rieux centre de gravit\u00e9. \" \u2014 Julien Gracq, le Rivage des Syrtes [Mots-cl\u00e9s: Descriptions, Louis Poirier, Histoire #05, m\u00e9taphore de l'\u00e9criture] --- >\"La vid\u00e9o c'est tellement mieux que la vie dehors\" \u2014[Michel Tr\u00e9panier->https:\/\/ici.radio-canada.ca\/nouvelle\/2148699\/finaliste-prix-concours-nouvelle-radio-canada-2025-michel-trepanier-baiser-etoiles] [Mots-cl\u00e9s: honte, chagrin, retenue, lumi\u00e8re] --- ### 18 octobre 2025 >\"Comment chercher ce que l\u2019on ignore ? Si on le conna\u00eet, la recherche est inutile ; si on l\u2019ignore, on ne peut le reconna\u00eetre en le trouvant.\" \u2014M\u00e9non, Platon [Mots cl\u00e9s: Noir c'est noir } >\"En choisissant de peindre la lumi\u00e8re plut\u00f4t que les choses, les impressionnistes ont relev\u00e9 cet enjeu : quand le soleil se l\u00e8ve, dans l\u2019inaugural tableau de Monet, c\u2019est un trou rouge qui b\u00e9e dans la surface de la peinture \u00ab d\u2019avant \u00bb ; et ce trou est l\u2019embl\u00e8me de la trou\u00e9e du r\u00e9el dans la coagulation des repr\u00e9sentations. >\"Ainsi elle ( la peinture) cr\u00e8ve l\u2019\u0153il unique (le fascinant soleil), le for\u00e7ant \u00e0 ind\u00e9finiment se coucher, c\u2019est-\u00e0-dire \u00e0 chuter au rythme d\u2019une d\u00e9b\u00e2cle des choses d\u00e9faites et refaites dans la d\u00e9clinaison de la lumi\u00e8re (du mouvement de la mati\u00e8re). \u2014Prigent, Ce qui fait tenir [Mots-cl\u00e9s : Proust, aporie] --- ### 19 octobre 2025 >\"Voyez le pouvoir d\u2019un mot ! Celui qui veut convaincre ne devrait pas mettre sa confiance dans l\u2019argument valable mais dans le mot juste. Le pouvoir du SON a toujours \u00e9t\u00e9 plus grand que celui du sens. Cela n\u2019est pas p\u00e9joratif dans mon esprit. Il est pr\u00e9f\u00e9rable que l\u2019humanit\u00e9 soit plus impressionnable que r\u00e9fl\u00e9chie. Rien d\u2019humainement grand \u2013 j\u2019entends par l\u00e0 affectant toute une foule d\u2019existences \u2013 n\u2019a \u00e9t\u00e9 le fruit de la r\u00e9flexion. En revanche, on ne peut manquer de constater le pouvoir de simples mots ; des mots tels que Gloire, par exemple, ou Piti\u00e9. Je n\u2019en citerai pas d\u2019autres. Il ne serait pas difficile d\u2019en trouver. Clam\u00e9s avec pers\u00e9v\u00e9rance, avec ardeur, avec conviction, ces deux-l\u00e0, par leur seule sonorit\u00e9, ont \u00e9branl\u00e9 des nations enti\u00e8res et labour\u00e9 le sol sec et dur sur lequel repose tout notre ordre social. Il y a aussi le mot Vertu, si vous voulez !\u2026 Bien s\u00fbr, il faut veiller \u00e0 l\u2019intonation. L\u2019intonation juste. C\u2019est tr\u00e8s important. Le poumon puissant, les cordes vocales tonnantes ou tendres. Ne venez pas me parler de votre principe d\u2019Archim\u00e8de. C\u2019\u00e9tait un \u00eatre sans esprit, \u00e0 l\u2019imagination math\u00e9matique. Les math\u00e9matiques ont tout mon respect, mais je n\u2019ai nul besoin des machines. Donnez-moi le mot juste, l\u2019intonation juste, et je soul\u00e8verai des montagnes.\" >\"Quinze ann\u00e9es de silence ininterrompu devant le bl\u00e2me ou la louange t\u00e9moignent suffisamment de mon respect pour la critique, cette belle fleur de l\u2019expression individuelle dans le jardin des lettres.\" \u2014 Conrad, Souvenirs Personnels [Mots-cl\u00e9s: Humour, clart\u00e9] ### 21 octobre 2025 >\"Il serait trop long d\u2019expliquer la combinaison intime des contradictions de la nature humaine, qui donne parfois \u00e0 l\u2019amour lui-m\u00eame une d\u00e9sesp\u00e9rante apparence de trahison. \" \u2014Conrad, Souvenirs personnels [mots cl\u00e9s: Ambiguit\u00e9 , d\u00e9finition ] ### 23 octobre 2025 >\"La France ne fut alors sauv\u00e9e d\u2019une guerre d\u00e9sastreuse que par l\u2019intervention, rest\u00e9e longtemps inconnue des historiens, du mar\u00e9chal de Montcornet, l\u2019homme le plus fort de son si\u00e8cle apr\u00e8s Napol\u00e9on. Encore Napol\u00e9on n\u2019a-t-il pu mettre \u00e0 ex\u00e9cution son projet de descente en Angleterre, la grande pens\u00e9e de son r\u00e8gne. Napol\u00e9on, Montcornet, n\u2019y a-t-il pas entre ces deux noms comme une sorte de ressemblance myst\u00e9rieuse ? \" \u2014Proust, Pastiches et M\u00e9langes [Mots cl\u00e9s : anaphore, \u00e9panalepse, hyperbate, mont\u00e9e oratoire] ### 25 octobre 2025 >\"Il est vrai que je me souviens de ma propre jeunesse enthousiaste, qui e\u00fbt maudit l\u2019\u00e9crivain admir\u00e9, susceptible de me d\u00e9cevoir \u2014 \u00e0 ceci pr\u00e8s que, dans mes sordides chambres d\u2019h\u00f4tel successives, j\u2019\u00e9crivais sans les envoyer des lettres aux quelques \u00e9crivains dont l\u2019\u0153uvre me passionnait. In\u00e9vitablement, l\u2019emportait ma r\u00e9serve timide, frustration qui, au reste, me laissait mal \u00e0 l\u2019aise, empli d\u2019un d\u00e9sagr\u00e9able sentiment d\u2019impuissance et de ratage qui a \u00e9t\u00e9 le calvaire de ma vie d\u2019adolescent et de jeune homme. Le temps a pass\u00e9 depuis ! ... occup\u00e9 \u00e0 observer en tout la rigueur, fondement de mon caract\u00e8re.\" \u2014Calaferte, Dimensions, Carnet XV, 1993 ### 26 octobre 2025 >\"Ce triste XXe si\u00e8cle aura \u00e9t\u00e9 celui de la r\u00e9surgence officielle de la torture (le satanique nazisme a \u00e9t\u00e9 le d\u00e9clencheur d\u2019un tel \u00e9tat de fait dans une Europe occidentale avachie par ses possessions capitalistes) ; mais songe-t-on que, parall\u00e8lement \u00e0 ces activit\u00e9s directement criminelles, auxquelles \u00e9taient m\u00eal\u00e9s soldats, officiers et m\u00e9decins, comme sur le fumier du r\u00e9gime s\u2019\u00e9difiaient les fortunes des grands industriels et des grands hommes d\u2019affaires europ\u00e9ens ?\" \u2014Calaferte, Dimensions, Carnet XV, 1993 >\"Il nous faut supporter le d\u00e9calage entre l'imagination et la r\u00e9alit\u00e9. Mieux vaut dire : \"Je souffre\" que : \"Ce paysage est laid.\" \u2014Simone Weil ( [citation extraite sur ce site -> https:\/\/frankchimero.com\/blog\/2025\/beyond-the-machine\/?utm_source=substack&utm_medium=email] ### 29 octobre 2025 >Devant l\u2019\u00e9chec, il n\u2019y a souvent qu\u2019une r\u00e9ponse : y r\u00e9pondre en intensifiant ce qui a produit l\u2019\u00e9chec. C\u2019est imparable : une difficult\u00e9 surgit, qui semble insurmontable \u2014 \u00e9crire cette page, b\u00e2tir un gouvernement, vivre \u2014, on l\u2019affronte malgr\u00e9 tout, malgr\u00e9 soi, on \u00e9choue \u00e9videmment ; on l\u2019affronte encore, et pour cela (c\u2019est l\u00e0 la beaut\u00e9), on r\u00e9p\u00e8te ce qui avait \u00e9chou\u00e9 une premi\u00e8re fois, mais avec plus de vigueur encore, dans la conviction in\u00e9branlable qu\u2019il suffira d\u2019\u00e9chouer davantage pour ne pas \u00e9chouer. \u2014[Arnaud Ma\u00efsetti->https:\/\/www.arnaudmaisetti.net\/spip\/journal-contretemps-un-weblog\/article\/jrnl-si-tu-ecoutes-l-epoque] ### 30 octobre 2025 >M\u00eame l\u2019homme le plus triste (ou le plus joyeux) \u00e9chappe par instant \u00e0 sa tristesse (ou \u00e0 sa joie). Il songe \u00e0 un match de foot, il ach\u00e8te le pain, il se souvient de son enfance. \u2014 Thierry Crouzet [Carnets \/ janvier 2000->https:\/\/tcrouzet.com\/2000\/01\/31\/janvier-2000\/] [mots-clef: an 2000, foisonnement] ### 31 octobre 2025 >Mais tout ce que nous disait la g\u00e9ographie sur deux sortes d\u2019\u00eeles, l\u2019imagination le savait d\u00e9j\u00e0 pour son compte et d\u2019une autre fa\u00e7on. L\u2019\u00e9lan de l\u2019homme qui l\u2019entra\u00eene vers les \u00eeles reprend le double mouvement qui produit les \u00eeles en elles-m\u00eames. R\u00eaver des \u00eeles, avec angoisse ou joie peu importe, c\u2019est r\u00eaver qu\u2019on se s\u00e9pare, qu\u2019on est d\u00e9j\u00e0 s\u00e9par\u00e9, loin des continents, qu\u2019on est seul et perdu \u2013 ou bien c\u2019est r\u00eaver qu\u2019on repart \u00e0 z\u00e9ro, qu\u2019on recr\u00e9e, qu\u2019on recommence. \u2014 Gilles Deleuze, l'\u00eele d\u00e9serte, textes et entretiens [mots-cl\u00e9s: Philosophie, antagonisme des \u00e9l\u00e9ments] >Au cours du XVI\u00e8me si\u00e8cle, le mot \u00ab grottesque \u00bb perd un \u00ab t \u00bb : l\u2019orthographe \u00e9volue en m\u00eame temps que le style des \u00ab grotesques \u00bb se transforme. Pouvoir englober toutes les formes imaginatives de l\u2019ornement devient la force du grotesque. Le mot se charge d\u2019un sens comique, ridicule. Des bizarreries, monstres, dr\u00f4leries et rinceaux habit\u00e9s, ou encore des singeries et chinoiseries fourmillent dans ces ornements. Deux aspects fondamentaux permettent toujours de les identifier : la n\u00e9gation de l\u2019espace - il s\u2019agit un monde sans poids o\u00f9 tous les \u00e9l\u00e9ments semblent flotter -, et la pr\u00e9sence de formes hybrides, issue de la pure fantaisie, \u00e0 moiti\u00e9 humaines, animales ou v\u00e9g\u00e9tales. L\u2019art grotesque sert \u00e0 d\u00e9corer les plafonds et les murs sur lesquels de grandes peintures ne pouvaient \u00eatre appos\u00e9es et de nombreux peintres se sp\u00e9cialisent dans ce genre, comme les c\u00e9l\u00e8bres artistes Domenico Ghirlandaio, Rapha\u00ebl et Michel-Ange. Vers 1518, Rapha\u00ebl et son atelier d\u00e9corent les fameuses Loges du Vatican, et consacrent les grotesques qui connaissent alors un extraordinaire succ\u00e8s. \u2014 [Lu ici->https:\/\/www.marcmaison.fr\/architectural-antiques-resources\/grotesque] [mots-cl\u00e9s: fresques, bizarreries, hybride, Rapha\u00ebl] ", "image": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_4162.jpg?1759907190", "tags": [] } ] }