{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/fin-d-ete.html", "url": "https:\/\/www.ledibbouk.net\/fin-d-ete.html", "title": "Fin d'\u00e9t\u00e9", "date_published": "2025-10-31T16:39:15Z", "date_modified": "2025-10-31T16:39:15Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "
Le ciel est blanc — un blanc de craie, comme il vient sur les buttes, \u00e0 la fin des vacances.
\nLes charmes et les fr\u00eanes ne bougent pas. Je marchais entre eux pour me perdre.
\nL\u2019herbe des pr\u00e9s de fauche est s\u00e8che, jaunie l\u00e0 o\u00f9 j\u2019ai pos\u00e9 le pied.
\nUne vache charolaise m\u00e2che. Le bruit monotone accompagne mes errances.
\nLe chemin creux monte, vide. Il tourne au niveau d\u2019une borne moussue — je ne sais plus vers o\u00f9.
\nLa maison en gr\u00e8s de mes grands-parents — les volets clos en plein jour. Une tuile plate a gliss\u00e9.
\nLe toit a des laves fissur\u00e9es. Je les comptais, des apr\u00e8s-midi entiers.
\nLe temps ne passe pas. Seul un nat coule quelque part, invisible, comme le temps lui-m\u00eame.
\nJe reste debout pr\u00e8s d\u2019une haie pless\u00e9e. Mes mains touchent les prunelles dures, am\u00e8res.
\nJe pense \u00e0 des choses que j\u2019ai oubli\u00e9es. Peut-\u00eatre les ai-je seulement r\u00eav\u00e9es.
\nLe silence n\u2019est pas un silence. C\u2019est l\u2019absence de voix qui m\u2019appellent.
\nL\u2019ennui n\u2019est pas un sentiment. C\u2019est un \u00e9tat.
\nComme \u00eatre une borne, un tesson de gr\u00e8s, un piquet de fr\u00eane.
\nQuelque part, un fil \u00e9lectrique pend entre deux poteaux. Il bouge \u00e0 peine.
\nJe pourrais rester l\u00e0 longtemps. Personne ne viendrait.
\nEt c\u2019\u00e9tait cela, l\u2019enfance : se perdre pour exister un peu.<\/p>",
"content_text": " Le ciel est blanc \u2014 un blanc de craie, comme il vient sur les buttes, \u00e0 la fin des vacances. Les charmes et les fr\u00eanes ne bougent pas. Je marchais entre eux pour me perdre. L\u2019herbe des pr\u00e9s de fauche est s\u00e8che, jaunie l\u00e0 o\u00f9 j\u2019ai pos\u00e9 le pied. Une vache charolaise m\u00e2che. Le bruit monotone accompagne mes errances. Le chemin creux monte, vide. Il tourne au niveau d\u2019une borne moussue \u2014 je ne sais plus vers o\u00f9. La maison en gr\u00e8s de mes grands-parents \u2014 les volets clos en plein jour. Une tuile plate a gliss\u00e9. Le toit a des laves fissur\u00e9es. Je les comptais, des apr\u00e8s-midi entiers. Le temps ne passe pas. Seul un nat coule quelque part, invisible, comme le temps lui-m\u00eame. Je reste debout pr\u00e8s d\u2019une haie pless\u00e9e. Mes mains touchent les prunelles dures, am\u00e8res. Je pense \u00e0 des choses que j\u2019ai oubli\u00e9es. Peut-\u00eatre les ai-je seulement r\u00eav\u00e9es. Le silence n\u2019est pas un silence. C\u2019est l\u2019absence de voix qui m\u2019appellent. L\u2019ennui n\u2019est pas un sentiment. C\u2019est un \u00e9tat. Comme \u00eatre une borne, un tesson de gr\u00e8s, un piquet de fr\u00eane. Quelque part, un fil \u00e9lectrique pend entre deux poteaux. Il bouge \u00e0 peine. Je pourrais rester l\u00e0 longtemps. Personne ne viendrait. Et c\u2019\u00e9tait cela, l\u2019enfance : se perdre pour exister un peu.",
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"tags": ["Essai sur la fatigue"]
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"title": "Nuit",
"date_published": "2023-06-11T07:47:22Z",
"date_modified": "2025-06-23T08:41:59Z",
"author": {"name": "Auteur"},
"content_html": "
Quand la nuit reprendra tout, lasse de ses r\u00eaves de lumi\u00e8re<\/p>\n
la nuit-femme,
\nla nuit-m\u00e8re,
\nla nuit d\u00e9vergond\u00e9e,
\nla nuit-enfant,
\nla nuit recycl\u00e9e,
\ndescendra de son grand v\u00e9lo.
\nElle aura fait un si long tour
\nqu\u2019elle en rira peut-\u00eatre.<\/p>\n
Et, comme un enfant,
\nje p\u00e9n\u00e9trerai la nuit
\ndans un r\u00eave d\u2019homme,
\nde vieillard,
\nde moribond.<\/p>\n
Et le voyou tutoiera le saint.<\/p>\n
Les chiens seront des chats.
\nLes chattes, des chiennes.
\nDes ours bruns s\u2019approcheront,
\ndes colibris flotteront \u00e0 hauteur d\u2019\u00e9paule.
\nIl y aura de la salsepareille,
\ndu jasmin,
\ndes pollens inconnus.<\/p>\n
Il y aura tout ce qui, d\u2019ordinaire,
\nse tient tapi dans l\u2019ombre,
\nau pied d\u2019un mur,
\nle souffle suspendu.<\/p>\n
Et il y aura surtout
\nl\u2019extraordinaire b\u00e9ance noire
\ndes l\u00e8vres peintes en noir,
\nla langue obscure de l\u2019anthracite,
\nmurmurant des promesses
\nau jais,
\nau naphte,
\n\u00e0 la bauxite.<\/p>\n
Jailliront alors
\nde toutes parts
\nles geysers puissants
\ndu silence assourdissant.<\/p>\n
On les \u00e9coutera.
\nOn ne les verra pas.<\/p>\n
Je baiserai la nuit ; elle me baisera.
\nNous baiserons l\u2019horizon infini,
\njusqu\u2019\u00e0 nous rejoindre
\ndans un cri muet.<\/p>\n
J\u2019aimerai cette nuit.
\nElle m\u2019aimera.
\nNous n\u2019aurons plus rien d\u2019autre \u00e0 faire
\nque cela :
\nnous aimer,
\nproduire la nuit,
\ncomme un enfant,
\nde nuit en nuit,
\ndans la nuit.<\/p>\n
Un foulard de soie resserr\u00e9
\n\u00e9troitement
\nautour de nos vies<\/p>",
"content_text": " Quand la nuit reprendra tout, lasse de ses r\u00eaves de lumi\u00e8re la nuit-femme, la nuit-m\u00e8re, la nuit d\u00e9vergond\u00e9e, la nuit-enfant, la nuit recycl\u00e9e, descendra de son grand v\u00e9lo. Elle aura fait un si long tour qu\u2019elle en rira peut-\u00eatre. Et, comme un enfant, je p\u00e9n\u00e9trerai la nuit dans un r\u00eave d\u2019homme, de vieillard, de moribond. Et le voyou tutoiera le saint. Les chiens seront des chats. Les chattes, des chiennes. Des ours bruns s\u2019approcheront, des colibris flotteront \u00e0 hauteur d\u2019\u00e9paule. Il y aura de la salsepareille, du jasmin, des pollens inconnus. Il y aura tout ce qui, d\u2019ordinaire, se tient tapi dans l\u2019ombre, au pied d\u2019un mur, le souffle suspendu. Et il y aura surtout l\u2019extraordinaire b\u00e9ance noire des l\u00e8vres peintes en noir, la langue obscure de l\u2019anthracite, murmurant des promesses au jais, au naphte, \u00e0 la bauxite. Jailliront alors de toutes parts les geysers puissants du silence assourdissant. On les \u00e9coutera. On ne les verra pas. Je baiserai la nuit ; elle me baisera. Nous baiserons l\u2019horizon infini, jusqu\u2019\u00e0 nous rejoindre dans un cri muet. J\u2019aimerai cette nuit. Elle m\u2019aimera. Nous n\u2019aurons plus rien d\u2019autre \u00e0 faire que cela : nous aimer, produire la nuit, comme un enfant, de nuit en nuit, dans la nuit. Un foulard de soie resserr\u00e9 \u00e9troitement autour de nos vies ",
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