{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/septembre-2025-3879.html", "url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/septembre-2025-3879.html", "title": "Septembre 2025", "date_published": "2025-12-22T13:43:56Z", "date_modified": "2025-12-22T23:43:43Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

1er septembre<\/a><\/strong> — J\u2019\u00e9cris pour fabriquer un leurre, grotesque et bavard, afin de me tenir \u00e0 distance de l\u2019Innommable. Mais ce leurre bavarde trop, il parle trop, n\u2019est-ce pas voulu qu\u2019il se trahisse par son bruit. Chaque phrase que je pose accro\u00eet le danger, au lieu de me prot\u00e9ger. Et pourtant j\u2019\u00e9cris encore : grotesque, bavard, fissur\u00e9, mon seul bouclier face \u00e0 l\u2019Innommable. J\u2019avance \u00e0 couvert vers l\u2019innommable mais dans quelle intention ?<\/p>\n

2 septembre<\/a><\/strong> — \u00c9crire l\u2019impossibilit\u00e9 d\u2019\u00e9crire. Tenter de masquer un vide, d\u2019essayer de l\u2019habiller au moins, peut-\u00eatre tenter d\u2019en faire un vide d\u00e9cent. Cela me ram\u00e8ne \u00e0 l\u2019enterrement de mon p\u00e8re. Je n\u2019avais pas de costume. Retour \u00e0 Limeil-Br\u00e9vannes apr\u00e8s sa mort. J\u2019ai taill\u00e9 la haie, explor\u00e9 les armoires, les placards. Un camion de pompiers en travers de la rue. J\u2019ai grimp\u00e9 dans une benne pour r\u00e9cup\u00e9rer les cahiers d\u2019un inconnu jet\u00e9s aux ordures. Je les avais lus en diagonale par simple curiosit\u00e9. Qu\u2019allais-je faire du vide d\u2019un autre pour habiller mon propre vide ?<\/p>\n

3 septembre<\/a><\/strong> — Une tension ancienne, toujours l\u00e0 : une langue distingue, l\u2019autre soude. Deux p\u00f4les : l\u2019entre-soi rare et le collectif satur\u00e9. Logos contre vox. \u00c9crire avec deux voix qui s\u2019opposent et se nourrissent. Rendez-vous \u00e0 C., anesth\u00e9siste. Cinq minutes, cinquante-cinq euros. Bureau des pr\u00e9admissions. Jeune homme appliqu\u00e9, collier de barbe, pas un sourire. Au Vernay, E. ne se souvient plus de mon pr\u00e9nom. S. la gronde. E. dit non d\u00e9sormais. Non au melon, non r\u00e9p\u00e9t\u00e9, ferme, enfantin. Bourdon terrible en pensant \u00e0 l\u2019apr\u00e8s. J\u2019ai utilis\u00e9 Deepseek cette fois pour modifier ma page d\u2019accueil. Plus rapide que ChatGPT, moins d\u2019erreurs. Cr\u00e9ation d\u2019un fichier lien.html dans le dossier mod\u00e8les pour les articles hebdo.<\/p>\n

4 septembre<\/a><\/strong> — Mon p\u00e8re revient par bouff\u00e9es, avec l\u2019automne, toujours l\u2019automne, comme un effondrement lent qui commence par la rentr\u00e9e. Pour lui l\u2019\u00e9cole \u00e9tait la cl\u00e9, lui qui l\u2019avait quitt\u00e9e \u00e0 seize ans pour s\u2019engager dans les fusiliers marins et partir en Cor\u00e9e. Son p\u00e8re \u00e0 lui \u00e9tait seulement parti acheter des cigarettes et n\u2019\u00e9tait revenu que douze ans plus tard. J\u2019\u00e9tais d\u2019une timidit\u00e9 maladive. J\u2019entendais la voix de mon p\u00e8re me traiter de femmelette. Sa virilit\u00e9 \u00e9tait factice, une armure lourde qu\u2019il croyait bienveillante en me l\u2019imposant. Cette honte d\u2019\u00eatre ce que je suis je crois qu\u2019il me l\u2019a transmise. La fin du monde ne demande pas de responsable. Toute cette \u00e9nergie li\u00e9e \u00e0 l\u2019implication finit par para\u00eetre d\u00e9risoire. L\u2019implication : \u00e0 croire qu\u2019un geste suffit pour revenir en arri\u00e8re, alors que l\u2019arbre est d\u00e9j\u00e0 creux.<\/p>\n

5 septembre<\/a><\/strong> — R\u00e9veill\u00e9 t\u00f4t. Sensation de brouillard. Une fuite. Fen\u00eatre du grenier mal isol\u00e9e. L\u2019eau est pass\u00e9e dessous, a imbib\u00e9 le plancher, et de l\u00e0 s\u2019est mise \u00e0 couler dans la chambre. Lydie Salvayre. Le bouquin commence par une lettre d\u2019huissier. Tout cela fait une sorte de blot. Tout cela c\u2019est de l\u2019insupportable \u00e0 filet continu. Et aussi j\u2019entends des bruits. \u00c0 cinq heures du matin, un bruit de moteur, tr\u00e8s bas, mais insistant. Aplatissement devant la force publique : huissier, avocat, juge, policier. Et si, une fois cette peur abolie, r\u00e9duite \u00e0 une pluie passag\u00e8re. Mais qu\u2019est-ce qui \u00e9nerve ainsi. J\u2019habite l\u2019agacement. Je navigue \u00e0 l\u2019estime entre ces deux p\u00f4les. Promenade sur les hauteurs de Roussillon. Nous avons profit\u00e9 pour distribuer les flyers. J\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 lire ce matin le journal d\u2019ao\u00fbt de T.C. Grande coh\u00e9rence due \u00e0 cette forme br\u00e8ve. Le fait de lire les autres sans entrer en contact via les commentaires cr\u00e9e un espace, probablement imaginaire, mais qui me convient.<\/p>\n

6 septembre<\/a><\/strong> — En relisant T\u00e9n\u00e8bres en terres froides de Charles Juliet. M\u00e9decine abandonn\u00e9e, avenir assur\u00e9 rompu. Il choisit d\u2019\u00e9crire. Non l\u2019id\u00e9al mais la peur. Je m\u2019agace de m\u2019y reconna\u00eetre. La plainte tenue comme fil. Moi je l\u2019ai tue. Bars, filles, voyages, errances, interdits. La trahison revient \u00e0 date fixe. Cette duret\u00e9, la sienne, la mienne, n\u2019est-elle pas un h\u00e9ritage. On croit faire diff\u00e9remment, au bout du compte c\u2019est la m\u00eame empreinte. Souffrance, trahison, culpabilit\u00e9 : non des failles, mais les outils qui dessinent le moteur. Moi j\u2019ouvrais un carnet, j\u2019inscrivais une date, je refermais. L\u2019\u00e9criture est venue par ennui. Ce sont les femmes qui m\u2019ont parl\u00e9 de Charles Juliet. G. le connaissait bien. En lisant ce premier texte, j\u2019avais \u00e9t\u00e9 \u00e0 la fois agac\u00e9 et admiratif. Impossible de choisir. Alors j\u2019ai \u00e9lud\u00e9 la rencontre.<\/p>\n

7 septembre<\/a><\/strong> — Tout dire de soi d\u2019un seul coup, comme on allume une m\u00e8che trop courte. Pas demain, pas plus tard, maintenant, avant que la machine ne le fasse pour moi. Elle saura recomposer mes gestes, mes go\u00fbts, mes silences, mais sans frottement, sans contradiction. J\u2019\u00e9cris comme on se jette : \u00e0 la vitesse d\u2019une chute, sans parachute, quitte \u00e0 me fracasser sur mes propres mots. Un kamikaze ne gagne rien, il ne sauve rien. Il fait seulement le geste. Et puis il y a ce coffret. Dedans, la tentation d\u2019en finir, pos\u00e9e sur son coussinet de velours rouge. Ma censure est aveugle. Elle laisse passer l\u2019accident, l\u2019incoh\u00e9rence, l\u2019inutile. L\u00e0 o\u00f9 la machine supprime. J\u2019avance parce que je ne sais pas ce que je retiens. Ce non-su, c\u2019est encore vivre. Tu n\u2019avais pas envie de te rendre dans la Loire hier soir. Mais la date \u00e9tait inscrite \u00e0 l\u2019agenda. \u00c9videmment on se perd. Belle soir\u00e9e d\u2019automne. \u00c9tonn\u00e9 d\u2019avoir ri de bon coeur sur le retour. Voil\u00e0 ce que pourrait \u00eatre la vie : \u00eatre grotesque sans le savoir.<\/p>\n

8 septembre<\/a><\/strong> — Nouvelle crise, repli. Honte de montrer mes textes. L\u2019attente encore d\u2019\u00eatre reconnu, aim\u00e9, fausse tout. Alors les mots deviennent spectacle. La v\u00e9rit\u00e9 se d\u00e9robait sans fin. J\u2019\u00e9cris peut-\u00eatre pour ce manque. Je relis mes textes avec peine. L\u2019id\u00e9e de les effacer et de les remplacer me revient souvent. Ce d\u00e9go\u00fbt peut \u00eatre un moteur : transformer chaque texte, les r\u00e9duire \u00e0 peu de chose, comme une cicatrice claire. Deux colonnes : \u00e0 gauche l\u2019extrait aminci, en romain peut-\u00eatre, \u00e0 droite, en italique le texte d\u2019origine. Ce n\u2019est pas de l\u2019attachement. C\u2019est comme en for\u00eat : on noue des rep\u00e8res aux branches pour retrouver le chemin. Savoir d\u2019o\u00f9 l\u2019on est parti pour savoir y revenir.<\/p>\n

9 septembre<\/a><\/strong> — R\u00e9veil t\u00f4t. Un livre sur la table, Sei Sh\u00f4nagon. Autour, les t\u00e9n\u00e8bres. L\u2019information fabrique des foules. Le besoin de sens devient d\u00e9mesur\u00e9. Je ne suis pas important. Tout est important. Rien ne l\u2019est. Les deux \u00e0 la fois. Je vacille. Entre tout. Et rien. La composition para\u00eet froide. Utiliser l\u2019IA comme miroir. Ce que je d\u00e9couvre : le danger. La peur vient du flou. Deux images qui ne se superposent plus. Le connu. L\u2019inconnu. Mise au point impossible. Publier chaque jour, c\u2019est donner au texte son tiers. F\u00fbt-il muet. Sans le tiers, rien ne vacille. Rien ne s\u2019\u00e9crit.<\/p>\n

10 septembre<\/a><\/strong> — Je imite. Copier. Singer. Fort pour \u00e7a. Pas pour descendre seul. L\u2019\u00e8re du peer to peer. Plus rien \u00e0 t\u00e9l\u00e9charger. Cliquer. Attendre. Lire. Coloscopie. Un litre et demi de produit. Lavement. Quatre heures. R\u00e9veil. H\u00f4pital. Attendre. Signer. Gentillesse suspecte. Explorer. Fouiller. Le doc. Jeune. Retirer. D\u00e9couper. Polypes. B\u00e9nin. Dire : pas de cancer. Merde. C\u2019est le cas. Retour. Manger. Bouffer. Vide. Soir. Changer. Remplacer. Bonneteau. Bayrou dehors. Le ministre d\u00e9sarm\u00e9 dedans. Tout change. Rien. Bonneteau. Les m\u00eames. Revenir. Repasser. L\u2019\u00e8re des m\u00e8mes.<\/p>\n

11 septembre<\/a><\/strong> — Un monde sans mots. Un autre o\u00f9 les mots d\u00e9bordent. Silence. Bruit. Je ne sais plus. Nuit. Jour. Les diff\u00e9rences s\u2019effacent. Grande peur, grand calme. Hier, nettoyage de squelettes. Retrait des constantes. Tailwind r\u00e9trograd\u00e9. SPIP mis \u00e0 jour. Lignes d\u00e9plac\u00e9es, code normalis\u00e9. Si \u00e7a ne fuit pas, je ne cours pas. Il faut que \u00e7a s\u2019\u00e9chappe. Pour que je cours. Traduction : deux po\u00e8mes de Clark Ashton Smith, une nouvelle de Pessoa. Minuit pass\u00e9. Je me tiens \u00e0 l\u2019\u00e9cart. Peut-\u00eatre un tort. L\u2019intuition persiste : supercherie. Covid. Vaccins. Bribes, rumeurs. Sources incertaines. Confusion. Commerce, mort.<\/p>\n

12 septembre<\/a><\/strong> — Caillois, la Po\u00e9tique de St-John Perse. L\u2019ab\u00eeme qui ne prend pas d\u2019un coup mais vous entra\u00eene lentement. Et cette phrase interminable, sans c\u00e9sure, inintelligible. Hier j\u2019ai chang\u00e9 la graisse des caract\u00e8res, abandonn\u00e9 une traduction, r\u00e9uni les textes Recto_Verso en un fichier. D\u00e9couvert le podcast, quarante-quatre minutes de louanges, trop. J\u2019ai ri, partag\u00e9 sur le WP de F.B, ri encore. Ce matin deux \u00e9l\u00e8ves. Cet apr\u00e8s-midi personne. Ce soir encore personne. Alors j\u2019ai rouvert Caillois. Plugin charg\u00e9, site plant\u00e9, r\u00e9par\u00e9. M\u00e9fiance. Devant le journal du soir je descends, je m\u2019assieds, je laisse S. s\u2019endormir devant l\u2019\u00e9cran. Je remonte. Le travail. Rien ne rapporte. Mais \u00e7a m\u2019occupe. Di\u00e8te concernant les r\u00e9seaux, cinq jours sans.<\/p>\n

13 septembre<\/a><\/strong> — Je n\u2019habiterai pas mon nom. J\u2019ai toujours refus\u00e9 de prendre un pseudonyme. J\u2019ai pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 gommer ce nom. N\u2019utiliser que des initiales. Le Dibbouk n\u2019est pas mon nom. C\u2019est un emprunt. Reste cette phrase ininterrompue qui continue de tracer son chemin. Je m\u2019appuie sur la ponctuation pour ne pas c\u00e9der. Des phrases br\u00e8ves. Je m\u2019interroge encore sur la pertinence d\u2019une infolettre. Le dispositif \u00e0 deux colonnes m\u2019attire. De l\u2019autre c\u00f4t\u00e9 je remplis un nouveau vault Obsidian : r\u00e9\u00e9critures, versions, reprises. Creuser, c\u2019est descendre dans une galerie. Poser des \u00e9tais. Ne pas savoir ce que je cherche au fond. Un mouvement r\u00e9p\u00e9t\u00e9 : m\u2019\u00e9lancer, renoncer, recommencer.<\/p>\n

14 septembre<\/a><\/strong> — La pr\u00e9sentation exige sa mise en forme, une mise \u00e0 mort. C\u2019est la seule raison pour laquelle continuer d\u2019\u00e9crire. Pousser l\u2019informe \u00e0 l\u2019extr\u00eame. Jusqu\u2019au d\u00e9go\u00fbt.<\/p>\n

15 septembre<\/a><\/strong> — Hier soir, en rentrant de V., j\u2019ai ouvert T\u00e9n\u00e8bres en terres froides de Charles Juliet. Ce qui m\u2019a frapp\u00e9, c\u2019est cette radicalit\u00e9 : une ou deux phrases suffisent \u00e0 marquer une journ\u00e9e. Une telle \u00e9conomie de mots me trouble, comme une gifle. La veille, je n\u2019avais moi-m\u00eame \u00e9crit qu\u2019une seule phrase. Le soir, pour compenser, je me suis jet\u00e9 sur deux longs textes pr\u00e9par\u00e9s : Peuples fabuleux, Lieux fabuleux. Rien de personnel, seulement des dossiers, de la documentation, de quoi remplir. J\u2019ai cru me satisfaire de ce leurre. Mais en reprenant Juliet, la question s\u2019est impos\u00e9e : \u00e9crit-il vraiment si peu ? Ou bien pr\u00e9l\u00e8ve-t-il ces phrases dans des fleuves d\u2019\u00e9criture invisibles ? Cette pens\u00e9e m\u2019a accompagn\u00e9 dans la nuit, nourrissant des cauchemars : solitude, monde sinistre, espace clos o\u00f9 nul autre que moi ne peut ni survivre ni vivre.<\/p>\n

16 septembre<\/a><\/strong> — J\u2019\u00e9coute la t\u00e9l\u00e9vision comme on \u00e9coute une machine \u00e0 broyer : ces experts qui parlent avec aplomb, toujours sur le ton de l\u2019\u00e9vidence, font glisser la science vers la d\u00e9rision. Le geste est pr\u00e9cis, sourire programm\u00e9, main qui ponctue la phrase. Je me demande si ce n\u2019est pas voulu, si l\u2019on ne cherche pas \u00e0 nous d\u00e9go\u00fbter de toute expertise pour mieux nous rendre disponibles \u00e0 la fable. Je me sens presque coupable d\u2019y penser, comme si dire cela avait quelque chose de complotiste. Malgr\u00e9 tout, je continue de m\u2019appuyer sur le peu de raison que j\u2019ai cultiv\u00e9. Entre deux paragraphes de code, j\u2019installe TCPDF pour g\u00e9n\u00e9rer des PDF depuis SPIP. J\u2019aper\u00e7ois un atelier d\u2019\u00e9criture en gestation que je veux suivre sans l\u2019exposer. Je r\u00e9ponds oui \u00e0 l\u2019association qui propose une \u00e9l\u00e8ve handicap\u00e9e. Une odeur d\u2019essence traverse la rue et ram\u00e8ne des visages et des lieux que j\u2019avais cru effac\u00e9s.<\/p>\n

17 septembre<\/a><\/strong> — La notion de dosage m\u2019est revenue en r\u00e9crivant une histoire que me contait mon grand-oncle R. enfant. La nuit de No\u00ebl, au rond du tr\u00e9sor, la terre s\u2019ouvrait au premier coup de minuit : un \u00e9clair, des coffres, des bijoux, l\u2019or r\u00e9pandu comme une braise. Douze coups seulement, pas un de plus. Longtemps j\u2019y ai vu un conte avertisseur. Ce soir je comprends autre chose : ce n\u2019est pas la menace qui compte, mais la cadence, le tempo juste qui laisse para\u00eetre le merveilleux. Comme disait D., mon patron photographe \u00e0 Clichy : dans la vie tout est une histoire de dosage. Ces phrases-l\u00e0, je les retiens, parfois sans en rien faire, mais elles reviennent comme la cloche qui sonne, rappel discret qu\u2019un passage peut s\u2019ouvrir.<\/p>\n

18 septembre<\/a><\/strong> — Depuis 2019 la faille est b\u00e9ante. Avant je pouvais me dire que tout finirait par s\u2019arranger ; ce mensonge ne tient plus. Le temps s\u2019est arr\u00eat\u00e9, nous vivons le pr\u00e9sent d\u2019une r\u00e9p\u00e9tition infernale. Quelque chose s\u2019est creus\u00e9 alors, un tunnel vers le plus pourri du c\u0153ur des hommes, notamment le mien. Et les d\u00e9mons s\u2019en servent d\u2019ascenseur : ils remontent du ciel infernal vers notre sous-sol terrestre. Depuis 2019 tout est invers\u00e9. J\u2019ai failli souhaiter bon anniversaire \u00e0 J.O. et F.B. Puis je me suis souvenu que ma seule relation avec eux est celle d\u2019un lecteur. Donc non. Un pacte ne se brise pas sous couvert de bonnes intentions. Hier j\u2019ai encore retouch\u00e9 la carte interactive : j\u2019ai ajout\u00e9 aux points g\u00e9olocalis\u00e9s des listes d\u2019articles sous forme d\u2019info-bulles. Je me suis dirig\u00e9 vers les diagrammes de Voronoi, puis vers la graph-view d\u2019Obsidian. Au final ce site devient un objet litt\u00e9raire. Un ovni. Si des livres s\u2019en \u00e9chappent ce ne seront gu\u00e8re plus que des stolons.<\/p>\n

19 septembre<\/a><\/strong> — R\u00e9veil \u00e0 00h15. Impression persistante de d\u00e9connexion. Comme si j\u2019avais travers\u00e9 des voiles de r\u00e9el pour me retrouver en terre inconnue. Je ne reconnais plus rien. Les mots qu\u2019on me dit, les injonctions : je les rep\u00e8re aussit\u00f4t pour ce qu\u2019ils sont mais ils n\u2019ont aucune prise sur ma volont\u00e9. En faire qu\u2019\u00e0 sa t\u00eate, disait-on autrefois. Comme si ces injonctions s\u2019adressaient \u00e0 un double. C\u2019est une anomalie de ne pas \u00eatre dupe. Une anomalie que je paie cher. J\u2019ai multipli\u00e9 les efforts pour appartenir \u00e0 cette r\u00e9alit\u00e9, mais tout s\u2019est toujours sold\u00e9 par un effondrement. Et si ce que nous appelons rationnel, raisonnable n\u2019\u00e9tait que la plus monstrueuse des fictions ? Recouch\u00e9 \u00e0 4 h, apr\u00e8s une nuit de code. Dans mes cauchemars, je les voyais : des cr\u00e9atures toxiques. J\u2019avais d\u00e9j\u00e0 cette cohorte aux basques \u00e0 six ans, et cette obligation de responsabilit\u00e9 envers elle. J\u2019\u00e9tais le p\u00e8re de mon p\u00e8re, le p\u00e8re de mon grand-p\u00e8re, charg\u00e9 de tenir, \u00e0 bout de bras, les enfants qui n\u2019allaient jamais na\u00eetre.<\/p>\n

20 septembre<\/a><\/strong> — Quelques efforts physiques. Fini de d\u00e9barrasser la cave : j\u2019y ai remont\u00e9 huit carcasses d\u2019ordinateur, emball\u00e9es dans du plastique. Toujours une grande tristesse de jeter tout \u00e7a, puis ce dr\u00f4le de soulagement, physique, d\u2019\u00eatre all\u00e9g\u00e9 d\u2019un poids. J\u2019\u00e9cris pour moi. Si je me dis que j\u2019\u00e9cris pour d\u2019autres, \u00e7a ne marche pas. Les poses. Cette horreur de la pose m\u2019est venue d\u2019un seul coup. En m\u00eame temps il faut poser, faire semblant. Sinon tu n\u2019as pas d\u2019\u00e9l\u00e8ves, ils partent. Mais quelle \u00e9nergie \u00e7a demande. Plus \u00e7a va, moins j\u2019ai envie de d\u00e9penser cette \u00e9nergie. Mon principal client, c\u2019est moi : j\u2019arrive \u00e0 me pomper sans vergogne. Le prix \u00e0 payer : nuits d\u2019insomnie, sensation d\u2019\u00eatre un singleton perdu dans l\u2019espace intersid\u00e9ral. Du charabia. Tu pourrais l\u2019effacer, \u00e7a ne changerait rien. Je tiens dans le verbe tenir, repli\u00e9 en lui, transport\u00e9 en lui, comme dans un ventre.<\/p>\n

21 septembre<\/a><\/strong> — Ne plus rien voir, ne plus rien entendre : juste l\u2019\u00e9lan nu d\u2019aller jusqu\u2019aux limites, les franchir d\u2019un pas sec, sans se retourner. Cette \u00e9pid\u00e9mie de solitude qui frappe l\u2019humanit\u00e9 est sans pr\u00e9c\u00e9dent. Il fallait qu\u2019elle advienne dans une \u00e9poque marqu\u00e9e par la communication \u00e0 outrance. Communiquer ce n\u2019est pas cr\u00e9er une chapelle, une \u00e9glise, encore moins une religion. Le bourdonnement d\u2019une mouche je m\u2019\u00e9fforce de ne pas l\u2019entendre. Idem pour ce moteur dans le voisinage. Idem pour tout ce qui rumine en moi, tout au fond de moi. J\u2019\u00e9cris et en m\u00eame temps que j\u2019\u00e9cris tout cela je franchis cette fronti\u00e8re. Me voici dans mon propre d\u00e9sert soudain.<\/p>\n

22 septembre<\/a><\/strong> — Cette \u00e9trange mentalit\u00e9, aristocratique plus que petite-bourgeoise, cette maladie obstin\u00e9e qui persiste \u00e0 consid\u00e9rer l\u2019argent comme de la merde et, dans le m\u00eame mouvement, \u00e0 se complaire dans son absence, comme si le manque lui-m\u00eame devenait une forme de distinction. L\u2019obsession d\u2019indigence chronique, miroir parfait d\u2019une obsession d\u2019abondance. Ce fer dans la paume de qui domine parce qu\u2019il poss\u00e8de, lui, l\u2019argent, le choix, la d\u00e9cision de t\u2019an\u00e9antir quand bon lui semble. Cette rage, exactement semblable \u00e0 la folie du pouvoir, que tu ne pourras jamais vraiment montrer parce que la loi r\u00e8gne d\u00e9sormais dans ton cr\u00e2ne. Et qu\u2019ils s\u2019entretueront une derni\u00e8re fois encore, sous la vo\u00fbte \u00e9toil\u00e9e, devant le regard des \u00e9toiles indiff\u00e9rentes. Et dans ce gouffre tu tombes, tu tomberas avec eux.<\/p>\n

23 septembre<\/a><\/strong> — Kolt\u00e8s. D\u00e8s lors et pour un temps. La phrase s\u2019enclenche comme une machine administrative. Vide. On administre. L\u2019automne tombe d\u2019un coup. Froid, pluie. Mais le climat n\u2019est plus une excuse. Ni gai ni triste. Entre deux. R\u00e9\u00e9crire, c\u2019est me d\u00e9membrer. Puis voir surgir un texte qui n\u2019est pas moi, pas l\u2019autre. J\u2019aime ce d\u00e9placement. \u00c0 l\u2019\u00e9tage, au-dessus de l\u2019atelier, tout est rest\u00e9 comme il y a dix ans. Meubles paternels, cartons, vieilles toiles. Et le bois. Tas de bois \u00e9norme. Peur de jeter, fantasme du \u00e7a peut servir. D\u00e9faut de confiance en l\u2019avenir. D\u00e8s lors et pour un temps. Il faudrait apprendre \u00e0 jeter. Ou au moins lever la main, la laisser tomber.<\/p>\n

24 septembre<\/a><\/strong> — Lyon. E. montre ses mains. Blanches, veineuses. Aux doigts, un rouge \u00e9caill\u00e9. La peau laisse voir l\u2019os. Elle ne mange presque plus. Une demi-quenelle, pas davantage. Mais la cr\u00e8me \u00e0 la vanille, un pot entier. Si maigre qu\u2019un souffle pourrait l\u2019emporter. S. s\u2019\u00e9nerve. Leur lien, c\u2019est \u00e7a : col\u00e8re et miroir. Je lis Kolt\u00e8s. Le mot or s\u2019impose. Or donc. Or ni car. Souvenir scolaire. Alors, pourquoi pas une langue de voleur ? Mais voler, pour moi, c\u2019\u00e9tait d\u00e9coller du sol. Quelques secondes. Retomber. Repartir. Vol de poulet. Dans le r\u00eave, je savais la faille, mais je n\u2019y changeais rien. L\u2019enfer est peut-\u00eatre \u00e7a : voir l\u2019erreur, et malgr\u00e9 tout recommencer. Un soir la nuit a d\u00e9cid\u00e9 de rester. Plus de soleil. Plus d\u2019\u00e9lectricit\u00e9. On ne voit pas sa main. Un enfant appelle. On regarde la poign\u00e9e. La main tremble. On l\u00e2che la poign\u00e9e. On recule. La bougie vacille. La nuit rit.<\/p>\n

25 septembre<\/a><\/strong> — Tout semblait normal. Tout continuait comme avant. Mais derri\u00e8re la fa\u00e7ade, non : rien n\u2019\u00e9tait plus comme avant. La vie se jouait dans un d\u00e9cor de carton-p\u00e2te. Le pi\u00e8ge s\u2019\u00e9tait referm\u00e9 : banques, cr\u00e9dits, salaires, \u00e9ch\u00e9ances. Watt a dit : Et si tu plaques tout, si tu te tires, il se passe quoi ? Molly est partie dans un long monologue. La l\u00e2chet\u00e9 des hommes en g\u00e9n\u00e9ral, celle de Watt en particulier. Alors Watt a dit : Oui, je suis l\u00e2che. Si tu essaies de retrouver le poison des ann\u00e9es 80, tu t\u2019apercevras que c\u2019est le m\u00eame dans les ann\u00e9es 2000 puis 2020. C\u00e9l\u00e9brit\u00e9 et pognon. Voici comment la jeunesse est d\u00e9cim\u00e9e de g\u00e9n\u00e9ration en g\u00e9n\u00e9ration. R\u00eaves : un tribunal, les juges sont en hauteur. Ils surplombent le mis en cause. Le mis en cause reste muet. Et pour cause on lui a cousu les l\u00e8vres.<\/p>\n

26 septembre<\/a><\/strong> — Je reviens aux pens\u00e9es enfantines. Ces id\u00e9es \u00e9tranges que j\u2019ai fini par taire. On appelait \u00e7a de l\u2019animisme, doubl\u00e9 d\u2019idiotie. On disait aussi que j\u2019avais un g\u00e9nie des nombres, tu\u00e9 net par l\u2019\u00e9cole des ann\u00e9es soixante. Il suffit de croire pour devenir. La croyance comme moteur du travail. Rien de miraculeux. Une simple astuce. Mais une fois d\u00e9busqu\u00e9e, impossible d\u2019y croire encore. Alors surgit la question : d\u2019o\u00f9 vient-elle, cette croyance ? On comprend qu\u2019elle n\u2019est pas de soi. Elle vient d\u2019un h\u00e9ritage. Quelqu\u2019un, jadis, a voulu commencer quelque chose qu\u2019il n\u2019a pas pu finir. En nous demeure sa plainte, son inach\u00e8vement. Fermer les yeux. Se boucher les oreilles. Plisser les l\u00e8vres. Automne dehors, automne dedans. Comment sera la litt\u00e9rature au XXII\u1d49 si\u00e8cle. Apr\u00e8s l\u2019autofiction et le nombril, apr\u00e8s l\u2019anthropocentrisme, peut-\u00eatre viendra le temps o\u00f9 les pierres, l\u2019eau, la v\u00e9g\u00e9tation parleront enfin.<\/p>\n

27 septembre<\/a><\/strong> — J\u2019ouvre \u00e0 nouveau T\u00e9n\u00e8bres en Terre Froide comme si je grattais une vieille plaie. La douleur vient de cette m\u00eame difficult\u00e9, diff\u00e9rente pourtant, que j\u2019\u00e9prouvais alors au m\u00eame \u00e2ge. Aussit\u00f4t ces phrases pos\u00e9es, j\u2019ai envie de les biffer : elles me r\u00e9v\u00e8lent mon impuissance, ma l\u00e2chet\u00e9. N\u2019ai-je donc pas assez de recul, un peu de commis\u00e9ration envers nous deux, si semblables \u00e0 tous les jeunes gens. De l\u00e0 vient ton refuge dans le concept de brouillon, jusque sur ce site. Tout reste brouillon, en attente d\u2019une mise au propre sans cesse repouss\u00e9e. Tu te brouilles avec toi-m\u00eame, puis avec le monde. La brouille d\u00e9borde : marge, campagne, pav\u00e9 des villes. Et voici encore un bloc de texte pour dire peu. Une phrase suffirait, un mot : vuln\u00e9rable. Aujourd\u2019hui comme hier, et sans doute demain. Et ce d\u00e9sir encore d\u2019aller plus loin, plus en profondeur, comme si l\u2019insatisfaction se confondait avec la bri\u00e8vet\u00e9.<\/p>\n

28 septembre<\/a><\/strong> — La premi\u00e8re chose qui surgit, sans secousse, c\u2019est le d\u00e9calage. Un nez. L\u2019\u00e9tranget\u00e9, c\u2019est \u00e7a : interroger ce qui ne s\u2019interroge jamais. Nous poss\u00e9dons tous ce nez, en m\u00eame temps qu\u2019il nous poss\u00e8de. L\u2019index qui frotte l\u2019\u00e9cran. Le d\u00e9filement commence : images, annonces, miettes de phrases. Tout s\u2019encha\u00eene sans ordre. On croit choisir, mais c\u2019est l\u2019\u0153il qui est choisi, l\u2019index happ\u00e9. Le v\u00e9ritable organe, c\u2019est le doigt. Fascinant et terrifiant \u00e0 la fois. Sans doute \u00e9crire sert-il \u00e0 cela. \u00c9crire me sert \u00e0 traverser les \u00e9vidences. Hier matin Su. est revenue. S\u00e9ance agr\u00e9able, malgr\u00e9 la tristesse de Ca., qui avait enterr\u00e9 son b\u00e9lier au petit matin. Les cornes du b\u00e9lier, en spirale. J\u2019ai pens\u00e9 \u00e0 la suite de Fibonacci. Nous sommes mont\u00e9s vers Lyon o\u00f9 L. et N. nous attendaient. Discussion autour de la notion d\u2019appartement. Et si nous vendions la maison ? Et j\u2019ai reconnu ce gamin de neuf ans qu\u2019on bringuebalait de lieu en lieu, incapable de s\u2019enraciner.<\/p>\n

29 septembre<\/a><\/strong> — Tout contact rompu avec M-A. La vraie raison : ce feu o\u00f9 j\u2019ai jet\u00e9 mes carnets. Pas tant pour leur contenu que pour le sacrifice. La perte inconsolable. Le chantage, r\u00e9el ou imaginaire. \u00c9crire ou vivre. Pas de rancune. L\u2019incompr\u00e9hension, l\u2019\u00e9go\u00efsme, le sien, le mien. Ce jour-l\u00e0 j\u2019ai cru tout perdre. Vingt ans sans \u00e9crire. J\u2019ai choisi de vivre, et ce fut un calvaire. Plus de filet, plus d\u2019amortisseur. J\u2019ai d\u00e9val\u00e9 ces ann\u00e9es \u00e0 m\u2019en cabosser le corps entier. M-A, j\u2019esp\u00e8re, vit la vie qu\u2019elle voulait. Moi, il m\u2019arrive d\u2019avoir envie de tout d\u00e9truire. Appuyer sur suppr. M\u2019effacer. Juliet n\u2019aide pas. Perdre le contact est ma sp\u00e9cialit\u00e9. C\u2019est une discipline. Une pr\u00e9paration. On meurt seul. De Juliet j\u2019ai retenu l\u2019ennui. Aussit\u00f4t la peur que mes textes fassent pareil. J\u2019ai laiss\u00e9 Juliet pour Bernhard. Perturbations. Je l\u2019avais lu dans les ann\u00e9es 80. Cette fois, en le reprenant, une sensation \u00e9trange : comme une mise au point t\u00e9l\u00e9m\u00e9trique.<\/p>\n

30 septembre<\/a><\/strong> — Sans la com\u00e9die, la trag\u00e9die, que serions-nous, que ferions-nous. Osciller de l\u2019une \u00e0 l\u2019autre durant l\u2019espace d\u2019une journ\u00e9e nous procure un ersatz d\u2019existence, nous sommes ainsi spectateurs de nous-m\u00eames. Chez Beckett, apr\u00e8s la chute du rideau, il ne reste qu\u2019un reste minimal : une chaise, un souffle, un mot qui revient. Chez Novarina, l\u2019apr\u00e8s-sc\u00e8ne prend la forme inverse : non pas le silence mais le trop-plein. Une profusion de voix, un langage qui ne repr\u00e9sente plus mais s\u2019auto-engendre. Que resterait-il dans l\u2019\u00e9criture si je retirais soudain la reflexion, l\u2019explication qui sont aussi des personnages familiers de ces textes. Il resterait le plateau nu des phrases. Le geste, le souffle, l\u2019objet. Non plus dire ce que cela veut dire, mais simplement d\u00e9poser ce qui est l\u00e0. Le rideau est tomb\u00e9. La salle vide garde l\u2019odeur de poussi\u00e8re et de bois chauff\u00e9. Une chaise demeure, rien d\u2019autre. Peut-\u00eatre que ce qui subsiste, apr\u00e8s la com\u00e9die, la trag\u00e9die, ce n\u2019est rien d\u2019autre que cela : quelques phrases encore debout, une chaise, un souffle.<\/p>", "content_text": " **[1er septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/1-septembre-2025.html)** \u2014 J\u2019\u00e9cris pour fabriquer un leurre, grotesque et bavard, afin de me tenir \u00e0 distance de l\u2019Innommable. Mais ce leurre bavarde trop, il parle trop, n\u2019est-ce pas voulu qu\u2019il se trahisse par son bruit. Chaque phrase que je pose accro\u00eet le danger, au lieu de me prot\u00e9ger. Et pourtant j\u2019\u00e9cris encore : grotesque, bavard, fissur\u00e9, mon seul bouclier face \u00e0 l\u2019Innommable. J\u2019avance \u00e0 couvert vers l\u2019innommable mais dans quelle intention ? **[2 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/2-septembre-2025.html)** \u2014 \u00c9crire l\u2019impossibilit\u00e9 d\u2019\u00e9crire. Tenter de masquer un vide, d\u2019essayer de l\u2019habiller au moins, peut-\u00eatre tenter d\u2019en faire un vide d\u00e9cent. Cela me ram\u00e8ne \u00e0 l\u2019enterrement de mon p\u00e8re. Je n\u2019avais pas de costume. Retour \u00e0 Limeil-Br\u00e9vannes apr\u00e8s sa mort. J\u2019ai taill\u00e9 la haie, explor\u00e9 les armoires, les placards. Un camion de pompiers en travers de la rue. J\u2019ai grimp\u00e9 dans une benne pour r\u00e9cup\u00e9rer les cahiers d\u2019un inconnu jet\u00e9s aux ordures. Je les avais lus en diagonale par simple curiosit\u00e9. Qu\u2019allais-je faire du vide d\u2019un autre pour habiller mon propre vide ? **[3 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/3-septembre-2025.html)** \u2014 Une tension ancienne, toujours l\u00e0 : une langue distingue, l\u2019autre soude. Deux p\u00f4les : l\u2019entre-soi rare et le collectif satur\u00e9. Logos contre vox. \u00c9crire avec deux voix qui s\u2019opposent et se nourrissent. Rendez-vous \u00e0 C., anesth\u00e9siste. Cinq minutes, cinquante-cinq euros. Bureau des pr\u00e9admissions. Jeune homme appliqu\u00e9, collier de barbe, pas un sourire. Au Vernay, E. ne se souvient plus de mon pr\u00e9nom. S. la gronde. E. dit non d\u00e9sormais. Non au melon, non r\u00e9p\u00e9t\u00e9, ferme, enfantin. Bourdon terrible en pensant \u00e0 l\u2019apr\u00e8s. J\u2019ai utilis\u00e9 Deepseek cette fois pour modifier ma page d\u2019accueil. Plus rapide que ChatGPT, moins d\u2019erreurs. Cr\u00e9ation d\u2019un fichier lien.html dans le dossier mod\u00e8les pour les articles hebdo. **[4 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/4-septembre-2025.html)** \u2014 Mon p\u00e8re revient par bouff\u00e9es, avec l\u2019automne, toujours l\u2019automne, comme un effondrement lent qui commence par la rentr\u00e9e. Pour lui l\u2019\u00e9cole \u00e9tait la cl\u00e9, lui qui l\u2019avait quitt\u00e9e \u00e0 seize ans pour s\u2019engager dans les fusiliers marins et partir en Cor\u00e9e. Son p\u00e8re \u00e0 lui \u00e9tait seulement parti acheter des cigarettes et n\u2019\u00e9tait revenu que douze ans plus tard. J\u2019\u00e9tais d\u2019une timidit\u00e9 maladive. J\u2019entendais la voix de mon p\u00e8re me traiter de femmelette. Sa virilit\u00e9 \u00e9tait factice, une armure lourde qu\u2019il croyait bienveillante en me l\u2019imposant. Cette honte d\u2019\u00eatre ce que je suis je crois qu\u2019il me l\u2019a transmise. La fin du monde ne demande pas de responsable. Toute cette \u00e9nergie li\u00e9e \u00e0 l\u2019implication finit par para\u00eetre d\u00e9risoire. L\u2019implication : \u00e0 croire qu\u2019un geste suffit pour revenir en arri\u00e8re, alors que l\u2019arbre est d\u00e9j\u00e0 creux. **[5 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/5-septembre-2025.html)** \u2014 R\u00e9veill\u00e9 t\u00f4t. Sensation de brouillard. Une fuite. Fen\u00eatre du grenier mal isol\u00e9e. L\u2019eau est pass\u00e9e dessous, a imbib\u00e9 le plancher, et de l\u00e0 s\u2019est mise \u00e0 couler dans la chambre. Lydie Salvayre. Le bouquin commence par une lettre d\u2019huissier. Tout cela fait une sorte de blot. Tout cela c\u2019est de l\u2019insupportable \u00e0 filet continu. Et aussi j\u2019entends des bruits. \u00c0 cinq heures du matin, un bruit de moteur, tr\u00e8s bas, mais insistant. Aplatissement devant la force publique : huissier, avocat, juge, policier. Et si, une fois cette peur abolie, r\u00e9duite \u00e0 une pluie passag\u00e8re. Mais qu\u2019est-ce qui \u00e9nerve ainsi. J\u2019habite l\u2019agacement. Je navigue \u00e0 l\u2019estime entre ces deux p\u00f4les. Promenade sur les hauteurs de Roussillon. Nous avons profit\u00e9 pour distribuer les flyers. J\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 lire ce matin le journal d\u2019ao\u00fbt de T.C. Grande coh\u00e9rence due \u00e0 cette forme br\u00e8ve. Le fait de lire les autres sans entrer en contact via les commentaires cr\u00e9e un espace, probablement imaginaire, mais qui me convient. **[6 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/6-septembre-2025.html)** \u2014 En relisant T\u00e9n\u00e8bres en terres froides de Charles Juliet. M\u00e9decine abandonn\u00e9e, avenir assur\u00e9 rompu. Il choisit d\u2019\u00e9crire. Non l\u2019id\u00e9al mais la peur. Je m\u2019agace de m\u2019y reconna\u00eetre. La plainte tenue comme fil. Moi je l\u2019ai tue. Bars, filles, voyages, errances, interdits. La trahison revient \u00e0 date fixe. Cette duret\u00e9, la sienne, la mienne, n\u2019est-elle pas un h\u00e9ritage. On croit faire diff\u00e9remment, au bout du compte c\u2019est la m\u00eame empreinte. Souffrance, trahison, culpabilit\u00e9 : non des failles, mais les outils qui dessinent le moteur. Moi j\u2019ouvrais un carnet, j\u2019inscrivais une date, je refermais. L\u2019\u00e9criture est venue par ennui. Ce sont les femmes qui m\u2019ont parl\u00e9 de Charles Juliet. G. le connaissait bien. En lisant ce premier texte, j\u2019avais \u00e9t\u00e9 \u00e0 la fois agac\u00e9 et admiratif. Impossible de choisir. Alors j\u2019ai \u00e9lud\u00e9 la rencontre. **[7 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/7-septembre-2025.html)** \u2014 Tout dire de soi d\u2019un seul coup, comme on allume une m\u00e8che trop courte. Pas demain, pas plus tard, maintenant, avant que la machine ne le fasse pour moi. Elle saura recomposer mes gestes, mes go\u00fbts, mes silences, mais sans frottement, sans contradiction. J\u2019\u00e9cris comme on se jette : \u00e0 la vitesse d\u2019une chute, sans parachute, quitte \u00e0 me fracasser sur mes propres mots. Un kamikaze ne gagne rien, il ne sauve rien. Il fait seulement le geste. Et puis il y a ce coffret. Dedans, la tentation d\u2019en finir, pos\u00e9e sur son coussinet de velours rouge. Ma censure est aveugle. Elle laisse passer l\u2019accident, l\u2019incoh\u00e9rence, l\u2019inutile. L\u00e0 o\u00f9 la machine supprime. J\u2019avance parce que je ne sais pas ce que je retiens. Ce non-su, c\u2019est encore vivre. Tu n\u2019avais pas envie de te rendre dans la Loire hier soir. Mais la date \u00e9tait inscrite \u00e0 l\u2019agenda. \u00c9videmment on se perd. Belle soir\u00e9e d\u2019automne. \u00c9tonn\u00e9 d\u2019avoir ri de bon coeur sur le retour. Voil\u00e0 ce que pourrait \u00eatre la vie : \u00eatre grotesque sans le savoir. **[8 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/8-septembre-2025.html)** \u2014 Nouvelle crise, repli. Honte de montrer mes textes. L\u2019attente encore d\u2019\u00eatre reconnu, aim\u00e9, fausse tout. Alors les mots deviennent spectacle. La v\u00e9rit\u00e9 se d\u00e9robait sans fin. J\u2019\u00e9cris peut-\u00eatre pour ce manque. Je relis mes textes avec peine. L\u2019id\u00e9e de les effacer et de les remplacer me revient souvent. Ce d\u00e9go\u00fbt peut \u00eatre un moteur : transformer chaque texte, les r\u00e9duire \u00e0 peu de chose, comme une cicatrice claire. Deux colonnes : \u00e0 gauche l\u2019extrait aminci, en romain peut-\u00eatre, \u00e0 droite, en italique le texte d\u2019origine. Ce n\u2019est pas de l\u2019attachement. C\u2019est comme en for\u00eat : on noue des rep\u00e8res aux branches pour retrouver le chemin. Savoir d\u2019o\u00f9 l\u2019on est parti pour savoir y revenir. **[9 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/9-septembre-2025.html)** \u2014 R\u00e9veil t\u00f4t. Un livre sur la table, Sei Sh\u00f4nagon. Autour, les t\u00e9n\u00e8bres. L\u2019information fabrique des foules. Le besoin de sens devient d\u00e9mesur\u00e9. Je ne suis pas important. Tout est important. Rien ne l\u2019est. Les deux \u00e0 la fois. Je vacille. Entre tout. Et rien. La composition para\u00eet froide. Utiliser l\u2019IA comme miroir. Ce que je d\u00e9couvre : le danger. La peur vient du flou. Deux images qui ne se superposent plus. Le connu. L\u2019inconnu. Mise au point impossible. Publier chaque jour, c\u2019est donner au texte son tiers. F\u00fbt-il muet. Sans le tiers, rien ne vacille. Rien ne s\u2019\u00e9crit. **[10 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/10-septembre-2025.html)** \u2014 Je imite. Copier. Singer. Fort pour \u00e7a. Pas pour descendre seul. L\u2019\u00e8re du peer to peer. Plus rien \u00e0 t\u00e9l\u00e9charger. Cliquer. Attendre. Lire. Coloscopie. Un litre et demi de produit. Lavement. Quatre heures. R\u00e9veil. H\u00f4pital. Attendre. Signer. Gentillesse suspecte. Explorer. Fouiller. Le doc. Jeune. Retirer. D\u00e9couper. Polypes. B\u00e9nin. Dire : pas de cancer. Merde. C\u2019est le cas. Retour. Manger. Bouffer. Vide. Soir. Changer. Remplacer. Bonneteau. Bayrou dehors. Le ministre d\u00e9sarm\u00e9 dedans. Tout change. Rien. Bonneteau. Les m\u00eames. Revenir. Repasser. L\u2019\u00e8re des m\u00e8mes. **[11 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/11-septembre-2025.html)** \u2014 Un monde sans mots. Un autre o\u00f9 les mots d\u00e9bordent. Silence. Bruit. Je ne sais plus. Nuit. Jour. Les diff\u00e9rences s\u2019effacent. Grande peur, grand calme. Hier, nettoyage de squelettes. Retrait des constantes. Tailwind r\u00e9trograd\u00e9. SPIP mis \u00e0 jour. Lignes d\u00e9plac\u00e9es, code normalis\u00e9. Si \u00e7a ne fuit pas, je ne cours pas. Il faut que \u00e7a s\u2019\u00e9chappe. Pour que je cours. Traduction : deux po\u00e8mes de Clark Ashton Smith, une nouvelle de Pessoa. Minuit pass\u00e9. Je me tiens \u00e0 l\u2019\u00e9cart. Peut-\u00eatre un tort. L\u2019intuition persiste : supercherie. Covid. Vaccins. Bribes, rumeurs. Sources incertaines. Confusion. Commerce, mort. **[12 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/12-septembre-2025.html)** \u2014 Caillois, la Po\u00e9tique de St-John Perse. L\u2019ab\u00eeme qui ne prend pas d\u2019un coup mais vous entra\u00eene lentement. Et cette phrase interminable, sans c\u00e9sure, inintelligible. Hier j\u2019ai chang\u00e9 la graisse des caract\u00e8res, abandonn\u00e9 une traduction, r\u00e9uni les textes Recto_Verso en un fichier. D\u00e9couvert le podcast, quarante-quatre minutes de louanges, trop. J\u2019ai ri, partag\u00e9 sur le WP de F.B, ri encore. Ce matin deux \u00e9l\u00e8ves. Cet apr\u00e8s-midi personne. Ce soir encore personne. Alors j\u2019ai rouvert Caillois. Plugin charg\u00e9, site plant\u00e9, r\u00e9par\u00e9. M\u00e9fiance. Devant le journal du soir je descends, je m\u2019assieds, je laisse S. s\u2019endormir devant l\u2019\u00e9cran. Je remonte. Le travail. Rien ne rapporte. Mais \u00e7a m\u2019occupe. Di\u00e8te concernant les r\u00e9seaux, cinq jours sans. **[13 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/13-septembre-2025.html)** \u2014 Je n\u2019habiterai pas mon nom. J\u2019ai toujours refus\u00e9 de prendre un pseudonyme. J\u2019ai pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 gommer ce nom. N\u2019utiliser que des initiales. Le Dibbouk n\u2019est pas mon nom. C\u2019est un emprunt. Reste cette phrase ininterrompue qui continue de tracer son chemin. Je m\u2019appuie sur la ponctuation pour ne pas c\u00e9der. Des phrases br\u00e8ves. Je m\u2019interroge encore sur la pertinence d\u2019une infolettre. Le dispositif \u00e0 deux colonnes m\u2019attire. De l\u2019autre c\u00f4t\u00e9 je remplis un nouveau vault Obsidian : r\u00e9\u00e9critures, versions, reprises. Creuser, c\u2019est descendre dans une galerie. Poser des \u00e9tais. Ne pas savoir ce que je cherche au fond. Un mouvement r\u00e9p\u00e9t\u00e9 : m\u2019\u00e9lancer, renoncer, recommencer. **[14 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/14-septembre-2025.html)** \u2014 La pr\u00e9sentation exige sa mise en forme, une mise \u00e0 mort. C\u2019est la seule raison pour laquelle continuer d\u2019\u00e9crire. Pousser l\u2019informe \u00e0 l\u2019extr\u00eame. Jusqu\u2019au d\u00e9go\u00fbt. **[15 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/15-septembre-2025.html)** \u2014 Hier soir, en rentrant de V., j\u2019ai ouvert T\u00e9n\u00e8bres en terres froides de Charles Juliet. Ce qui m\u2019a frapp\u00e9, c\u2019est cette radicalit\u00e9 : une ou deux phrases suffisent \u00e0 marquer une journ\u00e9e. Une telle \u00e9conomie de mots me trouble, comme une gifle. La veille, je n\u2019avais moi-m\u00eame \u00e9crit qu\u2019une seule phrase. Le soir, pour compenser, je me suis jet\u00e9 sur deux longs textes pr\u00e9par\u00e9s : Peuples fabuleux, Lieux fabuleux. Rien de personnel, seulement des dossiers, de la documentation, de quoi remplir. J\u2019ai cru me satisfaire de ce leurre. Mais en reprenant Juliet, la question s\u2019est impos\u00e9e : \u00e9crit-il vraiment si peu ? Ou bien pr\u00e9l\u00e8ve-t-il ces phrases dans des fleuves d\u2019\u00e9criture invisibles ? Cette pens\u00e9e m\u2019a accompagn\u00e9 dans la nuit, nourrissant des cauchemars : solitude, monde sinistre, espace clos o\u00f9 nul autre que moi ne peut ni survivre ni vivre. **[16 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/16-septembre-2025.html)** \u2014 J\u2019\u00e9coute la t\u00e9l\u00e9vision comme on \u00e9coute une machine \u00e0 broyer : ces experts qui parlent avec aplomb, toujours sur le ton de l\u2019\u00e9vidence, font glisser la science vers la d\u00e9rision. Le geste est pr\u00e9cis, sourire programm\u00e9, main qui ponctue la phrase. Je me demande si ce n\u2019est pas voulu, si l\u2019on ne cherche pas \u00e0 nous d\u00e9go\u00fbter de toute expertise pour mieux nous rendre disponibles \u00e0 la fable. Je me sens presque coupable d\u2019y penser, comme si dire cela avait quelque chose de complotiste. Malgr\u00e9 tout, je continue de m\u2019appuyer sur le peu de raison que j\u2019ai cultiv\u00e9. Entre deux paragraphes de code, j\u2019installe TCPDF pour g\u00e9n\u00e9rer des PDF depuis SPIP. J\u2019aper\u00e7ois un atelier d\u2019\u00e9criture en gestation que je veux suivre sans l\u2019exposer. Je r\u00e9ponds oui \u00e0 l\u2019association qui propose une \u00e9l\u00e8ve handicap\u00e9e. Une odeur d\u2019essence traverse la rue et ram\u00e8ne des visages et des lieux que j\u2019avais cru effac\u00e9s. **[17 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/17-septembre-2025.html)** \u2014 La notion de dosage m\u2019est revenue en r\u00e9crivant une histoire que me contait mon grand-oncle R. enfant. La nuit de No\u00ebl, au rond du tr\u00e9sor, la terre s\u2019ouvrait au premier coup de minuit : un \u00e9clair, des coffres, des bijoux, l\u2019or r\u00e9pandu comme une braise. Douze coups seulement, pas un de plus. Longtemps j\u2019y ai vu un conte avertisseur. Ce soir je comprends autre chose : ce n\u2019est pas la menace qui compte, mais la cadence, le tempo juste qui laisse para\u00eetre le merveilleux. Comme disait D., mon patron photographe \u00e0 Clichy : dans la vie tout est une histoire de dosage. Ces phrases-l\u00e0, je les retiens, parfois sans en rien faire, mais elles reviennent comme la cloche qui sonne, rappel discret qu\u2019un passage peut s\u2019ouvrir. **[18 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/18-septembre-2025.html)** \u2014 Depuis 2019 la faille est b\u00e9ante. Avant je pouvais me dire que tout finirait par s\u2019arranger ; ce mensonge ne tient plus. Le temps s\u2019est arr\u00eat\u00e9, nous vivons le pr\u00e9sent d\u2019une r\u00e9p\u00e9tition infernale. Quelque chose s\u2019est creus\u00e9 alors, un tunnel vers le plus pourri du c\u0153ur des hommes, notamment le mien. Et les d\u00e9mons s\u2019en servent d\u2019ascenseur : ils remontent du ciel infernal vers notre sous-sol terrestre. Depuis 2019 tout est invers\u00e9. J\u2019ai failli souhaiter bon anniversaire \u00e0 J.O. et F.B. Puis je me suis souvenu que ma seule relation avec eux est celle d\u2019un lecteur. Donc non. Un pacte ne se brise pas sous couvert de bonnes intentions. Hier j\u2019ai encore retouch\u00e9 la carte interactive : j\u2019ai ajout\u00e9 aux points g\u00e9olocalis\u00e9s des listes d\u2019articles sous forme d\u2019info-bulles. Je me suis dirig\u00e9 vers les diagrammes de Voronoi, puis vers la graph-view d\u2019Obsidian. Au final ce site devient un objet litt\u00e9raire. Un ovni. Si des livres s\u2019en \u00e9chappent ce ne seront gu\u00e8re plus que des stolons. **[19 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/19-septembre-2025.html)** \u2014 R\u00e9veil \u00e0 00h15. Impression persistante de d\u00e9connexion. Comme si j\u2019avais travers\u00e9 des voiles de r\u00e9el pour me retrouver en terre inconnue. Je ne reconnais plus rien. Les mots qu\u2019on me dit, les injonctions : je les rep\u00e8re aussit\u00f4t pour ce qu\u2019ils sont mais ils n\u2019ont aucune prise sur ma volont\u00e9. En faire qu\u2019\u00e0 sa t\u00eate, disait-on autrefois. Comme si ces injonctions s\u2019adressaient \u00e0 un double. C\u2019est une anomalie de ne pas \u00eatre dupe. Une anomalie que je paie cher. J\u2019ai multipli\u00e9 les efforts pour appartenir \u00e0 cette r\u00e9alit\u00e9, mais tout s\u2019est toujours sold\u00e9 par un effondrement. Et si ce que nous appelons rationnel, raisonnable n\u2019\u00e9tait que la plus monstrueuse des fictions ? Recouch\u00e9 \u00e0 4 h, apr\u00e8s une nuit de code. Dans mes cauchemars, je les voyais : des cr\u00e9atures toxiques. J\u2019avais d\u00e9j\u00e0 cette cohorte aux basques \u00e0 six ans, et cette obligation de responsabilit\u00e9 envers elle. J\u2019\u00e9tais le p\u00e8re de mon p\u00e8re, le p\u00e8re de mon grand-p\u00e8re, charg\u00e9 de tenir, \u00e0 bout de bras, les enfants qui n\u2019allaient jamais na\u00eetre. **[20 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/20-septembre-2025.html)** \u2014 Quelques efforts physiques. Fini de d\u00e9barrasser la cave : j\u2019y ai remont\u00e9 huit carcasses d\u2019ordinateur, emball\u00e9es dans du plastique. Toujours une grande tristesse de jeter tout \u00e7a, puis ce dr\u00f4le de soulagement, physique, d\u2019\u00eatre all\u00e9g\u00e9 d\u2019un poids. J\u2019\u00e9cris pour moi. Si je me dis que j\u2019\u00e9cris pour d\u2019autres, \u00e7a ne marche pas. Les poses. Cette horreur de la pose m\u2019est venue d\u2019un seul coup. En m\u00eame temps il faut poser, faire semblant. Sinon tu n\u2019as pas d\u2019\u00e9l\u00e8ves, ils partent. Mais quelle \u00e9nergie \u00e7a demande. Plus \u00e7a va, moins j\u2019ai envie de d\u00e9penser cette \u00e9nergie. Mon principal client, c\u2019est moi : j\u2019arrive \u00e0 me pomper sans vergogne. Le prix \u00e0 payer : nuits d\u2019insomnie, sensation d\u2019\u00eatre un singleton perdu dans l\u2019espace intersid\u00e9ral. Du charabia. Tu pourrais l\u2019effacer, \u00e7a ne changerait rien. Je tiens dans le verbe tenir, repli\u00e9 en lui, transport\u00e9 en lui, comme dans un ventre. **[21 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/21-septembre-2025.html)** \u2014 Ne plus rien voir, ne plus rien entendre : juste l\u2019\u00e9lan nu d\u2019aller jusqu\u2019aux limites, les franchir d\u2019un pas sec, sans se retourner. Cette \u00e9pid\u00e9mie de solitude qui frappe l\u2019humanit\u00e9 est sans pr\u00e9c\u00e9dent. Il fallait qu\u2019elle advienne dans une \u00e9poque marqu\u00e9e par la communication \u00e0 outrance. Communiquer ce n\u2019est pas cr\u00e9er une chapelle, une \u00e9glise, encore moins une religion. Le bourdonnement d\u2019une mouche je m\u2019\u00e9fforce de ne pas l\u2019entendre. Idem pour ce moteur dans le voisinage. Idem pour tout ce qui rumine en moi, tout au fond de moi. J\u2019\u00e9cris et en m\u00eame temps que j\u2019\u00e9cris tout cela je franchis cette fronti\u00e8re. Me voici dans mon propre d\u00e9sert soudain. **[22 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/22-septembre-2025.html)** \u2014 Cette \u00e9trange mentalit\u00e9, aristocratique plus que petite-bourgeoise, cette maladie obstin\u00e9e qui persiste \u00e0 consid\u00e9rer l\u2019argent comme de la merde et, dans le m\u00eame mouvement, \u00e0 se complaire dans son absence, comme si le manque lui-m\u00eame devenait une forme de distinction. L\u2019obsession d\u2019indigence chronique, miroir parfait d\u2019une obsession d\u2019abondance. Ce fer dans la paume de qui domine parce qu\u2019il poss\u00e8de, lui, l\u2019argent, le choix, la d\u00e9cision de t\u2019an\u00e9antir quand bon lui semble. Cette rage, exactement semblable \u00e0 la folie du pouvoir, que tu ne pourras jamais vraiment montrer parce que la loi r\u00e8gne d\u00e9sormais dans ton cr\u00e2ne. Et qu\u2019ils s\u2019entretueront une derni\u00e8re fois encore, sous la vo\u00fbte \u00e9toil\u00e9e, devant le regard des \u00e9toiles indiff\u00e9rentes. Et dans ce gouffre tu tombes, tu tomberas avec eux. **[23 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/23-septembre-2025.html)** \u2014 Kolt\u00e8s. D\u00e8s lors et pour un temps. La phrase s\u2019enclenche comme une machine administrative. Vide. On administre. L\u2019automne tombe d\u2019un coup. Froid, pluie. Mais le climat n\u2019est plus une excuse. Ni gai ni triste. Entre deux. R\u00e9\u00e9crire, c\u2019est me d\u00e9membrer. Puis voir surgir un texte qui n\u2019est pas moi, pas l\u2019autre. J\u2019aime ce d\u00e9placement. \u00c0 l\u2019\u00e9tage, au-dessus de l\u2019atelier, tout est rest\u00e9 comme il y a dix ans. Meubles paternels, cartons, vieilles toiles. Et le bois. Tas de bois \u00e9norme. Peur de jeter, fantasme du \u00e7a peut servir. D\u00e9faut de confiance en l\u2019avenir. D\u00e8s lors et pour un temps. Il faudrait apprendre \u00e0 jeter. Ou au moins lever la main, la laisser tomber. **[24 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/24-septembre-2025.html)** \u2014 Lyon. E. montre ses mains. Blanches, veineuses. Aux doigts, un rouge \u00e9caill\u00e9. La peau laisse voir l\u2019os. Elle ne mange presque plus. Une demi-quenelle, pas davantage. Mais la cr\u00e8me \u00e0 la vanille, un pot entier. Si maigre qu\u2019un souffle pourrait l\u2019emporter. S. s\u2019\u00e9nerve. Leur lien, c\u2019est \u00e7a : col\u00e8re et miroir. Je lis Kolt\u00e8s. Le mot or s\u2019impose. Or donc. Or ni car. Souvenir scolaire. Alors, pourquoi pas une langue de voleur ? Mais voler, pour moi, c\u2019\u00e9tait d\u00e9coller du sol. Quelques secondes. Retomber. Repartir. Vol de poulet. Dans le r\u00eave, je savais la faille, mais je n\u2019y changeais rien. L\u2019enfer est peut-\u00eatre \u00e7a : voir l\u2019erreur, et malgr\u00e9 tout recommencer. Un soir la nuit a d\u00e9cid\u00e9 de rester. Plus de soleil. Plus d\u2019\u00e9lectricit\u00e9. On ne voit pas sa main. Un enfant appelle. On regarde la poign\u00e9e. La main tremble. On l\u00e2che la poign\u00e9e. On recule. La bougie vacille. La nuit rit. **[25 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/25-septembre-2025.html)** \u2014 Tout semblait normal. Tout continuait comme avant. Mais derri\u00e8re la fa\u00e7ade, non : rien n\u2019\u00e9tait plus comme avant. La vie se jouait dans un d\u00e9cor de carton-p\u00e2te. Le pi\u00e8ge s\u2019\u00e9tait referm\u00e9 : banques, cr\u00e9dits, salaires, \u00e9ch\u00e9ances. Watt a dit : Et si tu plaques tout, si tu te tires, il se passe quoi ? Molly est partie dans un long monologue. La l\u00e2chet\u00e9 des hommes en g\u00e9n\u00e9ral, celle de Watt en particulier. Alors Watt a dit : Oui, je suis l\u00e2che. Si tu essaies de retrouver le poison des ann\u00e9es 80, tu t\u2019apercevras que c\u2019est le m\u00eame dans les ann\u00e9es 2000 puis 2020. C\u00e9l\u00e9brit\u00e9 et pognon. Voici comment la jeunesse est d\u00e9cim\u00e9e de g\u00e9n\u00e9ration en g\u00e9n\u00e9ration. R\u00eaves : un tribunal, les juges sont en hauteur. Ils surplombent le mis en cause. Le mis en cause reste muet. Et pour cause on lui a cousu les l\u00e8vres. **[26 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/26-septembre-2025.html)** \u2014 Je reviens aux pens\u00e9es enfantines. Ces id\u00e9es \u00e9tranges que j\u2019ai fini par taire. On appelait \u00e7a de l\u2019animisme, doubl\u00e9 d\u2019idiotie. On disait aussi que j\u2019avais un g\u00e9nie des nombres, tu\u00e9 net par l\u2019\u00e9cole des ann\u00e9es soixante. Il suffit de croire pour devenir. La croyance comme moteur du travail. Rien de miraculeux. Une simple astuce. Mais une fois d\u00e9busqu\u00e9e, impossible d\u2019y croire encore. Alors surgit la question : d\u2019o\u00f9 vient-elle, cette croyance ? On comprend qu\u2019elle n\u2019est pas de soi. Elle vient d\u2019un h\u00e9ritage. Quelqu\u2019un, jadis, a voulu commencer quelque chose qu\u2019il n\u2019a pas pu finir. En nous demeure sa plainte, son inach\u00e8vement. Fermer les yeux. Se boucher les oreilles. Plisser les l\u00e8vres. Automne dehors, automne dedans. Comment sera la litt\u00e9rature au XXII\u1d49 si\u00e8cle. Apr\u00e8s l\u2019autofiction et le nombril, apr\u00e8s l\u2019anthropocentrisme, peut-\u00eatre viendra le temps o\u00f9 les pierres, l\u2019eau, la v\u00e9g\u00e9tation parleront enfin. **[27 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/27-septembre-2025.html)** \u2014 J\u2019ouvre \u00e0 nouveau T\u00e9n\u00e8bres en Terre Froide comme si je grattais une vieille plaie. La douleur vient de cette m\u00eame difficult\u00e9, diff\u00e9rente pourtant, que j\u2019\u00e9prouvais alors au m\u00eame \u00e2ge. Aussit\u00f4t ces phrases pos\u00e9es, j\u2019ai envie de les biffer : elles me r\u00e9v\u00e8lent mon impuissance, ma l\u00e2chet\u00e9. N\u2019ai-je donc pas assez de recul, un peu de commis\u00e9ration envers nous deux, si semblables \u00e0 tous les jeunes gens. De l\u00e0 vient ton refuge dans le concept de brouillon, jusque sur ce site. Tout reste brouillon, en attente d\u2019une mise au propre sans cesse repouss\u00e9e. Tu te brouilles avec toi-m\u00eame, puis avec le monde. La brouille d\u00e9borde : marge, campagne, pav\u00e9 des villes. Et voici encore un bloc de texte pour dire peu. Une phrase suffirait, un mot : vuln\u00e9rable. Aujourd\u2019hui comme hier, et sans doute demain. Et ce d\u00e9sir encore d\u2019aller plus loin, plus en profondeur, comme si l\u2019insatisfaction se confondait avec la bri\u00e8vet\u00e9. **[28 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/28-septembre-2025.html)** \u2014 La premi\u00e8re chose qui surgit, sans secousse, c\u2019est le d\u00e9calage. Un nez. L\u2019\u00e9tranget\u00e9, c\u2019est \u00e7a : interroger ce qui ne s\u2019interroge jamais. Nous poss\u00e9dons tous ce nez, en m\u00eame temps qu\u2019il nous poss\u00e8de. L\u2019index qui frotte l\u2019\u00e9cran. Le d\u00e9filement commence : images, annonces, miettes de phrases. Tout s\u2019encha\u00eene sans ordre. On croit choisir, mais c\u2019est l\u2019\u0153il qui est choisi, l\u2019index happ\u00e9. Le v\u00e9ritable organe, c\u2019est le doigt. Fascinant et terrifiant \u00e0 la fois. Sans doute \u00e9crire sert-il \u00e0 cela. \u00c9crire me sert \u00e0 traverser les \u00e9vidences. Hier matin Su. est revenue. S\u00e9ance agr\u00e9able, malgr\u00e9 la tristesse de Ca., qui avait enterr\u00e9 son b\u00e9lier au petit matin. Les cornes du b\u00e9lier, en spirale. J\u2019ai pens\u00e9 \u00e0 la suite de Fibonacci. Nous sommes mont\u00e9s vers Lyon o\u00f9 L. et N. nous attendaient. Discussion autour de la notion d\u2019appartement. Et si nous vendions la maison ? Et j\u2019ai reconnu ce gamin de neuf ans qu\u2019on bringuebalait de lieu en lieu, incapable de s\u2019enraciner. **[29 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/29-septembre-2025.html)** \u2014 Tout contact rompu avec M-A. La vraie raison : ce feu o\u00f9 j\u2019ai jet\u00e9 mes carnets. Pas tant pour leur contenu que pour le sacrifice. La perte inconsolable. Le chantage, r\u00e9el ou imaginaire. \u00c9crire ou vivre. Pas de rancune. L\u2019incompr\u00e9hension, l\u2019\u00e9go\u00efsme, le sien, le mien. Ce jour-l\u00e0 j\u2019ai cru tout perdre. Vingt ans sans \u00e9crire. J\u2019ai choisi de vivre, et ce fut un calvaire. Plus de filet, plus d\u2019amortisseur. J\u2019ai d\u00e9val\u00e9 ces ann\u00e9es \u00e0 m\u2019en cabosser le corps entier. M-A, j\u2019esp\u00e8re, vit la vie qu\u2019elle voulait. Moi, il m\u2019arrive d\u2019avoir envie de tout d\u00e9truire. Appuyer sur suppr. M\u2019effacer. Juliet n\u2019aide pas. Perdre le contact est ma sp\u00e9cialit\u00e9. C\u2019est une discipline. Une pr\u00e9paration. On meurt seul. De Juliet j\u2019ai retenu l\u2019ennui. Aussit\u00f4t la peur que mes textes fassent pareil. J\u2019ai laiss\u00e9 Juliet pour Bernhard. Perturbations. Je l\u2019avais lu dans les ann\u00e9es 80. Cette fois, en le reprenant, une sensation \u00e9trange : comme une mise au point t\u00e9l\u00e9m\u00e9trique. **[30 septembre](https:\/\/ledibbouk.net\/30-septembre-2025.html)** \u2014 Sans la com\u00e9die, la trag\u00e9die, que serions-nous, que ferions-nous. Osciller de l\u2019une \u00e0 l\u2019autre durant l\u2019espace d\u2019une journ\u00e9e nous procure un ersatz d\u2019existence, nous sommes ainsi spectateurs de nous-m\u00eames. Chez Beckett, apr\u00e8s la chute du rideau, il ne reste qu\u2019un reste minimal : une chaise, un souffle, un mot qui revient. Chez Novarina, l\u2019apr\u00e8s-sc\u00e8ne prend la forme inverse : non pas le silence mais le trop-plein. Une profusion de voix, un langage qui ne repr\u00e9sente plus mais s\u2019auto-engendre. Que resterait-il dans l\u2019\u00e9criture si je retirais soudain la reflexion, l\u2019explication qui sont aussi des personnages familiers de ces textes. Il resterait le plateau nu des phrases. Le geste, le souffle, l\u2019objet. Non plus dire ce que cela veut dire, mais simplement d\u00e9poser ce qui est l\u00e0. Le rideau est tomb\u00e9. La salle vide garde l\u2019odeur de poussi\u00e8re et de bois chauff\u00e9. Une chaise demeure, rien d\u2019autre. Peut-\u00eatre que ce qui subsiste, apr\u00e8s la com\u00e9die, la trag\u00e9die, ce n\u2019est rien d\u2019autre que cela : quelques phrases encore debout, une chaise, un souffle. ", "image": "", "tags": ["Carnet mensuel r\u00e9sum\u00e9"] } ] }