{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/juillet-2025-3876.html", "url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/juillet-2025-3876.html", "title": "Juillet 2025- Synth\u00e8se du mois", "date_published": "2025-12-21T23:24:11Z", "date_modified": "2025-12-23T08:27:10Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "
1er juillet<\/a><\/strong> — Atelier d\u2019\u00e9criture. F. propose des textes descriptifs fa\u00e7on Annie Ernaux, Journal du dehors<\/em>. Les \"paperoles de Proust\" : ces bandes de papier qu\u2019il collait sur ses manuscrits. Je ne vois pas le rapport. Tant mieux. L\u2019absence de rapport oblige \u00e0 en inventer un.\nRetour en 1985. Aubervilliers, face au centre commercial. Je travaille de jour chez CII \u00e0 Bobigny, de nuit chez IBM en uniforme de gardien. Je marche le long du canal avec M. qui veut un book photo. Des peupliers dans la brume, automne, noir et blanc. J\u2019avais t\u00e9l\u00e9phon\u00e9 \u00e0 Alice Sapritch depuis un rouleau de papier bulle. Elle m\u2019a ri au nez. Francis Huster dans un caf\u00e9 pr\u00e8s de l\u2019Op\u00e9ra : rendez-vous rat\u00e9, Zulawski l\u2019engueulait, il ne se souvenait plus de moi.<\/p>\n RECTO :<\/strong> Parking souterrain, niveau -1. Bornes \u00e9lectriques. Lignes blanches en \u00e9pis. Sortie pi\u00e9ton. Sur la paroi de l\u2019ascenseur, une bite dessin\u00e9e : \"J. est une p.\" Cabinet m\u00e9dical. \"Sonnez et entrez.\" Salle d\u2019attente, climatisation discr\u00e8te. Monoprix angle Grenette. Vigile noir dans l\u2019ombre, personne ne dit bonjour.\nVERSO :<\/strong> La vieille dame choisit son dessert. Chaleur insupportable. \"Il faudrait un rideau.\" Elle lit les \u00e9tiquettes lentement. Sa fille au t\u00e9l\u00e9phone : \"Elle fera la vaisselle, elle aime \u00e7a.\" L\u2019homme va faire sa sieste. \"Rebranche les fils de la t\u00e9l\u00e9, maman.\"<\/p>\n 2 juillet<\/a><\/strong> — Nuit agit\u00e9e. Au petit matin : tout rat\u00e9, tout ne vaut rien. Que faire de tout \u00e7a ? Pr\u00e9senter les choses, c\u2019est les rendre pr\u00e9sentes. Je n\u2019ai que moi-m\u00eame \u00e0 surprendre. Rien ne me surprend vraiment. Dimanche dernier, une assiette s\u2019est fracass\u00e9e en d\u00e9chargeant la voiture. S. \u00e9tait d\u00e9sol\u00e9e. Ce qui est cass\u00e9 ne se recolle pas. Depuis deux semaines, impossible de partager mes textes sur les r\u00e9seaux. Je me suis leurr\u00e9. Je me fiche des interactions. L\u2019important : \u00e9crire chaque matin. Je ne sais m\u00eame pas si ces textes m\u2019int\u00e9ressent.<\/p>\n 3 juillet<\/a><\/strong> — [FICTION]<\/strong> Nulle part o\u00f9 aller. Il s\u2019est enfonc\u00e9 dans les galeries, a atteint une grande salle barr\u00e9e par un lac noir. Assis, \u00e9puis\u00e9, il fouille ses poches, sort son carnet. Ses yeux habitu\u00e9s \u00e0 l\u2019obscurit\u00e9. Hom\u00e8re : nul besoin de voir pour conter. Tout n\u2019est que mensonge. Il a touch\u00e9 le fond. Il note, fid\u00e9lit\u00e9 de chien. \nLa chaleur moins accablante. Les martinets d\u00e9chirent l\u2019air. J\u2019ai trouv\u00e9 une solution : ne donner \u00e0 la chatte que la moiti\u00e9 du sachet le matin, la moiti\u00e9 le soir. Un gros insecte sur le b\u00e9ton. J\u2019ai attrap\u00e9 une godasse, je l\u2019ai \u00e9crabouill\u00e9. Observer : lame \u00e0 aiguiser. Distance, recul salvateur. Ironie cinglante, cynisme mordant. Descente dans un gouffre. Au terminus, un choix : stalactite ou stalagmite. Cynisme ou amour.<\/p>\n 4 juillet<\/a><\/strong> — \u00c7a commence avec l\u2019\u00e9criture inclusive, iels<\/em>, et \u00e7a sort d\u2019un coup : \nIels \u00e9crivent, se congratulent, se lappent. La cour de r\u00e9cr\u00e9. Les billes, les jupes, les dents pointues. Pas pour sourire, pour survivre. Les d\u00e9teste. En rang par deux, vers le perron, la classe, l\u2019entreprise, la guerre. Donnez-vous la main. TVA et recettes fiscales. Cours servir le caf\u00e9 au directeur, au cur\u00e9. Et surtout, ne dis pas bonjour \u00e0 madame l\u2019agent, madame qui joue \u00e0 la dame. Iels \u00e9crivent, se gargarisent. Pour dire quoi ? Rien. Sauf qu\u2019ils ne sont pas seuls. Le politiquement incorrect est le politiquement correct de demain. Je les lis entre les lignes : encore plus de vide. \nFerme ta gueule. Essaie de ne rien dire. C\u2019est le 4 juillet, jour de f\u00eate. Pour les enfants. La fra\u00eecheur d\u00e9tend la peau. O\u00f9 va le monde sinon \u00e0 sa perte ? Parfois c\u2019est purement m\u00e9canique. Pas de m\u00e9taphysique. Tu pourrais aller donner \u00e0 boire aux fleurs. Pratiquer le je\u00fbne, juste pour voir.<\/p>\n RECTO :<\/strong> Mai 1968, 1973, 1989, 2001, 2020, 2025. [R\u00c9CIT]<\/strong> \u00c0 ce stade de la nuit, dans chaque \u00e9poque, quelque chose bascule. Une enfant regarde les \u00e9meutes \u00e0 la t\u00e9l\u00e9. Un adolescent voit le mur de Berlin tomber. Un homme suit le 11 septembre en boucle. Le confinement. Et maintenant, juillet 2025, je code mon site jusqu\u2019\u00e0 l\u2019aube. Une Italienne me dit qu\u2019il faut r\u00e9gler le probl\u00e8me des \u00e9migr\u00e9s. \"Toi c\u2019est pas pareil.\" Je coupe court. Son bateau prend toute la place sur la toile. Un bateau fant\u00f4me sur un oc\u00e9an fant\u00f4me.<\/p>\n 5 juillet<\/a><\/strong> — Lu Capucine et Simon Johannin. J\u2019y reconnais une densit\u00e9. Re\u00e7u un commentaire pour l\u2019atelier. Je ne sais pas quoi r\u00e9pondre. Quelque chose d\u2019implacable me barre le chemin. M\u00eame un simple merci. C\u2019est mieux de la boucler. Ce silence me fait peur. Hier soir, A. et L. sont venus voir le tableau. Ils ont demand\u00e9 mon RIB. Soulag\u00e9, et pas vraiment. Plus tard, j\u2019ai parl\u00e9 d\u2019\u00e9criture. Erreur. Ils ont demand\u00e9 \u00e0 lire. \"Non, vous ne pouvez pas.\" M\u00eame force implacable. Je n\u2019ai pas ferm\u00e9 l\u2019\u0153il.<\/p>\n 6 juillet<\/a><\/strong> — Le jugement, c\u2019est le silence. P. : trente-cinq ans sans lui parler. M. : deux ans. Le jugement, c\u2019est la mort. On meurt plusieurs fois dans une vie. Victimes et assassins. Parfois ils sont silencieux parce que tu n\u2019existes pas. Tu as exist\u00e9 cinq minutes. Ils t\u2019ont tu\u00e9 sans gros titre. Ils n\u2019en ont rien \u00e0 foutre. La famille, l\u2019\u00e9cole, l\u2019entreprise : des fa\u00e7ades. Bikini Kill \u00e0 fond, huit heures tapantes. Kathleen Hanna, c\u2019est moi aussi. \"Reject All American.\" Faire chier le voisinage, c\u2019est un principe d\u2019hygi\u00e8ne. Continuer \u00e0 se branler \u00e0 soixante-cinq balais. Ne jamais r\u00e9pondre au t\u00e9l\u00e9phone. Lu un truc : \"Quand c\u2019est mauvais, ne le montrez pas.\" Mon pauvre. Le contraire. Quand c\u2019est mauvais, publie-le encore plus. Opposer le bon mauvais au mauvais bon. Rage non exclusive. Kathleen Hanna \u00e9tait strip-teaseuse. Comme Kathy Acker.<\/p>\n 7 juillet<\/a><\/strong> — Il y a la fente, l\u2019\u00e9closion, l\u2019ouverture. Il y a le lever du soleil, le chant, le bleu. Il y a le souffle, l\u2019air, le rien, l\u2019espace. Il y a la main qui s\u2019ouvre sans pens\u00e9e. Il y a le sang qui coule, le c\u0153ur qui bat, la danse. Il y a ce que l\u2019on pense, ce que l\u2019on ne voudrait pas penser. Il y a la fatigue, la lutte, l\u2019ignorance. Il y a la peur. Et l\u2019abandon. La chute vertigineuse. Il y a le temps pour s\u2019adapter. Il y a l\u2019\u00e9veil au go\u00fbt de cendre. Le silence. Il y a la mort, l\u2019oubli, l\u2019absence. Il y a un coq qui chante, une cloche, le souvenir des hirondelles. Il y a un printemps. Il y a des poussins qui traversent la boue. Oui, tout cela est vrai et tout cela est faux.<\/p>\n 8 juillet<\/a><\/strong> — Chez moi, difficile de le dire. Je dis dans la ville, dans la maison. \u00c7a ne m\u2019appartient pas. Je disais ma maison, enfant. Notre chambre, avec mon fr\u00e8re. Rarement mon jardin, mon \u00e9cole. Si je traduis ce texte en anglais, c\u2019est pour que son sens me revienne autrement. Par le son plus que par la pens\u00e9e. Home<\/em>. Pour que le home<\/em> remplace le chez<\/em>. Parler d\u2019\u00e2me et non de bien. Home<\/em> c\u2019est h\u0101m<\/em>, c\u2019est heim<\/em>. Le village natal. Chez eux. Chez moi : ce vide. Apr\u00e8s m\u2019\u00eatre heurt\u00e9 au m\u00eame mur, j\u2019ai fait ce pas de c\u00f4t\u00e9. L\u2019interstice. Pas chez eux, pas chez moi. L\u2019entre-deux.<\/p>\n 10 juillet<\/a><\/strong> — Quand je n\u2019aurai plus rien, j\u2019aurai au moins \u00e7a. \u00c7a tourne. Encore. Puis plus rien. \u00c7a retombe. Je le savais. Je ne suis pas dupe. Toutes les exaltations, toutes les afflictions. Je serai libre, pensais-je. Rien d\u2019autre ne me suit. M\u00eame pas mon ombre. Partie un soir de mai.\n[FICTION]<\/strong> Le malentendu \u00e9tait assis sur ma chaise. Je me sentais nu. Lui aussi. \"Comment dois-je vous appeler ?\" \"Appelez-moi Malone.\" Il jeta un coup d\u2019\u0153il \u00e0 sa montre. Un avion passa. \"Vous vouliez me demander quelque chose ?\" Un rai de lumi\u00e8re, des grains de poussi\u00e8re. Une chambre d\u2019enfant. \"Vous m\u2019avez convoqu\u00e9 pour autre chose que la r\u00e9miniscence de ces fadaises.\" C\u2019est mon probl\u00e8me : aller droit vers un but. La ligne devient courbe, je tourne en rond. \"Quelles choses, bon dieu, parlez !\" Je me recroqueville, deviens un point noir entre les fentes du parquet. \"Que faites-vous pour exister ?\" \"J\u2019\u00e9cris. 1000 \u00e0 1500 mots par jour.\" \"Et \u00e7a vous sert \u00e0 quoi ?\" \"\u00c0 rien.\" \"Si vous \u00e9crivez, c\u2019est pour \u00eatre lu.\" \"Non. \u00c7a aussi, \u00e7a m\u2019est pass\u00e9.\" Malone sifflota. \"\u00c0 quelle heure est la bouffe ?\" \"Vous esquivez.\" \"Quand je m\u2019ennuie, j\u2019ai faim.\" \"Moi aussi.\" \"Vous auriez du caneton ?\" Et de nous tenir les c\u00f4tes.<\/p>\n 11 juillet<\/a><\/strong> — Sans doute que tout ce que j\u2019\u00e9cris n\u2019inspire qu\u2019un malaise. L\u2019\u00e9criture est une rustine sur ce malaise. Je pourrais garder \u00e7a dans un tiroir. Mais ce serait insatisfaisant intellectuellement. Si je publie, c\u2019est pour montrer un chemin emprunt\u00e9 depuis trente ans. Ce n\u2019est pas de la litt\u00e9rature, ni de la philosophie, ni de l\u2019art. C\u2019est un objet ind\u00e9finissable. C\u2019est \u00e0 la collectivit\u00e9 de le dire, sans que je veuille vraiment entendre. La crainte du faux self : la peur que le vrai soit lu comme impudique, que le nu soit obsc\u00e8ne. Mais je ne peux m\u2019y opposer. Cette blessure anticip\u00e9e est d\u00e9j\u00e0 caut\u00e9ris\u00e9e. L\u2019immersion dans mon propre ridicule a \u00e9t\u00e9 travers\u00e9e tant de fois. C\u2019est un risque : montrer la prison de jugement dans laquelle nous sommes reclus. Si cela aide quelqu\u2019un \u00e0 en prendre conscience, ce texte ne sera pas inutile.<\/p>\n 13 juillet<\/a><\/strong> — Le masque n\u2019est plus \u00e9tanche. Sifflement de l\u2019air qui s\u2019\u00e9chappe, insupportable. Scroll\u00e9 sur YouTube. Tout m\u2019\u00e9nerve. M\u00eame lire Beckett. L\u2019existence, dans sa platitude, m\u2019exasp\u00e8re. Pas de nostalgie. Juste foncer dans le pire. Entre deux et trois heures, j\u2019ai r\u00eav\u00e9 d\u2019une nouvelle. Un type persuad\u00e9 d\u2019\u00eatre \u00e0 gauche qui glisse vers l\u2019extr\u00eame droite. Ironie. Les gens s\u2019emmerdent ou flippent. La vieille question : qu\u2019est-ce que je vais foutre de moi-m\u00eame ? Tout continue. Je ne sais pas si l\u2019on peut dire \"comme avant\". \u00c7a continue, c\u2019est tout. Je pensais \u00e0 Balzac, Zola. Dix millions de mots dans la Com\u00e9die humaine, cinq millions dans les Rougon-Macquart. Et qu\u2019en ai-je retenu ? Un doute s\u00e9rieux sur la v\u00e9racit\u00e9 des r\u00e9cits, des intentions. C\u2019est l\u00e0 que j\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 ruer dans les brancards.<\/p>\n 14 juillet<\/a><\/strong> — [R\u00c9CIT : Cabine 32567]<\/strong> Les cabines t\u00e9l\u00e9phoniques ont \u00e9t\u00e9 financ\u00e9es par l\u2019\u00c9tat pendant 40 ans. Milliards d\u2019euros. En 1997, privatisation de France T\u00e9l\u00e9com. En 2016, obligation lev\u00e9e. Orange d\u00e9monte. Veolia r\u00e9cup\u00e8re les mat\u00e9riaux. Service public d\u00e9mantel\u00e9 \u00e0 profit. Sans d\u00e9bat. Sans m\u00e9moire. 300 000 cabines en 1997. Moins de 40 000 en 2016. Aluminium anodis\u00e9, verre tremp\u00e9 griff\u00e9, combin\u00e9 lourd. Odeur de m\u00e9tal chauff\u00e9, d\u2019urine, de plastique ancien. Elle \u00e9tait l\u00e0, imposante et vide. On ne se retourne pas quand une cabine dispara\u00eet. Mais 1% de 65 millions, c\u2019est encore 650 000 personnes. Dernier appel, peut-\u00eatre.<\/p>\n 15 juillet<\/a><\/strong> — R\u00e9veill\u00e9 par le bruit d\u2019une perceuse. Les travaux ne s\u2019arr\u00eatent jamais. On r\u00e9pare, on colmate, on d\u00e9truit pour reconstruire la m\u00eame erreur. Lu un article sur l’obsolescence programm\u00e9e des objets, mais qu’en est-il de celle des id\u00e9es ? On change de logiciel politique comme on change de smartphone. — Sentiment d\u2019inutilit\u00e9 devant l\u2019\u00e9cran. Le code est propre, mais le sens s\u2019effiloche. S. dit que je passe trop de temps dans le \"virtuel\". Comme si le reste \u00e9tait plus r\u00e9el. Un meuble en kit, une facture d’eau, une dent qui grince. C’est \u00e7a, la r\u00e9alit\u00e9 ?<\/p>\n 18 juillet<\/a><\/strong> — Visite \u00e0 la d\u00e9chetterie. Spectacle fascinant de ce que nous rejetons. Des montagnes de plastique, de vieux \u00e9crans cathodiques qui ressemblent \u00e0 des yeux crev\u00e9s. Un homme jetait des livres. J’ai failli l’arr\u00eater. Puis je me suis ravis\u00e9 : pourquoi sauver ce qui a d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 abandonn\u00e9 ? — En rentrant, j’ai relu mes notes sur le silence. C\u2019est la seule r\u00e9ponse honn\u00eate au vacarme. Mais \u00e9crire, c’est d\u00e9j\u00e0 rompre le silence. Contradiction permanente. On \u00e9crit pour se taire enfin, mais le mot suivant arrive toujours.<\/p>\n 21 juillet<\/a><\/strong> — [FICTION] Le tunnel d\u00e9bouchait sur une voie ferr\u00e9e d\u00e9saffect\u00e9e. Malone marchait devant, les mains dans les poches. \"On arrive quand ?\" \"On n’arrive jamais, on transite.\" Des herbes folles poussaient entre les traverses. Un wagon de marchandises rouill\u00e9 servait d’abri \u00e0 un chien errant. Malone s’arr\u00eata brusquement. \"\u00c9coutez.\" Rien. \"Exactement,\" dit-il avec un sourire carnassier. \"C’est le bruit de votre avenir.\"<\/p>\n 24 juillet<\/a><\/strong> — La chaleur revient. Une chape de plomb sur la ville. Les gens marchent comme des somnambules, les yeux riv\u00e9s sur leur reflet dans les vitrines. — J\u2019ai repris la lecture de Lovecraft. Cette horreur indicible qui ne vient pas de l’espace, mais des profondeurs de nous-m\u00eames. On se croit civilis\u00e9 parce qu’on a le Wi-Fi, mais on tremble d\u00e8s que l’obscurit\u00e9 dure trop longtemps. — Pens\u00e9 \u00e0 mon p\u00e8re. Sa mani\u00e8re de fumer sa cigarette dans le jardin, immobile, le regard perdu dans les sapins. Il ne disait rien. Aujourd’hui, je comprends ce silence. C’\u00e9tait sa cabine t\u00e9l\u00e9phonique \u00e0 lui, un lien avec un monde qui n’existait d\u00e9j\u00e0 plus.<\/p>\n 27 juillet<\/a><\/strong> — Brouillon de texte sur l\u2019effondrement. Pas l\u2019effondrement spectaculaire des films, mais le lent effritement. La peinture qui s\u2019\u00e9caille, le vocabulaire qui s\u2019appauvrit, la patience qui s’use. On devient des spectateurs de notre propre disparition. — Re\u00e7u un mail de P. C’est court, poli, glacial. Le pass\u00e9 est une terre \u00e9trang\u00e8re o\u00f9 on n’a plus de visa. On regarde par-dessus la cl\u00f4ture, mais on ne peut plus entrer.<\/p>\n
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