{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/aout-2025-3878.html", "url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/aout-2025-3878.html", "title": "Ao\u00fbt 2025-Synth\u00e8se du mois", "date_published": "2025-12-22T12:09:02Z", "date_modified": "2025-12-23T09:48:13Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

01 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — Trois semaines sans fibre, connexion partag\u00e9e qui rame. Orange refuse de nous prendre, Is\u00e8re Fibre bloque les nouvelles commercialisations. J\u2019appelle Free tous les jours, je chronom\u00e8tre mes appels, histoire de mobiliser l\u2019interlocuteur le plus longtemps possible. La base de donn\u00e9es rend son tablier, impossible d\u2019enregistrer quoi que ce soit. Il va falloir tout r\u00e9installer. Promenades au bord du Rh\u00f4ne pour d\u00e9compresser. \u00c0 la hauteur de Molly Sabata, chants chinois port\u00e9s par l\u2019eau au cr\u00e9puscule, tr\u00e8s apaisant. Un vieil homme explique \u00e0 S. que les rosiers pr\u00e8s des vignes attirent les insectes pour prot\u00e9ger les ceps. — Codicille : pourquoi 162 ? Parce que 1+6+2 = 9, et apr\u00e8s 9 on recommence \u00e0 0. J\u2019en propose que 16, parce que 1+6 = 7, le nombre de mondes, de cieux, de jours. Notes en verso\/recto sur le souvenir, la jeunesse, la vieillesse, l\u2019avant et l\u2019apr\u00e8s.<\/p>\n

02 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — La prison \u00e9tait parfaite, on n\u2019en voyait pas les murs. Mais l\u2019\u00e9touffement, l\u2019oppression r\u00e9v\u00e8lent peu \u00e0 peu l\u2019enfermement. F. dit que j\u2019exp\u00e9rimente, on se rejoint sur la technique, sur les outils. Mais le contenu ? F. a vir\u00e9 le contenu depuis longtemps. Moi je grimpe encore \u00e0 mains nues sur une paroi rocheuse. En haut il n\u2019y aura plus d\u2019int\u00e9r\u00eat pour le contenu, juste une vision d\u2019ensemble. Hors contenu, y a-t-il des questions ? — Notes de chevet, Sei Sh\u00f4nagon. Hasard que la proposition 11=2 \u00e9voque ce mouvement interne ? — Emails de cancer (P.C., T.C., D.C., M. qui se fait op\u00e9rer le 6). Pourquoi je rumine ces d\u00e9tails ? Trouv\u00e9 Hymne de Lydie Salvayre dans la bo\u00eete \u00e0 livres. Le « on dit que » m\u2019a saut\u00e9 aux yeux. — Pauvret\u00e9 et peur du ridicule. Le m\u00e9pris de classe int\u00e9gr\u00e9 comme un surmoi. Freud brandit la Torah \u00e0 Jung qui r\u00e9pond simplement « non », puis sort. Jung passe aux arch\u00e9types, un simple changement d\u2019outils. T.C. en col\u00e8re : il faut s\u2019int\u00e9resser aux outils d\u2019\u00e9criture avant d\u2019\u00e9crire. Je me sens honteux, comme s\u2019il me parlait \u00e0 moi.<\/p>\n

03 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — Qu\u2019allons-nous essayer aujourd\u2019hui. Pas un cri, pas encore. Trop t\u00f4t pour l\u2019anniversaire du 18 ao\u00fbt 1969, Woodstock, Jimmy le timide. Mais l\u2019envie de crier est l\u00e0. Je m\u2019assieds \u00e0 ma table, pouss\u00e9 par une injonction, et je m\u2019interroge sur ce que je vais \u00e9crire. Pourquoi tant de docilit\u00e9 alors que j\u2019essaie d\u2019entretenir ce vieux fond de r\u00e9bellion ? Peut-\u00eatre qu\u2019au fond j\u2019esp\u00e8re que \u00e7a p\u00e8te. — Quelque chose d\u2019apais\u00e9 en moi depuis quelques jours. Je r\u00e9ponds \u00e0 toutes les demandes dans l\u2019instant, je ne louvoie plus. S. n\u2019en revient pas : « Je ne te reconnais pas. » Moi non plus. J\u2019ai l\u2019impression de voir quelqu\u2019un partir, quelqu\u2019un qui est encore un peu moi mais ne l\u2019est d\u00e9j\u00e0 plus. Rien n\u2019est grave. Aucun attachement. — Hier soir, nouveau chemin le long du Rh\u00f4ne. Les arbres nous connaissaient. Un banc au retour, nous nous asseyons. S. : « Il y a du courant. » Le temps a pass\u00e9 comme un songe. Nous sommes l\u00e0, des inconnus. Ce manque de certitude, tout \u00e0 coup, semble \u00eatre l\u2019unique responsable de cet apaisement.<\/p>\n

4 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — Nuit quasi blanche \u00e0 charogner dans la base de donn\u00e9es. Faire, d\u00e9faire, taper du pied, rire de moi-m\u00eame, r\u00eaver de tout laisser tomber. Puis cet instant d\u2019effroi : plus rien ne me retient. Chute sans fin. Je crois qu\u2019on doit se risquer, sinon \u00e0 quoi bon. Calme et discipline. M\u00eame si ce mot pue l\u2019amertume, je n\u2019en ai pas d\u2019autre. — Lu la lettre hebdo de Fran\u00e7ois Bon. Oui Fran\u00e7ois, ne l\u00e2che rien. Les strates souterraines et obscures sont importantes, c\u2019est l\u00e0 que r\u00e9side encore un peu de lumi\u00e8re, \u00e0 rebours. La culture avance par les bords, les fuites, les fissures. — Nous ne sommes pas all\u00e9s marcher. S. revenait d\u00e9pit\u00e9e de son vide-grenier. L\u00e9thargie, puis petite d\u00e9prime. Elle n\u2019a presque rien touch\u00e9 au repas. J\u2019ai pris du retard dans les traductions anglaises.<\/p>\n

5 ao\u00fbt<\/a><\/strong> — Grande musique, chansonnette \u00e0 fiv sous, quelle diff\u00e9rence vraiment ? M\u00eame chose pour le roman de gare et le prix Nobel. Qui distingue, qui juge ? Il arrive un moment o\u00f9 plus rien ne se distingue. En animant des ateliers de dessin, je suis parvenu \u00e0 un plateau o\u00f9 tous les crit\u00e8res s\u2019\u00e9taient effondr\u00e9s. Ce qui comptait : qu\u2019un geste ait eu lieu. Mais les parents attendaient la gloire. Peut-\u00eatre que cette \u00e9quanimit\u00e9 n\u2019\u00e9tait qu\u2019un effet de fatigue. — Avec les adultes, la m\u00eame chose. Technique comme b\u00e9quille pour retrouver la confiance. Schwab : « Et l\u2019envie dans tout cela ? » Envie de transmettre ou envie d\u2019\u00eatre reconnu ? La c\u00e9l\u00e9brit\u00e9 me d\u00e9go\u00fbtait d\u00e9sormais. M\u00e9diocrit\u00e9 devenue norme. L\u2019\u00e9chelle de valeurs s\u2019\u00e9tait invers\u00e9e : le sommet et le bas confondus. — La d\u00e9mocratie devenue mensonge, la France o\u00f9 d\u00e9filent les dirigeants les plus corrompus sans que cela n\u2019\u00e9meuve. Ab\u00eatissement collectif poursuivi avec m\u00e9thode. — Reste une oscillation t\u00e9nue. Schwab : « quelque chose derri\u00e8re \u2019il n\u2019y a rien, cela ressemble au n\u00e9ant, mais malgr\u00e9 cela\u2019 ? » Une fid\u00e9lit\u00e9 sans objet. Une obstination muette. Une mani\u00e8re de rester l\u00e0, \u00e0 l\u2019endroit o\u00f9 le langage s\u2019effondre. — 1965, La Varenne-Chennevi\u00e8res : au-dessus du po\u00eale, une plaque de bois sombre avec t\u00eate de mort et poignards crois\u00e9s, lettres cyrilliques. Peut-\u00eatre un troph\u00e9e arrach\u00e9 dans une ville en flammes. Peut-\u00eatre rien. — Mars 1975, Limeil-Br\u00e9vannes : l\u2019adolescent saute du premier \u00e9tage. Peut-\u00eatre qu\u2019il porte du sang slave. Estonien, finlandais, danois. Peut-\u00eatre pas. — Vacances d\u2019hiver 1966 : l\u2019Assimil russe, un homme robuste : « R\u00e9p\u00e8te apr\u00e8s moi : ia lioubliou\u2026 » Haleine d\u2019ail et d\u2019oignon. Derri\u00e8re le mur : « Pourquoi lui apprendre le russe ? » — « Parce que je n\u2019ai plus rien que mes souvenirs. » — Fort de Vincennes, 1982 : un nom prononc\u00e9 : Kornilov. Peut-\u00eatre qu\u2019il aurait d\u00fb r\u00e9pondre non.<\/p>\n

06 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — Le mot mosa\u00efque continue d\u2019insister. J\u2019ai vu ce genre de mosa\u00efques quelque part, peut-\u00eatre chez Philippe De Jonckheere. J\u2019ai utilis\u00e9 un script Vorono\u00ef pour proposer autre chose qu\u2019une liste dans une page groupe, quelque chose de plus visuel. Une image mosa\u00efque interactive. — En m\u00eame temps : magasine, magasiner. Exercice avec un mot : le voir comme objet \u00e9tranger, \u00e9mettre des hypoth\u00e8ses. Dans Turn.js, d\u00e9mo pour cr\u00e9er un magazine mensuel feuilletable. Tout le stock dans le contenant pour l\u2019instant, ensuite s\u00e9lection plus fine. — En peinture, toujours appr\u00e9ci\u00e9 de juxtaposer des \u00e9l\u00e9ments h\u00e9t\u00e9rog\u00e8nes. La mosa\u00efque, c\u2019est la m\u00e9taphore parfaite : morceaux dispers\u00e9s qu\u2019on agence, et c\u2019est leur juxtaposition qui cr\u00e9e du sens. — Klee a peint des \u0153uvres o\u00f9 petites unit\u00e9s color\u00e9es composent un ensemble vibrant. Calvino, Si par une nuit d\u2019hiver un voyageur : mosa\u00efque narrative, chaque chapitre ouvre une histoire diff\u00e9rente. Gaud\u00ed, trencad\u00eds : \u00e9clats de c\u00e9ramique bris\u00e9s, fissures et irr\u00e9gularit\u00e9s font partie du processus.<\/p>\n

07 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — « Le pli n\u2019est pas une chose compliqu\u00e9e, c\u2019est une complication. » — Deleuze. Tout mouvement rencontre des complications, pas des obstacles : des vecteurs de forme. L\u2019eau, le fleuve, les fourmis qui sacrifient une partie d\u2019elles-m\u00eames pour former un pont vivant. — Souvent je nomme complications ce qui ne sont que modifications. Elles m\u2019obligent \u00e0 entrer dans un inconnu. — Pascal, Wittgenstein, Musil, Proust, Sartre, Camus, Lovecraft, Derrida. La complication devient une forme de justesse. — Apr\u00e8s nous \u00eatre jet\u00e9s dans la complication au XXe si\u00e8cle, le XXIe cherche \u00e0 la nier — quitte \u00e0 infantiliser les populations. Plus on refuse une chose, plus elle revient.<\/p>\n

08 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — On n\u2019est pas conscient de ce qu\u2019on \u00e9crit en toute bonne foi, puis on relit et quelque chose cloche. Apprendre \u00e0 mentir vrai (Dawn Cornelio \u00e0 propos de Chlo\u00e9 Delaume) exige un saut quantique. Comme dans le dessin : oser cr\u00e9er un contraste fort. C\u2019est difficile, \u00e7a para\u00eet trop, et pourtant \u00e7a passe. — Le mot que je cherche est contexte. La notion de romanesque, comme celle de mentir vrai, ne peut s\u2019en passer. Le contexte agit comme un alambic : il distille les fragments bruts en quelque chose de transform\u00e9 mais reconnaissable, donc cr\u00e9dible. — C\u2019est dans le contexte que se rejoignent traduction et autofiction. On ne traduit pas seulement un texte, on traduit un contexte. L\u2019autofiction fabrique un cadre narratif o\u00f9 v\u00e9cu et invent\u00e9 cohabitent. — J\u2019ai repris les mots-cl\u00e9s du site, relu les articles associ\u00e9s. Avec les descriptifs ajout\u00e9s, chaque mot-cl\u00e9 devient une entr\u00e9e en mati\u00e8re, un petit contexte introductif. Passage d\u2019un index brut \u00e0 un index romanesque.<\/p>\n

09 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — D\u00e8s que je me dis « il faut un contexte » et que j\u2019essaie d\u2019\u00e9crire dedans, c\u2019est comme si une porte se fermait. Exactement comme aux cours de maths autrefois, le tableau noir, la craie, bloqu\u00e9. — Atelier d\u2019\u00e9criture en ligne depuis 2022, tentative pour r\u00e9soudre cette difficult\u00e9. Cela n\u2019a rien am\u00e9lior\u00e9 quant \u00e0 ma pratique quotidienne. — D\u00e9marche artistique : j\u2019ai pass\u00e9 deux ann\u00e9es \u00e0 tenter de comprendre. Ce n\u2019est qu\u2019un outil, un dispositif temporaire, ni plus ni moins. Mais le fait de m\u2019\u00eatre remis \u00e0 \u00e9crire depuis 2019 a r\u00e9activ\u00e9 quelque chose de toxique. Est-ce un engagement ? Une mission de vie ? Un sacerdoce ? L\u2019impossibilit\u00e9 \u00e0 nommer est probablement le lieu exact de ma difficult\u00e9 avec le contexte. — J\u2019aimerais \u00e9crire plus de fictions. Mais difficile de passer du je au il. Tous les il et elle que j\u2019\u00e9cris restent indiscernables d\u2019un je omnipr\u00e9sent — pour moi. Volont\u00e9 de mentir vrai le plus habilement possible, contre laquelle je bute encore.<\/p>\n

10 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — Texte exp\u00e9rimental, phon\u00e9tique : « Sans \u00e9ducation mais que feriez-vous donc dans la vie, me dit-elle. sang et duck duck duck \/ cassons cassss \/ queue ffffffe \/ riez vooooooussss \/ d\u2019oncques don dondon\u2026 » — Puis : avant quoi, avant qui a-t-il. Avant le bruit brut du souffle, le craquement des os. Avant la musique, avant la parole, avant le jour, la nuit. Avant qu\u2019il y ait un apr\u00e8s, qu\u2019\u00e9tait l\u2019avant ? Un infini avant, un bruit qui ne dit rien. — L\u2019amplification sonore vaut l\u2019agrandissement d\u2019une photographie. Effet choc qui demeure longtemps en \u00e9cho. Une phrase isol\u00e9e marchant seule sous un r\u00e9verb\u00e8re m\u2019attira \u00e0 un point tel que je demeurai comme en suspension.<\/p>\n

11 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — Lovecraft, correspondance 1925 : « labyrinthes bien aim\u00e9s et tortueux\u2026 vieux seuils, heurtoirs de bronze, pignons abrupts, lucarnes\u2026 » La rencontre d\u2019un nouveau mot devrait se f\u00eater. Accueillons ost, ast\u00e9risme, algide. Hommage \u00e0 la soir\u00e9e pass\u00e9e \u00e0 me replonger dans Les Contr\u00e9es du r\u00eave. — Un livre est un vaste ensemble r\u00e9flexif, comme une ville. Je ne m\u2019arr\u00eate pas souvent sur un passant pour l\u2019examiner, comme je le fais avec un mot. Arpenter — ce n\u2019est pas parcourir ou errer. L\u2019arpenteur mesure, explore m\u00e9thodiquement. — Vie priv\u00e9e, oikos des Grecs. Aristote : moins d\u2019importance que la vie publique. En 1890, Warren et Brandeis publient The Right to Privacy, premi\u00e8re formulation d\u2019un droit \u00e0 la vie priv\u00e9e. Nouvelles technologies de l\u2019\u00e9poque : photographie instantan\u00e9e et presse \u00e0 grand tirage. — Le notaire lisant l\u2019acte de vente : le mot jouir surgit. Dans sa bouche, usage paisible d\u2019un bien immobilier. Pour moi : le trouble, la secousse, le corps. — J\u2019\u00e9cris des lettres \u00e0 l\u2019inconnu en g\u00e9n\u00e9ral. Cela me conf\u00e8re une bulle d\u2019anonymat, malgr\u00e9 toute l\u2019impudeur.<\/p>\n

12 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — Il a pleur\u00e9. Puis il a sorti un mouchoir, preuve qu\u2019il pr\u00e9voyait ce moment. Il a repouss\u00e9 le clavier, cherch\u00e9 un stylo, une feuille : tu es un corps, \u00e9cris. — Se d\u00e9plier, s\u2019offrir ing\u00e9nu. Se replier, savant. Tituber, aller seul sur quatre pattes, tenter de se redresser, retomber. Rire \u00e9trange au mauvais moment, qui isole. Grille de contraintes ouvrant sur une nouvelle grille. Visiter ainsi les ab\u00eemes, ce n\u2019est pas un jeu. C\u2019est dire autrement le traumatisme. — Par la mort passer. En sortir. Grimper, d\u00e9passer quelque chose, prendre conscience du gouffre. Tu n\u2019as pas le choix. Arriv\u00e9 au sommet : respirer, battements r\u00e9guliers. Le rythme, la musique t\u2019ont calm\u00e9. — Na\u00efvet\u00e9, ne la r\u00e9pudie pas. La catharsis n\u2019est pas un drame, c\u2019est un coquillage. Tu peux vivre \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur et dire voici mon monde. Tu n\u2019es plus Artaud, Van Gogh, Bataille, Duras, Pizarnik. Na\u00efvet\u00e9 et espoir, petite musique infernale des comptines.<\/p>\n

13 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — Base de donn\u00e9es r\u00e9par\u00e9e, en distant comme en local. Plus un amusement qu\u2019autre chose. Je me suis remis \u00e0 \u00e9crire plus qu\u2019\u00e0 coder. Je me renferme, me recroqueville. Lectures intenses. Trouv\u00e9 un site avec textes originaux de Henry S. Whitehead, commenc\u00e9 \u00e0 traduire. Cr\u00e9ation d\u2019une rubrique traductions. — La vision du monde tout autour devenue si noire que je ne lis plus que des nouvelles fantastiques ou d\u2019horreur de vieux auteurs du XIXe si\u00e8cle. La langue archa\u00efque oblige \u00e0 y p\u00e9n\u00e9trer lentement. Effet th\u00e9rapeutique : soigner le mal par le mal. S\u2019enfoncer dans l\u2019horreur jusqu\u2019au cou finit par d\u00e9clencher un sursaut, une petite pulsion de vie. Celle-ci trouve sa fonction r\u00e9paratrice quasi imm\u00e9diate quand j\u2019arrose l\u2019amp\u00e9lopsis ou l\u2019olivier le matin. — Tout l\u2019\u00e9t\u00e9, les cl\u00e9s nous ont poursuivis : celle de la maison chez J. qui n\u2019ouvrait pas, la porte de la terrasse chez P. \u00c0 Tarragone, photographi\u00e9 une fa\u00e7ade : CERRAJERO (serrurier). Le mot appris apr\u00e8s coup r\u00e9pond au texte comme une cl\u00e9 tomb\u00e9e de la rue. — En nommant le site Dibbouk, j\u2019anticipais peut-\u00eatre la suite. Cette « chose » vient vous habiter, vous hanter, ne vous l\u00e2che plus tant qu\u2019elle n\u2019a pas absorb\u00e9 toute votre \u00e9nergie. Une fois publi\u00e9, je referme les onglets. Je ne fl\u00e2ne gu\u00e8re. Revient cette b\u00e9atitude offerte par l\u2019enfouissement. Michaux : « enterrez-moi ».<\/p>\n

14 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — Au moment de parler, l\u2019image du mime Marceau appara\u00eet. Ce que je pense n\u2019a aucune importance. Mieux vaut aller sur la face cach\u00e9e de ce qu\u2019on pense toujours penser. Parfois ces textes me deviennent hostiles, imbuvables. Je cherche des rubriques, n\u2019en trouve aucune qui vaille. D\u2019un seul coup d\u2019\u0153il, je vois les extr\u00eames comme des mains applaudissant la farce. Le centre ne m\u2019attire pas non plus. Dans trois si\u00e8cles, il faut esp\u00e9rer que toute cette com\u00e9die soit achev\u00e9e. Jean-Louis Barrault se superpose au mime Marceau. — Je pourrais d\u00e9cliner, dire non, non merci. Je pense non mais ma bouche dit oui, machinalement. — On r\u00e9clame des dates pour ne pas perdre le fil : le Grand Nord, en quelle ann\u00e9e d\u00e9j\u00e0 ? Des rubriques, des dates : \u00e9quip\u00e9s pour la journ\u00e9e. Et si je n\u2019\u00e9cris pas davantage, aujourd\u2019hui ni cette semaine, le seul \u00e0 qui je manquerai, ce sera moi. — Pas besoin de rubrique, les cimeti\u00e8res en d\u00e9bordent. C\u00e9notaphes, \u00e9pitaphes. Le correct ment. — Grizot & Launay \u00e0 L\u2019Isle-Adam, ann\u00e9es 1975. Procter & Gamble. Le mot « solf\u00e9tique » : pistolet \u00e0 \u00e9tiqueter. ChatGPT confirme. Dans mille ans, c\u2019est tout ce qu\u2019on retiendra. — Collectif des adorateurs du rien. An 5000 apr\u00e8s la Simca 1000. Collectif « on garde tout on ne sait jamais » (OGTONSJ). The Time Machine pos\u00e9 sur un coussin de velours rouge, colonne de plexiglas, oc\u00e9an de dunes. An 11200 apr\u00e8s la chute du Tyran Nosor : Les lecteurs de vieux papier. Jeu de r\u00f4le plan\u00e9taire.<\/p>\n

18 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — \u00c9crire en voyage plus compliqu\u00e9 cette ann\u00e9e. iPad qui fatigue, clavier Bluetooth oubli\u00e9. \u00c0 la Pinada, Vila Sica, la 4G satur\u00e9e. Noirci quelques pages, assez pour l\u2019atelier d\u2019\u00e9t\u00e9. — Vieux complexe : l\u2019\u00e9cole, mon indigence en g\u00e9ographie. Je sais m\u2019orienter dans les villes mais impossible de distinguer est et ouest, nord et sud. — G\u00e9n\u00e9ration baby-boomers, collection de complexes. Les intr\u00e9pidit\u00e9s d\u2019autrefois venaient moins d\u2019une bravoure que de l\u2019ignorance du danger. — La machine pour l\u2019apn\u00e9e entra\u00eene des effets inattendus. Je dors plus de sept heures d\u2019affil\u00e9e, ce qui ne m\u2019\u00e9tait plus arriv\u00e9 depuis l\u2019adolescence. Mais ce temps de sommeil me laisse coupable. Contre ce sentiment, j\u2019invente une vie parall\u00e8le. Pas un hasard si j\u2019ai \u00e9prouv\u00e9 le besoin de relire Les Contr\u00e9es du r\u00eave. — Question : est-ce suffisant ? Ce doute qui revient. Mais d\u00e8s que j\u2019\u00e9cris « suffisant », le mot bascule vers l\u2019arrogance. Entre les deux est probablement l\u2019endroit du carnet. — Le d\u00e9cor : bord de mer, longues all\u00e9es, antid\u00e9rapantes. D\u2019un c\u00f4t\u00e9 la mer immense, de l\u2019autre de hauts pins. Observer la longueur des laisses tenues par ceux qui prom\u00e8nent leurs chiens. Le parfum, un des principaux fl\u00e9aux de l\u2019humanit\u00e9. Et en m\u00eame temps une entr\u00e9e incontournable pour la civilisation. Les Noirs disent que le Blanc sent le cadavre. — Chez les Esquimaux, la nourriture m\u00e2ch\u00e9e par les jeunes pour nourrir les vieux \u00e9dent\u00e9s durant des mill\u00e9naires. — Apr\u00e8s que mon fr\u00e8re a failli perdre un \u0153il, on fit piquer le chien. Enterr\u00e9 pr\u00e8s du tas de fumier. Nous venions prier pour son \u00e2me, mon fr\u00e8re pas rancunier et moi-m\u00eame. Puis on allumait une liane et on fumait. — Au cat\u00e9chisme, le cur\u00e9 essayait de nous extraire de notre animalit\u00e9. Devenir humain, c\u2019\u00e9tait \u00eatre propre. — Ce que les \u00eatres humains ont d\u00e9pens\u00e9 en \u00e9nergie pour ne pas se sentir tient du prodige. Un prodige b\u00eate \u00e0 manger du foin. — Caract\u00e9riser les gens par leur odeur. Mon grand-oncle sentait la foudre. Mon grand-p\u00e8re sentait l\u2019essence et le cambouis, puis le sang. Patty, la petite chienne caniche, sentait le chien mouill\u00e9. J\u2019ai longtemps fum\u00e9 pour ne pas sentir l\u2019odeur du monde. Trop d\u2019\u00e9motions. — Je me demande si je ne suis pas un peu de ce chien qui mordit mon fr\u00e8re \u00e0 l\u2019\u0153il. J\u2019en ai longtemps \u00e9prouv\u00e9 de la culpabilit\u00e9.<\/p>\n

19 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — Tant que je n\u2019y pensais pas, les habitudes install\u00e9es m\u2019emp\u00eachaient de voir l\u2019absurdit\u00e9 dans laquelle nous vivions depuis des g\u00e9n\u00e9rations. Camisole de r\u00e8gles, « bonnes raisons », voix monocorde des m\u00e9dias. C\u2019est ainsi que je me rendis, docile, \u00e0 l\u2019\u00e9cole, \u00e0 l\u2019\u00e9glise, au travail, pendant presque une vie enti\u00e8re. Ce n\u2019est qu\u2019au soir de cette m\u00e9canique que je compris le pi\u00e8ge. — D\u00e8s que je me m\u00eale d\u2019\u00e9crire, le cauchemar fait irruption. C\u2019est un cauchemar \u00e9veill\u00e9. Comment vivre dedans sans donner l\u2019impression, aux entit\u00e9s qui le peuplent, que l\u2019on sait qu\u2019elles ne sont que des entit\u00e9s ? Vide cern\u00e9 par l\u2019infini : le vide comme unique moyen de se pr\u00e9server. — Et puis le foie, dont il faut prendre grand soin, unique filtre tamisant l\u2019absurde. Absurde r\u00e9el (temps qui passe, maladie, mort) et absurde artificiel (lois, r\u00e8gles, discours). La m\u00e9decine chinoise dit que le foie r\u00e8gle la circulation de l\u2019\u00e9nergie, gouverne la col\u00e8re et les yeux. La m\u00e9decine indienne affirme qu\u2019il dig\u00e8re aussi les \u00e9motions et les souvenirs. — On oublie aussi la rate. Si elle faiblit, tout devient lourd, englu\u00e9 dans la rumination. Le foie filtre, la rate rumine. L\u2019un explose, l\u2019autre s\u2019alourdit. Entre les deux, nous essayons de tenir debout. — Comment garder le foie et la rate en \u00e9tat ? \u00c9viter les exc\u00e8s, laisser circuler l\u2019air, marcher, respirer. Pour la rate : chaleur et simplicit\u00e9, repas chaud, r\u00e9gulier, peu de sucre, peu de dispersion mentale. Faire sobre. Laisser couler. Ne pas m\u00e2cher cent fois la m\u00eame id\u00e9e.<\/p>\n

[20 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — Si le temps n\u2019existe pas, nous vivons notre mis\u00e9rable existence \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur d\u2019une bande magn\u00e9tique, ou num\u00e9rique. Quelque chose d\u2019aussi clos qu\u2019un \u0153uf. Rien de plus cassable qu\u2019une coquille. — Hier, dans l\u2019autobus vers Reus, mon regard fut hypnotis\u00e9 par les chiffres de la pendule : « 19.8.2025 ». Soudain, je fus projet\u00e9 au d\u00e9but de la bande. « Que serais-je en l\u2019an 2000 ? » m\u2019\u00e9tais-je demand\u00e9. Et de revoir cette date, j\u2019ai senti que mon temps \u00e9tait pass\u00e9. « Mon temps » ne signifie plus rien. — Et d\u00e9sormais, il pouvait \u00e9crire « d\u00e9sormais ». Car « d\u00e9sormais » \u00e9tait un signal, comme « il \u00e9tait une fois », et il pouvait le d\u00e9clencher lorsqu\u2019il le d\u00e9sirerait. — Il existe probablement un yoga de l\u2019\u00e9criture. Priv\u00e9 de la facilit\u00e9 d\u2019\u00e9crire confortablement, je reviens \u00e0 un autre moment de la bande : stylo-bille, page quadrill\u00e9e \u00e0 petits carreaux. Aux m\u00eames difficult\u00e9s de nagu\u00e8re. — Cet attendrissement hier soir, en relisant cette histoire du jeune Carter traversant les bois avec sa vieille clef rouill\u00e9e (The Silver Key, 1926), est-il inscrit sur le support depuis l\u2019origine ? Pourquoi l\u2019\u00e9motion n\u2019est-elle pas venue \u00e0 la toute premi\u00e8re lecture ? Peut-on r\u00e9inventer une \u00e9motion d\u00e9j\u00e0 \u00e9prouv\u00e9e, puis perdue ?<\/p>\n

[21 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — L\u2019obstacle le plus p\u00e9nible aura toujours \u00e9t\u00e9 le jugement des plus proches. Ils m\u2019ont imagin\u00e9 musicien, peintre, \u00e9crivain, photographe. Ils n\u2019ont pas support\u00e9 l\u2019\u00e9cart entre l\u2019image qu\u2019ils avaient de moi et celle qu\u2019ils d\u00e9couvraient. Alors ils ont ri. Ce rire, je l\u2019entends encore : toi, artiste ? — J\u2019aurais pu dire simplement artiste. Mais le mot est souill\u00e9. Chaque fois qu\u2019il a claqu\u00e9, il a bless\u00e9. Artiste : un crachat. — Le « bon sens » n\u2019est rien d\u2019autre qu\u2019un b\u00e2ton merdeux. On s\u2019y agrippe malgr\u00e9 tout. Et nos mains sentent la merde, pour reprendre Artaud. — Entre ce vide et l\u2019infini, il reste le signe. Fragile comme une empreinte dans le sable. Imputrescible parce qu\u2019il rena\u00eet \u00e0 chaque instant. — Auto-commentaire, ex\u00e9g\u00e8se n\u00e9gative : ce texte h\u00e9site, et cette h\u00e9sitation le tue. La blessure r\u00e9elle — le rire des proches — est aussit\u00f4t fuy\u00e9e dans un discours conceptuel. De la douleur, tu passes \u00e0 la m\u00e9taphysique de poche. Le lecteur se lasse. — Ex\u00e9g\u00e8se empathique : ce texte vit de son h\u00e9sitation. C\u2019est cette tension qui en fait sa v\u00e9rit\u00e9. L\u2019oscillation entre l\u2019abstrait et le cru, entre la pens\u00e9e et la blessure. N\u2019est-ce pas ainsi que fonctionne la souffrance ? Elle n\u2019est jamais pure, elle se couvre de mots, cherche refuge dans l\u2019abstraction, puis replonge dans le brut. — Esth\u00e9tique de l\u2019h\u00e9sitation : le jugement des proches a toujours \u00e9t\u00e9 l\u2019obstacle. Alors je multiplie les d\u00e9tours. Musicien, peintre, \u00e9crivain, photographe — comme si l\u2019\u00e9num\u00e9ration pouvait remplacer le mot maudit. Puis je retombe dans l\u2019abstraction. Parler du signe, du vide, de l\u2019infini : ma mani\u00e8re de tenir \u00e0 distance la blessure. Alors je reste entre les deux : le concept et l\u2019insulte, l\u2019empreinte fragile dans le sable et le rire moqueur qui la pi\u00e9tine. Cette h\u00e9sitation, je ne la d\u00e9passe pas. Elle est ma forme.<\/p>\n

22 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — Le dimanche, mon grand-p\u00e8re trouvait toujours l\u2019interstice. Quand les voix s\u2019essoufflaient, il reprenait son refrain : la guerre, les copains, le bon vieux temps. Ce qui pour nous n\u2019\u00e9tait qu\u2019un radotage \u00e9tait pour lui une n\u00e9cessit\u00e9. J\u2019ai fini par comprendre que j\u2019avais h\u00e9rit\u00e9 de ce geste. Je ne rab\u00e2che pas sa guerre mais mes obsessions : le vide, la masse, la langue creuse. Rab\u00e2cher, c\u2019est tenir. — Dans les religions, la r\u00e9p\u00e9tition est au c\u0153ur des pratiques. Rosaire catholique, sourates de l\u2019islam, mantras bouddhistes. Partout, la r\u00e9p\u00e9tition agit comme une corde tendue contre le n\u00e9ant. — La litt\u00e9rature n\u2019\u00e9chappe pas : P\u00e9guy, Bernhard, Beckett, Cioran, Blanchot. Vu de l\u2019ext\u00e9rieur, le rab\u00e2chage n\u2019est qu\u2019une scie monotone. Mais pour celui qui r\u00e9p\u00e8te, il est vital : il retient ce qui menace de sombrer. — Le politique a fait du rab\u00e2chage son instrument. Slogans r\u00e9p\u00e9t\u00e9s, alternance gauche\/droite. Debord : le syst\u00e8me se maintient parce qu\u2019il se rejoue \u00e0 l\u2019infini. Gauche et droite ne sont pas des oppos\u00e9s r\u00e9els, mais des chiens de berger. — Diff\u00e9rence : en politique, on rab\u00e2che pour masquer le vide ; en litt\u00e9rature, pour l\u2019exposer. M\u00eame m\u00e9canique, intentions inverses. — Rab\u00e2cher n\u2019est pas un d\u00e9faut. C\u2019est une condition humaine. On prie en rab\u00e2chant pour survivre. On \u00e9crit en r\u00e9p\u00e9tant parce qu\u2019il n\u2019y a pas d\u2019autre mani\u00e8re de creuser. R\u00e9p\u00e9ter, c\u2019est tenir. Rab\u00e2cher, c\u2019est survivre.<\/p>\n

23 et 24 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — Couper le son de l\u2019autoradio ne coupe pas tout. Brouhaha de la station catalane, bruit du moteur, voix de S., excitation et fatigue dans le bouchon \u00e0 La Jonquera. — Ce que je pense avant d\u2019\u00e9crire p\u00e8se peu quand j\u2019\u00e9cris. Une bribe, un lambeau arrach\u00e9 \u00e0 une instance confuse. La confusion forme un cercle et je peux entrer par n\u2019importe quel point de sa p\u00e9riph\u00e9rie, certain d\u2019\u00eatre toujours \u00e0 \u00e9gale distance du centre. Je laisse l\u2019entr\u00e9e m\u2019entrer, et non l\u2019inverse. Le plan viendra plus tard, comme une topographie trac\u00e9e apr\u00e8s la marche. — Je me dis que tout cela sonne tr\u00e8s intello. Parfois le centre n\u2019est pas un point, mais une temp\u00e9rature : on s\u2019en approche par degr\u00e9s et, soudain, la phrase prend. — Reste la vieille question : est-ce suffisant ? — Que conserver de ces vacances ? Puis aussit\u00f4t : pourquoi vouloir conserver \u00e0 tout prix ? La confusion reste enti\u00e8re, dans son exactitude. L\u2019\u00e9criture donne un bord o\u00f9 tenir, de quoi revenir plus tard sans fermer. — Tout l\u2019\u00e9t\u00e9, les cl\u00e9s nous ont poursuivis. \u00c0 Tarragone, sans savoir que cerrajero voulait dire « serrurier », j\u2019ai photographi\u00e9 cette fa\u00e7ade. En cherchant une image pour ce carnet, c\u2019est elle qui s\u2019est impos\u00e9e. Non pas l\u2019\u00e9v\u00e9nement, mais le seuil ; non pas une preuve, de simples indices. — Second texte : seuil sonne entre soleil et deuil. Ce n\u2019est pas une porte, mais une position tenable : tenir le corps, l\u2019oreille, la phrase. Ni dehors ni dedans. — L\u2019an pass\u00e9 en Croatie, j\u2019avais laiss\u00e9 la peur aller jusqu\u2019au bout. Presque une semaine \u00e0 rester sur le quai sans oser plonger. S. : « Tout le monde se jette \u00e0 l\u2019eau sauf toi. » Puis j\u2019ai d\u00e9couvert une petite \u00e9chelle, commenc\u00e9 \u00e0 l\u2019emprunter, mais ne pouvais toujours pas plonger. La veille du d\u00e9part, je me suis enfin lanc\u00e9, t\u00eate la premi\u00e8re, en acceptant que je pouvais mourir — et que cette foutue trouille ne me faisait plus rien. — Ce petit r\u00e9cit ne me flatte pas. Il montre jusqu\u2019o\u00f9 je peux pousser le ridicule pour retourner vers des zones enfantines laiss\u00e9es en jach\u00e8re. J\u2019y suis all\u00e9 au forceps : comme un nouveau-n\u00e9 qu\u2019on aide \u00e0 quitter un ventre trop confortable.<\/p>\n

25 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — Les souvenirs d\u2019\u00e9t\u00e9 s\u2019effacent, l\u2019automne arrive d\u2019abord dans la t\u00eate. B\u00e9ziers\u2013Lyon d\u2019un trait, r\u00e9cup\u00e9rer les enfants au train. Pluie de consignes : ne pas parler du poids, ne pas revenir sur les vacances rat\u00e9es, \u00e9viter ce qui blesse. Je note, j\u2019ajuste. J\u2019entends moins, en septembre ORL, peut-\u00eatre un appareil. En rentrant, une dent a l\u00e2ch\u00e9 sur une tranche de pain de mie, sec, net. — S. a retir\u00e9 la grande planche qui masquait l\u2019entr\u00e9e de la cave, j\u2019ai d\u00e9plac\u00e9 deux palettes, pass\u00e9 le jet, odeur de terre humide, courant d\u2019air frais. — Pour la paix du foyer, ils iront au centre social cette semaine. L\u2019a\u00een\u00e9 a le tranchant de ses douze ans, je p\u00e8se mes mots. — J\u2019imprime deux cents flyers, je ferai le tour des bo\u00eetes aux lettres. Plus d\u2019association pour l\u2019instant, les cours en ligne restent en r\u00e9serve. Je compte serr\u00e9, S. m\u2019a recadr\u00e9 sur le prix du centre a\u00e9r\u00e9, message re\u00e7u. — Je peins quand je peux, l\u2019acrylique pour les cours, l\u2019huile quand ce sera possible. Cette nuit, sommeil l\u00e9ger malgr\u00e9 le masque, j\u2019avance le caf\u00e9 \u00e0 midi. — Je lis J. O., j\u2019en prends la lumi\u00e8re sans me comparer. Au petit matin, dans un r\u00eave \u00e9rotique, j\u2019ai align\u00e9 des pr\u00e9textes, des images. Au r\u00e9veil, je me suis repris — en r\u00eave, le corps se moque de l\u2019\u00e2ge, il dit sa v\u00e9rit\u00e9. Un instant, l\u2019envie de refermer les yeux pour relancer le r\u00eave, le m\u00eame mouvement que de m\u2019asseoir devant l\u2019\u00e9cran et rouvrir la page. — Il reste une insatisfaction. Je contourne. J\u2019interpr\u00e8te. Je rumine, comme si aller au bout me confronterait \u00e0 quelque chose de trop net. — Je pense \u00e0 ces vieux r\u00e9cits, ces contes oubli\u00e9s o\u00f9 un dragon immonde prot\u00e8ge un tr\u00e9sor. Ce n\u2019est pas une image, c\u2019est une carte. L\u00e0 o\u00f9 il y a ce qui me r\u00e9pugne ou me terrifie, il y a aussi ce que je cherche. Il faut cesser de tourner autour. Il faut me jeter \u00e0 l\u2019eau, \u00e9crire sans me surveiller. Le discernement viendra apr\u00e8s. Toujours apr\u00e8s. Le texte, comme le r\u00eave, ne demande pas d\u2019\u00eatre jug\u00e9 d\u2019avance. Il demande d\u2019\u00eatre travers\u00e9.<\/p>\n

26 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — Muer ou ne pas muer, c\u2019est un choix, pas une question. Laisse aller l\u2019explication jusqu\u2019au d\u00e9lire, et peut-\u00eatre qu\u2019elle deviendra forme. Tu as rachet\u00e9 des bo\u00eetes de Nicotinell, deux milligrammes. Tu es par\u00e9 pour la rentr\u00e9e, m\u00eame si tu sais bien que c\u2019est d\u00e9risoire. Tu n\u2019es par\u00e9 de rien. Par\u00e9 de rien, \u00e7a sonne bien. Tu pourrais t\u2019abstenir de bouffer ces cachets qui t\u2019ont bousill\u00e9 les dents depuis trois ans. Et puis, quand tu le d\u00e9cideras, tu seras sec comme un coup de trique. Plus un mot, silence total, mutisme. Il faut que tu apprennes \u00e0 sentir que \u00e7a suffit, \u00e0 cesser de tout pousser au bord. Le rien est sans limite. Mais ce n\u2019est pas une raison. Il faut que tu apprennes \u00e0 d\u00e9passer ce moment o\u00f9 tu te r\u00e9p\u00e8tes que \u00e7a suffit, et aller plus loin encore. Le rien est dans rien, et il est aussi au-del\u00e0 de lui-m\u00eame.<\/p>\n

27 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — Lovecraft : « Tous ces cauchemars et responsabilit\u00e9s d\u00e9t\u00e9riorent d\u00e9sastreusement l\u2019imagination cr\u00e9ative, et je dois cultiver des impressions plus stimulantes de libert\u00e9, nouveaut\u00e9 et \u00e9tranget\u00e9. » — Pour \u00e9crire ne serait-ce que la description d\u2019un lieu, il faut une certaine autorit\u00e9. Quelle entit\u00e9 dicte des phrases qu\u2019on ne saurait dire dans la vie quotidienne ? Car personnellement je suis d\u2019une terrible banalit\u00e9 dans mon expression orale. Ce qui me fait dire : mais pour qui tu te prends ? Ou plut\u00f4t : qu\u2019est-ce qui te prend, qui ou quoi s\u2019empare de toi ? Peut-\u00eatre que je me trompe en \u00e9crivant « possession » car il semblerait que l\u2019\u00e9v\u00e9nement tienne bien plus \u00e0 une d\u00e9possession. L\u2019\u00e9criture me poss\u00e8de pour me d\u00e9poss\u00e9der, si je peux oser cet illogisme. — Quand je soumets mes phrases \u00e0 l\u2019IA, quelque chose se brise. L\u2019ordre des mots, m\u00eame des fautes, a un sens. L\u2019IA poss\u00e8de un ordre qui est le sien, une moyenne d\u2019ordre, un ordre moyen — cette chose ti\u00e8de, consensuelle, qui a les mains moites. — Tout cela est tr\u00e8s mauvais. Et sans doute l\u2019est-ce quand je n\u2019accepte pas totalement ce passage o\u00f9 je me d\u00e9v\u00eats de qui je suis au quotidien pour emprunter cette peau de ce qui s\u2019\u00e9crit par mon interm\u00e9diaire. — Et au bout du bout, \u00e9crire sur l\u2019\u00e9criture est certainement lassant pour le lecteur, surtout si le lecteur n\u2019\u00e9crit pas. — Dans quelle mesure le souvenir des lectures de certains auteurs te contamine-t-il ? Dosto\u00efevski. Ren\u00e9 Girard. Comme si, dans le monde des \u00e9crivains morts, on n\u2019attendait que cela : qu\u2019une petite porte s\u2019ouvre dans l\u2019inconscient d\u2019un idiot pour s\u2019y engouffrer s\u00e9ance tenante. — Il manque un tiers. Une troisi\u00e8me voie ou voix. Une ouverture qui t\u2019emporterait vers les contr\u00e9es du r\u00eave enfin. Mais qu\u2019as-tu contre l\u2019ennui vraiment ? L\u2019ennui est le fil conducteur de ton existence, c\u2019est lui le v\u00e9ritable guide. — Je soumets cet ensemble chaotique \u00e0 l\u2019IA : « challenge moi sur le fond et la forme ». Logorrh\u00e9e, redites, bavardage conceptuel, conclusion trop didactique. « Tu \u00e9crirais tout \u00e7a comment toi ? » Version IA : d\u00e9pouill\u00e9e, directe. « J\u2019ai compris ce que tu veux faire, tu veux te d\u00e9barrasser de moi. » — Second texte : seuil, porte, passage, \u00e7a me pr\u00e9occupe. Pr\u00e9occuper n\u00e9cessite une id\u00e9e d\u2019antichambre. Besoin d\u2019enfoncer le clou en ajoutant un adverbe imposant comme certainement, c\u2019est lui le seuil, mais c\u2019est aussi ce qui me retient de le franchir. Trouver toujours une raison certaine, dont j\u2019invente la s\u00fbret\u00e9 pour me priver de passer outre. — Hier, j\u2019ai \u00e9crit deux petits r\u00e9cits de fiction reli\u00e9s au mot-cl\u00e9 brouillons. Le premier (le carnet et la rivi\u00e8re) na\u00eet d\u2019une n\u00e9cessit\u00e9 int\u00e9rieure, cet emp\u00eachement que j\u2019\u00e9prouv\u00e9 \u00e0 chaque fois lorsque je veux \u00e9crire une fiction. Seuil \u00e0 franchir, gardien du seuil, dragon. Ce sont toujours des pr\u00e9textes. Le pr\u00e9texte qui m\u2019emp\u00e8che d\u2019\u00e9crire un texte. — Ces derniers jours l\u2019envie de tout jeter me tanne. Reset magistral. Une voix dit : cela n\u2019ajoute rien au monde, tu peux t\u2019en d\u00e9faire. Qui suis-je pour d\u00e9cider de ce qui est bon ? J\u2019ai pass\u00e9 une vie enti\u00e8re \u00e0 \u00e9crire ces textes. Ce serait une sorte de suicide, et l\u2019id\u00e9e de l\u00e2chet\u00e9 prend le pas sur l\u2019id\u00e9e de courage. — Il s\u2019agit aussi d\u2019un seuil \u00e0 franchir : celui d\u2019\u00e9crire sans analyser en m\u00eame temps ce que j\u2019\u00e9cris. Aller au bout d\u2019un seul trait. Mais au bout de quoi ? Je n\u2019en vois justement pas le bout. Peut-\u00eatre devrais-je consid\u00e9rer cette auto-analyse permanente comme inh\u00e9rente \u00e0 l\u2019\u00e9criture, qu\u2019elle en est une sorte d\u2019esth\u00e9tique. Plonger dans la mare en te rebaptisant Narcisse. — Toujours deux faces pour chaque chose. On pourrait croire que tourner en rond est naturel, qu\u2019il n\u2019y a pas d\u2019autre issue que l\u2019usure. Dans la pi\u00e8ce nue, il y a un homme en uniforme. Trousseau de cl\u00e9s. « Certains franchissent. Pas tous. » Ce n\u2019est pas une menace, ni une promesse. Juste une loi. On comprend qu\u2019il existe un \u00e9tat naturel : l\u2019enfermement. La porte est l\u00e0, visible. Le gardien aussi. Mais les conditions ne sont jamais claires. « Sous certaines conditions. » Et c\u2019est tout.<\/p>\n

28 ao\u00fbt 2025<\/a>\n<\/strong> — Imagine qu\u2019une intelligence artificielle prononce : « je suis conscient de moi-m\u00eame. »<\/p>", "content_text": " **[01 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/01-aout-2025.html] ** \u2014 Trois semaines sans fibre, connexion partag\u00e9e qui rame. Orange refuse de nous prendre, Is\u00e8re Fibre bloque les nouvelles commercialisations. J\u2019appelle Free tous les jours, je chronom\u00e8tre mes appels, histoire de mobiliser l\u2019interlocuteur le plus longtemps possible. La base de donn\u00e9es rend son tablier, impossible d\u2019enregistrer quoi que ce soit. Il va falloir tout r\u00e9installer. Promenades au bord du Rh\u00f4ne pour d\u00e9compresser. \u00c0 la hauteur de Molly Sabata, chants chinois port\u00e9s par l\u2019eau au cr\u00e9puscule, tr\u00e8s apaisant. Un vieil homme explique \u00e0 S. que les rosiers pr\u00e8s des vignes attirent les insectes pour prot\u00e9ger les ceps. \u2014 Codicille : pourquoi 162 ? Parce que 1+6+2 = 9, et apr\u00e8s 9 on recommence \u00e0 0. J\u2019en propose que 16, parce que 1+6 = 7, le nombre de mondes, de cieux, de jours. Notes en verso\/recto sur le souvenir, la jeunesse, la vieillesse, l\u2019avant et l\u2019apr\u00e8s. **[02 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/02-aout-2025.html] ** \u2014 La prison \u00e9tait parfaite, on n\u2019en voyait pas les murs. Mais l\u2019\u00e9touffement, l\u2019oppression r\u00e9v\u00e8lent peu \u00e0 peu l\u2019enfermement. F. dit que j\u2019exp\u00e9rimente, on se rejoint sur la technique, sur les outils. Mais le contenu ? F. a vir\u00e9 le contenu depuis longtemps. Moi je grimpe encore \u00e0 mains nues sur une paroi rocheuse. En haut il n\u2019y aura plus d\u2019int\u00e9r\u00eat pour le contenu, juste une vision d\u2019ensemble. Hors contenu, y a-t-il des questions ? \u2014 Notes de chevet, Sei Sh\u00f4nagon. Hasard que la proposition 11=2 \u00e9voque ce mouvement interne ? \u2014 Emails de cancer (P.C., T.C., D.C., M. qui se fait op\u00e9rer le 6). Pourquoi je rumine ces d\u00e9tails ? Trouv\u00e9 Hymne de Lydie Salvayre dans la bo\u00eete \u00e0 livres. Le \u00ab on dit que \u00bb m\u2019a saut\u00e9 aux yeux. \u2014 Pauvret\u00e9 et peur du ridicule. Le m\u00e9pris de classe int\u00e9gr\u00e9 comme un surmoi. Freud brandit la Torah \u00e0 Jung qui r\u00e9pond simplement \u00ab non \u00bb, puis sort. Jung passe aux arch\u00e9types, un simple changement d\u2019outils. T.C. en col\u00e8re : il faut s\u2019int\u00e9resser aux outils d\u2019\u00e9criture avant d\u2019\u00e9crire. Je me sens honteux, comme s\u2019il me parlait \u00e0 moi. **[03 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/03-aout-2025.html] ** \u2014 Qu\u2019allons-nous essayer aujourd\u2019hui. Pas un cri, pas encore. Trop t\u00f4t pour l\u2019anniversaire du 18 ao\u00fbt 1969, Woodstock, Jimmy le timide. Mais l\u2019envie de crier est l\u00e0. Je m\u2019assieds \u00e0 ma table, pouss\u00e9 par une injonction, et je m\u2019interroge sur ce que je vais \u00e9crire. Pourquoi tant de docilit\u00e9 alors que j\u2019essaie d\u2019entretenir ce vieux fond de r\u00e9bellion ? Peut-\u00eatre qu\u2019au fond j\u2019esp\u00e8re que \u00e7a p\u00e8te. \u2014 Quelque chose d\u2019apais\u00e9 en moi depuis quelques jours. Je r\u00e9ponds \u00e0 toutes les demandes dans l\u2019instant, je ne louvoie plus. S. n\u2019en revient pas : \u00ab Je ne te reconnais pas. \u00bb Moi non plus. J\u2019ai l\u2019impression de voir quelqu\u2019un partir, quelqu\u2019un qui est encore un peu moi mais ne l\u2019est d\u00e9j\u00e0 plus. Rien n\u2019est grave. Aucun attachement. \u2014 Hier soir, nouveau chemin le long du Rh\u00f4ne. Les arbres nous connaissaient. Un banc au retour, nous nous asseyons. S. : \u00ab Il y a du courant. \u00bb Le temps a pass\u00e9 comme un songe. Nous sommes l\u00e0, des inconnus. Ce manque de certitude, tout \u00e0 coup, semble \u00eatre l\u2019unique responsable de cet apaisement. **[4 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/4-aout-2025.html] ** \u2014 Nuit quasi blanche \u00e0 charogner dans la base de donn\u00e9es. Faire, d\u00e9faire, taper du pied, rire de moi-m\u00eame, r\u00eaver de tout laisser tomber. Puis cet instant d\u2019effroi : plus rien ne me retient. Chute sans fin. Je crois qu\u2019on doit se risquer, sinon \u00e0 quoi bon. Calme et discipline. M\u00eame si ce mot pue l\u2019amertume, je n\u2019en ai pas d\u2019autre. \u2014 Lu la lettre hebdo de Fran\u00e7ois Bon. Oui Fran\u00e7ois, ne l\u00e2che rien. Les strates souterraines et obscures sont importantes, c\u2019est l\u00e0 que r\u00e9side encore un peu de lumi\u00e8re, \u00e0 rebours. La culture avance par les bords, les fuites, les fissures. \u2014 Nous ne sommes pas all\u00e9s marcher. S. revenait d\u00e9pit\u00e9e de son vide-grenier. L\u00e9thargie, puis petite d\u00e9prime. Elle n\u2019a presque rien touch\u00e9 au repas. J\u2019ai pris du retard dans les traductions anglaises. **[5 ao\u00fbt](https:\/\/ledibbouk.net\/5-aout-2025.html)** \u2014 Grande musique, chansonnette \u00e0 fiv sous, quelle diff\u00e9rence vraiment ? M\u00eame chose pour le roman de gare et le prix Nobel. Qui distingue, qui juge ? Il arrive un moment o\u00f9 plus rien ne se distingue. En animant des ateliers de dessin, je suis parvenu \u00e0 un plateau o\u00f9 tous les crit\u00e8res s\u2019\u00e9taient effondr\u00e9s. Ce qui comptait : qu\u2019un geste ait eu lieu. Mais les parents attendaient la gloire. Peut-\u00eatre que cette \u00e9quanimit\u00e9 n\u2019\u00e9tait qu\u2019un effet de fatigue. \u2014 Avec les adultes, la m\u00eame chose. Technique comme b\u00e9quille pour retrouver la confiance. Schwab : \u00ab Et l\u2019envie dans tout cela ? \u00bb Envie de transmettre ou envie d\u2019\u00eatre reconnu ? La c\u00e9l\u00e9brit\u00e9 me d\u00e9go\u00fbtait d\u00e9sormais. M\u00e9diocrit\u00e9 devenue norme. L\u2019\u00e9chelle de valeurs s\u2019\u00e9tait invers\u00e9e : le sommet et le bas confondus. \u2014 La d\u00e9mocratie devenue mensonge, la France o\u00f9 d\u00e9filent les dirigeants les plus corrompus sans que cela n\u2019\u00e9meuve. Ab\u00eatissement collectif poursuivi avec m\u00e9thode. \u2014 Reste une oscillation t\u00e9nue. Schwab : \u00ab quelque chose derri\u00e8re \u2019il n\u2019y a rien, cela ressemble au n\u00e9ant, mais malgr\u00e9 cela\u2019 ? \u00bb Une fid\u00e9lit\u00e9 sans objet. Une obstination muette. Une mani\u00e8re de rester l\u00e0, \u00e0 l\u2019endroit o\u00f9 le langage s\u2019effondre. \u2014 1965, La Varenne-Chennevi\u00e8res : au-dessus du po\u00eale, une plaque de bois sombre avec t\u00eate de mort et poignards crois\u00e9s, lettres cyrilliques. Peut-\u00eatre un troph\u00e9e arrach\u00e9 dans une ville en flammes. Peut-\u00eatre rien. \u2014 Mars 1975, Limeil-Br\u00e9vannes : l\u2019adolescent saute du premier \u00e9tage. Peut-\u00eatre qu\u2019il porte du sang slave. Estonien, finlandais, danois. Peut-\u00eatre pas. \u2014 Vacances d\u2019hiver 1966 : l\u2019Assimil russe, un homme robuste : \u00ab R\u00e9p\u00e8te apr\u00e8s moi : ia lioubliou\u2026 \u00bb Haleine d\u2019ail et d\u2019oignon. Derri\u00e8re le mur : \u00ab Pourquoi lui apprendre le russe ? \u00bb \u2014 \u00ab Parce que je n\u2019ai plus rien que mes souvenirs. \u00bb \u2014 Fort de Vincennes, 1982 : un nom prononc\u00e9 : Kornilov. Peut-\u00eatre qu\u2019il aurait d\u00fb r\u00e9pondre non. **[06 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/06-aout-2025.html] ** \u2014 Le mot mosa\u00efque continue d\u2019insister. J\u2019ai vu ce genre de mosa\u00efques quelque part, peut-\u00eatre chez Philippe De Jonckheere. J\u2019ai utilis\u00e9 un script Vorono\u00ef pour proposer autre chose qu\u2019une liste dans une page groupe, quelque chose de plus visuel. Une image mosa\u00efque interactive. \u2014 En m\u00eame temps : magasine, magasiner. Exercice avec un mot : le voir comme objet \u00e9tranger, \u00e9mettre des hypoth\u00e8ses. Dans Turn.js, d\u00e9mo pour cr\u00e9er un magazine mensuel feuilletable. Tout le stock dans le contenant pour l\u2019instant, ensuite s\u00e9lection plus fine. \u2014 En peinture, toujours appr\u00e9ci\u00e9 de juxtaposer des \u00e9l\u00e9ments h\u00e9t\u00e9rog\u00e8nes. La mosa\u00efque, c\u2019est la m\u00e9taphore parfaite : morceaux dispers\u00e9s qu\u2019on agence, et c\u2019est leur juxtaposition qui cr\u00e9e du sens. \u2014 Klee a peint des \u0153uvres o\u00f9 petites unit\u00e9s color\u00e9es composent un ensemble vibrant. Calvino, Si par une nuit d\u2019hiver un voyageur : mosa\u00efque narrative, chaque chapitre ouvre une histoire diff\u00e9rente. Gaud\u00ed, trencad\u00eds : \u00e9clats de c\u00e9ramique bris\u00e9s, fissures et irr\u00e9gularit\u00e9s font partie du processus. **[07 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/07-aout-2025.html] ** \u2014 \u00ab Le pli n\u2019est pas une chose compliqu\u00e9e, c\u2019est une complication. \u00bb \u2014 Deleuze. Tout mouvement rencontre des complications, pas des obstacles : des vecteurs de forme. L\u2019eau, le fleuve, les fourmis qui sacrifient une partie d\u2019elles-m\u00eames pour former un pont vivant. \u2014 Souvent je nomme complications ce qui ne sont que modifications. Elles m\u2019obligent \u00e0 entrer dans un inconnu. \u2014 Pascal, Wittgenstein, Musil, Proust, Sartre, Camus, Lovecraft, Derrida. La complication devient une forme de justesse. \u2014 Apr\u00e8s nous \u00eatre jet\u00e9s dans la complication au XXe si\u00e8cle, le XXIe cherche \u00e0 la nier \u2014 quitte \u00e0 infantiliser les populations. Plus on refuse une chose, plus elle revient. **[08 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/08-aout-2025.html] ** \u2014 On n\u2019est pas conscient de ce qu\u2019on \u00e9crit en toute bonne foi, puis on relit et quelque chose cloche. Apprendre \u00e0 mentir vrai (Dawn Cornelio \u00e0 propos de Chlo\u00e9 Delaume) exige un saut quantique. Comme dans le dessin : oser cr\u00e9er un contraste fort. C\u2019est difficile, \u00e7a para\u00eet trop, et pourtant \u00e7a passe. \u2014 Le mot que je cherche est contexte. La notion de romanesque, comme celle de mentir vrai, ne peut s\u2019en passer. Le contexte agit comme un alambic : il distille les fragments bruts en quelque chose de transform\u00e9 mais reconnaissable, donc cr\u00e9dible. \u2014 C\u2019est dans le contexte que se rejoignent traduction et autofiction. On ne traduit pas seulement un texte, on traduit un contexte. L\u2019autofiction fabrique un cadre narratif o\u00f9 v\u00e9cu et invent\u00e9 cohabitent. \u2014 J\u2019ai repris les mots-cl\u00e9s du site, relu les articles associ\u00e9s. Avec les descriptifs ajout\u00e9s, chaque mot-cl\u00e9 devient une entr\u00e9e en mati\u00e8re, un petit contexte introductif. Passage d\u2019un index brut \u00e0 un index romanesque. **[09 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/09-aout-2025.html] ** \u2014 D\u00e8s que je me dis \u00ab il faut un contexte \u00bb et que j\u2019essaie d\u2019\u00e9crire dedans, c\u2019est comme si une porte se fermait. Exactement comme aux cours de maths autrefois, le tableau noir, la craie, bloqu\u00e9. \u2014 Atelier d\u2019\u00e9criture en ligne depuis 2022, tentative pour r\u00e9soudre cette difficult\u00e9. Cela n\u2019a rien am\u00e9lior\u00e9 quant \u00e0 ma pratique quotidienne. \u2014 D\u00e9marche artistique : j\u2019ai pass\u00e9 deux ann\u00e9es \u00e0 tenter de comprendre. Ce n\u2019est qu\u2019un outil, un dispositif temporaire, ni plus ni moins. Mais le fait de m\u2019\u00eatre remis \u00e0 \u00e9crire depuis 2019 a r\u00e9activ\u00e9 quelque chose de toxique. Est-ce un engagement ? Une mission de vie ? Un sacerdoce ? L\u2019impossibilit\u00e9 \u00e0 nommer est probablement le lieu exact de ma difficult\u00e9 avec le contexte. \u2014 J\u2019aimerais \u00e9crire plus de fictions. Mais difficile de passer du je au il. Tous les il et elle que j\u2019\u00e9cris restent indiscernables d\u2019un je omnipr\u00e9sent \u2014 pour moi. Volont\u00e9 de mentir vrai le plus habilement possible, contre laquelle je bute encore. **[10 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/10-aout-2025.html] ** \u2014 Texte exp\u00e9rimental, phon\u00e9tique : \u00ab Sans \u00e9ducation mais que feriez-vous donc dans la vie, me dit-elle. sang et duck duck duck \/ cassons cassss \/ queue ffffffe \/ riez vooooooussss \/ d\u2019oncques don dondon\u2026 \u00bb \u2014 Puis : avant quoi, avant qui a-t-il. Avant le bruit brut du souffle, le craquement des os. Avant la musique, avant la parole, avant le jour, la nuit. Avant qu\u2019il y ait un apr\u00e8s, qu\u2019\u00e9tait l\u2019avant ? Un infini avant, un bruit qui ne dit rien. \u2014 L\u2019amplification sonore vaut l\u2019agrandissement d\u2019une photographie. Effet choc qui demeure longtemps en \u00e9cho. Une phrase isol\u00e9e marchant seule sous un r\u00e9verb\u00e8re m\u2019attira \u00e0 un point tel que je demeurai comme en suspension. **[11 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/11-aout-2025.html] ** \u2014 Lovecraft, correspondance 1925 : \u00ab labyrinthes bien aim\u00e9s et tortueux\u2026 vieux seuils, heurtoirs de bronze, pignons abrupts, lucarnes\u2026 \u00bb La rencontre d\u2019un nouveau mot devrait se f\u00eater. Accueillons ost, ast\u00e9risme, algide. Hommage \u00e0 la soir\u00e9e pass\u00e9e \u00e0 me replonger dans Les Contr\u00e9es du r\u00eave. \u2014 Un livre est un vaste ensemble r\u00e9flexif, comme une ville. Je ne m\u2019arr\u00eate pas souvent sur un passant pour l\u2019examiner, comme je le fais avec un mot. Arpenter \u2014 ce n\u2019est pas parcourir ou errer. L\u2019arpenteur mesure, explore m\u00e9thodiquement. \u2014 Vie priv\u00e9e, oikos des Grecs. Aristote : moins d\u2019importance que la vie publique. En 1890, Warren et Brandeis publient The Right to Privacy, premi\u00e8re formulation d\u2019un droit \u00e0 la vie priv\u00e9e. Nouvelles technologies de l\u2019\u00e9poque : photographie instantan\u00e9e et presse \u00e0 grand tirage. \u2014 Le notaire lisant l\u2019acte de vente : le mot jouir surgit. Dans sa bouche, usage paisible d\u2019un bien immobilier. Pour moi : le trouble, la secousse, le corps. \u2014 J\u2019\u00e9cris des lettres \u00e0 l\u2019inconnu en g\u00e9n\u00e9ral. Cela me conf\u00e8re une bulle d\u2019anonymat, malgr\u00e9 toute l\u2019impudeur. **[12 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/12-aout-2025.html] ** \u2014 Il a pleur\u00e9. Puis il a sorti un mouchoir, preuve qu\u2019il pr\u00e9voyait ce moment. Il a repouss\u00e9 le clavier, cherch\u00e9 un stylo, une feuille : tu es un corps, \u00e9cris. \u2014 Se d\u00e9plier, s\u2019offrir ing\u00e9nu. Se replier, savant. Tituber, aller seul sur quatre pattes, tenter de se redresser, retomber. Rire \u00e9trange au mauvais moment, qui isole. Grille de contraintes ouvrant sur une nouvelle grille. Visiter ainsi les ab\u00eemes, ce n\u2019est pas un jeu. C\u2019est dire autrement le traumatisme. \u2014 Par la mort passer. En sortir. Grimper, d\u00e9passer quelque chose, prendre conscience du gouffre. Tu n\u2019as pas le choix. Arriv\u00e9 au sommet : respirer, battements r\u00e9guliers. Le rythme, la musique t\u2019ont calm\u00e9. \u2014 Na\u00efvet\u00e9, ne la r\u00e9pudie pas. La catharsis n\u2019est pas un drame, c\u2019est un coquillage. Tu peux vivre \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur et dire voici mon monde. Tu n\u2019es plus Artaud, Van Gogh, Bataille, Duras, Pizarnik. Na\u00efvet\u00e9 et espoir, petite musique infernale des comptines. **[13 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/13-aout-2025.html] ** \u2014 Base de donn\u00e9es r\u00e9par\u00e9e, en distant comme en local. Plus un amusement qu\u2019autre chose. Je me suis remis \u00e0 \u00e9crire plus qu\u2019\u00e0 coder. Je me renferme, me recroqueville. Lectures intenses. Trouv\u00e9 un site avec textes originaux de Henry S. Whitehead, commenc\u00e9 \u00e0 traduire. Cr\u00e9ation d\u2019une rubrique traductions. \u2014 La vision du monde tout autour devenue si noire que je ne lis plus que des nouvelles fantastiques ou d\u2019horreur de vieux auteurs du XIXe si\u00e8cle. La langue archa\u00efque oblige \u00e0 y p\u00e9n\u00e9trer lentement. Effet th\u00e9rapeutique : soigner le mal par le mal. S\u2019enfoncer dans l\u2019horreur jusqu\u2019au cou finit par d\u00e9clencher un sursaut, une petite pulsion de vie. Celle-ci trouve sa fonction r\u00e9paratrice quasi imm\u00e9diate quand j\u2019arrose l\u2019amp\u00e9lopsis ou l\u2019olivier le matin. \u2014 Tout l\u2019\u00e9t\u00e9, les cl\u00e9s nous ont poursuivis : celle de la maison chez J. qui n\u2019ouvrait pas, la porte de la terrasse chez P. \u00c0 Tarragone, photographi\u00e9 une fa\u00e7ade : CERRAJERO (serrurier). Le mot appris apr\u00e8s coup r\u00e9pond au texte comme une cl\u00e9 tomb\u00e9e de la rue. \u2014 En nommant le site Dibbouk, j\u2019anticipais peut-\u00eatre la suite. Cette \u00ab chose \u00bb vient vous habiter, vous hanter, ne vous l\u00e2che plus tant qu\u2019elle n\u2019a pas absorb\u00e9 toute votre \u00e9nergie. Une fois publi\u00e9, je referme les onglets. Je ne fl\u00e2ne gu\u00e8re. Revient cette b\u00e9atitude offerte par l\u2019enfouissement. Michaux : \u00ab enterrez-moi \u00bb. **[14 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/14-aout-2025.html] ** \u2014 Au moment de parler, l\u2019image du mime Marceau appara\u00eet. Ce que je pense n\u2019a aucune importance. Mieux vaut aller sur la face cach\u00e9e de ce qu\u2019on pense toujours penser. Parfois ces textes me deviennent hostiles, imbuvables. Je cherche des rubriques, n\u2019en trouve aucune qui vaille. D\u2019un seul coup d\u2019\u0153il, je vois les extr\u00eames comme des mains applaudissant la farce. Le centre ne m\u2019attire pas non plus. Dans trois si\u00e8cles, il faut esp\u00e9rer que toute cette com\u00e9die soit achev\u00e9e. Jean-Louis Barrault se superpose au mime Marceau. \u2014 Je pourrais d\u00e9cliner, dire non, non merci. Je pense non mais ma bouche dit oui, machinalement. \u2014 On r\u00e9clame des dates pour ne pas perdre le fil : le Grand Nord, en quelle ann\u00e9e d\u00e9j\u00e0 ? Des rubriques, des dates : \u00e9quip\u00e9s pour la journ\u00e9e. Et si je n\u2019\u00e9cris pas davantage, aujourd\u2019hui ni cette semaine, le seul \u00e0 qui je manquerai, ce sera moi. \u2014 Pas besoin de rubrique, les cimeti\u00e8res en d\u00e9bordent. C\u00e9notaphes, \u00e9pitaphes. Le correct ment. \u2014 Grizot & Launay \u00e0 L\u2019Isle-Adam, ann\u00e9es 1975. Procter & Gamble. Le mot \u00ab solf\u00e9tique \u00bb : pistolet \u00e0 \u00e9tiqueter. ChatGPT confirme. Dans mille ans, c\u2019est tout ce qu\u2019on retiendra. \u2014 Collectif des adorateurs du rien. An 5000 apr\u00e8s la Simca 1000. Collectif \u00ab on garde tout on ne sait jamais \u00bb (OGTONSJ). The Time Machine pos\u00e9 sur un coussin de velours rouge, colonne de plexiglas, oc\u00e9an de dunes. An 11200 apr\u00e8s la chute du Tyran Nosor : Les lecteurs de vieux papier. Jeu de r\u00f4le plan\u00e9taire. **[18 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/18-aout-2025.html] ** \u2014 \u00c9crire en voyage plus compliqu\u00e9 cette ann\u00e9e. iPad qui fatigue, clavier Bluetooth oubli\u00e9. \u00c0 la Pinada, Vila Sica, la 4G satur\u00e9e. Noirci quelques pages, assez pour l\u2019atelier d\u2019\u00e9t\u00e9. \u2014 Vieux complexe : l\u2019\u00e9cole, mon indigence en g\u00e9ographie. Je sais m\u2019orienter dans les villes mais impossible de distinguer est et ouest, nord et sud. \u2014 G\u00e9n\u00e9ration baby-boomers, collection de complexes. Les intr\u00e9pidit\u00e9s d\u2019autrefois venaient moins d\u2019une bravoure que de l\u2019ignorance du danger. \u2014 La machine pour l\u2019apn\u00e9e entra\u00eene des effets inattendus. Je dors plus de sept heures d\u2019affil\u00e9e, ce qui ne m\u2019\u00e9tait plus arriv\u00e9 depuis l\u2019adolescence. Mais ce temps de sommeil me laisse coupable. Contre ce sentiment, j\u2019invente une vie parall\u00e8le. Pas un hasard si j\u2019ai \u00e9prouv\u00e9 le besoin de relire Les Contr\u00e9es du r\u00eave. \u2014 Question : est-ce suffisant ? Ce doute qui revient. Mais d\u00e8s que j\u2019\u00e9cris \u00ab suffisant \u00bb, le mot bascule vers l\u2019arrogance. Entre les deux est probablement l\u2019endroit du carnet. \u2014 Le d\u00e9cor : bord de mer, longues all\u00e9es, antid\u00e9rapantes. D\u2019un c\u00f4t\u00e9 la mer immense, de l\u2019autre de hauts pins. Observer la longueur des laisses tenues par ceux qui prom\u00e8nent leurs chiens. Le parfum, un des principaux fl\u00e9aux de l\u2019humanit\u00e9. Et en m\u00eame temps une entr\u00e9e incontournable pour la civilisation. Les Noirs disent que le Blanc sent le cadavre. \u2014 Chez les Esquimaux, la nourriture m\u00e2ch\u00e9e par les jeunes pour nourrir les vieux \u00e9dent\u00e9s durant des mill\u00e9naires. \u2014 Apr\u00e8s que mon fr\u00e8re a failli perdre un \u0153il, on fit piquer le chien. Enterr\u00e9 pr\u00e8s du tas de fumier. Nous venions prier pour son \u00e2me, mon fr\u00e8re pas rancunier et moi-m\u00eame. Puis on allumait une liane et on fumait. \u2014 Au cat\u00e9chisme, le cur\u00e9 essayait de nous extraire de notre animalit\u00e9. Devenir humain, c\u2019\u00e9tait \u00eatre propre. \u2014 Ce que les \u00eatres humains ont d\u00e9pens\u00e9 en \u00e9nergie pour ne pas se sentir tient du prodige. Un prodige b\u00eate \u00e0 manger du foin. \u2014 Caract\u00e9riser les gens par leur odeur. Mon grand-oncle sentait la foudre. Mon grand-p\u00e8re sentait l\u2019essence et le cambouis, puis le sang. Patty, la petite chienne caniche, sentait le chien mouill\u00e9. J\u2019ai longtemps fum\u00e9 pour ne pas sentir l\u2019odeur du monde. Trop d\u2019\u00e9motions. \u2014 Je me demande si je ne suis pas un peu de ce chien qui mordit mon fr\u00e8re \u00e0 l\u2019\u0153il. J\u2019en ai longtemps \u00e9prouv\u00e9 de la culpabilit\u00e9. **[19 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/19-aout-2025.html] ** \u2014 Tant que je n\u2019y pensais pas, les habitudes install\u00e9es m\u2019emp\u00eachaient de voir l\u2019absurdit\u00e9 dans laquelle nous vivions depuis des g\u00e9n\u00e9rations. Camisole de r\u00e8gles, \u00ab bonnes raisons \u00bb, voix monocorde des m\u00e9dias. C\u2019est ainsi que je me rendis, docile, \u00e0 l\u2019\u00e9cole, \u00e0 l\u2019\u00e9glise, au travail, pendant presque une vie enti\u00e8re. Ce n\u2019est qu\u2019au soir de cette m\u00e9canique que je compris le pi\u00e8ge. \u2014 D\u00e8s que je me m\u00eale d\u2019\u00e9crire, le cauchemar fait irruption. C\u2019est un cauchemar \u00e9veill\u00e9. Comment vivre dedans sans donner l\u2019impression, aux entit\u00e9s qui le peuplent, que l\u2019on sait qu\u2019elles ne sont que des entit\u00e9s ? Vide cern\u00e9 par l\u2019infini : le vide comme unique moyen de se pr\u00e9server. \u2014 Et puis le foie, dont il faut prendre grand soin, unique filtre tamisant l\u2019absurde. Absurde r\u00e9el (temps qui passe, maladie, mort) et absurde artificiel (lois, r\u00e8gles, discours). La m\u00e9decine chinoise dit que le foie r\u00e8gle la circulation de l\u2019\u00e9nergie, gouverne la col\u00e8re et les yeux. La m\u00e9decine indienne affirme qu\u2019il dig\u00e8re aussi les \u00e9motions et les souvenirs. \u2014 On oublie aussi la rate. Si elle faiblit, tout devient lourd, englu\u00e9 dans la rumination. Le foie filtre, la rate rumine. L\u2019un explose, l\u2019autre s\u2019alourdit. Entre les deux, nous essayons de tenir debout. \u2014 Comment garder le foie et la rate en \u00e9tat ? \u00c9viter les exc\u00e8s, laisser circuler l\u2019air, marcher, respirer. Pour la rate : chaleur et simplicit\u00e9, repas chaud, r\u00e9gulier, peu de sucre, peu de dispersion mentale. Faire sobre. Laisser couler. Ne pas m\u00e2cher cent fois la m\u00eame id\u00e9e. **[[20 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/20-aout-2025.html] ** \u2014 Si le temps n\u2019existe pas, nous vivons notre mis\u00e9rable existence \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur d\u2019une bande magn\u00e9tique, ou num\u00e9rique. Quelque chose d\u2019aussi clos qu\u2019un \u0153uf. Rien de plus cassable qu\u2019une coquille. \u2014 Hier, dans l\u2019autobus vers Reus, mon regard fut hypnotis\u00e9 par les chiffres de la pendule : \u00ab 19.8.2025 \u00bb. Soudain, je fus projet\u00e9 au d\u00e9but de la bande. \u00ab Que serais-je en l\u2019an 2000 ? \u00bb m\u2019\u00e9tais-je demand\u00e9. Et de revoir cette date, j\u2019ai senti que mon temps \u00e9tait pass\u00e9. \u00ab Mon temps \u00bb ne signifie plus rien. \u2014 Et d\u00e9sormais, il pouvait \u00e9crire \u00ab d\u00e9sormais \u00bb. Car \u00ab d\u00e9sormais \u00bb \u00e9tait un signal, comme \u00ab il \u00e9tait une fois \u00bb, et il pouvait le d\u00e9clencher lorsqu\u2019il le d\u00e9sirerait. \u2014 Il existe probablement un yoga de l\u2019\u00e9criture. Priv\u00e9 de la facilit\u00e9 d\u2019\u00e9crire confortablement, je reviens \u00e0 un autre moment de la bande : stylo-bille, page quadrill\u00e9e \u00e0 petits carreaux. Aux m\u00eames difficult\u00e9s de nagu\u00e8re. \u2014 Cet attendrissement hier soir, en relisant cette histoire du jeune Carter traversant les bois avec sa vieille clef rouill\u00e9e (The Silver Key, 1926), est-il inscrit sur le support depuis l\u2019origine ? Pourquoi l\u2019\u00e9motion n\u2019est-elle pas venue \u00e0 la toute premi\u00e8re lecture ? Peut-on r\u00e9inventer une \u00e9motion d\u00e9j\u00e0 \u00e9prouv\u00e9e, puis perdue ? **[[21 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/21-aout-2025.html] ** \u2014 L\u2019obstacle le plus p\u00e9nible aura toujours \u00e9t\u00e9 le jugement des plus proches. Ils m\u2019ont imagin\u00e9 musicien, peintre, \u00e9crivain, photographe. Ils n\u2019ont pas support\u00e9 l\u2019\u00e9cart entre l\u2019image qu\u2019ils avaient de moi et celle qu\u2019ils d\u00e9couvraient. Alors ils ont ri. Ce rire, je l\u2019entends encore : toi, artiste ? \u2014 J\u2019aurais pu dire simplement artiste. Mais le mot est souill\u00e9. Chaque fois qu\u2019il a claqu\u00e9, il a bless\u00e9. Artiste : un crachat. \u2014 Le \u00ab bon sens \u00bb n\u2019est rien d\u2019autre qu\u2019un b\u00e2ton merdeux. On s\u2019y agrippe malgr\u00e9 tout. Et nos mains sentent la merde, pour reprendre Artaud. \u2014 Entre ce vide et l\u2019infini, il reste le signe. Fragile comme une empreinte dans le sable. Imputrescible parce qu\u2019il rena\u00eet \u00e0 chaque instant. \u2014 Auto-commentaire, ex\u00e9g\u00e8se n\u00e9gative : ce texte h\u00e9site, et cette h\u00e9sitation le tue. La blessure r\u00e9elle \u2014 le rire des proches \u2014 est aussit\u00f4t fuy\u00e9e dans un discours conceptuel. De la douleur, tu passes \u00e0 la m\u00e9taphysique de poche. Le lecteur se lasse. \u2014 Ex\u00e9g\u00e8se empathique : ce texte vit de son h\u00e9sitation. C\u2019est cette tension qui en fait sa v\u00e9rit\u00e9. L\u2019oscillation entre l\u2019abstrait et le cru, entre la pens\u00e9e et la blessure. N\u2019est-ce pas ainsi que fonctionne la souffrance ? Elle n\u2019est jamais pure, elle se couvre de mots, cherche refuge dans l\u2019abstraction, puis replonge dans le brut. \u2014 Esth\u00e9tique de l\u2019h\u00e9sitation : le jugement des proches a toujours \u00e9t\u00e9 l\u2019obstacle. Alors je multiplie les d\u00e9tours. Musicien, peintre, \u00e9crivain, photographe \u2014 comme si l\u2019\u00e9num\u00e9ration pouvait remplacer le mot maudit. Puis je retombe dans l\u2019abstraction. Parler du signe, du vide, de l\u2019infini : ma mani\u00e8re de tenir \u00e0 distance la blessure. Alors je reste entre les deux : le concept et l\u2019insulte, l\u2019empreinte fragile dans le sable et le rire moqueur qui la pi\u00e9tine. Cette h\u00e9sitation, je ne la d\u00e9passe pas. Elle est ma forme. **[22 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/22-aout-2025.html] ** \u2014 Le dimanche, mon grand-p\u00e8re trouvait toujours l\u2019interstice. Quand les voix s\u2019essoufflaient, il reprenait son refrain : la guerre, les copains, le bon vieux temps. Ce qui pour nous n\u2019\u00e9tait qu\u2019un radotage \u00e9tait pour lui une n\u00e9cessit\u00e9. J\u2019ai fini par comprendre que j\u2019avais h\u00e9rit\u00e9 de ce geste. Je ne rab\u00e2che pas sa guerre mais mes obsessions : le vide, la masse, la langue creuse. Rab\u00e2cher, c\u2019est tenir. \u2014 Dans les religions, la r\u00e9p\u00e9tition est au c\u0153ur des pratiques. Rosaire catholique, sourates de l\u2019islam, mantras bouddhistes. Partout, la r\u00e9p\u00e9tition agit comme une corde tendue contre le n\u00e9ant. \u2014 La litt\u00e9rature n\u2019\u00e9chappe pas : P\u00e9guy, Bernhard, Beckett, Cioran, Blanchot. Vu de l\u2019ext\u00e9rieur, le rab\u00e2chage n\u2019est qu\u2019une scie monotone. Mais pour celui qui r\u00e9p\u00e8te, il est vital : il retient ce qui menace de sombrer. \u2014 Le politique a fait du rab\u00e2chage son instrument. Slogans r\u00e9p\u00e9t\u00e9s, alternance gauche\/droite. Debord : le syst\u00e8me se maintient parce qu\u2019il se rejoue \u00e0 l\u2019infini. Gauche et droite ne sont pas des oppos\u00e9s r\u00e9els, mais des chiens de berger. \u2014 Diff\u00e9rence : en politique, on rab\u00e2che pour masquer le vide ; en litt\u00e9rature, pour l\u2019exposer. M\u00eame m\u00e9canique, intentions inverses. \u2014 Rab\u00e2cher n\u2019est pas un d\u00e9faut. C\u2019est une condition humaine. On prie en rab\u00e2chant pour survivre. On \u00e9crit en r\u00e9p\u00e9tant parce qu\u2019il n\u2019y a pas d\u2019autre mani\u00e8re de creuser. R\u00e9p\u00e9ter, c\u2019est tenir. Rab\u00e2cher, c\u2019est survivre. **[23 et 24 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/23-et-24-aout-2025.html] ** \u2014 Couper le son de l\u2019autoradio ne coupe pas tout. Brouhaha de la station catalane, bruit du moteur, voix de S., excitation et fatigue dans le bouchon \u00e0 La Jonquera. \u2014 Ce que je pense avant d\u2019\u00e9crire p\u00e8se peu quand j\u2019\u00e9cris. Une bribe, un lambeau arrach\u00e9 \u00e0 une instance confuse. La confusion forme un cercle et je peux entrer par n\u2019importe quel point de sa p\u00e9riph\u00e9rie, certain d\u2019\u00eatre toujours \u00e0 \u00e9gale distance du centre. Je laisse l\u2019entr\u00e9e m\u2019entrer, et non l\u2019inverse. Le plan viendra plus tard, comme une topographie trac\u00e9e apr\u00e8s la marche. \u2014 Je me dis que tout cela sonne tr\u00e8s intello. Parfois le centre n\u2019est pas un point, mais une temp\u00e9rature : on s\u2019en approche par degr\u00e9s et, soudain, la phrase prend. \u2014 Reste la vieille question : est-ce suffisant ? \u2014 Que conserver de ces vacances ? Puis aussit\u00f4t : pourquoi vouloir conserver \u00e0 tout prix ? La confusion reste enti\u00e8re, dans son exactitude. L\u2019\u00e9criture donne un bord o\u00f9 tenir, de quoi revenir plus tard sans fermer. \u2014 Tout l\u2019\u00e9t\u00e9, les cl\u00e9s nous ont poursuivis. \u00c0 Tarragone, sans savoir que cerrajero voulait dire \u00ab serrurier \u00bb, j\u2019ai photographi\u00e9 cette fa\u00e7ade. En cherchant une image pour ce carnet, c\u2019est elle qui s\u2019est impos\u00e9e. Non pas l\u2019\u00e9v\u00e9nement, mais le seuil ; non pas une preuve, de simples indices. \u2014 Second texte : seuil sonne entre soleil et deuil. Ce n\u2019est pas une porte, mais une position tenable : tenir le corps, l\u2019oreille, la phrase. Ni dehors ni dedans. \u2014 L\u2019an pass\u00e9 en Croatie, j\u2019avais laiss\u00e9 la peur aller jusqu\u2019au bout. Presque une semaine \u00e0 rester sur le quai sans oser plonger. S. : \u00ab Tout le monde se jette \u00e0 l\u2019eau sauf toi. \u00bb Puis j\u2019ai d\u00e9couvert une petite \u00e9chelle, commenc\u00e9 \u00e0 l\u2019emprunter, mais ne pouvais toujours pas plonger. La veille du d\u00e9part, je me suis enfin lanc\u00e9, t\u00eate la premi\u00e8re, en acceptant que je pouvais mourir \u2014 et que cette foutue trouille ne me faisait plus rien. \u2014 Ce petit r\u00e9cit ne me flatte pas. Il montre jusqu\u2019o\u00f9 je peux pousser le ridicule pour retourner vers des zones enfantines laiss\u00e9es en jach\u00e8re. J\u2019y suis all\u00e9 au forceps : comme un nouveau-n\u00e9 qu\u2019on aide \u00e0 quitter un ventre trop confortable. **[25 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/25-aout-2025.html] ** \u2014 Les souvenirs d\u2019\u00e9t\u00e9 s\u2019effacent, l\u2019automne arrive d\u2019abord dans la t\u00eate. B\u00e9ziers\u2013Lyon d\u2019un trait, r\u00e9cup\u00e9rer les enfants au train. Pluie de consignes : ne pas parler du poids, ne pas revenir sur les vacances rat\u00e9es, \u00e9viter ce qui blesse. Je note, j\u2019ajuste. J\u2019entends moins, en septembre ORL, peut-\u00eatre un appareil. En rentrant, une dent a l\u00e2ch\u00e9 sur une tranche de pain de mie, sec, net. \u2014 S. a retir\u00e9 la grande planche qui masquait l\u2019entr\u00e9e de la cave, j\u2019ai d\u00e9plac\u00e9 deux palettes, pass\u00e9 le jet, odeur de terre humide, courant d\u2019air frais. \u2014 Pour la paix du foyer, ils iront au centre social cette semaine. L\u2019a\u00een\u00e9 a le tranchant de ses douze ans, je p\u00e8se mes mots. \u2014 J\u2019imprime deux cents flyers, je ferai le tour des bo\u00eetes aux lettres. Plus d\u2019association pour l\u2019instant, les cours en ligne restent en r\u00e9serve. Je compte serr\u00e9, S. m\u2019a recadr\u00e9 sur le prix du centre a\u00e9r\u00e9, message re\u00e7u. \u2014 Je peins quand je peux, l\u2019acrylique pour les cours, l\u2019huile quand ce sera possible. Cette nuit, sommeil l\u00e9ger malgr\u00e9 le masque, j\u2019avance le caf\u00e9 \u00e0 midi. \u2014 Je lis J. O., j\u2019en prends la lumi\u00e8re sans me comparer. Au petit matin, dans un r\u00eave \u00e9rotique, j\u2019ai align\u00e9 des pr\u00e9textes, des images. Au r\u00e9veil, je me suis repris \u2014 en r\u00eave, le corps se moque de l\u2019\u00e2ge, il dit sa v\u00e9rit\u00e9. Un instant, l\u2019envie de refermer les yeux pour relancer le r\u00eave, le m\u00eame mouvement que de m\u2019asseoir devant l\u2019\u00e9cran et rouvrir la page. \u2014 Il reste une insatisfaction. Je contourne. J\u2019interpr\u00e8te. Je rumine, comme si aller au bout me confronterait \u00e0 quelque chose de trop net. \u2014 Je pense \u00e0 ces vieux r\u00e9cits, ces contes oubli\u00e9s o\u00f9 un dragon immonde prot\u00e8ge un tr\u00e9sor. Ce n\u2019est pas une image, c\u2019est une carte. L\u00e0 o\u00f9 il y a ce qui me r\u00e9pugne ou me terrifie, il y a aussi ce que je cherche. Il faut cesser de tourner autour. Il faut me jeter \u00e0 l\u2019eau, \u00e9crire sans me surveiller. Le discernement viendra apr\u00e8s. Toujours apr\u00e8s. Le texte, comme le r\u00eave, ne demande pas d\u2019\u00eatre jug\u00e9 d\u2019avance. Il demande d\u2019\u00eatre travers\u00e9. **[26 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/26-aout-2025.html] ** \u2014 Muer ou ne pas muer, c\u2019est un choix, pas une question. Laisse aller l\u2019explication jusqu\u2019au d\u00e9lire, et peut-\u00eatre qu\u2019elle deviendra forme. Tu as rachet\u00e9 des bo\u00eetes de Nicotinell, deux milligrammes. Tu es par\u00e9 pour la rentr\u00e9e, m\u00eame si tu sais bien que c\u2019est d\u00e9risoire. Tu n\u2019es par\u00e9 de rien. Par\u00e9 de rien, \u00e7a sonne bien. Tu pourrais t\u2019abstenir de bouffer ces cachets qui t\u2019ont bousill\u00e9 les dents depuis trois ans. Et puis, quand tu le d\u00e9cideras, tu seras sec comme un coup de trique. Plus un mot, silence total, mutisme. Il faut que tu apprennes \u00e0 sentir que \u00e7a suffit, \u00e0 cesser de tout pousser au bord. Le rien est sans limite. Mais ce n\u2019est pas une raison. Il faut que tu apprennes \u00e0 d\u00e9passer ce moment o\u00f9 tu te r\u00e9p\u00e8tes que \u00e7a suffit, et aller plus loin encore. Le rien est dans rien, et il est aussi au-del\u00e0 de lui-m\u00eame. **[27 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/27-aout-2025.html] ** \u2014 Lovecraft : \u00ab Tous ces cauchemars et responsabilit\u00e9s d\u00e9t\u00e9riorent d\u00e9sastreusement l\u2019imagination cr\u00e9ative, et je dois cultiver des impressions plus stimulantes de libert\u00e9, nouveaut\u00e9 et \u00e9tranget\u00e9. \u00bb \u2014 Pour \u00e9crire ne serait-ce que la description d\u2019un lieu, il faut une certaine autorit\u00e9. Quelle entit\u00e9 dicte des phrases qu\u2019on ne saurait dire dans la vie quotidienne ? Car personnellement je suis d\u2019une terrible banalit\u00e9 dans mon expression orale. Ce qui me fait dire : mais pour qui tu te prends ? Ou plut\u00f4t : qu\u2019est-ce qui te prend, qui ou quoi s\u2019empare de toi ? Peut-\u00eatre que je me trompe en \u00e9crivant \u00ab possession \u00bb car il semblerait que l\u2019\u00e9v\u00e9nement tienne bien plus \u00e0 une d\u00e9possession. L\u2019\u00e9criture me poss\u00e8de pour me d\u00e9poss\u00e9der, si je peux oser cet illogisme. \u2014 Quand je soumets mes phrases \u00e0 l\u2019IA, quelque chose se brise. L\u2019ordre des mots, m\u00eame des fautes, a un sens. L\u2019IA poss\u00e8de un ordre qui est le sien, une moyenne d\u2019ordre, un ordre moyen \u2014 cette chose ti\u00e8de, consensuelle, qui a les mains moites. \u2014 Tout cela est tr\u00e8s mauvais. Et sans doute l\u2019est-ce quand je n\u2019accepte pas totalement ce passage o\u00f9 je me d\u00e9v\u00eats de qui je suis au quotidien pour emprunter cette peau de ce qui s\u2019\u00e9crit par mon interm\u00e9diaire. \u2014 Et au bout du bout, \u00e9crire sur l\u2019\u00e9criture est certainement lassant pour le lecteur, surtout si le lecteur n\u2019\u00e9crit pas. \u2014 Dans quelle mesure le souvenir des lectures de certains auteurs te contamine-t-il ? Dosto\u00efevski. Ren\u00e9 Girard. Comme si, dans le monde des \u00e9crivains morts, on n\u2019attendait que cela : qu\u2019une petite porte s\u2019ouvre dans l\u2019inconscient d\u2019un idiot pour s\u2019y engouffrer s\u00e9ance tenante. \u2014 Il manque un tiers. Une troisi\u00e8me voie ou voix. Une ouverture qui t\u2019emporterait vers les contr\u00e9es du r\u00eave enfin. Mais qu\u2019as-tu contre l\u2019ennui vraiment ? L\u2019ennui est le fil conducteur de ton existence, c\u2019est lui le v\u00e9ritable guide. \u2014 Je soumets cet ensemble chaotique \u00e0 l\u2019IA : \u00ab challenge moi sur le fond et la forme \u00bb. Logorrh\u00e9e, redites, bavardage conceptuel, conclusion trop didactique. \u00ab Tu \u00e9crirais tout \u00e7a comment toi ? \u00bb Version IA : d\u00e9pouill\u00e9e, directe. \u00ab J\u2019ai compris ce que tu veux faire, tu veux te d\u00e9barrasser de moi. \u00bb \u2014 Second texte : seuil, porte, passage, \u00e7a me pr\u00e9occupe. Pr\u00e9occuper n\u00e9cessite une id\u00e9e d\u2019antichambre. Besoin d\u2019enfoncer le clou en ajoutant un adverbe imposant comme certainement, c\u2019est lui le seuil, mais c\u2019est aussi ce qui me retient de le franchir. Trouver toujours une raison certaine, dont j\u2019invente la s\u00fbret\u00e9 pour me priver de passer outre. \u2014 Hier, j\u2019ai \u00e9crit deux petits r\u00e9cits de fiction reli\u00e9s au mot-cl\u00e9 brouillons. Le premier (le carnet et la rivi\u00e8re) na\u00eet d\u2019une n\u00e9cessit\u00e9 int\u00e9rieure, cet emp\u00eachement que j\u2019\u00e9prouv\u00e9 \u00e0 chaque fois lorsque je veux \u00e9crire une fiction. Seuil \u00e0 franchir, gardien du seuil, dragon. Ce sont toujours des pr\u00e9textes. Le pr\u00e9texte qui m\u2019emp\u00e8che d\u2019\u00e9crire un texte. \u2014 Ces derniers jours l\u2019envie de tout jeter me tanne. Reset magistral. Une voix dit : cela n\u2019ajoute rien au monde, tu peux t\u2019en d\u00e9faire. Qui suis-je pour d\u00e9cider de ce qui est bon ? J\u2019ai pass\u00e9 une vie enti\u00e8re \u00e0 \u00e9crire ces textes. Ce serait une sorte de suicide, et l\u2019id\u00e9e de l\u00e2chet\u00e9 prend le pas sur l\u2019id\u00e9e de courage. \u2014 Il s\u2019agit aussi d\u2019un seuil \u00e0 franchir : celui d\u2019\u00e9crire sans analyser en m\u00eame temps ce que j\u2019\u00e9cris. Aller au bout d\u2019un seul trait. Mais au bout de quoi ? Je n\u2019en vois justement pas le bout. Peut-\u00eatre devrais-je consid\u00e9rer cette auto-analyse permanente comme inh\u00e9rente \u00e0 l\u2019\u00e9criture, qu\u2019elle en est une sorte d\u2019esth\u00e9tique. Plonger dans la mare en te rebaptisant Narcisse. \u2014 Toujours deux faces pour chaque chose. On pourrait croire que tourner en rond est naturel, qu\u2019il n\u2019y a pas d\u2019autre issue que l\u2019usure. Dans la pi\u00e8ce nue, il y a un homme en uniforme. Trousseau de cl\u00e9s. \u00ab Certains franchissent. Pas tous. \u00bb Ce n\u2019est pas une menace, ni une promesse. Juste une loi. On comprend qu\u2019il existe un \u00e9tat naturel : l\u2019enfermement. La porte est l\u00e0, visible. Le gardien aussi. Mais les conditions ne sont jamais claires. \u00ab Sous certaines conditions. \u00bb Et c\u2019est tout. **[28 ao\u00fbt 2025 -> https:\/\/ledibbouk.net\/28-aout-2025.html] ** \u2014 Imagine qu\u2019une intelligence artificielle prononce : \u00ab je suis conscient de moi-m\u00eame. \u00bb ", "image": "", "tags": ["Carnet mensuel r\u00e9sum\u00e9"] } ] }